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Babet.
Jeune paysanne des Artaud. Bossue, les os trop gros [283]. (La
Faute de l'abbé Mouret.)
Bachelard
père. Frère de Narcisse Bachelard, père
de madame Josserand. A dirigé pendant quarante ans un pensionnat
de la rue des Fossés-Saint-Jacques, l'institution Bachelard [37].
Avait une seconde fille qui s'est sauvée avec un officier. (Pot-Bouille.)
Bachelard
(Eléonore). A épouse le caissier Josserand,
dont elle a au deux fils, Léon et Saturnin, et deux filles, Hortense
et Berthe. C'est une femme corpulente et superbe ; elle a la face carrée,
des joues tombantes, un nez trop fort. Décolletée, elle
montre des épaules encore belles, pareilles à des cuisses
luisantes de cavale. Son père lui avait promis une dot de trente
mille francs qu'il n'a jamais payée et, lorsqu'il est mort, les
Josserand ont été volés dans la succession. Ils
vivent des appointements du mari, huit mille francs par an, dans une
misère vaniteuse de bourgeois, le pauvre Josserand s'exténuant
à des travaux supplémentaires pour grossir les ressources
du ménage, la femme reprochant à l'homme de l'avoir trompée
sur ses capacités. La morale d'Éléonore; se résume
eu quelques phrases toutes faites : « Dans la vie, il n'y a que
les plus honteux qui perdent; l'argent est l'argent; moi, lorsque j'ai
eu vingt sous, j'ai toujours dit que j'en avais quarante ; il vaut mieux
faire envie que pitié ; je porterais plutôt des jupons
sales qu'une robe d'indienne ; mangez des pommes de terre, mais ayez
un poulet quand vous avez du monde a dîner » [43]. Elle
est convaincue de la parfaite infériorité des hommes,
dont l'unique rôle doit être d'épouser et de payer
[102]. Madame Josserand saute d'une idée à une autre et
se contredit avec la carrure d'une femme qui n'a jamais tort; elle agit
sans consulter personne, mais si les choses tournent mal, c'est toujours
la faute des autres ; elle a des haussements d'épaules écrasants
devant son mari, gifle ses filles quand elle est à bout d'arguments,
gaspille l'argent en toilettes et en réceptions et rogne tellement
sur le train du ménage que les voleuses elles-mêmes refusent
de rester dans cette « boîte » où les morceaux
de sucre sont comptés [32]. Son mépris pour l'honnêteté
incapable de Josserand se double de rancur devant la fortune gagnée
par Narcisse Bachelard, son frère, un homme sans principes, dont
les crapuleuses ivresses lui soulèvent le cur et qu'elle
s'abaisse à dorloter pour en tirer de l'argent. Éléonore
a la religion du succès : elle commence à estimer son
fils Léon lorsqu'il devient l'amant d'une vieille dame riche.
Dans sa rage de ne pas trouver de gendre, malgré une campagne
terrible de trois hivers, elle a poussé ses filles à pêcher
un mari par tous les moyens, leur enseignant que les hommes ne sont
bons qu'à être fichus dedans [102]. Quand Berthe, stylée
par elle, se fait enfin épouser, madame Josserand roule les Vabre
avec un aplomb superbe. Ne connaissant aucun scrupule, elle promet une
dot sans en posséder le premier sou et, pour parer aux dépenses
indispensables, pour masquer sous de magnifiques toilettes la détresse
du ménage, elle extorque un legs fait à son fils Saturnin,
demi-dément dont elle a peur et honte. Plus tard, l'adultère
de Berthe révoltera cette mère qui n'y voudra voir d'ailleurs
qu'une impardonnable bêtise, car, selon elle, le fait de rester
honnête confère tous les droits à l'épouse,
et la légitime mauvaise humeur d'un mari ne commence qu'au flagrant
délit de la femme [307]. Mais elle conservera la plus entière
désinvolture devant son gendre outragé, elle saura lui
prouver que lui seul est coupable et, tranquillement, lui remettra Berthe
sur les bras sans avoir abdiqué une parcelle de son autorité.
Devenue veuve, madame Josserand vit d'une pension que lui font les anciens
patrons de son mari [477]. (Pot-Bouille.)
Bachelard
(Narcisse). Frère d'Éléonore. C'est
l'oncle Bachelard, un homme sans murs, qui gagne quatre-vingt
mille francs par an dans la commission. Couvert de bijoux, dégingandé,
il est énorme, avec sa carrure de commerçant noceur et
braillard, qui a roulé dans tous les vices. Il a des fausses
dents trop éclatantes, une face ravagée, un grand nez
rouge qui flambe, des yeux pâles a brouillés, des cheveux
blancs coupés ras [49]. Sa maison de commission occupe le sous-sol
et le rez-de-chaussée d'un vaste immeuble de la rue d'Enghien.
Dans les occasions de plaisir, Bachelard agit avec la prodigalité
enragée d'un homme qui ne compte plus ; il est connu sur toute
la ligne des grands boulevards pour ses dîners fastueux, des dîners
à trois cents francs par tête qu'il offre à ses
clients de l'Inde ou du Brésil et dans lesquels il soutient noblement
l'honneur de la commission française [240]. Mais cette ostentation
ne l'empêche pas de compter ; dans les cafés, il emporte
le sucre; en famille, il est d'une avarice féroce. Comme les
Josserand sont à genoux devant sa fortune, il les exploite pendant
quinze ans, emmenant chaque semaine le mari passer deux heures dans
son bureau et lui faisant vérifier gratis ses écritures
pour économiser cent sous. Il accepte les invitations à
dîner, laisse entendre à sa sur qu'il sera généreux
plus tard, impose aux Josserand ses habitudes répugnantes, se
fait tripoter par ses nièces qui lui arrachent parfois vingt
francs de haute lutte, mais il n'offre jamais un cadeau. Gavé
de boisson et de nourriture, Bachelard a beau n'avoir jamais sa raison,
il ouvre l'il dès qu'on lui parle d'argent et, serré
de près, sait. se dérober en exagérant son air
de noceur gâteux [150]. Il n'est prodigue que de conseils, s'entendant
à demi-mot avec sa sur, pour marier Berthe grâce
à l'appât d'une dot imaginaire.
Au fond, ce jouisseur égoïste
a toujours été pour l'idéal ; fatigué des
gueuses qui le grugent, Narcisse Bachelard a cherché un cur
qui le comprît et il s'est mis à aimer Fanny Menu, la jeune
Fifi, une innocence en chambre, de la chair en bouton qu'il salit de
ses anciens vices [245] et qui ne lui coûte pas plus de cinq louis
par mois. Quand une noce l'attendrit, il ne peut se tenir de mener les
gens chez Fifi, partagé entre la vanité de montrer son
trésor et la crainte de se le faire voler [166]. Dans ces moments-là,
sa voix de vieil ivrogne tremble, des larmes gonflent ses paupières
lourdes ; il donne des détails sur sa maîtresse, une peau
de fleur, des cuisses rondes et fermes comme des pêches [244].
Et l'inévitable se produit : Bachelard est trompé au profit
de Gueulin, son neveu et son compagnon de plaisir; mais cette infortune
achève d'exciter sa sensibilité : il régularise
la situation en mariant Gueulin et Fifi, et il leur donne généreusement,
en bon oncle, les cinquante mille francs promis depuis si longtemps
pour la dot de sa nièce Berthe. (Pot-Bouille.)
Badeuil
(Charles). Mari de Laure Fouan, père d'Estelle
Vaucogne. Ancien tenancier de maison publique. Il vivotait dans un petit
café de la rue d'Angoulême, à Châteaudun,
lorsqu'il a épousé Laure Fouan. Hantés par le désir
d'une fortune rapide, les époux sont allés à Chartres
et, après avoir tâté de plusieurs commerces, ont
eu l'heureuse idée d'acheter un établissement de la rue
aux Juifs, tombé en déconfiture par suite de mauvaise
gestion. Grâce au bras d'acier de M. Charles et à l'extraordinaire
activité de sa femme, le 19 s'est rapidement relevé de
ses ruines. En moins de vingt-cinq années, les Badeuil ont économisé
trois cent mille francs. Ils ont alors voulu contenter le rêve
de leur vie, une vieillesse idyllique en pleine nature, avec des arbres,
des fleurs, des oiseaux, et, comme Laure Fouan aspirait à finir
ses jours au pays natal, ils se sont fixés à Rognes, dans
la charmante propriété de Roseblanche, véritable
oasis de la Beauce pouilleuse, folie d'un riche bourgeois de Cloyes,
qu'ils ont acquise à un prix dérisoire [43]. M. Charles
est un bel homme de soixante-cinq ans, rasé, aux lourdes paupières
sur des yeux éteints, à la face correcte, grasse et jaune
de magistrat retiré. Chez lui, on le trouve avec des chaussons
fourrés et une calotte ecclésiastique qu'il porte dignement.
Il a un grand souci des bonnes manières, s'indigne contre le
relâchement des murs dans les campagnes et montre la plus
grande sévérité à l'égard de ses
bonnes [183]. Tout le pays respecte les Badeuil, qui ne sont ni des
fainéants ni des bêtes, puisqu'ils ont su mettre de côté
douze mille francs de rente; les paysans de la famille, à genoux
devant l'argent, sont extrêmement flattés de serrer la
main que M. Charles leur tend avec condescendance. Et les anciens tenanciers
du 19 vivent là, dans un bonheur absolu, qu'ils considèrent
comme lu récompense légitime de leurs trente années
de travail, tourmentés seulement du sort de la maison de Chartres,
qui périclite aux mains de l'incapable, Vaucogne, mari d'Estelle.
(La Terre.)
Badeuil
(Madame Charles). Fille cadette de Joseph-Casimir Fouan.
Sur de la Grande, du père Fouan et de Michel Fouan, dit
Mouche. Femme de M. Charles. Elevée dans la couture, placée
à Châteaudun, elle avait été laissée
en dehors du partage des terres, on l'avait indemnisée en argent.
Devenue maîtresse d'une maison de tolérance à Chartres,
elle a puissamment secondé son mari, ayant l'il partout,
ne laissant rien perdre, tout en sachant accepter, quand il le fallait,
les petits vols des clients riches [41]. Retirée avec son mari
à Rognes après fortune faite, madame Charles est une dame
de soixante-deux ans, à l'air respectable, aux bandeaux d'un
blanc de neige ; elle a le masque épais et à gros nez
des Fouan, mais d'une pâleur rosée, d'une paix et d'une
douceur de cloître, une chair de vieille religieuse ayant vécu
à l'ombre. Elle donne le bon exemple en allant à la messe
et soigne attentivement l'éducation de sa petite-fille Elodie
Vaucogne, ange de candeur qui ne doit rien connaître des basses
réalités. Très attachée d'ailleurs aux souvenirs
de sa vie active, madame Charles affectionne un vieux chat jaune qui,
pendant quinze ans, a ronronné sur tous les lits du 19, le chat
favori qui assistait aux choses en muet rêveur, voyant tout de
ses prunelles amincies dans leur cercle d'or [45].
Du fond de sa retraite bourgeoise
pleine de soleil, une véritable nostalgie ramène la vieille
dame vers son ancienne maison aux persiennes toujours closes. Dans les
moments de presse, elle accourt à Chartres pour donner un coup
de main à sa fille Estelle, qui lui a succédé.
Et elle rapporte à Rognes des lots de vieux linge imprégné
d'une persistante odeur de musc, des draps en loques, des chemises fatiguées,
qu'elle distribue aux paysans de la famille, flattés dans leur
amour du linge, la vraie richesse après la terre [273]. Madame
Chartes, convaincue que sa petite-fille ne sait rien de rien, connaîtra
la plus douée émotion de sa vie lorsqu'elle verra Elodie
obéir à une vocation irrésistible et perpétuer
la race des Charles en reprenant le 19 et en sauvant de la ruine l'uvre
glorieuse des grands parents [491]. (La Terre.)
Badeuil
(Estelle). Fille des Badeuil. Mère d'Élodie
Vaucogne. Née dans la première année du mariage
de ses parents, elle a été mise chez les Surs de
la Visitation, à Châteaudun, et n'est sortie de ce pensionnat
dévot qu'à dix-huit ans, pour être mariée
à Hector Vaucogne. Mère après cinq ans de mariage,
elle a vécu jusqu'à trente ans sans soupçonner
le métier de ses parents et, instruite seulement à l'époque
où ils songeaient à se retirer, elle a voulu reprendre
leur commerce, se révélant du premier coup comme une maîtresse
de maison supérieure, suffisant à elle seule à
faire marcher le 19, compensant heureusement la mollesse de son mari
[42]. Mais, mal secondée, elle se donne un mal énorme
pour soutenir la bonne réputation de l'établissement et
finit par se mer à la peine. L'enterrement a lieu à Chartres,
le quartier s'associe à la douleur des Badeuil, les cinq femmes
de la maison assistent à la cérémonie en robe sombre,
l'air comme il faut [339]. (La Terre.)
Baillehache.
Notaire à Cloyes, né en 1805. Sa charge est dans
la famille depuis deux cent cinquante ans ; les Baillehache de père
en fils se sont succédé, d'antique sang beauceron, prenant
de leur clientèle paysanne la pesanteur réfléchie,
la circonspection sournoise, qui noient de longs silences et de paroles
inutiles le moindre débat. Baillehache, frais encore pour ses
cinquante-cinq ans, a les lèvres épaisses, des paupières
bridées dont les rides font rire continuellement son regard.
Il porte un binocle et a le continuel geste maniaque du tirer les longs
poils grisonnants de ses favoris [15]. Dans son étude, située
rue Grouaise, on contracte des assurances contre la conscription [69].
Baillehache assiste avec un flegme professionnel aux terribles querelles
de ses clients [389]. (La Terre.)
Baillehache
(Mademoiselle). Sur aînée du notaire
de Cloyes, née en 1799. Extrêmement laide, mais douée.
Elle épouse à trente-deux ans Alexandre Hourdequin, de
cinq ans moins âge qu'elle, et elle lui apporte une dot de cinquante
mille francs. Deux enfants, un fils et une fille. Elle meurt en 1855,
pendant la moisson [87]. (La Terre.)
Balbi
(Clorinde). Voir CLORINDE .
Balbi
(Comtesse Lenora). Vieille Italienne, moitié aventurière,
moitié grande dame, sortie, dit-on, d'un lit royal. Sa fille
Clorinde est née deux ans après la mort du comte; le ménage
Balbi avait, prétend-on, passé par une foule d'excentricités,
dans des débordements parallèles [63]. La comtesse, fixée
à Paris, se livre à de savantes menées politiques,
son salon est le refuge des Vénitiens exilés, elle est
informée des affaires d'Italie avant le légat lui-même
[72], et agit dans le monde politique en agent secret du gouvernement
piémontais, secondée par les séductions de Clorinde.
Lenora Balbi vit allongée, croquant des pastilles à la
menthe, recevant les hommages du chevalier Rusconi, et se faisant soigner
par le domestique Flaminio, un grand diable d'Italien à figure
de bandit. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Balthazar.
Cheval de madame François. Bonne vieille bête de
irait faisant, été comme hiver, le trajet de Nanterre
à Paris, remisant rue Montorgueil,au Compas d'Or [7]. (Le Ventre
de Paris.)
Bambousse
(Artaud, dit). Maire des Artaud. Le plus riche cultivateur
du pays, gras, suant, la face ronde, vieil incrédule qui refuse
les fonds de la commune pour réparer l'église en ruine
[40]. Sa fille Rosalie ayant été culbutée dans
les foins par Fortuné Brichet, fils de paysans pauvres, il refuse
d'abord son consentement an mariage, furieux de donner son bien à
un sans le sou [42], puis il cède après l'accouchement
de Rosalie et il aie crève-cur de voir l'enfant mourir
quelques jours après le mariage [425]. (La Faute de l'abbé
Mouret.)
Bambousse
(Catherine). Fille cadette de Bambousse. Onze ans. Déjà
vicieuse, on la rencontre dans tous les coins du pays avec Vincent Brichet
[33]. Vole des branches d'olivier pour les apporter au mois de Marie
[93]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Bambousse
(Rosalie). Fille aînée de Bambousse. Dix-huit
ans. Grande fille brune, travailleuse de la terre, nuque roussie, cheveux
noirs plantés comme des crins, l'air d'une bête impudique
[39]. Maîtresse de Fortuné Brichet. On les marie après
la venue d'un enfant [281]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Baptiste.
Valet de chambre de Saccard. Homme superbe, tout de noir habillé,
grand, fort, la face blanche, avec les favoris corrects d'un diplomate
anglais, l'air grave et digne d'un magistrat [20]. Paraît s'intéresser
beaucoup aux chevaux. Sa froideur, ses regards clairs qui ne s'arrêtent
jamais aux belles épaules décolletées, en imposent
à Renée [206], jusqu'au jour où elle apprend que
ce mépris des femmes a pour cause un trop grand amour pour les
jeunes garçons d'écurie [340]. Chassé par Saccard,
l'imposant Baptiste entre au service du baron Gouraud [344]. (La Curée.)
Baptistin.
Employé de Larsonneau. Petit jeune homme louche, les cheveux
pâles, la face couverte de taches de rousseur. Il est vêtu
d'une mauvaise redingote noire, trop grande et horriblement râpée
[251]. Larsonneau lui fait jouer le rôle principal dans une comédie
de chantage, destinée à intimider Aristide Saccard. (La
Curée.)
Baquet
(la mère). Marchande de vin à La Chapelle.
Vend du vin d'Orléans à huit sous [264]. (L'Assommoir.)
Barillot.
Avertisseur au theâtre des Variétés, où
il est depuis trente ans. C'est un petit vieillard bleuie, à
la voix grêle [139]. (Nana.)
Bastian.
Tambour de la compagnie Beaudoin, du 106e de ligne (colonel de
Vineuil). Un gros garçon gai. Dans la retraite sur la place de
Sedan, le 1er septembre, vers cinq heures. lorsque la bataille était
finie, il a eu l'infortune d'attraper dans l'aine une balle perdue [396].
Le malheureux agonise sur la paille, à l'ambulance Delaherche,
et meurt pendant la distribution du trésor du 7e corps. Les pièces
d'or qu'un sergent a mises dans ses mains déjà froides
roulent à terre et sont ramassées par un blessé
voisin, un petit zouave sec et noir, qui veut avoir de quoi se payer
du sirop [397]. (La Débâcle.)
Bataille.
Un cheval blanc qui a dix ans de fond, dans les galeries du Voreux.
Le doyen de la mine. Depuis dix ans, il vit là, occupant un même
coin d'écurie, faisant la même tache le long des parois,
sans avoir jamais revu le jour. Très gai, le poil luisant, l'air
bonhomme, il semble couler une existence de sage, à l'abri des
malheurs de là-haut. D'ailleurs, dans les ténèbres,
il est devenu d'une grande malignité. La voie où il travaille
a fini par lui être si familière, qu'il pousse île
la tête les portes d'aérage, et se baisse, afin de ne pas
se cogner, aux endroits trop bas. Sans doute aussi, il compte ses tours,
car lorsqu'il a fait le nombre réglementaire de voyages, il refuse
d'en recommencer un autre, on doit le reconduire à sa mangeoire.
Maintenant, l'âge vient,
ses yeux de chat se voilent parfois d'une mélancolie. Peut-être
Bataille revoit-il vaguement, au fond de ses rêvasseries obscures,
le moulin où il est né, près de Marchiennes, un
moulin planté sur le bord de la Scarpe, entouré de larges
verdures, toujours éventé par le vent. Quelque chose brûle
en l'air, une lampe énorme, dont le souvenir exact échappe
à sa mémoire de bête. Et il reste la tête
liasse, tremblant sur ses vieux pieds, faisant d'inutiles efforts pour
se rappeler le soleil [63]. Quand un compagnon lui tombe de la terre,
il le flaire, connue s'il trouvait en lui la bonne odeur du grand air,
l'odeur oubliée du soleil dans les herbes, et il éclate
tout à coup d'un hennissement sonore, d'une musique d'allégresse,
où semble se révéler l'attendrissement d'un sanglot
[64]. Il s'est pris d'une grande tendresse pour son camarade Trompette
; on dirait la pitié affectueuse d'un vieux philosophe, désireux
de soulager un jeune ami, eu lui donnant sa résignation et sa
patience [210]. Mais c'est en vain qu'il le frotte amicalement de ses
côtes. qu'il lui mordille le cou, l'autre reste morne, sans goût
à la besogne, comme torturé du regret de la lumière.
Trompette meurt [476], et le tour de Bataille vient un peu plus tard
: il est assassiné par l'inondation de la mine [558]. (Germinal.)
Baudequin.
Dessinateur habitant la maison des Lorilleux, rue de la Goutte-d'Or.
C'est un grand escogriffe criblé de dettes [71]. (L'Assommoir.)
Baudequin. Tient un
café boulevard des Batignolles, au coin de la rue Darcet. Là,
se sont réunis régulièrement le dimanche soir,
pendant plusieurs années, Claude Lantier, Pierre Sandoz, Dubuche,
Mahoudeau et leurs amis, une bande do jeunes gens passionnés
pour leur art et décidés à conquérir Paris.
Au début, les peintres du quartier se montrent Claude en chuchotant,
comme s'ils voyaient passer le chef redoutable d'une tribu de sauvages
[95]. Plus tard, la bande se noie dans le flot des nouveaux venus, ou
est peu à peu submergé par la banalité moulante
des élèves du plein air ; et de jeunes peintres, que Claude
ne connaît pas, viennent lui serrer la main [262]. Puis le temps
s'écoule, les réunions cessent, l'établissement
change trois lois de propriétaire, Claude et Sandoz revenus,
par hasard, au seuil de ce café, dont ils disaient autrefois,
en riant, qu'il était le berceau d'une révolution, ne
reconnaissent plus la salle, disposée autrement ; leur table
d'autrefois, au fond, à gauche, n'est plus là; de nouvelles
couches de consommateurs se sont succédé, les unes recouvrant
les autres, si bien que les anciennes ont disparu comme des peuples
ensevelis [433]. (L'uvre.)
Baudu.
Mari d'Elisabeth Hauchecorne. Père de Geneviève.
Oncle de Denise, Jean et Pépé Baudu. Entré comme
simple commis au Vieil Elbeuf avec sept francs dans sa poche, il a fini
par épouser la fille de Hauchecorne, le patron, à qui
il a succédé. Dans les années de prospérité,
le ménage Baudu a élevé six enfants : trois sont
morts à vingt ans, le quatrième a mal tourné, le
cinquième est officier, il ne reste que Geneviève. Cette
famille a coûté gros et Baudu s'est achevé en achetant
à Rambouillet une grande baraque de maison, une antique bâtisse
où il rêve de se retirer et qu'on est forcé de réparer
continuellement; ses gains passent là, il n'a eu que ce vice,
dans sa probité méticuleuse, obstinée aux antiques
usages. Le Vieil Elbeuf souffre de la terrible crise déterminée
par les grands magasins. La boutique, pleine d'humidité, est
écrasée sous un plafond bas et enfumé ; elle a
un entresol aux baies de prison et une arrière-salle qui ouvre
sur un fond de puits; c'est une odeur de vieux, un demi-jour, où
tout l'ancien commerce, bonhomme et simple, semble pleurer d'abandon,
alors que, de l'autre côté de la rue, le Bonheur des Dames
donne l'impression d'une machine fonctionnant à haute pression,
avec ses vitrines échauffées et comme vibrantes de la
vie intérieure [18].
Baudu est un gros homme à
cheveux blancs et à grande face jaune [6], un bilieux, un violent
aux poings toujours serrés [25]. Toute une aigreur a grandi en
lui. Les étalages du Bonheur des Dames le mettent en fureur,
il a le sang aux yeux, la bouche contractée. Il s'indigne contre
ces grands bazars où l'on vend de tout, où les commis,
un tas de godelureaux, manuvrent comme dans une gare, traitent
les marchandises et les clients comme des paquets, lâchent le
patron ou sont lâchés par lui pour un mol, sans affection,
sans murs, sans art [26]. Moins atteint que d'autres jusqu'ici,
parce que le monstre ne tient pas encore tous ses articles, il prédit
avec assurance la chute des grands magasins, une débâcle
qui doit rétablir la dignité du commerce compromise. Depuis
longtemps, Baudu projette de marier sa fille Geneviève à
son premier commis Colomban, comme lui-même a été
marié à la fille de Hauchecorne ; un scrupule de probité
lui fait retarder cette union jusqu'à la fin de la crise, pour
ne point passer à son gendre la maison moins prospère
qu'il ne l'a reçue lui-même. Dans tout le quartier, les
autres spécialités croulent.
Baudu a fini par s'incliner
devant les faits ; mais, s'il a perdu la foi, s'il sent même la
peur l'envahir, son intelligence reste rebelle à l'évolution
logique du commerce ; jamais le Vieil Elbeuf ne fera une concession.
Dans l'implacable poussière des agrandissements du Bonheur des
Dames, devant le chantier colossal où l'on travaille toute la
nuit, Baudu sent venir la mort lente, sans secousse, par un ralentissement
continu des affaires, les acheteuses perdues une aune. Pour durer davantage,
il se résigne au plus cruel des sacrifices: la campagne de Rambouillet,
quia coûté deux cent mille francs, est vendue soixante-dix
mille francs aux Lhomme. Maintenant, le Bonheur tient tous les articles
de la maison, les velours de chasse, les livrées, les flanelles
; des sacrifices sont encore nécessaires, il faut hypothéquer
le vieil immeuble d'Aristide Finet. Le drapier ne comprend plus, il
en arrive à envoyer violemment au magasin rival les clientes
qui discutent ses prix [278]. La fin n'est plus maintenant qu'une question
de jours, l'émiettement s'achève [436]. Atterré
devant la défection de Colomban, achevé par la mort de
sa fille et de sa femme, Baudu vit encore pendant quelque temps dans
sa boutique désertée ; il marche continuellement, cédant
à un besoin maladif, à de véritables crises de
déambulation, comme s'il voulait bercer et endormir sa douleur
[466]. Il a refusé le secours que-lui apportait sa nièce
Denise au nom d'Octave Mouret, il se réfugie dans une maison
de retraite. Et c'est alors le triomphe définitif du Bonheur
des Dames, dont l'immense affiche jaune s'étale, comme un drapeau
planté sur un empire conquis, le long des volets murés
du Vieil Elbeuf [472]. (Au Bonheur des Dames. )
Baudu
(Madame). Voir HAUCHECORNE (Elisabeth).
Baudu
(Capitaine). Fils des drapiers de la rue de la Michodière.
Est parti pour le Mexique, comme capitaine [11]. (Au Bonheur des Dames.)
Baudu
(Denise) (l). Nièce du drapier. Sur de Jean
et de Pépé. Tous trois vivaient à Valognes, avec
leurs parents, lorsque ceux-ci sont morts, emportés par la même
fièvre. Le père avait mangé jusqu'au dernier sou
dans sa teinturerie. A dix-neuf ans, Denise est restée ainsi
le seul soutien, la mère des deux enfants, mais son gain chez
Cornaille ne suffit point à les nourrir tous trois. Au bout d'un
an, Jean trouve du travail à Paris et comme Denise, dans sa terreur
maternelle, ne veut pas laisser ce grand garçon venir seul à
Paris, elle quitte Valognes en un coup de tête et la petite famille
débarque un matin chez l'oncle Baudu. La jeune fille est chétive
pour ses vingt ans; elle a un visage long à la bouche trop grande,
le teint fatigué déjà; sa seule beauté est
dans ses cheveux blond cendré, ils lui tombent jusqu'aux chevilles
et, quand elle se coiffe, ils la gênent au point qu'elle se contente
de les rouler et de les retenir en un tas, sous les fortes dents d'un
peigne de corne [108]. Un sourire la transfigure ; il est comme un épanouissement
du visage entier, ses yeux gris prennent une flamme tendre, ses joues
se creusent d'adorables fossettes, ses pâles cheveux eux-mêmes
semblent voler, dans la gaieté bonne et courageuse de tout son
être. Alors, elle devient jolie [67]. Sous son aspect tranquille
et doux, il y a une volonté têtue de Normande.
Rue de la Michodière,
elle voit le Vieil Elbeuf enfumé et noirâtre, un trou glacial
où sa cousine Geneviève s'étiole sous l'épaisse
indifférence de Colomban, un commerce vieillot et rétréci
où il n'y a pas de place pour .elle; en face,, resplendit le
Bonheur des Dames, dont elle subit aussitôt la tentation. Dans
son désir d'y pénétrer, il y a une peur vague,
qui achève de la séduire; c'est une passion de la vie
et de la lumière. Elle y rêve son avenir, beaucoup de travail
pour élever les enfants, avec d'autres choses encore, elle ne
sait quoi, de? choses lointaines dont le désir et la crainte
lui font peur [33]. On l'accepte au rayon des confections. Les autres
vendeuses l'accueillent avec la sourde hostilité des gens à
table qui n'aiment pas se serrer pour faire place aux faims du dehors
; elle se plie à la besogne inférieure des débutantes,
ravalée par madame Aurélie au rang de mannequin, traitée
en paria, condamnée à de terribles fatigues qui la brisent
et la jettent le soir, dans sa petite chambre malsaine, sans la force
de se déchausser, ivre de fatiguent de tristesse [143]. Mais
elle garde son grand courage; sous les crises de sa sensibilité,
il y a une raison sans cesse agissante, toute une bravoure d'être
faible, s'obstinant gaiement au devoir qu'elle s'impose. Elle fait peu
de bruit, va devant elle, droit à son but, par-dessus les obstacles;
et cela, simplement, naturellement, car sa nature même est dans
cette douceur invincible.
Ses faibles gains suffisent
à peine à la pension de Pépé et à
l'entretien de Jean; celui-ci exploite son bon cur; c'est la misère
noire. Denise en est réduite à raccommoder elle-même
ses souliers et à faire des lessives dans sa cuvette; elle n'en
résiste pas moins aux suggestions de Pauline Cugnot, qui l'engage
à prendre quelqu'un pour être aidée; ce conseil
la gêne comme une pensée qui ne lui est jamais venue et
dont elle ne voit pas l'avantage. D'ailleurs, elle n'obéit pas
à des idées, sa raison droite et sa nature saine la maintiennent
simplement dans l'honnêteté où elle vit [158]. Elle
gravit toujours son calvaire, ayant de gros soucis matériels
causés par Jean, s'éreintant le jour, travaillant la nuit
à des nuds de cravate, souffrant de calomnies outrageantes,
subissant les immondes tentatives du père Jouve. Neuf mois de
courage souriant n'ont désarmé aucune hostilité;
son renvoi est salué par une joie générale dans
le rayon [215], Mise sur le pavé avec vingt-cinq francs dans
sa poche, elle s'est réfugiée avec Pépé
dans une des chambres du père Bourras, son dénuement est
complet, le pain manque, mais, là encore, sous la menace de la
famine, elle résiste aux tentations, un soulèvement de
son être proteste, sans indignation contre les autres, répugnant
uniquement aux choses salissantes et déraisonnables, se faisant
de la vie une idée de logique, de sagesse et de courage [223].
Si elle est si brave, c'est
qu'elle a une tendresse au cur. Celui qu'elle aime, c'est Octave
Mouret; le regard de celui-ci dès la première rencontre
au carrefour Gaillon levait emplie d'une émotion singulière,
c'était un coup profond jusqu'à la peur, mais dans ce
malaise, il n'y avait que l'ignorance effarée de l'amour, le
trouble de ses tendresses naissantes. Bientôt, elle sentira qu'elle
n'a jamais aimé que Mouret, elle l'aimait lorsqu'elle le redoutait
comme un maître sans pitié, elle l'aimait lorsque son cur
éperdu, inconscient, cédant à un besoin d'affection,
rêvait du commis Hutin [227]. Et elle vit maintenant chez le belliqueux
Bourras, dans l'obsession du Bonheur des Dames, séparée
de son ancien rayon par un simple mur, elle subit le branle de la formidable
machine; puis, après un court passage chez Robineau, restée
de tête avec les grands magasins où elle voit une évolution
naturelle du commerce, sentant mûrir ses idées, elle rentre
enfin au Bonheur des Dames ramenée cette fois par Mouret, étonnée
de retrouver touile monde poli, presque respectueux.
Elle s'est affinée,
la peau blanche, l'air délicat et grave, sans autre luxe que
sa royale chevelure blonde; son insignifiance d'autrefois est devenue
un charme d'une discrétion pénétrante [323]. Sa
nature saine et sa raison droite résisteront à l'amour
comme ne elles ont vaincu la misère. C'est en vain que Mouret
lui prodigue les avances; elle lui oppose une force de volonté
douce et inexorable, s'écrasant le cur, non pour obéir
à l'idée de vertu, mais par un instinct de bonheur, pour
satisfaire son besoin d'une vie tranquille. Sa dignité semble
jusqu'au bout être le calcul savant d'une femme rompue à
la tactique de la passion, et comme on l'accuse en sourdine de vouloir
se faire épouser, elle se révolte contre ce jugement elle
veut partir. C'est alors que Mouret éperdu lui offre le mariage,
Denise a voulu faire de lui un bravé homme; dans sa tête
raisonneuse et avisée de Normande ont poussé toutes sortes
de projets, son rêve est d'améliorer ce Bonheur des Dames
où elle a longtemps lutté et souffert obscurément;
elle y voit l'immense bazar idéal, le phalanstère du négoce,
où chacun aura sa part exacte des bénéfices, selon
ses mérites, avec la certitude du lendemain, assurée à
l'aide d'un contrat [428]. Si Mouret a écrasé tant de
gens, s'il a semé des ruines nécessaires, il a du moins
préparé l'avenir, et elle l'aime pour la grandeur de son
uvre [469]. (Au Bonheur des Dames.)
Madame Denise Mouret a deux
enfants, une fille d'abord, puis un garçon. Celui-ci tient d'elle
et pousse magnifique [131]. (Le Docteur Pascal.)
(1) Denise Baudu, saine et
équilibrée, mariée à Octave Mouret, veuf
de madame Hédouin. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart).
Baudu
(Geneviève). Fille de Baudu et d'Elisabeth Hauchecorne.
En elle, la dégénérescence de sa mère s'est
encore aggravée. Elle a la débilité et la décoloration
d'une plante poussée à l'ombre. Pourtant, des cheveux
noirs magnifiques, épais et lourds, venus comme par miracle dans
cette chair pauvre, lui donnent un charme triste [10]. Encore enfant,
elle a été promise au commis Colomban. Elle s'est accoutumée
à l'aimer, avec la gravité de sa nature contenue, et d'une
passion profonde qu'elle ignore elle-même, dans son existence
plate et réglée de tous les jours; au fond de ce rez-de-chaussée
du vieux Paris, sa tendresse a poussé comme une fleur de cave
[16]. Geneviève a deviné la cruelle indifférence
de Colomban qu'hypnotise le Bonheur des Dames ; l'amour du commis pour
une vendeuse lui fend le cur; c'est une sourde agonie où
son corps de fiancée s'use dans le chagrin et dans l'attente,
retournant à l'enfance grêle des premiers ans [442]. Et
elle meurt épuisée, première victime du grand magasin
d'Octave Mouret [445]. (Au Bonheur des Dames.)
Baudu
(Jacqueline). Voir SIVRY (Blanche de).
Baudu (Jean). Frère
de Denise et de Pépé. A travaillé à Valognes
chez un ébéniste, un réparateur de meubles anciens,
qui lui a appris la sculpture sur bois. Comme il avait fait une tête
dans un morceau d'ivoire, un monsieur s'est intéressé
à lui et lui a trouvé une place à Paris, chez un
ivoirier du faubourg du Temple, où il sera logé et nourri.
Quand les trois orphelins quittent Valognes, Jean a seize ans, il a
la beauté d'une fille, une beauté qu'il semble avoir volée
à sa sur, la peau éclatante, les cheveux roux et
frisés, les lèvres et les yeux mouillés de tendresse.
Le départ a été précipité par une
escapade amoureuse du jeune homme, des lettres écrites à
une fillette noble de la ville, des baisers échangés par-dessus
un mur [9]. A Paris, cet enfant si beau et si gai, plein d'insouciance,
adoré de toutes les femmes, exploite longtemps l'exquise bonté
de Denise; pour piller ses petites économies, il raconte des
aventures, il invente des dangers extraordinaires. Jean se range à
vingt-trois ans, aimant cette fois la nièce d'un pâtissier
très riche, qui n'accepte pas même des bouquets de violettes
[449]. Denise le marie et fait les frais d'installation du ménage.
A cette époque, carré des épaules, dominant sa
sur de toute la tête, il garde sa beauté de femme
avec sa chevelure blonde, envolée sous le coup de vent des ouvriers
artistes [488]. (Au Bonheur des Dames.)
Baudu
(Pépé). Le plus jeune frère de Denise;
cinq ans lorsqu'elle en a vingt. Blond, d'un blond d'enfance, il est
câlin comme un petit chat, il reste muet des journées entières,
vivant de caresses [13]. A Paris, on le met en pension chez madame Gras,
rue des Orties, puis au collège. Quand il a douze ans, il dépasse
déjà sa sur, plus gros qu'elle, toujours silencieux
et d'une douceur câline, dans sa tunique de collégien [448].
(Au Bonheur des Dames.)
Baudu
(Thérèse). Femme de Jean Baudu. Petite Parisienne
d'un visage tourmenté et charmant [488]. (Au Bonheur des Dames.)
Baugé.
Un vendeur du Bon Marché. Fils cadet d'un épicier
de Dunkerque, il a presque été chassé par son père
et son frère qui le jugeaient trop bête. A la vérité,
il est stupide mais très bon pour la vente des toiles, les femmes
le trouvent gentil; il se fait trois mille cinq cents francs [169].
Amant de Pauline Cugnot, il est venu habiter rue Saint-Roch pour se
rapprocher d'elle [179]. Plus tard, il l'épouse et quitte le
Bon Marché pour la rejoindre dans la maison d'Octave Mouret [330].
(Au Bonheur des Dames.)
Baugé
(Madame). Voir CUGNOT (Pauline).
Bavoux.
Vendeur du rayon de mercerie, au Bonheur des Dames. Les bobinards
ont un club, le Bobin'-club, chez un marchand de vins de la rue Saint-Honoré,
qui leur loue une salle, le samedi; le petit Bavoux lit des vers [349].
(Au Bonheur des Dames.)
Bazouge.
Vieux croque-mort toujours pochard. Habite rue de la Goutte-d'Or,
dans la maison des Lorilleux [118]. Ses gâités funèbres
ont d'abord fait peur à Gervaise qui, tombée peu à
peu dans le dégoût de l'existence, finira par désirer
ardemment être emportée par lui [546]. Bazouge se donne
le surnom de Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames [569].
(L'Assommoir.)
Beauchamp
(Flore). Un petit modèle qui habite rue de Laval,
32. Assez fraîche, mais trop maigre [55]. (L'uvre.)
Beaudoin.
Ami des Hamelin, qui l'ont connu à Beyrouth où
il est établi. A beaucoup aimé madame Caroline, promettant
de l'épouser après la mort de mari. Mais, las sans doute
d'attendre, il obtient la main d'une demoiselle très jeune et
immensément riche, la fille d'un consul anglais [64]. (L'Argent.)
Beaudoin.
Capitaine au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Un bel
officier, d'allure fine et correcte. Sorti de Saint-Cyr, appuyé
par plusieurs salons, ayant une très jolie voix de ténor
à laquelle il doit beaucoup déjà, bonapartiste
convaincu, le capitaine Beaudoin est promis au plus bel avancement.
D'ailleurs, il n'est pas inintelligent, bien que ne sachant rien de
son métier [234]. Il n'a pas su se faire aimer de ses hommes,
on le trouve trop jeune et trop dur, un pète-sec [92]. Rochas,
son lieutenant, sorti du rang, ne peut le souffrir. Dans la marche vers
la Meuse, le convoi s'est égaré, Beaudoin a perdu ses
bagages; il ne dérage pas, les lèvres pincées,
le visage pâle, bien moins indigné de ne point manger que
de ne pouvoir changer de chemise [128]. Depuis les premières
défaites, il a l'air absolument choqué, le désastre
lui semble surtout inconvenant. II arrive dans Sedan pitoyable, l'uniforme
souillé, la face et les mains noires.
Autrefois, en garnison à
Charleville, il avait été le familier de la jolie Gilberte
Maginot; il la retrouve mariée à Jules Delaherche, on
lui fait fête, les anciens amants passent la nuit ensemble et,
le lendemain, au petit jour, Beaudoin rejoint sa compagnie sur le plateau
de Floing, étonnant tout le monde parla correction de sa tenue,
son uniforme brossé, ses chaussures cirées, toute une
coquetterie, un vague parfum de lilas de Perse [233]. Au calvaire d'Illy,
très nerveux, remuant sans cesse malgré les sages conseils
de Rochas, il a la jambe droite fracassée par un éclat
d'obus et il culbute sur le dos, en poussant un cri aigu de femme surprise.
Transporté à l'ambulance Delaherche, il subit courageusement
l'amputation, mais l'hémorragie a été trop forte,
il ne survivra pas. Et si, dans ses yeux, on lit alors un immense regret
de la vie, une lâcheté de s'en aller ainsi, trop jeune,
sans avoir épuisé la joie d'être, la pensée
qu'il va manquer de correction lui rend sa bravoure et il finit par
montrer un grand courage, soucieux avant tout de partir en homme de
bonne compagnie [346]. (La Débâcle.)
Beau-François
(Le). Chef de la bande des chauffeurs d'Orgères,
dont les terribles exploits, contés à la veillée,
font encore frissonner toute la Beauce [67]. (La Terre.)
Beaurivage
(Duc de). Personnage de la Petite Duchesse, pièce
de Fauchery jouée aux Variétés. Le duc trompe sa
femme avec une étoile d'opérette,la blonde Géraldine.
C'est le vieux Bose qui joue le rôle de Beaurivage [312]. (Nana.)
Beauvilliers
(Comte Charles de). Un débauché, qui a achevé
d'anéantir l'immense fortune des Beauvilliers, assise jadis sur
d'immenses domaines, dans le Vendômois. Mort d'un accident de
chasse, vengeance probable d'un garde jaloux, le comte a laissé
une femme et deux enfants dans la gêne. On retrouvera plus tard
un engagement signé de lui, en 1854, et promettant dix mille
francs à une fille Léonie Cron, qu'il a séduite
[64]. (L'Argent.)
Beauvilliers
(Comtesse de). Femme du comte. Mère de Ferdinand
et d'Alice. A beaucoup souffert de son mari, dont elle ne s'est jamais
plainte. C'est une grande femme maigre de soixante ans, toute blanche,
au grand nez droit, aux lèvres minces, au cou particulièrement
long; elle a l'air d'un cygne très ancien, d'une douceur désolée
[67]. Elle occupe avec sa fille, rue Saint-Lazare, une ancienne maison
de plaisance, la Folie-Beauvilliers, attenante à l'hôtel
d'Orviedo; c'est, avec la ferme des Aublets, près de Vendôme,
la dernière épave d'une immense fortune. La ferme rapporte
environ quinze mille francs de rente, mais la maison de Paris, écrasée
d'hypothèques, menacée d'une mise en vente si l'on ne
paie pas les intérêts, mange la plus grosse part du revenu.
Aussi madame de Beauvilliers doit-elle racheter par de sordides économies
le luxe extérieur auquel la condamne l'orgueil de sa condition.
Soucieuse de se tenir debout à son rang, rêvant de marier
sa fille à un homme d'égale noblesse et de faire de son
fils un soldat, elle vit dans un douloureux et puéril héroïsme
quotidien [70]. Mais un grand espoir va lui venir.
Membre de la Commission de
surveillance de l'uvre du Travail, fondée par la princesse
d'0rviedo, elle est mise au courant des merveilleuses promesses de la
Banque Universelle et malgré son horreur de race pour les spéculations
financières, voulant grossir une petite dot péniblement
mise de côté pour Alice, elle confie quelques fonds à
Aristide Saccard, puis devant la hausse continue, elle risque davantage,
elle prend de nouvelles actions à chaque augmentation de capital,
et, comme le financier tentateur lui fait entrevoir le gain futur du
million qui serait le salut définitif pour son nom et pour les
siens, comme elle s'est enthousiasmée devant les grandes pensées
catholiques rattachées à l'affaire, elle vend les Aublets,
elle met dans la Banque tout ce qu'elle possède. Et c'est, dans
la soudaine catastrophe de Saccard, une indigence brusque; tout a été
fondu, emporté du coup [382]. L'hôtel de la rue Saint-Lazare
ne paiera pas les créanciers.
La comtesse se réfugie
avec sa fille, dans une chambre, rue de la Tour-des-Dames, son fils
est mort loin d'elle et sans gloire, ou lui ramène Alice blessée,
salie par un bandit. Et madame de Beauvilliers, si noble naguère,
mince, haute, toute blanche, avec son grand air suranné, n'est
plus qu'une pauvre vieille femme détruite, cassée par
cette dévastation [416]. L'épouvantable déroute
est achevée par un immonde chantage de Busch, la résurrection
du passé du comte, une gamine, Léonie Cron, séduite
par lui et devenue fille publique; et, dans la terreur d'un scandale,
la malheureuse femme abandonne à Busch les derniers bijoux de
famille, ceux qu'elle avait gardés au travers des plus grandes
gênes, comme l'unique dot de sa fille, et qui restaient à
cette heure sa suprême ressource [413]. (L Argent.)
Beauvilliers
(Alice de). Fille du comte. Ressemble à sa mère,
moins l'aristocratique noblesse. Chétive, le cou allongé
jusqu'à la disgrâce, n'ayant plus que le charme pitoyable
d'une fin de grande race, elle est, à vingt-cinq ans, si appauvrie
qu'on la prendrait pour une fillette, sans le teint gâté
et les traits déjà tirés du visage [67]. Avec son
air d'insignifiance mélancolique, elle n'est point sotte, elle
aspire ardemment à la vie, à un homme qui l'aimerait,
à du bonheur, mais ne voulant pas désoler sa mère,
elle feint d'avoir renoncé à tout [69]. Pour aider au
train de maison réduit à un décor extérieur,
elle peint des aquarelles bâclées à la douzaine
et vendues en cachette [246]. Et cette vierge, qu'émacie l'attente
vaine du mariage, retrouve soudain une jeunesse dans l'affolement de
la Banque Universelle, elle s'anime, elle est vibrante devant le droit
qui s'ouvre pour elle d'avoir un mari et des enfants, cette joie que
se permet la dernière pauvresse des rues [260].
Mais un terrible lendemain
anéantira son rêve. À l'heure de la débâcle
financière qui va achever la ruine des Beauvilliers, on enfant
naturel de Saccard, Victor, recueilli à l'uvre du Travail,
souille la malheureuse enfant avec une brutalité immonde [406].
Et, dans les yeux de folle d'Alice, on lit la mortelle douleur de son
dernier orgueil, sa virginité violentée [416]. (L'Argent.)
Beauvilliers (Ferdinand de).
Fils du comte. A d'abord causé de mortelles inquiétudes
à sa mère, à la suite de quelques folies de jeunesse,
des dettes qu'on a dû payer; mais, averti de la situation en un
solennel entretien, il n'a pas recommencé, cur tendre au
fond, simplement oisif et nul, écarté de tout emploi,
sans place possible dans la société contemporaine [69].
Il s'est engagé dans les zouaves pontificaux, à la suite
de la bataille de Castelfidardo, mais manquant de santé, délicat
sous son apparence fière, de sang épuisé et pauvre,
il est durement éprouvé parle soleil si lourd de Rome
et il meurt sans gloire, emporté par les fièvres [408].
(L'Argent.)
Becker.
Joaillier parisien. Fournit une parure de saphir pour la maîtresse
du comte Muffat [363]. (Nana.)
Bécot.
Un épicier de la rue Montorgueil. Devenu veuf, s'est mis
à coucher avec ses bonnes, très raisonnablement, pour
éviter de courir au dehors; mais cela lui adonné le goût
des femmes : il lui en a fallu d'autres, bientôt il s'est lancé
dans une telle noce que l'épicerie y a passé peu à
peu, les légumes secs, les bocaux, les tiroirs aux sucreries.
Bécot meurt d'un coup de sang [93]. (L'uvre.)
Bécot
(Irma). Fille de l'épicier. A suivi jusqu'à
seize ans les cours d'une école voisine. Faisait ses devoirs
entre deux sacs de lentilles, et achevait son éducation de plain-pied
avec la rue, vivant sur le trottoir, au milieu des bousculades, apprenant
la vie dans les continuels commérages des cuisinières
en cheveux, qui déshabillaient les abominations du quartier,
pendant qu'on leur pesait cinq sous de gruyère. Allait encore
à l'école, lorsque, un soir, en fermant la boutique, un
garçon l'a jetée en travers d'un panier de figues. Orpheline
six mois après, la maison mangée, elle se réfugie
chez une tante pauvre qui la bat, se sauvé avec un jeune homme
d'en face, revient à trois reprises, pour s'envoler définitivement
un beau jour dans tous les bastringues de Montmartre et des Batignolles
[93]. A dix-huit agis, c'est une de ces galopines de Paris qui gardent
longtemps la maigreur du fruit vert; on dirait un chien coiffé,
elle a une pluie de petits cheveux blonds sur un nez délicat,
une grande bouche rieuse dans un museau rose. Ayant la passion des artistes,
avec le regret qu'ils ne soient pas assez riches pour se payer des femmes
à eux tout seuls, jetant sa jeunesse aux quatre coins des ateliers,
elle éprouve des caprices successifs pour Fagerolles, Gagnière,
beaucoup d'autres, et s'étonne de la bêtise de ce nigaud
de Claude Lantier qui ne veut pas d'elle.
D'ailleurs, fine, intelligente,
elle porte déjà sa fortune, dans le débraillé
de sa jeunesse [135]. Un jeune crétin de marquis lui a meublé
un appartement très chic [155], elle occupe ensuite un petit
hôtel rue de Moscou, avec vingt mille francs de loyer. Quatre
ans ont suffi pour la transformer, elle est devenue autre, la tête
faite avec un art de cabotine, le front diminué par la frisure
des cheveux, la face tirée en longueur, grâce à
un effort de sa volonté sans doute, rousse ardente de blond pâle
qu'elle était, si bien qu'une courtisane du Titien semble maintenant
s'être levée du petit voyou de jadis; c'est ce qu'elle
appelle sa tète pour les jobards. On fait là des déjeuners
corrects, où il n'est question que du prix des terrains [232].
Et Irma finit par réaliser son rêve d'un hôtel à
elle, une demeure princière, sur l'avenue de Villiers : le terrain
a été acheté par un amant, puis les cinq cent mille
francs de la bâtisse, les trois cent mille francs des meubles
ont été fournis par d'autres, au petit bonheur, des coups
de passion. C'est là qu'elle contente un jour son désir
d'autrefois et qu'elle possède Claude, presque malgré
lui [334]. La fortune. n'a pas modifié ses goûts ; derrière
le dos des messieurs sérieux, payant en maris, elle s'offre la
distraction d'aimer encore la peinture, dans la personne d'Henri Fagerolles
un gamin de Paris comme elle, d'égale perversité, et dont
elle vide les poches pour s'amuser [364]. (L'uvre.)
Bec
Salé dit Boit-Sans-Soif. Ouvrier forgeron, compagnon
d'enclume de Goujet. Petit, desséché, yeux de loup, sa
figure est embroussaillée d'une barbe de boue. La bouche ouverte,
il exhale cette odeur d'alcool des vieux tonneaux d'eau-de-vie dont
on a enlevé la bonde. Il tire des bordées avec Mes-Bottes
et Bibi-la-Grillade, assurant qu'il a besoin d'eau-de-vie dans les veines
au lien de sang [213]. Bec-Salé est l'amant d'une marchande de
poisson, la grosse Eulalie [444]. (L'Assommoir.)
Bécu.
Garde-champêtre de Rognes. Le conseil municipal
l'a logé dans la cure, à moitié détruite.
Il est aussi sonneur de cloches. C'est un petit homme de cinquante ans,
à tète carrée et tannée de vieux militaire,
avec des moustaches et nue barbiche grises, le cou raidi, comme étranglé
continuellement par des cols trop étroits [49]. Bécu a
fait les campagnes d'Afrique, aux premiers temps de la conquête,
et a rapporté du service des habitudes d'intempérance.
Il a le vin mauvais, battailleur. Bonapartiste farouche, il adore l'empereur
qu'il prétend connaître [58]. Une fraternité d'ancien
guerrier ivrogne, une tendresse secrète le porte vers le braconnier
Jésus-Christ, mai, il évite de le reconnaître quand
il est en faction, sa plaque au bras, toujours sur le point de le prendre
en flagrant délit, combattu entre son devoir et son cur.
A jeun, il tolère que Jésus-Christ culbute sa femme, mais
la chose le blesse quand il est ivre [322]. Bécu, qui rêve
toujours d'exterminer les Bédouins, a le crève-cur
de voir son fils se mutiler une main pour échapper au service
militaire [472]. (La Terre.)
Bécu
(La). Femme du garde-champêtre. Longue, noiraude,
très sale, d'une maigreur rouillée de vieille aiguille,
restée assez femme cependant pour exciter les instincts amoureux
de Jésus-Christ. Elle s'amuse à jeter Céline Marqueron
et Flore Lengaigne l'une contre l'autre, sous le prétexte de
les réconcilier [141]. La Bécu n'est pas dévote,
mais elle supplie ardemment le ciel de réserver un bon numéro
à son fil., et, après le tirage au sort, elle tourne sa
colère contre le boit Dieu, qui ne l'a pas écoutée
[460]. (La Terre.)
Bécu
(Delphin). Fils du garde-champêtre A onze ans, c'est
un gaillard hâlé et solide déjà, aimant la
terre. lâchant l'école pour le labour [50]. Il a une tète
ronde ci inculte de petit sauvage et ne se plait qu'au grand air. A
l'âge de la conscription, il s'est épaissi, les membres
gourds, lit tête cuite sous le soleil, poussé, en force,
ainsi qu'une planté du sol. Il a juré de n'être
pas soldat et comme le malheur lui inflige un mauvais numéro,
il se fait sauter l'index de la main droite, se mutilant d'un coup de
hachette pour n'être pas arraché à la terre, disant
que les lâches n'en feraient pas autant [463]. (La Terre.)
Bécu
(Michel). Oncle de Delphin. Est mort à Orléans
[462]. (La Terre.)
Bédoré
et sur. Bonneterie de la rue Gaillon. Les premières
années du Bonheur des Dames lui ont fait perdre la moitié
de sa clientèle [28]. Bédoré ne tient qu'en mangeant
les rentes amassées jadis [263]. Il est travaillé de soucis
qu'aggrave sa maladie d'estomac [462]. (Au Bonheur des Dames.)
Béjuin
(Léon). Député. Maire de Saint-Florent,
commune située à trois lieues de Bourges, où il
possède une cristallerie. Petit homme maigre, noir, de mine silencieuse.
Il est le lieutenant de Kahn et appartient comme lui à la bande
du ministre Rougon. Ne demande jamais rien, mais est toujours là,
modeste, attendant les miettes et ramassant tout [272]. Rougon l'a fait
nommer chevalier [82], puis officier de la Légion d'honneur;
il lui a procuré une sinécure de six mille francs [281],
mais Béjuin, aussi ingrat que le reste de la bande, lâche
son protecteur quand il le sent près de sa chute, rie voulant
pas, dit-il, se laisser accaparer [382], courant vers ceux qui vont
disposer de nouvelles faveurs. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Béjuin
(Madame). Femme du député. Un paquet [83].
(Son Excellence Eugène Rougon.)
Bellombre. Voisin du
docteur Pascal, à la Souleiade. Grand et maigre vieillard de
soixante-dix ans, dur et avare, à la figure longue, tailladée
de rides, aux gros yeux fixes. C'est un ancien professeur de septième,
aujourd'hui retraité, vivant dans sa petite maison sans autre
compagnie que celle d'un jardinier, muet et sourd, plus âge que
lui. La vue de l'égoïste Bellombre est un perpétuel
sujet d'irritation pour Pascal [59]. (Le Docteur Pascal.)
Belloque
(Le Père). Le premier maître de Claude Lantier.
Un ancien capitaine manchot, qui, depuis un quart de siècle,
dans une salle du Musée, enseigne les belles hachures aux gamins
de Plassans [46]. (L'uvre.)
Bénard
(Le Ménage). Voisins d'escalier des Lorilleux,
rue de la Goutte-d'Or. Le mari et la femme s'assomment tous les jours
[71]. (L'Assommoir.)
Béraud
Du Châtel. Père de Renée et de Christine.
Frère de madame Aubertot. Président de chambre en 1851,
il adonné sa démission lors du coup d'Etat. C'est un grand
vieillard de soixante ans [77], républicain sévère
et probe, dernier représentant d'une ancienne famille de la grande
bourgeoisie parisienne. La faute de Renée a été
un coup tragique pour cet homme de vertu si haute. Il consent au mariage
qui doit effacer la honte, mais refuse tous rapports avec Aristide Saccard
; plein (l'une tristesse hautaine, il s'enferme en son hôtel patriarcal
de l'île Saint-Louis. (La Curée.)
Béraud
Du Châtel (Christine). Seconde fille du président
Béraud Du Châtel. Sa mère est morte en la mettant
au monde. Recueillie par sa tante, madame Aubertot, et ramenée
auprès de son père quand madame Aubertot est devenue veuve.
Christine qui a huit ans de moins que Renée [77] est une jeune
fille blonde, modeste, s'habillant simplement [22]. Elle épouse
le fils d'un avoué fort riche [228]. (La Curée.)
Béraud
Du Châtel (Renée) (l). Fille aînée
du président Béraud Du Châtel. Femme d'Aristide
Rougon, dit Saccard. Née à Paris en 1836, elle avait huit
ans lorsque sa mère est morte. Elle reste pendant onze ans pensionnaire
chez les Dames de la Visitation, grandissant loin du foyer paternel,
se faisant une éducation fantasque, perdant peu à peu
les vertus de sa race et glissant à des désirs inavouables,
à des curiosités vicieuses qui, vers l'âge de dix-neuf
ans, pendant des vacances, chez sa bonne amie Adeline, la livreront
sans défense à un viol brutal [78]. Elle s'éveillera
pleine de mépris pour elle-même, perdue au bien et disposée,
dans un amour des choses logiques hérité de son père,
à aller jusqu'au bout d'une dépravation beaucoup plus
cérébrale que charnelle, à satisfaire toujours
un insatiable besoin de savoir et de sentir. Pour dissimuler sa faute,
on l'a mariée avec Aristide Saccard et elle se trouve bientôt
lancée dans le monde interlope du second Empire. Une fausse couche
heureuse a supprimé l'enfant qu'on redoutait.
C'est alors une existence
folle. Renée, avec ses étranges cheveux fauve paie, sa
mine de garçon impertinent [4], s'étourdit en des excentricités
tapageuses; elle mange vile sa fortune personnelle, est entretenue d'argent
par son mari, qui la jette systématiquement aux dissipations
éclatantes; elle a des amants successifs, Rozan, Simpson, Chibray,
Mussy, pousse même la curiosité jusqu'aux passades d'un
jour [131], devient l'une des beautés les plus en vue du règne
et rencontre sa sensation la plus aiguë un soir de bal aux Tuileries,
lorsque l'empereur, déjà lourd, la face dissoute, les
reins flottants, s'arrête quelques secondes devant elle et, en
présence de toute la cour, l'admire de son il plombé
[151].
A vingt-huit ans, ayant assouvi
tous ses désirs, possédant tout et voulant autre chose,
horriblement lasse, elle est en quête d'une jouissance rare, inconnue,
et, par un entraînement où tout l'a poussée, elle
glisse bientôt à un inceste avec le fils de son mari, le
joli et frêle Maxime, pimentant cet amour criminel d'un mélange
de remords bourgeois et d'extrême volupté, trouvant enfin
le frisson nouveau qu'elle cherchait [209]. Mais, entre la passivité
du fils et la terrible coquinerie du père, entre Maxime qui la
délaisse comme une loque et Aristide qui profite cyniquement
du suprême déshonneur pour édifier une fortune nouvelle,
la jeune femme qui s'était crue Phèdre, sent brusquement
qu'elle n'a été dans la vie des Saccard qu'un jouet misérable.
La folie monte rapidement en son cerveau détraqué. Dans
l'éclat flamboyant de Paris en fête, elle achève
de goûter à tout, joue, essaye de boire; c'est la fin irrémédiable
d'une femme et, quelques mois après, vieillie, usée, sanglotante
devant ses souvenirs d'enfance, elle est emportée par une méningite
aiguë [350]. (La Curée.)
(1) Renée Béraud
Du Châtel, mariée en 1855 à Aristide Rougon, dit
Saccard; meurt en 1864, sans enfants. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Bergasse.
Revendeur au marché de Plassans. Fournit les vieux meubles
achetés par madame Faujas [26]. (La Conquête de Plassans.)
Bergeret
(Madame). Concierge de la maison habitée par Hélène
Grandjean, à Passy [360]. (Une Page d'Amour.)
Berlingot.
Cheval de l'écurie Méchain. Gagne le prix d'Ispahan
[394]. (Nana.)
Berloque,
dit Chicot. Un haveur tué par un éboulement,
dans la fosse du Voreux [211]. Avait trois enfants, sa femme était
en couches [215]. (Germinal.)
Bernheim
(Les Frères). Propriétaires de la cristallerie
de Saint-Joseph. Patrons du caissier Josserand [35]. (Pot-Bouille.)
Berthier
(Les). Famille amie des Deberle. Madame Berthier, blonde
délicate, joue la comédie de salon, rôles pleurnicheurs
[279]. Deux filles. Blanche et Sophie, et un petit garçon. (Une
Page d'Amour.)
Berthier.
L'un des fondés de pouvoirs de l'agent de change Mazaud
[84]. (L'Argent.)
Berthou.
Le célèbre peintre de Néron au Cirque. A
un atelier que Claude Lantier a fréquenté pendant six
mois et où il s'est livré à d'imbéciles
tâtonnements, à des exercices niais, sous la férule
d'un bonhomme dont la caboche différait de la sienne. A vingt
reprises, le maître a répété à Claude
qu'il ne ferait jamais rien [46]. (L'uvre.)
Bertrand.
Le chien de Sandoz. Un chien énorme qui aboie furieusement
à chaque visite et qui, s'il reconnaît un ami de son maître,
s'en va, la queue haute, en sonnant une fanfare d'allégresse
[248]. (L'uvre.)
Besnus
(Clarisse). A été ramenée, comme
bonne, de Saint-Aubin-sur-Mer par une dame dont le mari l'a lancée.
Est maintenant une petite femme des Variétés. Joue le
rôle d'Iris dans la Blonde Vénus et Géraldine dans
la Petite Duchesse. Maîtresse d'Hector de La Faloise, elle ne
se fâche pas de voir Gaga le lui prendre, car du moment où
deux femmes se trouvent ensemble avec leurs amants, rien ne lui semble
plus naturel qu'elle se les fassent [l 24]. (Nana.)
Bessière.
Chef de station à Barentin. A vu les Roubaud dans l'express
du Havre, le soir de l'assassinat du président Grandmorin. Son
témoignage confirme leur alibi [107]. (La Bête humaine.)
Beulin
d'Orchères. Frère de Véronique. Beau-frère
d'Eugène Rougon. Il a une mâchoire de dogue et une forêt
de cheveux crépus où pas un fil blanc ne se montre, malgré
ses cinquante ans. D'abord substitut à Montbrison, puis procureur
du roi à Orléans, avocat général à
Rouen, membre d'une commission mixte en 1852, conseiller à la
cour, d'appel de Paris, président de celte cour [123], il intrigue
pour le retour de Rougon au pouvoir et devient, grâce à
lui, premier président. Mais son beau-frère ne mettant
aucune hâte à le pousser à la dignité de
garde des sceaux [274], il se retourne contre lui et participe à
sa chute pour entrer, comme ministre de la justice, dans la combinaison
Delestang [439]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Beulin
d'Orchères (Veronique) (1). -Femme maigre, à figure
jaune, habitant avec son frère, le président Beulin d'Orchères,
un hôtel de la rue Garancière, qu'elle lie quitte guère
que pour assister aux messes basses de Saint-Sulpice [119]. A trente-six
ans, elle épouse Eugène Rougon. Cette grande femme laide,
à face grise et reposée de dévote, sait rendre
grave la maison de la rue Marbeuf, qui, grâce à elle, sent
maintenant la vie honnête [154]. L'unique souci de madame Eugène
Rougon est d'administrer en intendant fidèle la fortune dont
elle se trouve chargée. (Son Excellence Eugène Rougon.)
(1) Véronique Beulin
d'Orchières, mariée en 1857 à Eugène Rougon;
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
Bibi-la-Grillade.
Ouvrier fainéant, toujours en bombe avec Mes-Bottes [44].
Il a été témoin de Coupeau à son mariage
[80]. Bibi-la-Grillide trouve que le Prince-Président ressemble
à un roussin [108]. (L'Assommoir.)
Bijard.
Ouvrier serrurier, alcoolique dangereux, qui tue sa femme de
coups lorsqu'il a bu. Face d'ivrogne avec une barbe sale, un front chauve
tache de grandes plaques rouges, et des yeux où l'alcool allume
une flamme de meurtre. Les rares jours où il travaille, Bijard
pose un litre d'eau-de-vie près de son étau, buvant au
goulot toutes les demi-heures, ne se soutenant pins autrement [245].
Sa femme morte, il assomme de coups la petite Lalie et raffine la cruauté,
trouvant dans sa cervelle de brute des idées extraordinaires
de férocité. (L'Assommoir.)
Bijard
(Madame). Maîtresse laveuse. Emploie trois ouvrières
au lavoir de la Goutte-d'Or [117]. Le ménage habite la maison
des Lorilleux Madame Bijard est une grande femme osseuse, mariée
à un alcoolique dont elle subit courageusement les violences
meurtrières. Elle finit par mourir d'un coup de pied dans le
ventre [323]. (L'Assommoir.)
Bijard
(Eulalie). Fille, aînée des Bijard A deux
ans, la petite Lalie a déjà de la raison comme une femme;
on peut la laisser seule, elle lie pleure pas, elle lie jolie jamais
avec les allumettes [1831. A quatre ans, elle a un large regard noir,
d'une fixité pleine de pensées, devant les brutalités
paternelles, et elle tient dans ses bras, sans une larme, comme pour
la protéger, a petite sur Henriette A huit ans, quand sa
mère morte sous les coups, elle dirige le ménage comme
une grande personne, Henriette et le petit Jules sont devenus ses enfants,
et c'est son tour d'être la victime de l'alcoolique Bijard. Cette
innocente martyrisée se retient de crier pour lie pas révolutionner
la maison, elle défend son père, assurant qu'il n'aurait
pas été méchant s'il n'avait pas bu, pardonnant
parce qu'on doit pardonner aux fous [425]. Elle meurt sous les mauvais
traitements et la fatigue, restant jusqu'à son dernier râle
la petite maman de tout son monde [518]. (L'Assommoir.)
Bijard
(Henriette). Seconde fille des Bijard. Elle a cinq ans à
la mort de sa mère [423]. (L'Assommoir.)
Bijard
(Jules). Troisième enfant des Bijard. Quand sa
mère meurt, il a trois ans. (L'Assommoir.)
Bijou.
Griffon écossais, le petit chien de Nana. Il la réveille
en lui léchant la figure; c'est alors un joujou de cinq minutes,
des courses du chien à travers les bras et les cuisses de sa
maîtresse. Bijou excite la jalousie du comte Muffat [355]. (Nana.)
Billecoq
(Mademoiselle Hermine). Protégée de madame
Courreur. Fille grande, et mince, la figure fade, toute salie de taches
de rousseur [306]. Ancienne élève de Saint-Denis, elle
a été séduite par un officier qui consentirait
à l'épouser, si quelque âme honnête voulait
bien avancer la dot réglementaire [58]. Le ministre Eugène
Rougon, sollicité par madame Correur, parle à des daines
qui fournissent les fonds [280]. mais l'officier se dérobe ;
il file après avoir croqué la dot [382]. (Son Excellence
Eugène Rougon.)
Blachet.
Député. Sollicite un congé [4]. (Son
Excellence Eugène Rougon.)
Blaisot.
Banquier à Paris. S'est fait sauter la cervelle [134].
(L'Argent.)
Manchette.
Vache des Mouche [114]. Comme elle est devenue trop grasse et
qu'elle ne vêle plus, on la vend [162]. (La Terre.)
Blériot
(de). Préfet des Bouches-du-Rhône en 1851.
Dirige la terrible répression des troubles qui suivent le coup
d'État. Dispersant les bandes insurrectionnelles, il passe par
la ville de Plassans le lendemain du guet-apens organisé par
Pierre Rougon; il promet à celui-ci de faire connaître
au gouvernement sa belle et courageuse conduite [357]. (La Fortune des
Rougon.)
Bronze.
Corderie à Montsou, ruinée par la grève
des mineurs [425]. (Germinal.)
Blond
(Marla). Une fillette de quinze ans, d'une maigreur et
d'un vice de gamin, poussée sur le pavé parisien [111].
Vient de débuter aux Folies-Dramatiques [87]. Fréquente
la table d'hôte de Laure Piédefer [281]. (Nana.)
Boche.
Concierge rue des Poissonniers, puis rue de la Goutte-d'Or, dans
l'immeuble habité par les Coupeau et les Lorilleux. Exerce la
profession de tailleur. Témoin de Gervaise à son mariage
[80]. Très plat devant le propriétaire, il se donne, derrière
lui, comme le maître de la maison [163]. Boche, de tempérament
polisson et sournois, est très gai en société;
il a la spécialité des chansons comiques [281] et court
un peu dans le quartier, subtilisant parfois des pièces de dix
francs à sa femme pour payer des lapins aux dames aimables [417].
(L'Assommoir.)
Boche
(Madame). Femme de Boche. Grosse face, avec des yeux à
fleur de tête. C'est une commère très bavarde, dont
la loge est le rendez-vous de tous les potins du quartier. Elle aime
les locataires qui ont des attentions pour elle ; quand Gervaise la
comble de gentillesses, elle est avec elle contre les Lorilleux et se
met avec les Lorilleux lorsque Gervaise coupe court aux cadeaux [198].
(L'Assommoir.)
Nana annonce à Satin
que la mère Boche est morte [364]. (Nana.)
Boche
(Pauline). Fille des concierges. Rousse. Le même
âge qu'Anna Coupeau, dont elle est l'amie. Toutes deux font leur
première communion en même temps; elles courent avec les
galopins du quartier. Pauline devient apprentie repasseuse [412]. (L'Assommoir.)
Bocquet
(Madame). Mère de Clarisse. Devenue veuve, a été
recueillie par celle-ci, avec toute la famille, une bande de camelots,
deux surs, un grand voyou de frère, jusqu'à une
tante infirme, de ces têtes qui vendent des polichinelles sur
les trottoirs [393]. (Pot-Bouille.)
Bocquet
(Clarisse). Maîtresse de Duveyrier. C'est une sorte
de gamin noir et maigre, avec une tête ébouriffée
de caniche. Son père est un petit marchand de jouets devenu camelot
et qui exploite les fêtes avec sa femme et toute une bande d'enfants
malpropres. Clarisse a gardé le bagout parisien, un esprit de
surface et d'emprunt, une gale de drôlerie attrapée en
se frottant aux hommes. Pour ne pas afficher Duveyrier, elle habite
un quartier lointain, rue de la Cerisaie, mais elle mène son
amant bon train et s'est fait acheter pour vingt-cinq mille francs de
meubles. Malgré un instinct de bourgeoise ayant la passion du
comme il faut, Clarisse se donne à tous les amis de Duveyrier
reçus dans son salon; c'est une habitude ancienne, le besoin
de se refaire un peu derrière les talons de l'homme qui paye
[170]. Et celui-ci ne voit rien jusqu'au jour où il trouve l'appartement
vide, Clarisse envolée, ayant tout emporté, même
les planches du cabinet de toilette; une répulsion l'a prise
pour l'entreteneur au sang âcre, dont la figure est pleine de
boutons, et elle s'est mise avec un amant sain et solide, le sculpteur
Payan, qui bientôt l'abandonne sans un sou. Retrouvée par
Duveyrier, elle se laisse installer richement rue d'Assas et c'est alors
une nouvelle Clarisse, devenue assommante, engraissant, tournant à
la petite mère, avec des goûts bourgeois grandis jusqu'à
l'idée fixe. Elle fait au conseiller un intérieur morne,
d'où sont exclus tous les anciens compagnons de fête, elle
lui impose le contact de toute la famille Bocquet et, comme il a la
musique en horreur, elle se met à étudier le piano, rêve
inavoué de toute sa vie [398]. Les passades de cette fille avec
le professeur Théodore sont subies en silence par Duveyrier qui,
à peu près ruiné, se fait chasser finalement par
sa maîtresse, au profit d'un vieux très riche. (Pot-Bouille.)
Bodin.
Vieux médecin de quartier, habite rue Vineuse, à
Passy [15]. Il soigne habituellement Jeanne Grandjean, sans comprendre
grand'chose à sa maladie. (Une Page d'Amour.)
Bohain
(Marquis de). Membre du conseil d'administration de la
Banque Universelle. C'est un beau vieillard de soixante ans, à
la tête très petite posée sur un corps de colosse,
à la face blême, encadrée d'une perruque brune,
du plus grand air. Habite les anciennes dépendances d'un grand
hôtel, rue de Babylone. Installation luxueuse, ayant une belle
allure d'aristocratie coquette. On ne voit jamais la marquise et pourtant,
tout est à elle; il loge là en garni, n'ayant à
lui que ses effets, séparé de biens depuis qu'il vit du
jeu. Dans les catastrophes, il refuse de payer, on passe l'éponge,
car il a un nom illustre, il est extrêmement décoratif
dans les grandes Sociétés financières [105] et
c'est à ce titre qu'il appartient au syndicat, Daigremont. Compromis
à fond dans une histoire de pots-de-vin frisant l'escroquerie,
sauvé par Aristide Saccard, il est devenu son humble créature,
sans cesser de porter haut la tète, fleur de noblesse, le plus
bel ornement du conseil [272]. Dès le premier craquement de l'Universelle,
le marquis de Bohain passe sans scrupule à l'armée triomphante
des baissiers [367]. (L'Argent.)
Boncur.
Nom de l'hôtel tenu par Marsouillier, boulevard de la Chapelle,
à gauche de la barrière Poissonnière. C'est nue
masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin .jusqu'au second,
avec des persiennes pourries par la pluie [3]. (L'Assommoir.)
Bongrand.
Un grand peintre, l'auteur de la Noce au Village. C'est un gros
homme de quarante-cinq ans, à la face tourmentée, sous
de longs cheveux gris. Il vient d'entrer à l'Institut et porte
à la boutonnière de soit veston la rosette d'officier
de la Légion d'honneur. Petit-fils d'un fermier beauceron, fils
d'un père bourgeois, le sang paysan, affiné par une mère
très artiste, il est riche, n'a pas besoin de vendre et garde
des goûts et des opinions de bohème; ses meilleures escapades
sont de tomber le jeudi chez Sandoz, pour fumer une pipe, au milieu
de ces débutants, dont la flamme le réchauffe. Depuis
que soit uvre la plus célèbre est au Luxembourg,
ce tableau tourne pour lui au cauchemar; c'est jusqu'ici son chef-d'uvre,
il a exercé une action parallèle à celle de Courbet,
toute la jeune école se réclame de son art, et pourtant
Bongrand souffre dans sa chair de travailleur. C'est qu'il ne ressemble
guère au sculpteur Chambouvard, l'éternel satisfait qui
vit dans un orgueil de dieu. Aux débutants qui croient que la
suprême joie est d'être salué comme lui du nom de
maître, il répond que sa vie est une vraie torture, que
lorsqu'on est en haut ce sont des efforts sans cesse renaissants, dans
la crainte de dégringoler trop vite [106], que cette sacrée
peinture est un métier du tonnerre de Dieu [109] et que lui,
Bongrand, a beau être un malin, à chaque uvre nouvelle,
c'est une grosse émotion le cur qui bat une angoisse qui
sèche la bouche enfin un trac abominable [237].
Dans le vaste atelier qu'il
occupe depuis vingt ans, boulevard de Clichy, il n'a point sacrifié
au goût du jour, à cette magnificence de tentures et de
bibelots dont s'entourent les jeunes peintres; c'est l'ancien atelier
nu et gris, où il garde, de sa jeunesse romantique, l'habitude
d'un costume de travail spécial, la culotte flottante, la robe
nouée d'une cordelière, le sommet du crâne coiffé
d'une calotte ecclésiastique. Une énorme hilarité
le secoue devant la presse d'informations, ions, qui fait retentir toutes
les trompettes de la publicité en l'honneur du premier godelureau
sachant camper un bonhomme [241]. Mais dans sa raillerie, il y a toute
une souffrance cachée, la peur sourde d'une lente déchéance.
Depuis la Noce au Village, il n'a rien fait qui vaille ce tableau fameux;
après s'être maintenu dans quelques toiles, il a glissé
à une facture plus savante et plus sèche, l'éclat
s'en va. A soixante ans, la haine qu'il nourrit contre le chef-d'uvre
qui a écrasé sa vie le pousse à choisir le sujet
contraire et symétrique : l'Enterrement au Village, et son tableau
est un insuccès morne, une de ces chutes sourdes de vieil homme
qui n'arrêtent même pas les passants [388]. Et dans l'amertume
de la vogue immédiate, venue, sans effort à ce galopin
de Fagerolles, indigne de nettoyer sa palette, Bongrand, qui, lui, a
lutté dix ans avant d'être connu, qui toute sa vie a cherché
et souffert, acquiert brusquement la certitude aiguë de sa fin
[388]. (L'uvre.)
Bonhomme.
-Le cheval qui, pendant un quart de siècle, a mené le
docteur Pascal à ses visites. Dans les derniers mois, le vieux
Bonhomme devient aveugle et, par reconnaissance pour ses services, par
tendresse pour sa personne, on ne le dérange plus guère
[48]. En lui, Pascal aime l'animalité entière, tout ce
qui traîne et tout ce qui se lamente au-dessous de l'homme [133].
Bonhomme, complètement aveugle, les jambes paralysées,
meurt un matin sur sa litière et, son maître le baise une
dernière fois sur les naseaux [320]. (Le Docteur Pascal.)
Bonnaud.
Ancien chef de la comptabilité au chemin de fer du Nord.
A marié sa fille et a -éprouvé une telle joie de
la caser qu'il s'est contenté de renseignements en l'air, malgré
sa rigide prudence de chef comptable méticuleux. Quelque temps
après, il découvre que son gendre, un homme très
bien, est un ancien clown qui a vécu pendant dix ans aux crochets
d'une écuyère [61]. (Pot-Bouille).
Bonnehon
(Madame). Sur du président Grandmorin. Mariée
à un industriel qui lui a apporté une grosse fortune,
déjà fort riche par elle-même, elle est devenue
veuve à l'âge de trente ans. Dans le château de Doinville
qui lui appartient, elle a mené une existence aimable, toute
pleine de coups de cur, mais si correcte et si franche d'apparence,
qu'elle est restée l'arbitre de la société rouennaise.
On l'adore à Doinville, elle a fait du château un lieu
de délices [14]. Par occasion et par goût, elle a aimé
dans la magistrature. Grande, forte, avec de magnifiques cheveux blonds,
belle encore, malgré ses cinquante-cinq ans, d'une beauté
opulente de déesse vieillie, elle n'est pas encore calmée.
On lui prête une tendresse maternelle pour le jeune substitut
Chaumette, il lui reste toujours un vieil ami, le conseiller Desbazeilles,
et elle conserve sa royauté, par sa bonne grâce, malgré
la vieillesse menaçante. Pourtant, il vient de lui naître
une rivale beaucoup plus jeune, dans la personne de madame Leboucq,
et cela lui donne une pointe de mélancolie [114]. Madame Bonnehon
a une excellente opinion des Roubaud et la rapacité de sa nièce
Berthe Grandmorin lui semble fort blâmable : comme elle a toujours
été très riche, elle se montre d'un désintéressement
absolu, affectant de mettre l'unique raison de vivre dans la beauté
et dans l'amour [116]. Pour l'honneur de la famille, elle souhaite qu'on
fasse le moins de bruit possible autour de l'assassinat du président
[400]. (La Bête humaine.)
Bonnemort.
De son vrai nom Vincent Maheu. Petit-fils de Guillaume, fils
de Nicolas, père de Toussaint. Il a aujourd'hui cinquante-huit
ans et n'en avait pas huit lorsqu'il est descendu dans la mine. Il a
été d'abord galibot, puis hercheur quand il a eu la force
de rouler, puis haveur jusqu'à dix-huit ans ; ensuite, à
cause de ses jambes, on l'a mis de la coupe à terre, remblayeur,
raccommodeur, jusqu'au moment où l'on a dû le sortir du
fond, parce que le médecin a dit qu'il allait y rester. Alors,
après quarante-cinq années de mine, on a fait de lui un
charretier, il travaille de nuit depuis cinq ans à la fosse du
Voreux et gagne quarante sous ; encore deux ans, et il pourra prétendre
à une pension de cent quatre-vingts francs. C'est Guillaume,
son grand-père, qui a découvert à Réquillart
une mine de charbon gras; son père, deux de ses oncles, trois
de ses frères, plus tard, y ont laissé leur peau; son
fils Toussaint y crève maintenant, et ses petits-fils, et tout
son monde. Cent six ans d'abatage dans la famille, les mioches après
les vieux, pour le même patron. Lui, on l'a retiré trois
fois de la mine en morceaux, une fois avec tout le poil roussi une autre
avec de la terre jusque dans le gésier, la troisième avec
le ventre gonflé d'eau comme une grenouille ; alors comme il
tic voulait pas crever, on l'a appelé Bonnemort, pour rire [8].
Vêtu d'un tricot de
laine violette, coiffé d'une casquette et poil de lapin, il est
petit, il a une grosse tète, aux cheveu blancs et rares, un cou
énorme, les mollets et les talons et dehors, avec de longs bras
dont les mains carrées tombent ses genoux; sa face plate, d'une
pâleur livide, maculée de taches bleuâtres, semble
tatouée de houille, et, comme il es atteint d'une bronchite noire,
il a l'air de cracher une boue de charbon, le charbon de la mine qui
lui est resté dans la carcasse [9]. Bonnement n'a plus qu'un
ami, un vieux de son temps, le père Mouque: les deux anciens
passent tous les jours une demi-heure ensemble, ils ne parlent guère,
échangent à peine dix paroles, tuais cela les égaye
d'être ainsi, de songer à de vieilles choses, qu'ils remâchent
en commun, sans avoir besoin d'en causer [141.]
Les rhumatismes de Bonnement
se changent peu à peu en hydropisie, il devient impotent, il
revoit sa jeunesse, les anciennes grèves où l'on se réunissait
dans la forêt de Vandame et qui aboutissaient toujours aux mêmes
défaites, quand les soldats du roi arrivaient avec leurs fusils;
il ne croit pas que le sort des mineurs puisse être jamais amélioré,
ça n'a jamais bien marché, ça ne marchera jamais
bien [323]. Après avoir vécu en brave homme, en brute
obéissante, contraire aux idées nouvelles, il n'a une
inconsciente révolte que le jour de l'émeute de Montsou
; ivre de faim, sorti brusquement de sa longue résignation d'un
demi-siècle, ce vieil infirme qui, jadis, a sauvé de la
mort une douzaine de camarades, risquant ses os dans le grisou et dans
les éboulements, cède à une subite poussée
de rancune et tente obscurément d'étrangler Cécile
Grégoire [408]. Un peu plus tard, an Voreux, le jour de la tuerie,
il voit les siens massacrés par la troupe; devant ce spectacle
tragique il croule, sa canne en morceaux, abattu comme un vieil arbre
foudroyé [495] et, dès lors, le père Bonnement
a quelque chose de cassé dans la cervelle ; il vit cloué
sur une chaise, devant la cheminée froide, il regarde les gens
d'un air imbécile, ses yeux larges et fixes ne clignent plus,
et c'est eux qui, un jour, au souvenir des terribles scènes de
Montsou, fascinent Cécile et la jettent, tremblante, sous les
'gros doigts du vieillard, brusquement acharnés au meurtre [553].
(Germinal.)
Bonnet.
Voir MAREUIL (de).
Bordenave.
Directeur des Variétés. Homme épais, à
large face rasée. Riant, crachant, se tapant sur les cuisses,
cynique, ayant, un esprit de gendarme, il traite les actrices en garde-chiourme.
Quand une de ses petites femmes l'ennuie, il lui allonge un coup de
pied dans le derrière [6]. Cerveau toujours fumant de quelque
réclame, c'est lui qui lance Nana dans la Blonde Vénus,
sorte de carnaval des dieux où l'Olympe est traîné
dans la boue, où toute une religion, toute une poésie
sont bafouées [24]. Nana chante comme une seringue, elle joue
comme un paquet, mais un rut monte d'elle, ainsi que d'une bête
en folie [33]; c'est quelque chose qui remplace tout, aux yeux de Bordenave.
Celui-ci aime les situations franches ; quand on lui parle de son théâtre,
il répond : Dites mon bordel ! [4] C'est avec la plus parfaite
assurance qu'il fait à S. A. R. le prince d'Ecosse les honneurs
des coulisses et des loges d'actrices ; il trouve même que le
prince est un peu mufe [179]. (Nana.)
Borgne-de-Jouy
(Le). Affilié à la bande des chauffeurs d'Orgères,
commandé par le Beau François. A vendu ses complices [68].
(La Terre.)
Bosc.
Un vieil auteur des Variétés. Joue fin rôle
de Jupiter imbécile dans la Blonde Vénus et le duc de
Beaurivage dans la Petite Duchesse. Il a un air bonhomme, avec sa face
ravagée et bleuie d'alcoolique [159]. D'ordinaire, Bosc traite
les femmes de chameaux. L'idée qu'un homme peut s'embarrasser
d'une de ces sales bêtes soulève chez lui la seule indignation
dont il soit capable, dans le dédain d'ivrogne dont il enveloppe
le monde [263]. (Nana.)
Bouchard.
Chef de bureau au ministère de l'intérieur.
Soixante ans. Tête toute blanche, il éteint, face
comme usée par ses longues années de services administratifs
[16]. Il a le premier accueilli Eugène Rougon quand celui-ci
est arrivé à Paris ; aussi fait-il partie de la bande
du grand homme, le poussant et se faisant pousser par lui, mais toujours
prêt à déserter si les faveurs se font attendre.
A cinquante-quatre ans, il a épousé Adèle Desvignes,
voulant une jeune fille de province, parce qu'il tient à l'honnêteté.
Rougon, qui a été soif témoin [51], le fait nommer
officier de la Légion d'honneur, puis chef de division [270].
Bouchard est le cousin du colonel Jobelin. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Bouchard
(Madame). Voir DESVIGNES (Adèle).
Bouland
(Madame). Sage-femme à Verchemont, près
de Bonneville. Grande, réputation d'énergie et d'habileté
[376]. Petite femme brune, maigre, jaune comme un citron, avec un grand
nez dominateur. Parle fort, a des allures despotiques qui la font vénérer
des paysans [382]. Chargée de l'accouchement de Louise Chanteau,
elle réclame l'aide d'un médecin, l'enfant se présentant
mal, puis elle coopère activement à la délivrance.
(La Joie de vivre.)
Boum.
Cheval de l'écurie Gasc. Court dans le Grand Prix de Paris
[388]. (Nana.)
Bourdelais.
Sous-chef de bureau au ministère des finances [72]. (Au
Bonheur des Daines.)
Bourdelais
(Madame). Une amie de pension de madame Desforges. C'est
une petite Mondé de trente airs, le nez fin, les veux vifs. De
vieille famille bourgeoise, elle mène son ménage et ses
trois enfants avec une activité, une bonne grâce, un flair,
exquis de la vie pratique [72].. Les grands magasins ne la ruinent pas;
elle va droit aux occasions, avec une telle adresse bonne ménagère
qu'elle y réalise de fortes économies [95]. (Au Bonheur
des Dames.)
Bourdelais
(Les Enfants). Ils sont trois, Madeleine (dix ans), Edmond
(huit ans), Lucien (quatre airs). Avec soir esprit de jolie femme pratique,
madame Bourdelais les mène aux expositions des grands magasins,
leur offrant ainsi un spectacle à bon compte[295]. Mais, forte
pour elle-même, elle cède aux convoitises de ses enfants
et se laisse entraîner par eux à des débauches d'achats,
dont elle se console en conduisant sa petite, famille au buffet et en
la gorgeant gratuitement de sirop [316]. (Au Bonheur des Dames.)
Bourdieu
(de). Ancien préfet de la Drôme, mis à
pied par la révolution de 1848. Habite Plassans, fréquente
chez les Rastoil et fait de l'opposition orléaniste. C'est un
grand vieillard maigre, à redingote boutonnée et chapeau
plat de doctrinaire [76]. Il se pousse vers la députation, prêt
à se rallier à l'empire pour redevenir préfet [3'2G].
(La Conquête de Plassans.)
Bourdoncle.
Un des intéressés du Bonheur des Dames. Jeune homme
grand et maigre, aux lèvres minces, au nez pointu, très
correct d'ailleurs, avec ses cheveux lisses, où des mèches
grises se montrent déjà. C'est le fils d'un fermier pauvre
des environs de Limoges. Il a débuté jadis au Bonheur
en même temps qu'Octave Mouret. Très intelligent, très
actif, il semblait devoir supplanter aisément son camarade, moins
sérieux, mais il n'apportait pas le coup de génie de ce
Provençal passionné. Par un instinct d'homme sage, il
s'est incliné devant lui, obéissant, et cela, sans lutte,
dès le commencement. Un des premiers, il a suivi le conseil de
Mouret en mettant de l'argent dans la maison, et peu à peu il
est devenu un des lieutenants du patron, le plus cher et le plus écouté
; parmi les intéressés, c'est lui qui est chargé
de la surveillance générale [38]. Mouret, qui tient à
sa réputation d'homme aimable, lui confie volontiers les exécutions
; au temps de la morte-saison, Bourdoncle est célèbre
par ses « passez à la caisse », qui tombent comme
un coup de hache et déciment les rayons [185].
Très différent
du maître, il fait profession de haïr les femmes, ayant au
dehors des rencontres dont il ne parle pas, tant elles tiennent peu
de place dans sa vie, et se contentant au magasin d'exploiter les clientes,
avec un grand mépris pour leur frivolité à se ruiner
en chiffons imbéciles. Net, logique, sans passion, sans chute
possible, il ne comprend pas le côté fille du succès,
Paris se donnant dans un baiser, au plus hardi [40]. Les femmes se vengeront
en la personne du Denise Baudu, qu'il a toujours persécutée
et qui saura triompher par la seule vertu de sa douceur et de sa grâce,
inspirant ainsi à l'impitoyable Bourdoncle la terreur sacrée
de la femme [425]. (Au Bonheur des Dames.)
Bourgain-Desfeuilles (Général).
Pendant la guerre do 1870, il est à la tète d'une
brigade d'infanterie (7e corps, commandé par Félix Douay).
Le 106e; de ligne, colonel de Vineuil, appartient à cette brigade.
Très braillard, le général roule son gros corps
sur ses courtes jambes, il a un teint fleuri de bon vivant que son peu
de cervelle ne gêne; point [5]. Dans cette campagne, il sera comme
tant d'autres chefs plus bêtes que méchants, ne sachant
rien, ne prévoyant rien, n'ayant ni plan, ni idées, ni
hasards heureux [110]. D'ailleurs, nul souci de la discipline : pour
ne pas avoir à sévir, il ferme les yeux devant le pillage
d'une ferme [90].
Soucieux de confort, quand
le général prévoit une étape dure, il prend
la précaution de déjeuner copieusement, en maugréant
de la bousculade [27] ; maussade dans les journées de fatigue,
faisant alors aux gens un accueil furieux [139], il retrouve sa bonne
humeur dès qu'il peut s'installer commodément ; son premier
soin, en arrivant à Sedan avec sa brigade exténuée,
est de se fourrer entre de fins draps blancs, à l'hôtel
de la Croix d'Or [180]. Pendant la marche vers la Meuse, le 24 août,
il a parlé librement, en toute insouciance, devant un espion
déguisé en valet de ferme, Goliath Steinberg; il l'a interrogé
sur les routes à suivre, montrant une grande sérénité
d'ignorance, croyant que la Meuse passe à Buzancy [104]. Cinq
jours après, il n'accorde aucune foi aux renseignements du franc-tireur
Sambuc, qui lui prédit la surprise de Beaumont; impossible à
son avis que l'armée ait si près d'elle soixante mille
ennemis, car on le saurait [140]. Plus tard, pour désigner la
rivière qui traverse Sedan, comme il ignore si c'est la Meuse
ou la Moselle, il dira : l'eau qui est là [237].
Mais tout soldat de cour qu'il
soit, uniquement occupé de lui-même et n'ayant vu dans
la guerre qu'un moyen rapide de passer général de division
[247], il n'en trotte pas moins insouciamment, pendant la bataille,
au milieu des projectiles. Entêté dans sa routine d'Afrique,
n'ayant profité d'aucune leçon, il attend les Prussiens
au corps à corps, alors qu'ils écrasent ses régiments
à coups de canon [245]. Puis, pendant la déroute qui refoule
l'infanterie dans Sedan, sa grosse figure colorée de bon vivant
exprime l'exaspération où le jette le désastre
qu'il regarde comme une malchance personnelle ; il court vers les débris
de sa brigade, très capable de se faire tuer, dans sa colère
contre ces batteries prussiennes qui balayent l'Empire et sa fortune
d'officier aimé des Tuileries; par horreur pour la captivité,
il voudrait avec cinquante bons bougres percer les lignes ennemies et
filer en Belgique. Seulement puisqu'il ignore le chemin et que c'est
trop tard, il va se coucher [363]; et après la capitulation,
seul de tous les généraux, il prétexte de ses rhumatismes
pour profiter de la clause qui fait les officiers libres, à la
condition de s'engager par écrit à ne plus servir [433].
(La Débâcle.)
Bourguignon.
Entrepreneur de plomberie, chez qui Coupeau a trouvé du
travail [330]. (L'Assommoir.)
Bouroche.
Médecin-major au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Gros
homme à la tête puissante, au mufle de lion [112]. A Reims,
le 22 août, rencontrant l'empereur entouré d'une brillante
escorte, il a vu à fond, de son coup d'il de praticien,
celte face très pâle et déjà tirée,
ces yeux vacillants, comme troublés et pleins d'eau, et d'un
mot il à arrêté son diagnostic : Foutu [72]. rendant
la bataille de Sedan, il installe son ambulance dans la fabrique Delaherche,
qui s'encombre bientôt de blessés ; c'est un déchargement
affreux de pauvres gens, les uns d'une pâleur verdâtre,
les autres violacés de congestion [326]. Les opérations
se succèdent, les minces couteaux d'acier luisent, les scies
ont à peine un petit bruit de râpe, le sang coule par jets
brusques, c'est un va-et-vient rapine d'amputés [327]. Derrière
un massif de cytises, on a établi le charnier où sont
jetés les morts, raidis dans le dernier râle ; et près
des cadavres, pêle-mêle, des jambes et des bras coupés
s'entassent aussi, tout ce qu'on rogne, tout ce qu'on abat sur les tables
d'opération [336].
Plein de hâte et d'énergie,
les durs cheveux hérissés sur sa tête énorme,
le major souffle de lassitude; c'est un solide, il a une peau dure et
un cur ferme, pourtant il éprouve une immense désolation,
il est paralysé par l' « à quoi bon », par
le sentiment qu'il ne fera jamais tout [340], par son impuissance à
sauver tous les pauvres diables en bouillie qu'on lui amène [347].
La pratique et l'impérieuse discipline le remettent d'aplomb,
il opère toujours, sans même endormir les patients, maintenant
qu'il n'a plus de chloroforme [397].
Pendant 1'insurrection de
Paris, on le retrouve à l'armée de Versailles, il consent
à soigner un de ses anciens soldats, Maurice Levasseur, mortellement
blessé dans les rangs de la Commune [623]. {La Débâcle.)
Bourras.
Boutiquier de la rue du la Michodière. Grand vieillard
à tête de prophète, chevelu et barbu, avec des yeux
perçants sous de gros sourcils embroussaillés. Tient un
commerce de cannes et de parapluies, fait les raccommodages, sculpte
les manches, ce qui lui a conquis une célébrité
dans le quartier. La maison est une masure prise entre le Bonheur des
Dames et l'hôtel Duvillard; il l'occupe depuis 1845, avec un loyer
annuel de dix-huit cents francs, dont mille sont rattrapés par
la location de quatre chambres garnies. Le Bonheur lui a porté
un coup terrible, en créant un rayon de parapluies et d'ombrelles;
la clientèle diminue et, alors qu'il passe des après-midi
solitaires, sa boutique est secouée par la trépidation
de la foule qui s'écrase de l'autre côté du mur
; de plus, Bourras souffre dans son orgueil d'artiste, devant l'avilissement
du métier, les manches fabriques à la grosse, l'abandon
de l'art. Et comme te Bonheur des Dames veut le supprimer pour s'agrandir,
il n'hésite pas à lui déclarer la guerre ; à
1'entendre, sa victoire ne fait pas un doute, il mangera le monstre
[227].
Les offres d'Octave Mouret
sont repoussées avec mépris. trente mille francs, puis
cinquante, puis quatre-vingts, puis cent mille: Bourras y laissera sa
peau plutôt que de céder. L'hôtel Duvillard est dévoré
par l'envahisseur, la masure est entourée de toutes parts, son
propriétaire la vend à prix d'or au Bonheur des Dames,
le vieux marchand dé parapluies devient ainsi l'infime locataire
du puissant Mouret; peu lui importe. l'empereur avec tous ses canons
ne le délogera pas [228]. Comme on a voulu quand môme éliminer
l'obstacle, et que l'architecte a eu l'idée de percer un souterrain
qui achève l'investissement, Bourras entame un long procès
qu'il gagne en deux ans et qui le ruine. Hardiment il prétend
battre le Bonheur des Dames sur son propre terrain et il fait alors
des concessions au luxe moderne, consacrant trois mille francs, sa ressource
suprême, à des embellissements; il engage même la
lutte sur les. prix [243]. C'est une suite de désastres, mais
il tient toujours, sa maison est là, entêtée, collée
aux flancs des superbes magasins, comme une verrue déshonorante,
et il continue à nier les faits, il refuse de comprendre, superbe
et stupide comme une borne [265].
Pour en venir à bout,
le colosse est forcé de racheter des créances, de le faire
mettre en faillite et de l'expulser par la force. Mis à la rue,
rivé au trottoir, il voit les démolisseurs commencer leur
uvre et la masure s'ébouler pitoyablement sous les premiers
coups de pioche. C'est le moucheron écrasé, le dernier
triomphe sur l'obstination cuisante de l'infiniment petit [465]. Malgré
sa voix dure et ses gestes fous, le pauvre Bourras était un bon
cur; il a recueilli autrefois Denise Baudu et Pépé,
réduits à une misère noire et qui, sans lui. sans
sa pitié bourrue, seraient morts de faim [225]. Après
la déroute, il est parti, secouant fièrement sa tête
chevelue, allant chercher du travail chez les autres. (Au Bonheur des
Dames.)
Bourrette
(Abbé). Premier vicaire à Saint-Saturnin,
cathédrale de Plassans. Gros homme, au bon visage crédule,
avec de grands .yeux d'enfant, des bras trop courts, un ventre d'une
rondeur douée et luisante, des jambes déjà lourdes
[61]. Plein de naïveté, il fréquente les salons sans
en démêler les intrigues ; il y raconte d'un air ravi de
petites histoires de sainteté [253] : il croit à l'insignifiance
de l'abbé Faujas, qu'il a logé dans la maison de François
Mouret et introduit chez Félicité Rougon. Aspirant à
la cure de Saint-Saturnin, il ajoute foi aux contes de monseigneur Rousselot,
se laisse toujours évincer, et pousse la bonhomie jusqu'à
pleurer à chaudes larmes la mort de Faujas [4OO]. (La Conquête
de Plassans.)
Boutarel.
Médecin de Nana. Bel homme, jeune encore, a une clientèle
superbe dans le monde galant. Très gai, riant en camarade avec
ces dames, mais ne couchant jamais, il se fait payer fort cher et avec
la plus grande exactitude. Le docteur se dérange au moindre appel,
il guérit les bobos de ses clientes en les amusant de commérages
et d'histoires folles [435]. (Nana.)
Boutarel.
Gros homme sanguin. Ne comprend rien aux essayages des grands
magasins, où les dames se déshabillent dans de petits
salons, sans que leur mari puisse les suivre [493]. (Au Bonheur des
Dames.)
Boutarel
(Madame). Une grosse femme de quarante-cinq ans, qui débarque
de loin en loin à Paris, du fond d'un département perdu.
Là-bas, pendant des mois, entre son mari et sa fille, elle met
des sous de côté, puis, à peine descendue de wagon,
elle tombe au Bonheur des Dames, elle dépense tout. On sait seulement
qu'elle se nomme madame Boutarel et qu'elle demeure à Albi [111].
(Au Bonheur des Dames.)
Bouteloup
(Louis). Ouvrier de la coupe à terre, au Voreux.
Un gros garçon de trente-cinq ans, à la carrure épaisse,
à l'air placide et honnête, sous sa grande barbe brune.
Il est logé au coron des Deux cent quarante, chez les Levaque
et couche avec la femme, du consentement du mari [23]. (Germinal.)
Bouteroue
(Hilarion). Second enfant de Vincent Bouteroue. Petit-fils
de Marianne Fouan (la Grande). Celle-ci n'a jamais pardonné le
mariage de sa fille et laisse Hilarion et Palmyre, ses petits-enfants,
crever de faim sans vouloir qu'on lui rappelle leur existence [32].
D'une hideur bestiale de crétin, bancal, la bouche tordue par
un bec-de-lièvre, l'air caduc pour ses vingt-quatre ans, Hilarion
est si bête que personne ne veut le faire travailler. Les gamins
le persécutent. Il n'a d'autre soutien que sa sur Palmyre,
véritable mère qui le défend, le nourrit et se
dévoue jusqu'à l'inceste. Doué d'une grande force
musculaire dont il n'a même pas conscience, cet innocent, cet
infirme se gorge d'eau-de-vie, vole sa sur, la bat, devient franchement
mauvais. Palmyre morte, il vit de la charité publique et est
enfin recueilli par la terrible Grande, intéressée à
exploiter cette brute solide, capable des plus durs travaux et qui a
peur d'elle, la regardant en animal battu, épouvanté et
soumis [269]. Mais un jour, frémissant sous les corvées
trop rudes, les membres raidis par des chaleurs de sang, Hilarion se
révolte, son aplatissement se change en une rage de mâle
n'ayant conscience ni de la parenté, ni de l'âge, à
peine du sexe, il se jette sur l'aïeule pour la violer et est abattu
par elle, d'un violent coup de cognée au crâne [420]. (La
Terre.)
Bouteroue
(Palmyre). Sur d'Hilarion. Grande femme d'une trentaine
d'années, qui en paraît bien cinquante. Elle a les cheveux
rares, la face plate, molle, jaune de son, une longue face de misère,
flétrie déjà, hébétée à
force de travail, où il n'y a plus que des yeux de bonne chienne,
au dévouement clair et profond. La sur et le frère
logent dans une ancienne écurie abandonnée, en parias,
en êtres près de la terre, dont personne n'a voulu. Cassée,
épuisée par des travaux trop pénibles, menant une
vie dolente, sans une amitié, sans un amour, une existence d'animal
traité à coups de fouet, Palmyre a pour l'infirme des
soins passionnés, c'est une tendresse de mère qui va jusqu'à
l'inceste, elle est la femme d'Hilarion parce que les autres filles
le rebutent et qu'après lui avoir gagné du pain, elle
peut bien encore, le soir, lui donner ce régal qui ne coûte
rien [137]. A trente-cinq ans, cette femme, qui porte des fardeaux à
se rompre les reins, a un visage couleur de cendre, mangé ainsi
qu'un vieux sou. Buteau qui l'emploie aux moissons, l'embauche à
la tâche parce qu'il ne la trouve plus assez forte, et elle s'éreinte
à des besognes d'homme, achevant de laisser boire sa vie au brûlant
soleil, dans cet effort désespéré de la bête
de somme qui va choir et mourir. Elle succombe en liant des gerbes,
foudroyée par une insolation ; on la trouve allongée,
la face au ciel, les bras en croix, crucifiée sur cette terre
qui l'a usée si vite à son dur labeur et qui l'a tuée
[245]. (La Terre.)
Bonteroue
(Vincent). Paysan pauvre, que la fille des Péchard
s'est obstinée à. épouser, malgré 1'opposition
maternelle. Tous deux meurent de misère, laissant deux enfants,
Palmyre et Hilarion [32]. (La Terre.)
Bouteroue
(Madame Vincent). Voir PECHARD (Mademoiselle).
Bouthemont
père. Marchand de nouveautés à Montpellier.
A envoyé son fils à Paris pour y apprendre le commerce
et n'a pu obtenir qu'il reprenne son petit négoce provincial.
Il s'indigne de voir ce simple commis parisien gagnant le triple de
ce qu'il gagne lui-même, occupant une situation qui grandit chaque
année [45]. Débarqué à Paris, il suffoque
du stupeur et d'indignation, en tombant dans le hall immense où
règne son fils [202]. {Au Bonheur des Dames.)
Bouthemont.
Fils du marchand de nouveautés. Ayant réussi
dans les soies à Paris, il a refusé de retourner auprès
de son père, plaisantant la routine commerciale de la province,
faisant à chaque passage sonner ses gains, qui bouleversent Montpellier.
C'est un jeune homme à fortes épaules, il a une face ronde
de joyeux compère, avec une barbe d'un noir d'encre et de beaux
yeux marrons [45]. Noceur, braillard, il a une amabilité un peu
grosse, un rire bon enfant où il y a un amour brutal de la femme
[127]. Entré au Bonheur des Dames comme premier à la soierie,
médiocre pour la vente, mais n'ayant pas son pareil pour l'achat,
il jouit d'une liberté absolue, et mène son rayon comme
il l'entend, pourvu que chaque année le chiffre d'affaires soit
augmenté dans une proportion fixée d'avance. Pris en affection
par Octave Mouret, devenu le confident du patron et d'Henriette Desforges,
il sait plaire à celle-ci et, dès qu'il se sent miné
au magasin, il obtient son concours pour une commandite du baron Hartmann
[393].
Bouthemont fonde alors une
superbe maison prés de l'Opéra, avec l'enseigne : Aux
Quatre Saisons, rêvant une gigantesque concurrence au Bonheur
des Dames. Ce bon vivant a l'idée géniale de faire bénir
ses locaux par le clergé de la Madeleine, cérémonie
étonnante, pompe religieuse promenée de la soierie à
la ganterie. Dieu tombé dans les pantalons de femme et dans les
corsets; cette heureuse inspiration vaut un million d'annonces, tellement
le coup est porté sur la clientèle mondaine. D'ailleurs,
à peine ouverts depuis trois semaines, 1rs grands magasins des
Quatre Saisons sont incendiés par une explosion de gaz, pendant
la nuit, les vendeuses se sauvent en chemise. l'héroïsme
de Bouthemont en sauve cinq sur ses épaules, c'est une superbe
réclame pour l'avenir [475]. (Au Bonheur des Dames.)
Boutigny.
Ancien camarade de Lazare Chanteau au lycée de Caen. A
quitté le latin en quatrième, s'est mis dons le commerce,
place des vins [72]. Retrouve Lazare à Paris, s'intéresse
à son projet d'usine pour l'exploitation des herbes marines,
apporte trente mille francs comme associé. Il a une trentaine
d'années, c'est un petit homme rouge très commun, ou l'appelle
« le gros Boutigny ». Esprit essentiellement pratique. il
blâme Lazare qui veut faire trop vaste et, après l'échec
de l'exploitation, il rachète à bas prix l'usine, qu'il
aménage pour la fabrication en grand de la soude de commerce
[102]. Brouillé alors avec Lazare qu'il menace d'un procès
[l 17], et devenu « cette canaille de Boutigny », il fait
rapidement fortune et il épouse une femme qui l'avait suivi à
Verchemont et dont il a trois enfants [356]. (La Joie de vivre.)
Boutin.
Un ancien modelé qui tient rue de la Huchette un
atelier libre, fréquenté par Claude Lantier. Quand celui-ci
adonné ses vingt francs au massier, il trouve là du nu,
des hommes, des femmes, à en faire une débauche, dans
son coin. et il s'acharne, il y perd le boire et le manger, luttant
sans repos avec la nature [47]. (L'uvre.)
Boutin.
Vieil épileptique soigne par le docteur Pascal à
Plassans. Meurt d'une crise congestive [44]. (Le Docteur Pascal.)
Boves
(Comte de). Inspecteur général des haras.
Bel homme, porte les moustaches et l'impériale, de l'air militairement
correct aimé des Tuileries [75]. La famille vit d'une dernière
ferme hypothéquée, au mince produit de laquelle s'ajoutent
heureusement, les neuf mille francs de la fonction du comte [81]. Sous
sa galanterie de beau fonctionnaire, son allure de représentant
de la vieille France, M. de Boves a des coups de tendresse qui le dévorent
au dehors; comme son service l'appelle aux quatre coins de la France,
dans les dépôts d'étalons, il a de continuels prétextes
pour disparaître, su terrant dans un coin des Batignolles quand
on le croit à Tarbes. Sa dernière passion, madame Guibal,
lui coule cher et, comme des accès de goutte le retiennent à
la maison, il la reçoit chez lui, avec la tolérance de
sa femme qui préfère celte combinaison moins coûteuse
[476]. (Au Bonheur des Dames.)
Boves
(Comtesse de). Femme du comte. Vient de dépasser
la quarantaine. C'est une femme superbe, à encolure de déesse,
avec une grande face régulière et de larges yeux dormants.
Elle a été épousée pour elle-même,
n'apportant à son mari que sa beauté de Junon [81]. Serrée
d'argent, toujours torturée d'une envie trop grosse, elle parcourt
les grands magasins, trouvant une joie sensuelle à faire sortir
des cartons toutes sortes de dentelles pour les voir et les toucher,
mettant des doigts tremblants de désir dans les flots montants
de guipures, de malines, de valenciennes, de chantillys. La névrose
des grands bazars fait son uvre en la poussant au vol, même
sans besoin, car sa complaisance a rendu au ménage les ressources
que le mari dépensait au dehors. Maintenant, elle vole pour voler,
comme on aime pour aimer, sous le coup de fouet du désir [509].
Elle est prise en flagrant délit [506]. (Au Bonheur des Dames.)
Boves
(Blanche de). Fille du comte et de la comtesse de Boves.
Grande et forte, elle ressemble à sa mère ; seulement,
chez elle, le masque s'empâte déjà, les traits sont
gras, soufflés d'une mauvaise graisse [81]. On la marie à
Paul de Vallagnosc [476]. (Au Bonheur des Dames.)
Bramah.
Cheval anglais (écurie de lord Reading). A gagné
le Grand Prix de Paris [389]. (Nana.)
Brambilla.
Réfugié vénitien. Personnage noir que ses
malheurs politiques ont rendu silencieux et réfléchi.
Fréquente chez la comtesse Balbi [66]. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Brétigny
(Comtesse de). auguste Lantier, lisant dans un journal
les nouvelles mondaines, annonce à Mes-Bottes, à Bec-Salé,
à Bibi-la-Grillade et à Coupeau que la comtesse de Brétigny
marie sa fille aînée au jeune baron de Valençay,
aide de camp de Sa Majesté [340]. (L'Assommoir.)
Breton-le-cul-sec.
L'un des chauffeurs de la bande du Beau-François [67].
(La Terre.)
Brichet
(Artaud, dit). Vieux paysan des Artaud. Petit, séché
par l'âge, la mine humble [37]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Brichet
(La Mère). Femme de Brichet. Grande paysanne pleurnicheuse,
la seule dévote du village, rôdant autour de la cure quand
elle a communié, soutirant à l'abbé des aumônes
en nature [38]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Brichet
(Fortuné). Aîné des Brichet, les plus
pauvres paysans des Artaud. Grand garçon de vingt-cinq ans, l'air
hardi, la peau dure déjà [37]. Quand il épouse
Rosalie Bambousse, sa maîtressse devenue mère, on dit dans
le village qu'il a gagné les écus du père Bambousse
dans le foin [290]. (La Faute de l'abbé Mouret.)
Brichet
(Vincent). Second fils des Brichet. Cheveux rouges en
broussaille, mince, yeux gris. Enfant de chur à l'église
des Artaud [5]. Galopin toujours en maraude, serrant déjà
de près la petite Catherine Bambousse. (La Faute de l'abbé
Mouret.)
Briquet
(Les). Paysans de Rognes. Leur fils tire le numéro
13 à la conscription [457]. (La Terre.)
Bron
(Madame). Concierge des Variétés. Dans sa
loge, au désordre de soupente mal tenue, des messieurs du monde,
gantés, corrects, attendent, l'air patient et soumis, les réponses
des demoiselles du théâtre. Madame Bron tient une buvette
pour les figurants [148]. (Nana.)
Bru.
(Le Père). Ancien ouvrier peintre, vieillard de
soixante-dix ans, qui habite la même maison que les Coupeau, rue
de la Goutte-d'Or, et vit dans un trou sous le petit escalier. Il a
le corps voûté, la barbe blanche, la face ridée
comme une vieille pomme, un air hébété [240]. Le
père Bru a perdu ses trois fils en Crimée et maintenant,
on le laisse mourir parce qu'il ne peut plus tenir un outil. Gervaise
a été bonne pour lui, mais lorsqu'elle ne peut plus rien,
le pauvre vieux n'a plus qu'à attendre la mort, se nourrissant
uniquement de lui-même, retournant à la taille d'un enfant
[419]. (L'Assommoir.)
Brûlé
(La). Mère de la Pierronne. C'est la veuve d'un
haveur mort à la mine ; elle a juré de ne jamais donner
sa fille à un charbonnier, elle l'a envoyée en fabrique
et ne décolère plus depuis qu'elle l'a vue, sur le tard,
épouser Pierron. Tous trois vivent au coron des Deux cent quarante
et, dans le bonheur du ménage, la Brûlé hurle avec
un enragement de vieille révolutionnaire, ayant à venger
contre les patrons la mort de son homme [110]. Elle est terrible, avec
ses yeux de chat-huant, son nez en bec d'aigle et sa bouche serrée
comme la bourse d'un avare [70]. Son rendre l'indigne par sa lâcheté
devant les chefs. Cribleuse au Voreux. elle est une des plus acharnées
pendant la grève ; devant la troupe, elle vomit l'injure, elle
donne le signal de la lutte à coups de brique contre. les soldats
impossibles [484] et, à la première décharge, elle
s'abat toute raide et craquante comme un fagot de bois sec, en bégayant
un dernier juron dans le gargouillement du sang [487] (Germinal.)
Brunet
(Famille). Bourgeois du quartier neuf, à Plas-sans,
jalousés par madame Pierre Rougon [357]. (La Fortune des Rougon
)
Budin
(Les). Paysans de Rognes. Leur fillette a été,
dit-on, guérie de la fièvre parle rebouteur Sourdeau,
qui a ouvert en deux un pigeon vivant et le lui a appliqué sur
la tôle [455]. (La Terre.)
Buquin-Lecomte.
Député au Corps Législatif. Sollicite un
congé [4]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Burgat.
Forgeron à Alboize. A fait partie des contingents insurrectionnels
lors du coup d'Etat [34.]. (La Fortune des Rougon.)
Burne.
Jockey anglais. Monte Spirit au Grand Prix de Paris [410].
(Nana.)
Busch
aîné. Un juif né à Nancy de
parents allemands. Gros homme, large face plate, gros yeux gris, cheveux
pâles tombant en mèches rares et rebelles de son crâne
nu. Loge rue Feydeau, au cinquième étage, où il
possède un étroit logement composé de deux pièces
et d'une cuisine. Il porte toujours une cravate blanche roulée
et une redingote d'occasion, anciennement superbe, mais extraordinairement
râpée et maculée de taches. Son chapeau, roussi
par le soleil, lavé par les averses, n'a plus d'âge [16].
Outre l'usure et tout un commerce caché sur les bijoux et les
pierres précieuses, Busch fait le trafic des valeurs dépréciées,
il sert d'intermédiaire entre la petite Bourse des « Pieds-Humides
» et les banqueroutiers qui ont des trous à combler dans
leur bilan. Mais il s'occupe surtout de l'achat des mauvaises créances,
professant que toute valeur, même la plus compromise, peut redevenir
bonne; c'est un jeu comme un autre, la chasse au débiteur, où
celui qui se laisse prendre, payant pour les disparus, est mangé
de frais et vidé jusqu'au sang [27].
La Méchain est le principal
collaborateur du terrible juif; c'est elle qui lui a apporté
l'affaire Victor Saccard [32], grâce A laquelle Busch essayera
de faire chanter le directeur de la Banque Universelle [322] et, pour
se venger de son échec, précipitera la ruine du financier
par une plainte en escroquerie [376]. Busch poursuit ses victimes à
boulets rouges, il persécute le petit ménage Jordan et
organise un chantage affreux contre les dames de Beauvilliers. Mais
ce loup, féroce aux débiteurs, très capable de
voler dix sous dans le sang d'un homme, adore son cadet Sigismond d'une
passion maternelle, il le sert comme une bonne le tolère oisif
et lui défend même de travailler [35]. Et devant le corps
à peine froid de Sigismond, ce terrible mangeur d'or hurle d'une
abominable souffrance [441]. (L'Argent).
Busch
(Sigismond). Frère de l'usurier. Imberbe, cheveux
châtains, longs et rares, vaste front bossu. C'est une intelligence.
Il a été élevé dans les universités
allemandes, parlé plusieurs langues, s'est lié avec Karl
Marx et professe le socialisme avec une foi ardente, ayant fait le don
de sa personne entière à l'idée d'une prochaine
rénovation sociale, qui doit assurer le bonheur des pauvres et
des humbles. C'est un grand garçon distrait, resté enfant,
tellement insoucieux de sa vie matérielle qu'il mourrait sûrement
de faim si son frère ne l'avait recueilli. L'idée de charité
le blesse, il n'admet que la justice et organise la société
de demain, remuant des milliards, déplaçant la fortune
universelle et cela, dans sa chambre nue, sans une autre passion que
son rêve, tellement absorbé qu'il ne sait même pas
ce que fait son frère dans la pièce voisine, ignorant
tout de l'effroyable négoce [36].
Il établit le plan
définitif de l'humanité future, avec l'unique amusement
de s'imaginer les plaisantes ironies de la nouvelle justice distributive,
se plaisant à contempler la Bourse, qu'il domine de sa fenêtre,
se frottant les mains devant l'uvre des financiers accapareurs,
parce que toute centralisation mène au collectivisme, à
la transformation des capitaux privés en un capital social unitaire.
Il annonce à Aristide Saccard la suppression de l'argent monnayé
[314] et, plein de son rêve, ayant achevé en sa tête
la construction idéale de la cité de justice et de bonheur,
il meurt à trente-huit ans, terrassé par la phtisie. (L'Argent
)
Buteau.
Second fils du père Fouan. Frère de Jésus-Christ
et de Fanny Delhomme. Cousin et mari de Lise Mouche. Père de
Jules et de Laure. Chez lui, le grand nez des Fouan s'est aplati, tandis
que le bas de la figure, les maxillaires s'avancent en mâchoire
puissante de carnassier. Les tempes fuient, tout le haut de la tête
se resserre, et, derrière le rire gaillard de ses yeux gris,
il y a, dès sa jeunesse, de la ruse et de la violence. Il tient
de son père le désir brutal, l'entêtement dans la
possession, aggravés par l'avarice étroite de la mère
[18]. Vif et gai avec les camarades, il est féroce au marché,
têtu, insolent, menteur, voleur à vendre les choses trois
fois leur prix et à se faire donner tout pour rien. Il doit le
surnom de Buteau à sa mauvaise tête, continuellement en
révolte, s'obstinant dans des idées à lui qui ne
sont pas celles de tout le monde. Même gamin, il n'a pu s'entendre
avec ses parents. Plus tard, après avoir tiré un bon numéro,
il s'est sauvé de chez eux pour se louer d'abord à la
Borderie, où il a connu Jean Macquart, ensuite à la Chamade.
C'est un vrai terrien, ne
connaissant qu'Orléans et Chartres, n'ayant rien vu au delà
du plat horizon de la Beauce. Il tire un orgueil d'avoir ainsi poussé
dans sa terre, il a les obstinations bornées d'un être
attaché au sol. Quand le père Fouan fait le partage des
biens, Buteau refuse violemment sa part, se prétendant volé,
et il conserve cette attitude hostile pendant plus de deux ans, vivant
dans une rage faite de désir et de rancune, ne cédant
enfin que lorsque la création d'un chemin donne à son
lot une grande plus-value. Amant de sa cousine Lise, il l'avait laissée
là, le ventre gros, dans son égoïsme de mâle
brutal, et il ne consent à l'épouser que beaucoup plus
tard, quand Lise, héritière du père Mouche, est
devenue un bon parti. C'est alors l'ivresse de la terre conquise, c'est
une grande passion satisfaite [194].
Buteau n'a qu'un amour, la
terre. Quand la terre souffre, il est d'humeur exécrable et il
redevient gentil, conciliant et goguenard si la récolle s'annonce
bien. Voulant du blé qui rapporte, mais pas de mioches qui coûtent,
il est furieux des grossesses de sa femme. Avare, il a des colères
devant les contributions à payer, se révoltant contre
le percepteur, dans une haine séculaire contre ces feignants
de bourgeois [331]. Il marchande la rente du père Fouan et, dans
une crise de rapacité, bouscule si rudement sa mère qu'elle
tombe pour ne plus se relever. Mais un danger le menace, la moitié
du bien des Mouche appartient à Françoise, la jeune sur
de Lise ; l'idée d'un partage est insupportable à Buteau,
rien ne l'ar-rêtera pbur conserver tout l'héritage. Il
voudra d'abord coucher avec la jeune fille, combinaison qui arrangerait
tout car il posséderait les deux femmes et la totalité
du bien. Devant un projet de mariage qui ruine ses espérances,
il devient enragé. Puis, sa belle-sur mariée à
Jean Macquart, le désir du mâle, né d'une longue
poursuite infructueuse, s'exaspère en lui, il projette confusément
des violences, des assassinats que la terreur des gendarmes l'empêche
seule de commettre [385]. Enfin, la grossesse de Françoise achève
de l'affoler, car l'enfant qui vient abolirait définitivement
l'espoir tenace qu'il nourrit de rentrer en possession du bien. Et désormais
Buteau est mûr pour le crime. D'accord avec sa femme, il viole
Françoise que Lise précipite ensuite sur une pointe de
faux. Et ils héritent d'elle. Et ils chassent le mari dépouillé.
Et comme le père Fouan, pourtant déchu et déprimé,
a vu le meurtre, ils le tuent, lui aussi. Et, devant la terre reconquise
par le sang, toute la chair de Buteau se met à trembler de joie,
comme au retour d'une femme désirée et qu'on a cru perdue
[480.] (La Terre.)
Buteau
(Madame). Voir MOUCHE (Lise).
Buteau
(Jules). L'aîné de Buteau et de Lise Mouche.
Avait près de trois ans quand ses parents se sont mariés.
Il est, à neuf ans, le seul ami du vieux Fouan, le dernier lien
qui rattache le grand-père à la vie des autres, lien fragile
d'ailleurs, car bientôt Jules se lasse et il abandonne le vieillard
[430]. (La Terre.)
Buteau
(Laure). Deuxième enfant de Buteau et de Lise Mouche.
A quatre ans, elle a déjà les yeux durs de la famille,
elle est hostile au grand-père Fouan, se dégageant de
ses bras, sournoise, rancunière, comme si elle condamnait déjà
cette bouche inutile. Et par jalousie, elle détache de lui son
frère, meilleur qu'elle [430]. (La Terre.)
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