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Nana
(l). Fille de Gervaise Macquart et de Coupeau. Mère de
Louis Coupeau dit Louiset. Née à Paris, rue Neuve de la
Goutte-d'Or, le 30 avril 1852. On l'appelle Nana à cause de son
prénom d'Anna qu'elle tient de sa marraine, madame Lorilleux
[130]. A six ans, elle va dans une petite pension rue Polonceau; c'est
déjà une vaurienne finie, insupportable en classe; elle
règne sur tous les galopins du quartier et grandit sous les mauvais
exemples du ménage, le père ivrogne, la mère se
partageant entre Coupeau et Lantier [347]. A treize ans, déjà
remplie de vice, elle fait sa première communion et entre comme
apprentie fleuriste dans un atelier de la rue du Caire [413] où
s'achève sa démoralisation. Elle n'a aucun goût
pour le travail, est mal embouchée, méprise profondément
ses parents et se galvaude dans le quartier. Ouvrière, elle gagne
deux francs par jour; c'est déjà une belle fille blonde,
très blanche de chair, très grasse, très dodue;
elle a une peau veloutée de pêche, un nez drôle,
un bec rose, des yeux luisants [451]. Devenue très coquette,
elle se fait suivre par un vieux roquentin, fabricant de boutons en
os boulevard de la Villette et, comme l'existence est devenue impossible
chez les Coupeau, elle lâche définitivement l'atelier et
file un beau jour avec son vieux [475]. Retrouvée dans un bastringue,
elle rentre pour quelques jours à la maison, puis elle disparaît
définitivement, ayant eu la chance de rencontrer un vicomte qui
l'a mise dans la soie [502]. (L'Assommoir.)
A seize ans, elle a eu un enfant de père
inconnu, Louiset, un enfant chétif qui lui inspire des crises
d'amour maternel [40]. A dix-huit ans, elle est très grande et
très forte, elle a une petite bouche rouge, un adorable trou
au menton et des grands yeux d'un bleu très clair. Un riche marchand
de Moscou, venu passer un hiver à Paris, l'a installée
dans un appartement du boulevard Haussmann, entre la rue de l'Arcade
et la rue Pasquier. Elle vit là en fille lâchée
trop tôt par un premier monsieur sérieux, retombée
à des amants louches, tout un début difficile, un départ
manqué [36]. Deux hommes payent, un commerçant du faubourg
Saint-Denis, de tempérament économe, qu'elle appelle le
vieux grigou, et un Valaque, un prétendu comte, qu'elle appelle
le moricaud; tous deux sont trompés pour un amant de cur,
Daguenet, son Mimi [39].
Bordenave, directeur des Variétés,
toujours à l'affût des belles filles, a l'idée de
la lancer dans une pièce, la Blonde Vénus, où elle
n'aura qu'à se montrer pour vaincre. Malgré sa voix faubourienne
et son ignorance des planches, elle dégage une odeur de vie,
une toute-puissance de femme dont le public va se griser. Par la simple
exhibition de son éclatante beauté blonde, Nana obtient
un succès étourdissant, c'est le lançage immédiat;
toute une meule d'hommes, affolée par le rut qui monte d'elle,
l'a suivie à la trace ; sûre désormais de l'avenir,
elle pourra choisir ses amants, chasser le vieux grigou et le moricaud,
dédaigner Steiner, tenir la dragée haute à Muffat;
un héritier royal, le prince d'Ecosse, traversera le détroit
pour lui offrir ses hommages.
L'histoire de son existence va se trouver
tout entière dans une chronique de Fauchery, intitulée
la Mouche d'Or. C'est l'histoire d'une fille, née de quatre ou
cinq générations d'ivrognes, le sang gale par une longue
hérédité de misère et de boisson, qui se
transforme chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de
femme; elle a poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien;
et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu'un plante de plein fumier,
elle venge les gueux et les abandonnés dont elle est le produit.
Avec elle, la pourriture qu'on laisse fermenter dans le peuple, remonte
et pourrit l'aristocratie ; elle devient une force de la nature, un
ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant
et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant
tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait; et c'est
à la fin de l'article que se trouve la comparaison de la mouche,
une mouche couleur de soleil, envolée de l'ordure, une mouche
qui prend la mort sur les charognes tolérées le long des
chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un éclat de pierreries,
empoisonne les hommes rien qu'à se poser sur eux, dans tes palais
ou elle entre par les fenêtres [237].
Toujours convaincue de sa supériorité
sur les honnêtes gens qui l'assomment, Nana fait le mal avec une
inconscience parfaite. Le petit Georges Hugon l'amuse, elle le traite
en gamin, ne prenant pas ses déclarations au sérieux,
s'amusant de lui comme d'un petit homme sans conséquence [191];
par une fantaisie de fille sentimentale, elle lui cède; elle
cède aussi au frère de Georges, le lieutenant Philippe
Hugon, un robuste garçon qui lui plaît. Et celte double
liaison se dénoue tragiquement, dans la honte et la mort, sans
que Nana soupçonne un instant sa propre culpabilité. Une
fugue a traversé sa liaison avec Muffat : elle a disparu pour
vivre avec Fadeur Fontan qui la bat, l'exploite et la rejette dans la
crotte du début [292]. Mais après ce coup de tête,
Nana redevient une femme chic, rentière delà bêtise
et de l'ordure des mâles, marquise des hauts trottoirs [339].
C'est une ascension brusque et définitive, un train qui dépasse
trois cent mille francs par an, un appétit de dépenses
toujours éveillé, un dédain naturel de l'homme
qui paye, un continuel caprice de mangeuse et de gâcheuse, fière
de la ruine de ses amants [343]. Elle jure fidélité à
Muffat,ce qui ne l'empêche pas de céder à Vandeuvres,
non par toquade, mais pour se prouver qu'elle est libre. Nana ne sait
pas se refuser; elle se donne aux amis, aux passants, en bonne bête
née pour vivre sans chemise [475]. Comme elle a, dans son gaspillage
effréné, de continuels besoins d'argent, elle s'en tire
par des visites à la Tricon, elle va chez l'entremetteuse avec
l'aisance de l'habitude, comme les pauvres gens vont au Mont-de-piété
[465].
Dans son luxe, elle s'ennuie à crever.
Une ancienne amie de pension, avec qui elle a battu le pavé,
la petite Satin, devient son vice ; elle la dispute à madame
Robert et finit par l'accaparer, l'imposant à Muffat et aux autres;
et Satin règne avec elle, dans le tranquille abus de leur sexe
et leur mépris avoué de l'homme [367].
Nana est avant tout une brave fille ; le chagrin
autour d'elle la fait souffrir; si elle a été trop dure
pour ses domestiques, elle leur présente des excuses [372]. Quant
aux gens chics, ils ne l'épatent plus, saleté en haut,
saleté en bas, c'est toujours saleté et compagnie [393].
Son bonheur semble être d'avilir Muffat, de le jeter à
la boue. Elle lui a imposé Daguenet pour gendre [362]; de Muffat
elle a fait « petit mufe » et c'est ainsi qu'elle le nomme;
elle lui prêche des complaisances, d'accord en ceci avec le doux
Venot; elle le décide à renouer avec sa femme qui le trompe.
Et les catastrophes qui l'entourent, Vandeuvres flambé dans son
écurie, Foucarmont perdu dans les mers de la Chine, Steiner dépouillé
et réduit à vivre en honnête homme, les Muffat effondrés,
l'imbécile La Faloise à la côte, le blanc cadavre
de Georges, que garde Philippe sorti la veille de prison, tous ces malheurs,
ce peuple abattu à ses pieds, la laissent insensible. Elle conserve
son inconscience de bête superbe, ignorante de sa besogne, restée
grosse, restée grasse, d'une belle santé, d'une belle
gaieté.
Maintenant, son uvre de ruine et de
mort est faite, la mouche envolée de l'ordure des faubourgs,
apportant le ferment des pourritures sociales, a empoisonné ces
hommes rien qu'à se poser sur eux [504]. Et Nana va mourir en
bête putréfiée. Après une retentissante exhibition
au théâtre de la Gaîté, dans Mélusine,
où Bordenave lui a ménagé trois poses plastiques,
où Paris l'a revue dans toute sa gloire, elle est allée
en Orient, de prodigieuses légendes ont circulé, la conquête
d'un vice-roi, une colossale fortune faite en Russie; puis elle revient,
elle retrouve chez sa tante, madame Lerat, le petit Louiset atteint
de la variole, la contagion s'abat sur elle et, secourue par Rose Mignon,
elle va mourir dans une chambre du Grand-Hôtel, formant là
un charnier, un tas d'humeur et de sang, une pelletée de chair
corrompue [524]. (Nana.)
(l) Anna Coupeau, dite Nana, née en
1852, a, d'un inconnu, un enfant, Louis, en 1867, et le perd en 1870;
meurt elle-même de la petite vérole, quelques jours plus
tard. [Mélange soudure. Prédominance morale du père.
Ressemblance physique, par influence, avec le premier amant de sa mère,
Lantier. Hérédité de l'alcoolisme se tournant en
perversion morale et physique. État de vice]. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Nana.
Pouliche de l'écurie Vandeuvres. C'est pour faire honneur à
l'actrice des Variétés qu'on a donné à ce
pur-sang le nom de Nana. La pouliclie est d'une blondeur de fille rousse;
elle luit à la lumière comme un louis neuf, la poitrine
profonde, la tête et l'encolure légères, dans l'élancement
nerveux et fin de la longue échine [409]. Battue honteusement
dans le prix de Diane, non placée en avril en courant le prix
Des Cars et la Grande Poule des Produits, Nana montée par Priée
est l'outsider du Grand Prix de Paris [383]. Le succès frauduleux
de la pouliche amène la disqualification de son propriétaire.
(Nana.)
Nathansohn.
Coulissier. Petit blond très actif. Est venu de Besançon
où son père, d'origine autrichienne, est horloger. Entré
au Crédit Mobilier, il a compris le mécanisme de la finance
et s'est dit que ce n'est pas si malin, qu'il n'y a qu'à ouvrir
un guichet [23]. Il a rapidement prospéré et, favorisé
de la chance, est devenu un gros monsieur [338]. Son flair de juif l'avertit
en temps utile de la position de Saccard; grâce à un gain
de trois millions réalisé dans fa débâcle
de la Banque Universelle, il devient un des rois de la coulisse [392].
(L'Argent.)
Naud.
Cordonnier de la rue d'Antin. Le Bonheur des Dames lui fait une grosse
concurrence [447]. (Au Bonheur des Dames.)
Naudet.
Cousin des Quenu. Membre du conseil de famille de Pauline [26]. Consent
à l'émancipation [117]. (La Joie de vivre.)
Naudet.
Un grand marchand de tableaux, qui révolutionne le commerce de
la peinture. Ce n'est plus le vieux jeu du père Malgras. Naudet
a des allures de gentilhomme, jaquette de fantaisie, brillant à
la cravate, pommadé, astiqué, verni ; grand train d'ailleurs,
voiture au mois, fauteuil à l'Opéra, table réservée
chez Bignon, fréquentant partout où il est décent
de se montrer. Pour le reste, un spéculateur, un boursier, qui
se moque radicalement de la bonne peinture. Il apporte 1'unique flair
du succès, il devine l'artiste à lancer, non pas celui
qui promet le génie discuté d'un grand peintre, mais celui
dont le talent menteur, empli de fausses hardiesses, va faire prime
sur le marché bourgeois. C'est lui qui invente Fagerolles. Il
spécule sur l'ignoranceet la vanité des amateurs ; avec
lui, la peinture n'est plus qu'un terrain louche, des mines d'or aux
buttes Montmartre, lancées par des banquiers, et autour desquelles
on se bat à coups de billets de banque [244].
Plus tard, l'ambition lui tourne la tête,
il parle de couler tous les autres marchands, il a fait bâtir
un palais, où il se pose en roi du marché, centralisant
les chefs-d'uvre, ouvrant les grands magasins modernes de l'art,
faisant sonner des bruits de millions dès son vestibule [390].
Mais la débâcle finit par venir; baudet, dont les dépenses
ont grandi avec les gains, en a été réduit à
l'expédient des ventes fictives, il a culbuté dans l'outrance
et les mensonges de l'agio ; maintenant les prix s'effondrent de jour
en jour, c'est parmi les amateurs un affolement pareil aux paniques
de Bourse, et Naudet sent crouler sous lui son hôtel royal [443].
(L'uvre.)
Négrel (Madame).
Sur d'Hennebeau. Mère de Paul Négrel. Elle
a été mariée à un capitaine provençal
et, devenue veuve, a vécu à Avignon d'une maigre rente,
se contentant de pain et d'eau pour faire parvenir son fils [226]. (Germinal.)
Négrel (Paul).
Fils de madame Négrel. Sorti de l'école polytechnique
dans un mauvais rang, il a donné sa démission sur le conseil
de son oncle Hennebeau, directeur général des mines de
Montsou, et il a été attaché au Voreux comme ingénieur.
Les ouvriers l'appellent le petit Négrel. C'est un garçon
de vingt-six ans, mince et joli, avec des cheveux frisés et des
moustaches brunes; son nez pointu, ses yeux vifs, lui donnent un air
de furet aimable, d'une intelligence sceptique, qui se change en une
autorité cassante avec son personnel. Il se prétend républicain,
ce qui ne l'empêche pas de conduire les ouvriers avec une rigueur
extrême, et de les plaisanter finement, en compagnie des daines
[234]. Vêtu comme eux dans la mine, barbouillé comme eux
de charbon, il montre un courage à se casser les os, il les réduit
au respect en passant par tes endroits les plus difficiles, toujours
le premier dans les éboulements et dans les coups de grisou [56].
Chez son oncle, il est traité en enfant
de la maison; il y a sa chambre, y mange, y vit, ce qui lui permet d'envoyer
à sa mère la moitié de ses appointements de trois
mille francs [226]. Il se laisse rapidement séduire par sa tante,
une maîtresse maternelle et avisée, qui le récompenserait
par un beau mariage avec Cécile Grégoire, si celle-ci
n'était étranglée avant la noce par Bonnemort.
Malgré son ironique insouciance des hommes et des choses, le
jeune ingénieur se sent blêmir, pendant la grève,
devant la marche furieuse des mineurs; c'est la vision rouge de la révolution,
il est saisi là d'une épouvante supérieure à
sa volonté, une de ces épouvantes qui soufflent de l'inconnu
[393]. Un peu plus tard, lors du terrible attentat de Souvarine, il
est glacé d'horreur à la pensée de l'homme qui,
froidement, a voulu et consommé la destruction du Voreux [528].
Enfin, dans la recherche des victimes, il oublie son scepticisme, il
est pris d'une fièvre de dévouement qui, après
la réussite, le jette au cou d'un ouvrier sauvé par lui,
le révolté Etienne Lantier, tous deux sanglotant à
gros sanglots, dans le bouleversement profond de toute l'humanité
qui est en eux [577]. (Germinal.)
Noémi.
Actrice du Vaudeville. Madame Deberle admire sa façon
réaliste de mourir [18]. (Une Page d'Amour.)
Norine.
Marchande de salaisons. Parcourt les marchés autour de Cloyes
[163]. (La Terre.)
Nougaréde (De).
Vieux sénateur très friand. A failli demander la
main de Clorinde, après l'avoir vue dans un bal, en Diane chasseresse
[13]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
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