menu poètes
menu zola
sommaire

Emile Zola
Les Personnages des Rougon-Macquart

Certaines Oeuvres ont été mises par mes soins en RTF ( word ) ou PDF
afin de les visualiser - télécharger gratuitement la visionneuse Word ICI


 

 

 


 

 

Gabet (La Mère). — Vieille journalière de Beaumont. On la loue tous les trois mois chez les Hubert pour la lessive [102]. Elle demeure rue des Orfèvres. Atteinte de sciatique, gardant le lit, réduite au plus profond dénûment, la mère Gabet est secourue par Angélique Marie et par Félicien de Hautecœur [119]. (Le Rêve.)

Gaga. — Une vieille garde. A fait les déliées des premières années du règne de Louis-Philippe. C'est une grosse femme, sanglée dans son corset, une ancienne blonde devenue blanche et teinte en jaune, dont la figure ronde, rougie par le fard, se boursoufle sous une pluie de petits frisons enfantins [12]. Elle a des paupières bleuies, aux cils brûlés. Gaga, qui a connu Irma d'Anglars, une ancienne du premier Empire [215], travaille encore, elle a toujours des hommes, surtout de très jeunes, dont elle pourrait être la grand'mère [110]. Traînant partout sa fille Lili, elle affecte de vouloir la marier, car un bon ménage doit valoir mieux que tout, puisqu'elle, Gaga, a son âge, n'a pas mis un sou de côté; elle finit néanmoins par vendre la petite au marquis de Chouard [402]. Gaga est violemment bonapartiste. Le règne de la branche cadette a été une époque de panés et de grigous; la république de quarante-huit lui a fait l'effet d'une dégoûtation, car elle y a crevé de faim; son avis est que les dames devraient se mettre a genoux devant Napoléon 111 qui a été leur père [521]. Par une rare malchance, elle vient d'achever de payer sa petite maison de Juvisy lorsque la guerre éclate; si les Prussiens viennent, ils brûleront tout [519]. (Nana.)

Gagebois. — Verrerie à Montsou. La grève des mineurs l'amène à éteindre ses feux [425]. (Germinal.)

Gagnière. — Un peintre, de la bande de Claude Lantier. Petit, vague, il a une figure poupine et étonnée, avec des yeux verts et une légère barbe blonde. Originaire de Melun, fils de gros bourgeois qui lui ont laissé là-bas deux maisons, il a appris la peinture tout seul dans la forêt de Fontainebleau, il dessine des paysages consciencieux, d'intentions excellentes [96j. Ses scrupules de conscience artistique Je tiennent pendant des mois sur une toile grande comme la main. A la suite des paysagistes français, ces maîtres qui ont les premiers conquis la nature, il se préoccupe de la justesse du ton, de l'exacte observation des valeurs, en théoricien dont l'honnêteté finit par alourdir la main; et, souvent, il n'ose plus risquer une note vibrante, il est d'une tristesse grise qui étonne [102].

Sa vraie passion est la musique, une folie de musique, une flambée cérébrale qui le met de plain-pied avec les plus exaspérés de la bande. S'il s'indigne devant la foule qui hue le Plein Air de Claude Lantier, c'est parce qu'il reconnaît autour de lui les imbéciles qui sifflent Wagner chaque dimanche, aux concerts Pasdeloup [165]. On le retrouve, plus tard, enfoncé dans la théorie des couleurs complémentaires, intéressé par ce principe mathématique, qui fait entrer la science dans la peinture; mais il reste toujours fou de musique, ayant des sourires d'extase devant Haydn, à la petite voix chevrotante d'aïeule poudrée, Mozart, le génie précurseur qui a donné à l'orchestre une voix individuelle, Beethoven que ces deux-là ont fait, l'héroïque logicien Beethoven, le pétrisseur de cervelles, le créateur de la symphonie avec chœurs d'où sont partis tous les grands d'aujourd'hui; et il ne tarit pas sur les romantiques Weber et Schubert, sur Rossini, le don en personne, si étonnant par l'abondance de son invention, sur Meyerbeer, le malin qui a profité des trois autres; et il exalte Berlioz, le Delacroix de la musique, et Chopin, le poète envoie des névroses, et Mendelssohn, le ciseleur impeccable, et Schumann, dont le chant plane sur les ruines du monde, et enfin Wagner, le dieu en qui s'incarnent des siècles de musique [265].

Son amour .pour cet art qu'il préfère à tout l'a poussé à prendre des leçons de piano chez une vieille demoiselle [213]. Il se fixe à Melun, où il habite une de ses deux maisons, en vivant chichement de la location de l'autre. Il s'est marié avec sa maîtresse de piano, qui lui joue du Wagner le soir [342]. Deux ou trois fois par mois, Gagniére vient à Paris, tout effaré, pour un concert [411]; il continue à exposer tous les ans un bord de Seine, d'un joli ton gris, consciencieux et si discret que le public ne le remarque jamais. D'ailleurs, l'homme ne change pas, il blondit en vieillissant [439], mais si l'âge semble le rajeunir au physique, son moral s'aigrit, le succès des autres lui allonge les dents; d'accord avec Maboudeau, il massacre les Jory et les Fagerolles, dont la réussite l'exaspère, et il s'acharne sur Claude, qui est à terre, celui-là, et qu'il regrette d'avoir fréquenté [449]. (L'Œuvre.)

Galissard. — Mercier à Plassans. Marie sa fille au professeur Lalubie. C'est une jolie petite blonde, à qui Claude Lantier et Sandoz allaient donner des sérénades [36]. (L'Œuvre.)

Garçonnet. — Maire de Plassans. Légitimiste placé en 1849 à la tête de la municipalité. Fort riche, délicat, coquet, a fait installer à la mairie, derrière son cabinet officiel, un élégant réduit. Il est très lié avec le clergé et voit sans enthousiasme un coup d'Etat bonapartiste; néanmoins il fait afficher les dépêches du nouveau gouvernement [123] et est arrêté dans la nuit du 7 décembre, à la mairie, parles insurgés [187] qui le traitent avec douceur [256], l'emmènent comme otage et l'enferment dans l'auberge de la Mute blanche, à Saint-Roure [259]. Délivré le 12 par les troupes de l'ordre [267], il rentre en carriole à Plassans avec les autres libérés [361] et offre un dîner d'apparat au préfet, M. de Blériot, et au colonel Masson [312] qui viennent de noyer l'insurrection dans le sang. (La Fortune des Rougon.)

Gartlauben (de). — Capitaine de la landwehr. Pendant l'occupation prussienne, à partir de la seconde quinzaine de septembre, il loge à demeure chez les Delaherche, à Sedan. Toujours sanglé dans son uniforme, grand et gros, il ment sur son âge, désespéré de ses quarante-cinq ans. Malgré son grade modeste, c'est un puissant personnage, car il a pour oncle un gouverneur général installé à Reims et qui exerce sur toute la région un pouvoir absolu. Avec plus d'intelligence, le capitaine pourrait être terrible, mais sa vanité outrée le met dans une continuelle satisfaction, jamais il n'en vient à supposer qu'on veuille se moquer de lui [546]. Séduit par la grâce de Gilberte, il a fini par tomber amoureux fou de la jeune femme, il se soigne beaucoup, déploie une coquetterie outrée et se contente de la moindre faveur, tourmenté de l'unique souci de n'être pas pris pour un barbare, pour un soldat grossier, violentant les femmes [551]. Il rend des services aux Delaherche et adoucit pour eux les rudesses de l'occupation. (La Débâcle.)

Gasc. — Propriétaire d'une écurie de courses. Fait courir le Grand Prix de Paris par Boum [388]. (Nana.)

Gasparine. — Cousine de Rose Domergue. Elles ont vécu leur première jeunesse à Plassans. Gasparine était une belle fille pauvre, grande et désirable avec ses beaux yeux. L'architecte Campardon l'a aimée, puis abandonnée pour épouser Rose, dont la dot le tentait, et Gasparine s'est réfugiée à Paris auprès d'une tante couturière. Plus tard, on la retrouve première demoiselle au comptoir de lingerie chez les Hédouin, où elle gênera pendant quelque temps Octave Mouret. Séchée peu à peu, elle est devenue maigre, anguleuse, avec la mâchoire saillante et les yeux durs, n'ayant gardé que ses grands yeux superbes, dans son visage devenu terreux. Elle a un front jaloux, la bouche ardente et volontaire. Campardon est son amant; Rosé, devenue impotente à la suite de couches, a elle même régularisé le partage. Grâce à cette tranquille complaisance et au large égoïsme de Campardon, Gasparine s'est installée dans la maison, en parente pauvre qui s'incline devant les toilettes et les grâces de la cousine riche [209], mais elle a pris une autorité de plus en plus large, domptant les bonnes, s'occupant de tout, assurant son bonheur matériel avec celui des autres. Les amis l'appellent tranquillement l'autre madame Campardon. (Pot-Bouille.)

Gaston. — Fils d'un général. II a l'âge du prince impérial mais il est déjà beaucoup plus fort. L'empereur demande des nouvelles de son petit ami Gaston [190]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Gaude. — Clairon au 106e de ligne, compagnie Beaudoin. Grand garçon, maigre et douloureux, sans un poil de barbe, toujours muet, soufflant ses sonneries d'une baleine de tempête [8]. Le ler septembre, pendant la défense de l'Ermitage, au-dessus du Fond de Givonne, tout en sachant que sa compagnie est anéantie, que pas un homme ne peut venir à son appel, il empoigne son clairon, l'embouche, sonne au ralliement, d'une telle violence qu'il semble vouloir faire dresser les morts. Cet homme, qui a eu des chagrins dont il ne parle jamais, est pris d'une folie héroïque. Les Prussiens arrivent, il ne bouge pas, soufflant plus fort, à toute fanfare. Une volée de balles finit par l'abattre, son dernier souffle s'envoie en une note de cuivre, qui emplit le ciel d'un frisson [875]. (La Débâcle.)

Gaudibert (Isidore). — Maire de Barbeville depuis 1852. Fait des odes politiques pleines de goût [271]. Le ministre Rougon le décore, malgré ses répugnances pour la poésie. C'est Isidore Gaudibert qui a comparé l'empereur à un feu d'artifice. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Graudron. — Mari de madame Gaudron. Lourdeur de brute [86]. (L'Assommoir.)

Gaudron (Madame). — Cardeuse de matelas. Voisine des Lorilleux, rue de la Goutte-d'Or. C'est une grosse mère, étalant constamment un ventre de femme enceinte. Neuf enfants. Elle a été invitée avec son mari à la noce des Coupeau [79], où Mes-Bottes, blagué pour son appétit excessif, répond a madame Gaudron qu'elle en a avalé plus long que lui [111]. (L'Assommoir.)

Graudron fils. — L'aîné des Gaudron. Ouvrier menuisier; à dix-sept ans, il serre de près la petite Pauline Boche [455]. (L'Assommoir.)

Gaujean. — Fabricant de soieries à Lyon. Longtemps simple commissionnaire, il n'a des métiers à lui que depuis cinq ou six ans, il fait travailler beaucoup de façonniers auxquels il fournit la matière première et qu'il paye tant du mètre; ce système hausse les prix de revient et ne lui permet pas de lutter avec Dumonteil pour la fourniture des failles du Bonheur des Dames. Aussi accuse-t-il les grands magasins de ruiner la fabrication française ; trois ou quatre font. la loi et règnent en maîtres sur le marché ; la seule façon de les combattre, à son avis, est de favoriser le petit commerce, les spécialités surtout, auxquelles l'avenir appartient. Il s'entend avec plusieurs confrères de Lyon pour offrir à Robineau des crédits très larges, il lui apporte une soie qui doit écraser le Paris-Bonheur [235]. Mais après une éclatante défaite, il se rend compte que la fabrication n'a plus qu'à suivre le progrès, par une meilleure organisation et des procédés nouveaux ; et il se sent perdu, s'il ne rentre pas en grâce auprès d'Octave Mouret [461]. (Au Bonheur des Dames.)

Gavard. — Marchand de volailles aux Halles. Petit, carré, l'air heureux, les cheveux gris et taillés en brosse. Beau-frère de madame Lecœur et oncle de la Sarriette. Etait rôtisseur rue Saint-Jacques quand il a connu Florent et son frère Quenu. Peu après le coup d'Etat, il a perdu sa femme et a gardé la rôtisserie jusqu'en 1856; il a vécu d'abord de ses rentes, arrondies lors de la guerre de Crimée par une fourniture militaire. Puis, s'ennuyant, il est venu habiter rue de la Cossonnerie et, séduit par les Halles, il s'est décidé à louer une place au pavillon de la volaille, uniquement pour se distraire parles cancans du marché [74]. Il est profondément détesté de sa belle-sœur, qui avait espéré en vain se faire épouser.

Homme d'opposition, Gavard se vante d'avoir dit leur fait à quatre gouvernements, n'avoue pas qu'il a applaudi au Deux-Décembre et regarde maintenant Napoléon III comme un ennemi personnel, il se pose en homme dangereux et se nourrit de hâbleries, avec un besoin goguenard de tapage. Gavard a dépassé la cinquantaine lors du retour de Florent, qu'il rencontre mourant de faim et qu'il ramène à Quenu. Ravi d'une aventure qui met sous sa main un camarade réellement compromis, il s'amuse à prendre des allures de conspirateur. Il a obtenu pour Florent une place aux Halles, s'imaginant ainsi embêter l'Empire qui donnera son argent à un échappé de Cayenne. Bientôt, il l'entraîne chez Lebigre, où se réunissent avec lui des amis politiques, Logre, Robine, Lacaille, Alexandre, Charvet et Clémence, tous ennemis du gouvernement impérial. De là sort le complot des Halles, machiné par Logre. Gavard, heureux d'acquérir de l'importance, se compromet à plaisir, montre partout un revolver qu'il appelle Anatole, pousse l'enfantillage jusqu'à vendre des titres pour avoir chez lui dix mille francs en or, prêts à toute éventualité. Finalement, il se fait prendre dans la souricière organisée chez Quenu, et il jette sa clé à la Sarriette et à madame Lecœur qui, flanquées de mademoiselle Saget et de la concierge, madame Léonce, courent voler son or et omettent de brûler les papiers compromettants. Traduit en justice avec Florent et les autres conspirateurs, il est condamné à la déportation, payant cher sa verve opposante de boutiquier parisien [355]. (Le Ventre de Paris.)

Gavaudan (Joséphine) (l). — Connue de tout Plassans sous le diminutif de Fine, elle est en 1829 une grosse et grande gaillarde d'une trentaine d'années. Face carrée, d'une ampleur masculine, larges épaules, bras énormes, poil au menton et aux lèvres. Malgré son air terrible, Fine est d'une douceur de mouton et possède une petite voix d'enfant, douée et claire. Elle habite près de la Halle, rue Civadière. Adorant les liqueurs et souvent rapportée ivre à la maison Je dimanche soir, elle travaille comme un cheval, vendant à la Halle, faisant des ménages et rempaillant des chaises [147]. Antoine Macquart l'épouse en 1829 et se fait entretenir par elle. Existence de paresse pour l'homme, de dur travail pour la femme, avec des soûleries et des batailles continues. Ils ont un fils, Jean, et deux filles, Lisa et Gervaise; celle-ci, devenue grande, boit avec sa mère. Joséphine Gavaudan meurt d'une fluxion de poitrine, dans les premiers jours de 1850 [179]. (La Fortune des Rougon.)

(1) Joséphine Gavaudan, marchande à la Halle, vigoureuse, travailleuse, mais intempérante, mariée en 1820) à Antoine Macquart. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Gautier (Le Père). — Propriétaire et vigneron, à Saint-Eutrope. François Mouret, dans sa folie, se souvient d'avoir acheté au père Gautier trente milleroles de gros vin. [361]. (La Conquête de Plassans.)

Gédéon. — L'âne des Mouche. Gros, vigoureux, dé couleur rousse, la grande croix grise sur l'échiné. C'est un animal farceur, plein de malignité : il soulève très bien les loquets avec sa bouche, il entre chercher du pain dans la cuisine, et; à la façon dont il remue ses longues oreilles, quand on lui reproche ses vices, on sent qu'il comprend. Commandé par deux femmes, Lise et Françoise, depuis la mort du maître, il a conçu d'elles le plus complet mépris [121]. Le plus beau trait de la vie de Gédéon est une énorme soûlerie, vingt litres de vin trouvés dans un baquet pendant les vendanges et pompés avec tranquillité [353]. (La Terre.)

Georges. — Jeune employé qui a rencontré Renée Saccard sur le quai Saint-Paul, l'a suivie et a obtenu ses faveurs dans le petit entresol de Sidonie Rougon. Cette passade s'est renouvelée, sans que Renée ait jamais demandé à l'employé son nom de famille [131]. (La Curée.)

Géraldine. — Personnage de la Petite Duchesse, pièce de Fauchery, jouée aux Variétés. Une blonde étoile d'opérette pour qui le duc de Beauvisage trompe sa femme ; elle fait une querelle de charretier au duc, très souple, l'air enchanté [312]. Ce rôle, destiné d'abord à Nana, est joué par Clarisse Besnus. (Nana.)

Gilquin (Théodore). — Terrible ami du ministre Rougon, qu'il a connu quand tous deux étaient locataires de madame Correur et qu'ils crevaient de faim sur le même palier [107] C'est un garçon qui a contribué comme les autres à faire 1'Em pire ; il est précieux à l'occasion, mais d'un débraillé compromettant. Il vit dans une ivresse perpétuelle, changeant constamment de quartier, allant de Grenelle, rue Virginie, 17, aux Batignolles, passage Guttin, puis au faubourg Saint-Germain, rue Guisarde, et enfin à la Chapelle, rue du Bon-Puits, 25. Plusieurs fois arrêté pour tapage et cris séditieux, il se fait réclamer par Eugène Rougon, qui continue à l'employer à de louches besognes. C'est Gilquin qui, mis au courant par hasard, dénonce au grand homme l'attentat de la rue Le Peletier.

Quand Du Poizat, autre ami des anciens temps, devient préfet des Deux-Sèvres, il nomme Gilquin commissaire central à Niort ; le bohème, devenu fonctionnaire à poigne, commence par incarcérer les gens en homme du monde [312], fait la roue devant les dames, séduit la femme du proviseur, mais bientôt il accumule les gaffes, arrêtant le moribond Martineau qu'il emporte comme un mort [332], se faisant donner de l'argent pour exempter les conscrits, obligeant enfin son protecteur Du Poizat à le casser pour se couvrir (406). Seul de la bande qui ne soit arrivé à rien, il reste seul fidèle à Rougon, mais il continue à le compromettre par son intempérance et par ses cris frondeurs de: Vive la République! [438]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Girand (Tata). — tient à Plassans nu pensionnat de mioches, où le sculpteur Mahoudeau a connu Pierre Sandoz et d'autres camarades, retrouvés plus tard à Paris [78]. (L'Œuvre.)

Godard (Abbé). — Curé de Bazoches-le-Doyen. Dessert l'ancienne paroisse de Rognes qui, plus importante autrefois et réduite aujourd'hui à une population de trois cents habitants à peine, n'a pas de curé depuis des années. Il fait chaque dimanche à pied les trois kilomètres qui séparent les deux communes. Gros et court, la nuque rouge, il. a une face apoplectique où la graisse a noyé le petit nez camard et les petits yeux gris. Sa tête est embroussaillée d'épais cheveux roux grisonnants [47]. L'éloquence est son côté faible ; au prône, les mots ne viennent pas, ce qui explique pourquoi monseigneur l'oublie depuis vingt-cinq ans dans sa petite cure [52].

A Rognes, l'abbé Godard s'en tient à son devoir strict; de perpétuels scandales le découragent, aucune procession n'a lieu sans qu'une fille de la Vierge soit enceinte, le conseil municipal laisse tomber l'église en ruine, l'abbé se heurte à la parfaite indifférence de ses ouailles, qui ne craignent plus son Dieu de colère et de châtiment, rient à l'idée du diable et ont cessé de croire le vent, la grêle, la tempête aux mains d'un maître vengeur [343]. Aussi ne décolère-t-il pas, surtout après l'échec de l'abbé Madeline, venu d'Auvergne pour tenir la cure, et tué par l'irréligion des paysans.

Mais le terrible grognon, toujours emporté dans un mouvement de violence, a beau être sûr que les damnés de Rognes iront rôtir en enfer, il ne veut pas les laisser trop souffrir dans cette vie [512]. Il a la passion des misérables, leur donnant tout, son argent, son linge, ses habits, à ce point qu'on ne trouverait pas en Beauce un prêtre ayant une soutane plus rouge et plus reprisée [54]. (La Terre.)

Godebœuf. — Marchand d'herbes cuites rue Pirouette, dans la boutique de l'ancienne charcuterie Gradelle [20]. (Le Ventre de Paris.)

Godemard. — Élève de l'atelier Dequersonnière. Voir GORJU. (L'Œuvre.)

Gromard. — Marchand de vin, rue de la Femme-sans-Tête, à l'enseigne : Au Chien de Montargis. C'est là que Claude Lantier prend ses repas, parmi les maçons en blouse de travail, éclaboussés de plâtre [72]. (L'Œuvre.)

Gonin (Famille). — Pêcheurs habitant Bonneville. La famille se compose du mari, de la femme et d'une fillette [29]. Très à leur aise, ils recueillent Cuche lorsque la maison de celui-ci est détruite par la mer. Cousin de la femme Gonin, Cuche devient bientôt son amant, tandis que Gonin tombé en paralysie, roué de coups par l'un et par l'autre, passe les jours et les nuits dans un vieux coffre à bois [128]. La petite Gonin, gentille blondinette, secourue par Pauline Quenu, traîne avec les gamins du pays et accouche à treize ans et demi d'un enfant qu'on croit être du fils Cuche [333]. La jeune mère est si frêle, si peu formée, qu'elle semble une sœur aînée promenant sa cadette. La femme Gonin et Cuche tombent sur elle et la brutalisent, disant que, quand on fait la vie, ça doit rapporter au lieu de coûter. Quant au vieil infirme, il meurt un matin dans son coffre à charbon, si noir de coups que la police parle de s'en mêler [428]. (La Joie de vivre.)

Gorju. — Elève de l'atelier Dequersonnière. Un futur architecte. Sur un des murs de l'atelier, couvert de charges, on lit à la plus belle place, ce procès-verbal laconique : « Le 7 juin, Gorju a dit qu'il se foutait de Rome: Signé : Godemard » [68]. (L'Œuvre.)

Goujet (Madame). — Voisine de palier des Coupeau, dans leur premier domicile de la rue Neuve de la Goutte-d'Or. Toujours vêtue de noir, le front encadré d'une coiffe monacale, elle a une face blanche et reposée de matrone. Madame Goujet raccommode les dentelles; elle est venue du département du Nord avec son fils, à la suite d'un drame: le père Goujet, un soir d'ivresse furieuse, a assommé un camarade à coups de barre de fer, puis s'est étranglé, dans sa prison, avec son mouchoir. La mère et le fils rachètent leur malheur par une honnêteté stricte, une douceur et un courage inaltérables [133]. Maternelle pour Gervaise, dont elle apprécie les qualités, madame Goujet permet à son fils de lui prêter de l'argent, mais elle voit avec tristesse l'avilissement progressif des Coupeau, et tente en vain par un mariage, d'arracher son fils à un amour sans issue honorable ; elle meurt d'un rhumatisme aigu [540]. (L'Assommoir.)

Goujet. — Fils de madame Goujet. Forgeron. Travaille rue Marcadet, dans une fabrique de boulons [205]. C'est un colosse de vingt-trois ans, superbe, le visage rose, les yeux bleus ; il est d'une force herculéenne. A l'atelier, les camarades l'appellent la Gueule d'or, à cause de sa belle barbe jaune. C'est un grand enfant très poli, très sobre ; sa chair est alourdie par le dur travail du marteau ; il est dur d'intelligence, bon tout de même. Goujet, quoique républicain, a refusé de se battre au Deux-Décembre, parce que les ouvriers sont las de tirer les marrons du feu pour les bourgeois, mais il a sauvé Coupeau qui avait failli se faire prendre à une barricade où il était descendu bêlement pour voir l'émeute [136]. Attendri devant le courage et de dévouement de Gervaise, Goujet s'est pris pour elle d'une vive. tendresse ; il l'aime silencieusement, passant des heures à la contempler, dans la boutique de blanchisseuse qu'elle a pu louer grâce à un prêt d'argent qu'il lui a fait [192].

C'est une grande affection qui remplit sa vie, le détourne d'un mariage rêvé par sa mère, et survit à la lente déchéance de Gervaise, à son écroulement dans la boue [542]. (L'Assommoir.)

Gouraud (Baron). — sénateur du second Empire. Etant fournisseur de la grande armée, a été fait baron par Napoléon ler, puis il est devenu pair de France sous la Restauration et sous la monarchie de Juillet, et a été mis au Sénat par Napoléon III. À soixante-dix-huit ans, cet adorateur du trône a un ventre énorme, une face de bœuf, une allure d'éléphant [96] ; déjà coquin à l'époque où il nourrissait de vivres avariés les troupes impériales, il met la main dans toutes les grandes affaires et vend majestueusement son influence. Ce vieillard, à qui aucune infamie n'est étrangère, se plaît à de monstrueuses débauches qui l'ont mis en relations avec Sidonie Rougon. C'est par celle-ci qu'Aristide Saccard parvient à Gouraud et l'intéresse à son jeu. Dans les dernières années, le vieux baron devient podagre [279]. (La Curée.)

Gourd. —Concierge de l'immeuble Vabre, rue de Choiseul. Homme digne, à longue face rasée de diplomate. C'est l'ancien valet de chambre du duc de Vaugelade, il possède une maison de campagne à Mort-la-Ville et attend d'avoir trois mille francs de renie pour s'y retirer. Coiffé d'une calotte de velours et chaussé de pantoufles bleu ciel, il est plein de dignité, surveillant la moralité de la maison, ne tolérant ni chiens, ni femmes enceintes, méprisant les gens du second qui ne fréquentent personne, mais estiment beaucoup le monsieur du troisième, un locataire à rendez-vous clandestins qui le paye bien et dont il rince les cuvettes, de son air froid de magistrat retiré [323]. Gourd fait exécuter les gros nettoyages de la maison par une vieille femme, la mère Pérou, la traitant avec l'esprit de domination brutale, le besoin enragé de revanche des anciens domestiques qui se font servir à leur tour [126]. Il est la terreur des bonnes, qui n'arrivent à le réduire au silence que par cette seule injure : œ Va donc vider les pots de chambre de monsieur le duc ! » Il hait surtout les gens du peuple. (Pot-Bouille.)

Gourd (Madame). — Femme du concierge. C'est la veuve d'un petit huissier de Mort-la-Ville. Ses jambes enflées l'empêchent d'aller jusqu'au trottoir. Très grasse, coiffée de rubans Jaunes, elle aime à vivre dans un fauteuil, les mains jointes, à ne rien faire [3] ; elle surveille seulement les allées et venue suspectes. (Pot-Bouille.)

Gradelle. — Frère de madame Quenu mère, oncle de Florent et de Quenu. Etabli charcutier rue Pirouette. Gros avare, homme brutal, qui a reçu ses neveux comme des meurt-de-faim [51]. A dépassé soixante ans au moment du coup d'État ; il refuse de faire des démarches pour sauver Florent et utilise dans son commerce les talents culinaires de Quenu, lui donnant chaque mois six francs pour ses menus plaisirs. Lorsque Gradelle devient veuf, il prend une fille de boutique, Lisa Macquart, qui fait rapidement la conquête de tout le monde et règne bientôt sur la boutique. Un an après, Gradelle est foudroyé par une attaque d'apoplexie, en préparant une galantine [58]. On trouve son trésor, une somme de quatre-vingt-cinq mille francs enfouie dans la cave, au fond d'un saloir. Quenu, seul héritier en l'absence de Florent, épousera Lisa et succédera à son oncle sous la raison sociale Quenu-Gradelle. (Le Ventre de Paris.)

Grand-Dragon (Le). — L'un des chauffeurs de la bande du Beau-François [67]. (La Terre.)

Grande (La). — Fille aînée de Joseph-Casimir Fouan. Sœur du père Fouan, de Michel Mouche et de Laure Badeuil. Mariée à un voisin, Antoine Péchard, elle lui apporta en mariage sept arpents de terre, contre dix-huit possédés par lui. Restée veuve de bonne heure, elle a chassé sa fille unique, parce que celle-ci a voulu épouser contre son gré un garçon pauvre, Vincent Bouteroue. La fille et le gendre sont morts de misère, laissant deux enfants, Palmyre et Hilarion, que la grand'mère a refusé de connaître. A quatre-vingts ans, respectée et crainte dans la famille, non pour sa vieillesse, mais pour sa fortune, exigeant des égards en reine riche et redoutée, elle dirige encore elle-même la culture de ses terres ; elle a trois vaches, un cochon et un valet qu'elle nourrit à l'auge commune, obéie par tous dans un aplatissement de terreur.

Encore très droite, très haute, maigre et dure, avec de gros os, elle a la tête décharnée d'un oiseau de proie, sur un cou long et flétri couleur de sang. Le nez de la famille, chez elle, se recourbe en bec terrible ; des yeux ronds et fixes, plus un cheveu sous le foulard jaune qu'elle porte et, au contraire, toutes ses dents, des mâchoires à vivre de cailloux. Elle marche le bâton levé et ne sort jamais sans sa canne d'épine, dont elle se sert uniquement pour taper sur les bêtes et le monde [32]. La Grande, furieuse contre le ciel qui envoie la grêle, lui lance des cailloux pour le crever. Elle ne croit pas à l'enfer. Et le village tout entier admire sa dureté, son avarice, son entêtement à posséder et à vivre. Quand les terres de Louis Fouan ont été partagées, elle a blâmé son frère, trouvant qu'il faut être bête et lâche pour renoncer à son bien, tant qu'on est debout; les turpitudes qui vont suivre. Je long calvaire du père Fouan, le drame des Buteau, la trouveront hostile à tous, satisfaite de leurs maux, surexcitant les cupidités, ne s'interposant que pour envenimer les querelles. A quatre-vingt-huit ans, elle ne se préoccupe de sa mort que pour laissera ses héritiers, avec sa fortune, le tracas de procès sans fin, une complication de testament extraordinaire, embrouillée par plaisir, où sous le prétexte de ne faire du tort à personne, elle les forcera de se dévorer tous [377]. (La Terre.)

Grandguillot. — Notaire à Plassans. Il s'enfuit en Suisse avec deux maîtresses, ayant mis ses propriétés à un autre nom [261]. La fortune du docteur Pascal a été en partie engloutie dans le désastre. (Le Docteur Pascal.)

Grandjean (l).— Marié à Hélène Mouret. Père de Jeanne Grandjean. Né à Marseille eu 1818, de santé délicate, appartenant à une riche famille de raffineurs, il s'est pris d'un violent amour pour Hélène Mouret, rencontrée par hasard un matin de marché [67]. II l'épouse en 1841, malgré l'opposition formelle des Grandjean, outrés de ia pauvreté d'Hélène et décidés à rompre plutôt que de céder. Le jeune ménage vit d'une façon précaire jusqu'au jour où un oncle lègue dix mille francs de rente à Grandjean qui, nourrissant une haine contre la Provence, quitte aussitôt Marseille et vient s'installer à Paris avec sa femme et sa fillette. Descendu à l'hôtel du Var, rue de Richelieu, il est atteint, dans la huitaine de son arrivée, d'une fluxion de poitrine qui l'emporte presque subitement [21]. (Une Page d'Amour.)

Grandjean (Madame). — Voir MOURET (Hélène).

(l) Gradjean, chétif et prédisposé à la phtisie, marié en 1841 à Hélène Mouret. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Grandjean (Jeanne) (l).—Fille de Grandjean et d'Hélène Mouret. Née en 1842. Petite-fille d'Ursule Macquart, morte tout d'un coup d'une phtisie aiguë après une vie d'affolements et de crises nerveuses, arrière-petite-fille d'Adélaïde Fouque, enfermée dans une maison d'aliénés. Est atteinte d'une de ces affections chloro-anémiques qui favorisent le développement de tant de maladies cruelles [207]. Les convulsions de sa première enfance reparaissent à onze ans et demi. C'est une enfant délicate, au fin visage d'un ovale adorable, un peu allongé, d'une grâce et d'une finesse de chèvre. Elle a de grandes paupières bleuâtres et transparentes, un nez mince, une bouche un peu grande, des cheveux d'un noir d'encre [11]. Tellement nerveuse qu'il a fallu renoncer à lui apprendre la musique, rendue folle par l'éther, adorant se balancer, mais s'évanouissant dans la sensation du vide, atteinte d'une terrible crise après les émotions d'un mois de Marie rempli de fleurs et d'encens, elle anime quelquefois la maison d'une joie bruyante, puis tout à coup elle a des noirs, des accès de colère aveugle. Par moments, cette enfant de onze ans a des regards où luit toute la vie de passion d'une femme.

Elle aime sa mère avec une jalousie d'amoureuse instinctive, qui la fait sangloter quand madame Grandjean caresse une autre enfant, elle veut l'avoir toute à elle, n'acceptant aucune affection rivale. D'abord amie de Rambaud, elle se fâche aussitôt qu'elle devine son projet de mariage, elle le prend en horreur, rapproche même sa mère du docteur Deberle, les veut toujours ensemble [181], puis, dès qu'elle surprend leur amour, c'est une saute brusque, sa haine va vers Deberle, elle subit un martyre d'adoration trompée, la névrose dont elle souffre lui donne une seconde vue. A l'heure où sa mère cède à Henri, elle se juge abandonnée à jamais et, s'entêtant sous une pluie froide, elle contracte la phtisie aiguë qui va l'enlever en trois semaines. C'est une agonie fermée, une mort silencieuse et haineuse, sans pardon. Jeanne Grandjean meurt en 1855 et restera seule là-haut, sous les cyprès du muet cimetière de Passy, devant te Paris éternel. (Une Page d'Amour.)

(l) Jeanne Grandjean, née en 1842; meurt en 1855, à la suite d'accidents nerveux. [Hérédité en retour, sautant deux générations. Ressemblance physique et morale d'Adélaïde Fouque]. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Grandmorin (Le Président). — Membre du conseil d'administration de la Compagnie de l'Ouest. Né en 1804, substitut à Digne au lendemain de 1830, puis à Fontainebleau, puis à Paris, ensuite procureur à Troyes, avocat général à Rennes, enfin premier président à Rouen, nommé, le jour même de sa retraite, commandeur de la Légion d'honneur. Une des plus belles carrières de la magistrature. Riche à plusieurs millions, le président fait partie du conseil général de la Seine-Inférieure depuis 1855. Il possède un hôtel à Paris, rue du Rocher, et réside souvent chez sa sœur, madame Bonnehon, au château de Doinville.

Trapu et solide, blanc de bonne heure, d'un blanc doré d'ancien blond, les cheveux en brosse, le collier de barbe coupé ras, sans moustaches, avec une face carrée que les yeux d'un bleu dur et le nez gros rendent sévère, il a l'abord rude, il fait tout trembler autour de lui [II] Le président Grandmorin est adonné aux pires débauches, il a un goût prononcé pour les fillettes gentilles, comme Louisette, la seconde fille de madame Misard. Parrain et tuteur de Séverine Aubry, il l'a initiée à ses pratiques séniles et l'a plus tard mariée avec Rouhaud, continuant à rechercher la femme et accordant sa protection au mari. Ce dernier, mis au courant trois ans après, l'assassine dans l'express du Havre, entre Malaunay et Barentin, à hauteur de la Croix-de-Maufras, endroit même où Grandmorin avait abusé de sa jeune pupille [250]. Le président laisse une fortune de trois millions sept cent mille francs, dont presque la moitié consacrée à des legs équivoques [110]. Il donne notamment à Séverine Aubry la maison de la Croix-de-Maufras. (La Bête humaine.)

Grandmorin (Berthe). — Fille du président. Mariée à un magistrat, M. de Lachesnaye. C'est une blonde chétive, laide, à l'air désagréable. Elle garde une pruderie de bourgeoise honnête qui n'aura jamais une faute à se reprocher, et qui met sa gloire à être une des vertus les plus incontestables de Rouen, saluée et reçue partout [112]. Elle est suffoquée lorsque, devant elle, on parle des maîtresses de son père [117]. En quelques mois de ménage, la mauvaise grâce, la sécheresse de Berthe et de son mari se sont communiquées et exagérées; ils se gâtent ensemble. Quand le président est assassiné et que de vagues soupçons planent sur les Roubaud, c'est Lachesnaye qui jette sa femme sur Séverine, au point que, pour ravoir la maison de la Croix-de-Maufras, elle ferait arrêter sur l'heure son ancienne amie d'enfance [111]. (La Bête humaine.)

Grandsire. — Juge de paix du canton nord de Beaumont, cousin d'Hubertine [17]. Il agit auprès de l'Assistance publique pour que les Hubert obtiennent la tutelle officieuse d'Angélique Marie [47]. (Le Rêve.)

Granoux (Isidore). — Rentier à Plassans, ancien marchand d'amandes, membre le plus influent du conseil municipal. Court et chauve, yeux ronds, air à la fois satisfait et ahuri, bouche en bec-de-lièvre, fendue à cinq ou six centimètres du nez. Parle peu, ne pouvant pas trouver ses mots. Surexcité contre les républicains qu'il considère tous comme des pillards [118], il fait partie du groupe réactionnaire qui se réunit chez Eugène Rougon. Au coup d'État, affolé par les troubles, il se terre dans sa maison place des Récollets [270], puis, entraîné parles autres bourgeois, il occupe la mairie avec eux, entre comme secrétaire dans la commission municipale [286], pousse l'héroïsme jusqu'à sonner lui-même le tocsin à l'aide d'un marteau, le battant de cloche ayant été enlevé [349] et, pour ce haut fait dont M. le préfet le félicite [358], il espère obtenir la croix de la Légion d'honneur [371]. (La Fortune des Rougon.)

Gras (Madame). — Une vieille dame qui habite un rez-de-chaussée, rue des Orties, où elle prend en pension complète des enfants jeunes, moyennant quarante francs par mois. Denise Baudu place chez elle le petit Pépé [12]. (Au Bonheur des Dames.)

Grégoire (Cécile). — Fille de Léon Grégoire. Elle n'est pas jolie, trop saine, trop bien portante, mûre à dix-huit ans, mais elle a une chair superbe, une fraîcheur de lait, avec ses cheveux châtains, sa face ronde au petit nez volontaire, noyé entre les joues [82]. Ses parents ne trouvent rien de trop beau pour elle [85]. Elle a été élevée à la Piolaine, dans une ignorance heureuse, dans des caprices d'enfant, ayant une maîtresse de piano et des professeurs, mais jetant le livre par la fenêtre, dés qu'une question l'ennuie. Les Grégoire la chargent de leurs aumônes ; cela rentre dans leur idée d'une belle éducation, il faut être charitable, ils disent eux-mêmes que leur maison est la maison du bon Dieu. Du reste, ils se flattent de faire la charité avec intelligence et, pour ne pas encourager le vice, ils ne donnent jamais d'argent, leurs aumônes sont toujours en nature, car c'est un fait connu, dès qu'un pauvre a deux sous, il les boit [100].

Quand la grève éclate à Montsou, Cécile sourit à cette idée du chômage, qui lui rappelle des visites et des distributions d'aumônes dans les corons [228]. Et cette fille de riche, longtemps désirée par ses parents, comblée ensuite de tous leurs biens, ne comprend rien aux révoltes des pauvres, à la fureur qui jette contre sa robe de soie, contre son manteau de fourrure, contre la plume blanche de son chapeau, les femmes de grévistes, en guenilles et affamées. Au milieu des furies, elle grelotte, les jambes paralysées, elle est sans force contre leur acharnement, c'est le hasard d'une diversion qui la sauve, ce jour-là, des mains de la Brûlé et des doigts du père Bonnemort [408]. Un peu plus lard, elle n'échappe pas à l'inconsciente représaille; elle retrouve l'homme à la face carrée, livide, tatouée de charbon ; c'est comme une fascination entre le vieux mineur, gonflé d'eau, d'une laideur lamentable de bête fourbue, détruit de père en fils par cent années de travail et de faim, et la belle et saine Cécile, grasse et fraîche des longues paresses et du bien-être repu de sa race. Les mains noires de Bonnemort sont attirées par le cou blanc de la jeune fille et elles le serrent jusqu'à l'étranglement [553]. (Germinal.)

Grégoire (Eugène). — Grand-père de Léon Grégoire. A hérité du denier des mines de Montsou, que le chef de la famille, Honoré, avait acheté sans confiance. Il touche des dividendes fort minces et, comme il s'est mis bourgeois et qu'il a eu la sottise de manger dans une association désastreuse les quarante autres mille francs de l'héritage paternel, il vit assez chichement [84]. Le denier passe à son fils Félicien. (Germinal.)

Grégoire (Félicien). — Père de Léon Grégoire. C'est avec lui que la fortune commence. Les intérêts du denier ont monté peu à peu, Félicien peut réaliser un rêve dont son grand-père Honoré, l'ancien régisseur, a bercé son enfance : l'achat de la Piolaine démembrée qu'il acquiert, comme bien national, pour une somme dérisoire. Cependant, les années qui suivent sont mauvaises, il faut attendre le dénouement des catastrophes révolutionnaires, puis la chute sanglante de Napoléon [84]. La petite fortune de Félicien Grégoire passe à son fils Léon [84]. (Germinal.)

Grégoire (Honoré). — Bisaïeul de Léon Grégoire. Originaire de Picardie. Etait en 1760 régisseur de la Piolaine, propriété appartenant au baron Desrumaux. Lors du traité instituant la Compagnie des mines de Montsou, Honoré, qui cachait dans un bas une cinquantaine de mille francs d'économies, céda en tremblant à la foi inébranlable de son maître, Il sortit dix mille livres de beaux écus, il prit un denier, avec la terreur de voler ses enfants de cette somme [84]. Lorsqu'il mourut, le denier passa à son fils Eugène. (Germinal.)

Grégoire (Léon). — Arrière-petit-fils d'Honoré Grégoire. Après trois générations, c'est lui qui bénéficie, dans une progression stupéfiante, du placement timide et inquiet de son bisaïeul. Ces pauvres dix mille francs du denier de Montsou grossissent, s'élargissent avec la prospérité de la Compagnie. En 1820, ils rapportent cent pour cent, dix mille francs. En 1844. ils en produisent vingt mille; en 1850, quarante mille. Il y a deux ans enfin, le dividende est monté au chiffre prodigieux de cinquante mille francs ; la valeur du denier, coté à la Bourse de Lille un million, a centuplé en un siècle. Aussi, malgré quelques fluctuations dues à une crise industrielle, les Grégoire ont-ils maintenant une foi obstinée en leur mine; à cette croyance religieuse se mêle une profonde gratitude pour une valeur qui, depuis un siècle, nourrit la famille à ne rien faire ; c'est comme une divinité à eux, que leur égoïsme entoure d'un culte, la bienfaitrice du foyer, ils n'ambitionnent aucune spéculation, préférant voir le million du denier dans la terre, d'où un peuple de mineurs, des générations d'affamés l'extraient pour eux, un peu chaque jour, selon leurs besoins [85].

Léon Grégoire est rose pour ses soixante ans, il a de grands traits honnêtes et bons, dans la neige de ses cheveux bouclés; chaque matin, il aime à donner un coup d'œil à la Piolaine, qui n'est pas assez grande pour lui causer des soucis, et dont il tire tous les bonheurs du propriétaire [81]. Douillettement heureux entre sa femme et sa fille Cécile, il a des sursauts indignés en présence des familles trop nombreuses, il demande pourquoi les mineurs ont tant de petits, et ce rentier bien portant reste rêveur devant la Maheude et ses enfants pitoyables, avec leur chair de cire, leurs cheveux décolorés, la dégénérescence qui les rapetisse, rongés d'anémie, d'une laideur triste de meurt-de-faim. Dans son coin de bonheur bourgeois, à l'air alourdi de bien-être, M. Grégoire trouve que les mineurs ne sont guère sages, puisque au lieu de mettre des sous de côté, ils boivent, font des dettes et finissent par n'avoir plus de quoi nourrir leur famille [102]. El on le met hors de lui, lorsqu'on assimile sa fortune à de l'argent volé; est-ce que son bisaïeul n'a pas gagné, et durement, la somme placée autrefois? [234].

Il s'étonne qu'il n'y ait pas des lois pour défendre aux ouvriers de quitter le travail [250]. La grève, en somme, ne l'inquiète pas, il hausse les épaules d'un air placide, il a une entière confiance dans la résignation séculaire des charbonniers [395]. Devant le torrent humain qui bal .les maisons bourgeoises de Montsou, il se refuse à admettre un danger quelconque; les grévistes n'ont pas de malice, au fond; lorsqu'ils auront bien crié, ils iront souper avec plus d'appétit. Une vague compréhension ne lui vient que devant sa fille brutalisée et sa maison attaquée d'un coup de pierre; c'est donc vrai que ces gens lui en veulent parce qu'il vit en brave homme de leur travail [410], c'est donc vrai qu'ils méconnaissent son esprit charitable, qu'ils oublient les aumônes en nature, les vêtements chauds qu'il distribue l'hiver pour faire la part du pauvre !

Mais il rie leur garde pas rancune. Après la grève, il tient à affirmer la largeur de ses vues, son désir d'oubli et de conciliation; avec sa femme et sa fille, il va secourir les Maheu, une famille de fortes têtes, où plusieurs sont morts, le père d'une balle tirée par un soldai, le fils aîné d'un coup de grisou, la fille Catherine dans une catastrophe qui l'a ensevelie vivante sous la terre, une lamentable famille où la petite Alzire est morte de faim, où Jeanlin est sorti boiteux d'un éboulement, où la mère tragique, enfin, restée seule avec trois petits et le grand-père infirme, va être à quarante ans forcée d'aller chercher les trente sous du pain quotidien dans l'enfer de la mine. Les Grégoire donnent aux Maheu un pot-au-feu et deux bouteilles de vin; ils ont aussi pensé au père Bonnemort qui ne peut plus se mouvoir, ils lui apportent une paire de souliers. Mais voici que, dans un coup de démence, le plus vieux des Maheu, hébété par sa longue misère d'un demi-siècle, étrangle de ses grosses mains froides et noueuses l'héritière des Grégoire, la florissante Cécile que ses heureux parents ne trouvaient jamais assez bien nourrie, jamais assez grasse [553]. Et ce terrible coup est l'effondrement de leur vie. (Germinal.)

Grégoire (Madame Léon). — Fille d'un pharmacien de Marchiennes, une demoiselle laide, sans un sou, que Léon Grégoire adorait. Elle s'est enfermée dans son ménage, extasiée devant son mari, n'ayant d'autre volonté que la sienne; jamais des goûts différents né les ont séparés, un même idéal de bien-être a confondu leurs désirs, et ils vivent ainsi depuis quarante ans, de tendresses et de petits soins réciproques [85]. Agée de cinquante-huit ans, madame Grégoire est courte et grasse ; elle garde une grosse figure poupine et étonnée, sous la blancheur éclatante de ses cheveux [80]. (Germinal.)

Gresham. — Un jockey qui, dit-on, a la guigne. Il monte Lusignan dans le Grand Prix de Paris [389]. (Nana.)

Grognet. — Une victime du Bonheur des Dames. Il est parfumeur rue de Grammont [447]. (Au Bonheur des Dames.)

Grosbois. — Arpenteur juré. C'est un paysan de Magnolles, petit village voisin de Rognes. Appelé de tous côtés, entre Orgères et Beaugency pour l'arpentage des terres, il laisse le bien aux mains de sa femme et prend dans ses continuelles courses de telles habitudes d'ivrognerie qu'il ne dessoûle plus. Très gros, très gaillard pour ses cinquante ans, il a une large face rouge, toute fleurie de bourgeons violâtres et Coiffée d'un chapeau noir tourné au roux, monumental, qu'il trimballe depuis dix ans, sous la pluie et le soleil. Plus Grosbois est ivre, plus il voit clair. On l'écoute et on l'honore, car il a une grande réputation de malignité [34]. (La Terre.)

Guende (Madame de). — Grande mondaine du second Empire. Femme admirablement faite, mais tellement bête qu'ayant pour amants trois officiers supérieurs à la fois, elle ne peut, dit-on, les distinguer à cause de leur uniforme identique [240]. C'est une amie des Saccard. (La Curée.)

Guieulin. — Neveu de Narcisse Bachelard. Petite figure blême, cheveux et favoris roux. Employé dans une compagnie d'assurances, il est le compagnon de fête de Bachelard et rit des farces de l'oncle avec un bruit de poulie mal graissée. Gueulin joue de la flûte en amateur dans les maisons où on le met à son aise [53]. Par théorie, il refuse les femmes, non pas qu'il les dédaigne, mais parce qu'il redoute les lendemains du bonheur. En dépit de ce sage principe, Gueulin se fait surprendre entre les bras de Fifi, par l'oncle Bachelard qui, plein de mansuétude, accorde un généreux pardon aux amants elles marie avec une jolie dot. (Pot-Bouille.)

Guibal. — Avocat connu au palais. Mène la vie libre, tout à ses dossiers et à ses plaisirs [73]. (Au Bonheur des Dames.)

Guibal (Madame). — Femme de l'avocat. Grande et mince, cheveux roux, visage noyé d'indifférence, où ses yeux gris mettent par moments, sous son air détaché, les terribles faims de l'égoïsme. De mœurs peu farouches, elle ne sort jamais avec son mari [73]. Elle se promène des heures au Bonheur des Dames, sans jamais faire une emplette, heureuse et satisfaite de donner un simple régal à ses yeux [93]. Elle pratique les œ rendus » avec un parfait sans-gêne; quand une robe lui plaît, elle se la fait envoyer, en prend le patron, puis la rend [315]. Elle utilise aussi les grands magasins en donnant ses rendez-vous d'amour dans le salon de lecture. Devenue la maîtresse du comte de Boves, qu'elle a allumé chez une amie commune, madame Desroches, elle le mène à coups de fouet, ainsi qu'un vieux cheval dont on use les dernières forces [389]. (Au Bonheur des Dames.)

Guichon (Mademoiselle). — Buraliste à la gare du Havre [71]. C'est une blonde de trente ans, déjà fanée, silencieuse et mince, d'une souplesse de couleuvre. A dû être vaguement institutrice [85]. Elle doit son poste au chef de gare, M. Dabadie, et l'on croit généralement qu'ils se rejoignent la nuit. Néanmoins, madame Lebleu, logée sur le même corridor, n'a jamais pu les surprendre. (La Bête humaine.)

Guignard (Famille). — Paysans beaucerons du même village que le soldat Zéphyçin Lacour. Veulent vendre leur maison, que Zéphyrin et Rosalie rêvent d'acheter [340]. (Une Page d'Amour.)

Guillaume. — Paysan de Rognes. Possède une pièce de terre à côté de la cahute de Jésus-Christ [218]. (La Terre.)

Guillaume. — Petit porcher à la ferme de la Borderie. A possédé la Cognette. Est maintenant soldat [288]. (La Terre.)

Guiraud (Les de). — amis des Deberle. Monsieur de Guiraud est un petit homme chauve, un magistrat, qui laisse tomber des phrases sentencieuses sur la nécessité d'endiguer le vice à Paris [251]. Madame de Guiraud est une brune très forte qui joue agréablement la comédie de salon ; elle a une sœur séparée de son mari et appréciée comme chanteuse mondaine. Les Guiraud ont un fils, petit bambin de deux ans et demi [125]: (Une Page d'Amour.)

Guiraude. — Mère de Sophie et de Valentin, soignés par le docteur Pascal. Son mari est mort phtisique. Elle est mince, épuisée, frappée elle-même d'une lente décomposition du sang [51]. Guiraude habite rue Canquoin, à Plassans. Elle meurt quelque temps après avoir perdu son fils Valentin [268]. (Le Docteur Pascal.)

Gundermann. — Le roi de la banque juive, le maître de la Bourse et du monde. C'est un homme de soixante ans, dont l'énorme tête chauve, au nez épais, aux yeux ronds à fleur de tête, exprime un entêtement et une fatigue énormes. Occupe rue de Provence un immense hôtel, tout juste assez grand pour son innombrable famille. Quand sa descendance, enfants et petits-enfants, est réunie au repas du soir, ils sont, en les comptant, sa femme et lui, trente et un a table. En moins d'un siècle, la monstrueuse fortune d'un milliard est née, a poussé et débordé dans cette famille, par l'épargne, par l'heureux concours aussi des événements. II y a là comme une prédestination, aidée d'une intelligence vive, d'un travail acharné, d'un effort prudent et invincible, continuellement tendu vers le môme but. Tous les fleuves de l'or vont à cette mer [92].

Levé dès cinq heures, le banquier roi est au travail lorsque Paris dort encore et quand, vers neuf heures, la bousculade des appétits se rue devant lui, sa journée est déjà faite. L'air impassible et morne, les yeux glauques, il reçoit durant des heures, jusqu'au déjeuner, tout un défilé de coulissiers, de marchands de curiosités, de dames louches produisant de jolies filles, d'inventeurs, d'étrangers venus de partout, foule variée alternant avec toute une série de remisiers qui présentent mécaniquement la cote. Dans celte pièce, publique comme une place, emplie d'un vacarme d'enfants, des ambassadeurs sont reçus debout. Gundermann trafique de son milliard en commerçant rusé et prudent, en maître absolu, obéi sur un coup d'œil, voulant tout entendre, tout voir, tout faire par lui-même. Ce n'est plus la figure de l'avare classique qui thésaurise, c'est l'ouvrier impeccable, sans besoin de chair, devenu comme abstrait dans sa vieillesse souffreteuse, qui continue à édifier obstinément sa tour de millions, avec l'unique rêve de la léguer aux siens, pour qu'ils la grandissent encore jusqu'à ce qu'elle domine la terre [98]. Et cet homme souffre depuis vingt ans d'une maladie d'estomac, il ne se nourrit absolument que de lait.

Sobre et de froide logique, il n'a jamais pu s'entendre avec Saccard, passionné et jouisseur. Il assiste sans émoi à la création de la Banque Universelle, qui va syndiquer les intérêts catholiques, et se dresser comme une menace devant la haute banque juive. Il s'émeut à peine d'un coup de Bourse où ce casse-cou de Saccard l'a battu ; il attend patiemment, sur de la revanche, sachant que l'édifice du spéculateur, édifié sans bases solides, développé sans mesure, se lézardera vite et pourra être jeté par terre d'un coup d'épaule [220]. L'heure venue, il mène une rude campagne à la baisse, subit sans sourciller des liquidations désastreuses et fait avancer chaque fois ses grosses réserves d'écus. Aucun sacrifice ne lui coûte pour rester maître absolu du marché [348]. Et il oppose aux extravagances de Saccard une froide obstination qui lui donnera la victoire le jour où, connaissant par la baronne Sandorff, passée sans profit à son service, la position exacte de la Banque Universelle, il décidera brusquement d'en finir [354]. D'ailleurs, après la ruine de Saccard, il est le premier à s'offrir pour éviter l'immédiate déclaration de faillite et empêcher un ébranlement trop général. Il est au-dessus de la rancune, n'ayant d'autre gloire que de rester le premier marchand d'argent du monde, le plus riche et le plus avisé, ayant réussi A sacrifier toutes ses passions à l'accroissement continu de sa fortune [374]. (L'Argent.)

Gunther (Otto). — Capitaine dans la garde prussienne. C'est un cousin germain de Weiss, par les femmes. Sa mère, originaire de Mulhouse, s'est mariée à Berlin [15]. Et à l'heure de la guerre, il vient en France comme un justicier, avec l'intolérance et la morgue de l'ennemi héréditaire, grandi dans la haine de la race qu'il châtie [457]. Le ler septembre, près du Fond de Givonne, il s'est trouvé en face du soldat français Maurice Levasseur, son allié par Henriette Weiss; la distance était si faible, deux cents mètres à peine, qu'on le distinguait très nettement, la taille mince, le visage rose et dur, avec de petites moustaches blondes. Henriette, débordée d'horreur par l'abomination de celle lutte entre parents, l'a sauvé de la mort en empêchant Maurice de tirer sur lui et, plus tard, dans les derniers jours de mai 1871, elfe le retrouve en garnison à Saint-Denis, avec son air sec de bel officier bien tenu. Devant

Paris en flammes, il est insultant par son calme, par son demi-sourire. Toutes ses rancunes de Germain sont satisfaites, il semble vengé de la longueur démesurée du siège, des froids terribles, des difficultés sans cesse renaissantes, dont l'Allemagne garde encore l'irritation. Pour ce froid et dur protestant militaire, qui cite des versets de la Bible, Paris brûle en puni-lion de ses siècles de vie mauvaise, du long amas de ses crimes et de ses débauches [606]. (La Débâcle.)

Gustave. — Perruquier de Maxime Saccard. Celui-ci prétend que son coiffeur ressemble à deux amants de Renée, MM. de Rozan et de Chibray [136]. (La Curée.)

Gutmann. — Un soldat de Bazeilles, Bavarois trapu, à l'énorme tête embroussaillée de barbe et de cheveux roux, sous lesquels on ne distingue qu'un long nez carré et de gros yeux bleus. Vers la fin de la bataille, il est souillé de sang, effroyable, tel qu'un de ces ours des cavernes, une de ces bêtes poilues, toutes rouges de la proie dont elles viennent de faire craquer les os [25]. C'est lui qui arrache violemment Henriette Weiss des bras de son mari, devant le peloton d'exécution.

Henriette le retrouve plus tard à l'ambulance de Remilly. Il ne peut parler, une balle, entrée par la nuque, lui a enlevé la moitié de la langue. L'ancien monstre aux prunelles chavirées de rage est maintenant un malheureux, à l'air bonhomme et docile, au milieu de ses atroces souffrances. On n'est pas bien sûr qu'il se nomme Gutmann, on l'appelle ainsi parce que l'unique son qu'il arrive à proférer est un grognement de deux syllabes qui fait à peu près ce nom. Quant au reste, on croit seulement qu'il est marié et qu'il a des enfants [503]. il meurt dans les premiers jours de novembre, après avoir râlé deux jours. Henriette a passé les dernières heures à son chevet, tant il la regardait d'un air suppliant. De ses yeux en larmes, il disait peut-être son vrai nom, le .nom du village lointain où une femme et des enfants l'attendaient. Elle est seule à l'accompagner au cimetière [509]. (La Débâcle.)

Guyot (Abbé). — Prêtre à Saint-Eutrope. A remplacé provisoirement aux Artaud l'abbé Mouret malade [300]. (La Faute de l'abbé Mouret.)

Guyot-Laplanche. — Homme considérable du second Empire, que Clorinde a gagné à la cause d'Eugène Rougon [291]. (Son Excellence Eugène Rougon.)