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Pache.
Soldat au 105e de ligne (colonel de Vineuil). Appartient à
l'escouade du caporal Jean Macquart. Chétif et la tête
en pointe, arrivé d'un village perdu de Picardie, fidèle
aux pratiques religieuses, il est le souffre-douleur de l'escouade et
se laisse plaisanter avec la douceur muette des martyrs. Traité
de cafard, il fait sa prière à genoux derrière
la tente et se signe devant les croix de pierre rencontrées sur
les routes [30]. L'influence des camarades finit par faire de lui un
mauvais soldat. Le 1er septembre, dans le torrent de fuyards qui coule
à plein chemin vers Sedan, il quitte le rang et se laisse entraîner
à l'auberge [365]. Interné avec son régiment dans
la presqu'île d'Iges, où règne la famine, il a pu
faire secrètement une petite provision de vivres; dénoncé
par Chouteau, surpris sur le fait, il est sommé de donner son
dernier morceau de pain et, comme il résiste farouchement, Lapoulle
le tue d'un coup dé couteau [460]. (La Débâcle.)
Paillot.
Fermier des environs de Montsou, à trois kilomètres de
Voreux [310]. (Germinal.)
Palette (La Mère).
Marchande de volailles aux Halles. Vieille femme jaune. A failli
tout brûler dans les resserres en éclairant ses poules
[232]. (Le Ventre de Paris.)
Paloque.
Juge au tribunal de Plassans. Forme avec sa femme le ménage le
plus laid du pays [46]. Leurs affreux visages, couturés, livides
de bile, sont un éternel sujet de moqueries 176]. Décoré
grâce à madame de Condamin, Paloque oublie toutes ses rancunes
et se rallie au parti de l'abbé Faujas [344]. (La Conquête
de Plassans.)
Paloque (Madame).
Femme du juge. D'une laideur repoussante, aigrie par sa disgrâce
physique et par la médiocrité de sa vie, dévorée
d'ambition impuissante, madame Paloque est une des plus mauvaises langues
de la ville. Trésorière de l'uvre de la Vierge,
où elle est entrée pour se mettre en vue [112] et furieuse
d'être laissée à l'écart [133], elle voue
à l'abbé Faujas une haine féroce et se fait contre
lui l'instrument du vicaire général Fenil; elle espionne
les relations de l'abbé avec Marthe Mouret [230]. Une décoration
opportunément promise à Paloque muselé cette dangereuse
mégère [315] et la ramène à Faujas, à
qui elle a aussitôt l'impudence de livrer une arme contre Fenil
[346]. (La Conquête de Plassans.)
Paraboulomenos.
Surnom donné par les élèves du collège
de Plassans à un marmiton de ta cuisine [37]. (L'uvre.)
Paralleluca.
Surnom d'une laveuse de vaisselle. C'est un monstre, comme Paraboulomenos.
Les élèves du collège de Plassans les accusent
d'une idylle dans les épluchures [37]. (L'uvre.)
Pascal (Le Docteur)
(l). Second fils de Pierre Rougon et de Félicité
Puech. Frère d'Eugène, Aristide, Sidonie et Marthe. Né
à Plassans en 1813, il ne parait pas appartenir à la famille.
Grand, le visage doux et sévère, il a une droiture d'esprit,
un amour de l'étude, un besoin de modestie, une sobriété,
un beau mépris de la fortune qui l'isolent complètement,
au milieu des appétits désordonnés qui l'entourent.
Après de brillantes éludes médicales à Paris,
il rentre à Plassans, s'enferme en une petite maison claire de
la ville neuve, s'absorbe amoureusement dans des découvertes
scientifiques, se contentant des quelques malades que le hasard lui
envoie, gagnant juste de quoi vivre. Sans qu'on s'en doute autour de
lui, il adresse d'intéressants mémoires à l'Académie
des Sciences et devient un homme très connu et très écoulé
du monde savant [79]. Plein de perspicacité, il a, dès
longtemps, entrevu l'avenir des Rougon-Macquart et, du fond de son laboratoire,
il observe curieusement leurs évolutions. (La Fortune des Rougon.)
En 1854, il a recueilli sa nièce Clotilde,
fille d'Aristide, alors âgée de sept ans. Plusieurs fois
déjà, il avait offert de la prendre avec lui, pour égayer
sa maison de savant [76]. On la lui donne après la mort de la
mère. (La Curée.)
A cinquante ans, il est déjà
d'un blanc de neige, avec une grande barbe, de grands cheveux, au milieu
desquels sa belle figure régulière prend une finesse pleine
débouté [45]. A Plassans, où il soigne les pauvres
gens pour rien, le peuple le nomme « monsieur Pascal » tout
court, supprimant d'instinct le lien nominal qui attache aux Rougon
ce savant si parfaitement équilibré. Il soigne le curé
des Artaud, son neveu Serge Mouret, observant avec une égale
curiosité ce garçon qui agonise dans sa soutane et l'innocente
Désirée qui vit si heureuse parmi les bêtes [330].
Serge malade, acculé à la folie mystique, a été
sauvé par le docteur Pascal ; celui-ci l'a mené au Paradou
pour achever de le guérir par un retour vers la nature saine
et féconde. (La Faute de l'abbé Mouret.)
A soixante ans, Pascal est d'une solidité
vigoureuse, la face si fraîche, les traits si fins, les yeux restés
limpides, d'une telle enfance, qu'on le prendrait, serré dans
son veston de velours marron, pour un jeune homme aux boucles poudrées
[2]. Il vit depuis dix-sept ans à la Souléïade, près
de Plassans, entre sa nièce Clotilde et sa vieille servante Martine,
ayant amassé une fente de six mille francs qui suffit à
sa vie de savant modeste et désintéressé, n'ayant
gardé qu'une clientèle d'amis qui fournissent l'argent
de ses expériences scientifiques [35].
Il étudie passionnément le problème
de l'hérédité, question obscure, comme toutes les
sciences balbutiantes encore, où l'imagination est maîtresse
[40]. Sa propre famille est un magnifique champ d'expériences;
on y trouve les accidents nerveux et sanguins qui se déclarent
dans une race, à la suite d'une première lésion
organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun
des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les
passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives,
dont les produits prennent les noms de vertus et de vices ; cette famille
est aussi un document d'histoire, elle raconte le second Empire, du
coup d'État à Sedan, car les Rougon-Macquart sont partis
du peuple, se sont répandus largement parmi toute la société
contemporaine, ont envahi toutes les situations, emportés par
le débordement des appétits, par cette impulsion essentiellement
moderne, ce coup de fouet qui jette aux jouissances les basses classes,
en marche à travers !e corps social [127].
Dans cet amas colossal de faits, il y a de
l'histoire pure, l'empire fondé dans le sang, d'abord jouisseur
et durement autoritaire, conquérant les villes rebelles, puis
glissant à une désorganisation lente, s'écroulant
dans le sang, dans une telle mer de sang, que la nation entière
a failli en être noyée. Il y a des éludes sociales,
le petit et le grand commerce, la prostitution, le crime, la terre,
l'argent, la bourgeoisie, le peuple, celui qui se pourrit dans le cloaque
des faubourgs, celui qui se révolte dans les grands centres industriels,
toute cette poussée croissante du socialisme souverain, gros
de l'enfantement du nouveau siècle. Il y a de simples études
humaines, des pages intimes, des histoires d'amour, la lutte des intelligences
et des curs contre la nature injuste, l'écrasement de ceux
qui crient sous leur tâche trop haute, le cri de la bonté
qui s'immole victorieuse de la douleur. II y a de la fantaisie, l'envolée
de l'imagination hors du réel, des jardins immenses, fleuris
en toutes saisons, des cathédrales aux fines aiguilles précieusement
ouvragées, des contes merveilleux tombés du paradis, des
tendresses idéales remontées au ciel dans un baiser. Il
y a de tout, de l'excellent et du pire, du vulgaire et du sublime, les
fleurs, la boue, les sanglots, les rires, le torrent même de la
vie charriant sans fin l'humanité [128].
L'étude du problème de l'hérédité,
où tant de maux et de souffrances apparaissent au docteur Pascal,
éveille d'abord en lui une pitié militante de médecin
guérisseur; son rêve est de hâter le bonheur universel
par la santé rendue à tous; il imagine des injections
hypodermiques, destinées à combattre la débilité
humaine, seule cause de tous les maux 142] ; quelques cures heureuses
montrent la valeur de sa découverte, mais des scrupules lui sont
venus, il tremble à la pensée de cette alchimie qui prétend
refaire l'humanité en contrariant la nature dans son but, et
alors il ne veut plus songer qu'à soulager, à empêcher
la souffrance, qu'il considère comme une cruauté monstrueuse
et inutile [217] ; dans les dernières années, il finira
par mettre son unique croyance en la vie, certain qu'elle doit tirer
d'elle seule sa santé et sa force, que l'unique sagesse est de
laisser faire la nature [337]. D'esprit large, il a élevé
Clotilde, sans lui imposer son credo philosophique, veillant seulement
à l'instruction de la jeune fille, lui donnant en toutes choses
des idées pures et saines. Il a permis à Martine de mener
l'enfant à l'église, les a laissées toutes deux
à leur joie de croire, ne se sentant pas le droit d'interdire
à personne le bonheur de la foi [71. Mais cette belle tolérance
de savant aurait le plus désastreux effet, créerait entre
Clotilde et son maître un irréparable malentendu, si, à
l'heure de la crise décisive, Pascal ne se décidait à
opposer la force de la vérité humaine aux chimères
du mysticisme.
L'immense amour qui, à leur insu, les
a envahis, va renouveler, en leur personne, la sublime légende
du vieux roi David et d'Abisaïg, la jeune Sunamite [1701. Et c'est
alors une idylle heureuse, un rayonnement de bonheur, un hymne à
la nature triomphante, jusqu'au jour où, ruiné par la
fuite du notaire Grandguillot, désespéré de n'avoir
pu donner à Clotilde l'enfant qui eût consacré leur
amour, Pascal a l'héroïsme de s'arracher le cur en
exigeant une séparation qui doit assurer l'avenir de la jeune
femme. Pour lui, l'existence ne sera plus qu'une torture, il s'est remis
à la besogne, complétant ses glorieux travaux, gardant
jalousement l'uvre dont il est fier, mais cet enthousiaste qui
a vécu de passion va être emporté par une maladie
de cur ; sous les yeux de son cher disciple Ramond, il en note
les progrès, jusqu'au dernier souffle, minute par minute, comme
un professeur qui dissèque à l'amphithéâtre
[347].
II meurt solitaire, à l'heure même
où Clotilde revient, annonçant la naissance prochaine
de l'enfant tant désiré. Et avec Pascal meurt son uvre,
sa magnifique enquête sur les lois de l'hérédité,
le monument de sa gloire future, anéanti en un immense autodafé
par Félicité Rougon, farouche dans sa haine de la vérité
et de la science [363]. (Le Docteur Pascal.)
(l) Pascal Rougon, né en 1813; célibataire;
a un enfant posthume de sa nièce Clotilde Rougon, en 1874; meurt
d'une maladie de cur, le 7 novembre 1873. [Innéité.
Combinaison où se confondent les caractères physiques
et moraux des parents, sans que rien d'eux semble se retrouver dans
le nouvel être]. Médecin. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Patoir.
Vétérinaire de Cloyes. Petit gros, sanguin, d'esprit jovial,
avec une tête de troupier et des moustaches fortes [45]. Parcourt
les routes dans une vieille guimbarde disloquée. (La Terre.)
Pauline.
Une femme rencontrée par des ouvriers en bordée [532].
(L'Assommoir.)
Pauvre Enfant.
Un petit troupier du 5e de ligne. C'est un engagé volontaire,
qui n'a pas vingt ans. Il se meurt à l'ambulance de Remilly,
d'une blessure reçue au flanc gauche, pendant la bataille de
Sedan. Le surnom de « Pauvre Enfant » lui est resté,
parce que, sans cesse, il répète ces mots en parlant de
lui-même; et, comme un jour on lui en demandait la raison, il
a répondu que c'est sa mère qui l'appelait toujours ainsi
[502]. Pauvre Enfant meurt dans les premiers jours de décembre,
appelant Henriette Weiss. « Maman! Maman! » et lui tendant
des bras si tendres qu'elle a dû le prendre sur ses genoux. La
souffrance l'a tellement diminué qu'il ne pèse pas plus
lourd qu'un petit garçon, et Henriette le berce pour qu'il meure
content [509]. (La Débâcle.)
Payan.
Un des amants de Clarisse Bocquet. Gaillard à encolure de paysan.
C'est un tailleur de pierre débarqué du Midi, et dont
sa ville natale est en train de faire un artiste [173]. Il croque à
Clarisse vingt-cinq mille francs de meubles donnés par Duveyrier.
(Pot-Bouille.)
Péchard (Antoine).
Voisin des Fouan. Possédait dix-huit arpents de terre
et a épousé la Grande qui lui en apportait sept. Meurt
jeune, laissant une fille [31]. (La Terre).
Péchard (Madame).
Voir GRANDE (La).
Péchard (Mademoiselle).
Fille d'Antoine Péchard et de Marianne Fouan. Celle-ci
a chassé sa fille, parce que la gueuse s'est obstinée
à épouser contre son gré un garçon pauvre,
Vincent Bouteroue. La femme et le mari ont eu deux enfants, la malchance
les a poursuivis, ils sont morts laissant les petits dans une misère
profonde [32]. (La Terre.)
Pecqueux.
Chauffeur de la Compagnie de l'Ouest. Marié à la mère
Victoire, ancienne nourrice de Séverine Aubry. C'est un grand
gaillard de quarante-trois ans, maigre avec de gros os, la face cuite
par le feu et par la fumée ; ses yeux gris sous le front bas,
sa bouche large dans une mâchoire saillante, rient d'un continuel
rire de noceur. Natif d'un village près de Rouen, il est entré
tout jeune dans la Compagnie, comme ouvrier ajusteur. Puis, à
trente ans, s'ennuyant à l'atelier, il a voulu être chauffeur,
pour devenir mécanicien. C'est alors qu'il a épousé
Victoire, du même village que lui. Mais les années s'écoulent,
il reste chauffeur, gagnant, tant pour les primes que pour le fixe,
deux mille huit cents francs par an, et mangeant tout en bombance, aux
deux boots de la ligne; jamais, maintenant, il ne passera mécanicien,
car il est sans conduite, sans bonne tenue, buveur, coureur de femmes,
et devient même à craindre lorsqu'il est ivre, car il se
change alors en vraie bête brute, capable d'un mauvais coup.
Son existence est réglée : il
a deux femmes, une à chaque extrémité du parcours,
son épouse Victoire à Paris, pour les nuits qu'il y couche,
et Philomène Sauvagnat, au Havre, pour les heures d'attente qu'il
passe là-bas. Entre Victoire trop grasse et Philomène
trop maigre, il répète par farce qu'il n'a plus besoin
de chercher ailleurs [81]. Pecqueux a un dévouement de chien
pour son mécanicien, Jacques Lantier, qui couvre ses vices; tous
deux forment avec leur machine, la Lison, un vrai ménage à
trois, uni par la même besogne et les mêmes dangers, sans
jamais une dispute [165]. Plus tard, cette bonne entente est rompue,
la Lison meurt dans la catastrophe de la Croix-de-Maufras [336], Philomène
excite la colère jalouse du chauffeur en se montrant trop empressée
à plaire au mécanicien, la vie devient un enfer sur l'étroit
plancher où vivent les deux rivaux, leur haine grandit et, un
jour où le train emporte vers la Prusse dix-huit wagons de soldats
criants et chantants, Pecqueux en qui une ivresse mauvaise a déchaîné
la brute, saisit brusquement Jacques à bras-le-corps pour le
pousser hors de la plate-forme; cramponnés l'un à l'autre,
ils sont entraînés sous les roues par la réaction
de la vitesse et ces deux hommes, qui avaient longtemps vécu
en frères, sont coupés, hachés dans leur étreinte,
réduits à l'état de troncs sanglants, se serrant
encore comme pour s'étouffer [414]. (La Bête humaine.)
Peirotte. Receveur
particulier à Plassans [102]. Tient sa place de la réaction
cléricale [119]. Au coup d'Etat, les insurgés l'emmènent
en otage avec les autres autorités de la ville [187], le traitent
avec douceur [256] et lui assignent comme prison une auberge de Saint-Roure
[259]. Sorti trop tôt dans son affolement, alors que les troupes
de l'ordre, ivres de fureur, tirent encore, Peirotte est tué
par la dernière décharge [267] ; il laisse enfin sa place
de receveur aux Rougon qui la convoitent depuis longtemps. On ramène
le corps à Plassans [375J. (La Fortune des Rougon.)
Péqueur des Saulaies.
Sous-préfet de Plassans. Pas encore quarante ans. Très
brun, moustaches cirées, d'une correction irréprochable
[47]. Fonctionnaire médiocre, a laissé une coalition royaliste
s'emparer de Plassans et faire l'élection Lagrifoul. On le maintient
à son poste pour ne pas donner l'éveil aux légitimistes,
mais il reste en dehors des savantes manuvres gouvernementales
et n'aurait même pas le flair de faire bonne figure à l'abbé
Faujas, sans les judicieux conseils de la précieuse madame de
Condamin, ancienne amie parisienne qui lui ouvre l'intelligence [201].
(La Conquête de Plassans.)
Péquignot.
Ami de Lorilleux. Vend des meubles grand-rue de la Chapelle [109].
(L'Assommoir.)
Perdiguet. Chanteur
connu de Malignon, qui a promis de l'amener au bal d'enfants des Deberle
[130]. (Une Page d'Amour.)
Pérou (Là
Mère). Vieille femme employée par le concierge
Gourd. Elle fait les gros nettoyages de la maison, à quatre sous
de l'heure. Terrorisée par les violences de l'ancien larbin,
qui lui reproche de n'être plus assez forte et qui rogne sur son
misérable salaire, elle accepte une réduction en pleurant
[328]. (Pot-Bouille.)
Phasie (Tante).
- Femme de Misard. Mère de Flore et de Louisette. C'est
une cousine des Lantier; elle a servi de marraine au petit Jacques et
l'a pris chez elle, à Plassans, lorsque Gervaise Macquart et
son amant se sont envolés à Paris. Jacques l'appelait
dés l'enfance tante Phasie. Elle a eu deux filles, Flore et Louisette,
est devenue veuve et s'est remariée à trente-cinq ans
avec Misard, un petit homme sournois et avare, de cinq ans plus jeune
qu'elle. Jacques l'a retrouvée plus tard avec ses filles et son
mari, vivant en un désert de la Normandie, la Croix-de-Maufras,
sur la ligne du Havre, où elle est garde-barrière et où
Misard est chargé d'un cantonnement. C'est une existence de misère,
un ennui à périr, de n'avoir jamais personne à
qui causer, pas même un voisin, dans l'éternel flux de
voyageurs roulant sans lin sur la voie ferrée. Dès le
début, on a donné à tante Phasie cinquante francs
par mois, c'est le présent et 1'avenir, sans autre espoir, la
certitude de vivre et de crever dans ce trou, à mille lieues
des vivants; elle a eu longtemps des consolations, lorsque son mari
travaillait au ballast et qu'elle demeurait seule à garder la
barrière avec ses filles ; elle possédait alors, de Rouen
au Havre, sur toute la ligne, une telle réputation de belle femme
que les inspecteurs de la voie la visitaient au passage. Mais à
quarante-cinq ans, la robuste personne d'autrefois, si grande, si forte,
en paraît soixante ; amaigrie et jaunie, secouée de continuels
frissons, elle reste là, les semaines, les mois, sur une chaise,
dans cette solitude, sentant son corps s'en aller un peu plus d'heure
en heure. La solide gaillarde a été peu à peu rongée
par le maigre et souffreteux Misard. Entre eux, il y a un duel à
mort : tante Phasie possède mille francs, hérités
l'an dernier de son père, et elle veut garder cette somme, elle
la refuse obstinément à son mari. Celui-ci peut bien la
tuer, elle ne cédera pas ; même s'il l'empoisonne, il n'aura
rien, elle laissera plutôt les mille Francs à la terre.
Certes, elle se méfie, elle a même une peur secrète,
grandissante, la peur du colosse devant l'insecte dont il se sent mangé
[43], elle n'accepte rien de lui, sauf le sel, parce que le sel purifie
tout, et c'est justement dans le sel qu'il met sa drogue. Après
le sel, ce sont les lavements qui introduisent le poison dans son corps;
et mourante, elle se console à la pensée de la tête
que son mari fera en ne découvrant pas le magot [232]. Morte,
ses yeux obstinés restent ouverts, sa tête s'est raidie,
un peu penchée sur l'épaule, comme pour regarder dans
la chambre, tandis qu'un retrait des lèvres semble les retrousser
d'un air goguenard [308]. Et c'est bien elle, définitivement,
qui triomphe, car le petit Misard l'a tuée inutilement, il ne
trouvera jamais le trésor. (La Bête humaine.)
Pichenette.
Cheval engagé dans le Grand Prix de Paris [384]. Il est retiré
avant la course [405]. (Nana.)
Pichon (Jules).
Employé de ministère. Il habite avec sa femme l'immeuble
Vabre, rue de Choiseul, au quatrième sur la cour. Grand et maigre,
l'air dolent. Dernier-né d'une fruitière qui a mangé
sa boutique pour faire de son fils un bachelier parce que tout le quartier
le disait très intelligent, Pichon a vu sa mère mourir
insolvable trois jours avant le triomphe en Sorbonne. Après trois
ans de vache enragée chez un oncle, il a eu le bonheur inespéré
d'obtenir un emploi public, il a épousé Marie Vuillaume,
fille d'un collègue retiré, et il vit plié à
la mécanique du bureau, ayant dans ses yeux ternes la résignation
hébétée des chevaux de manège, calculant
machinalement qu'il a encore trente-six ans à attendre pour être
décoré et obtenir deux mille francs de retraite [82].
Plein de manies commençantes, il parle continuellement de son
sous-chef, est travaillé dans la rue du seul tourment des éclaboussures
de boue et ne connaîtrait aucun imprévu si, décidé
à n'avoir jamais qu'un enfant, comme la saine raison l'exige,
il ne voyait sa femme continuellement enceinte, malgré les précautions
les plus strictes. (Pot-Bouille.)
Pichon (Madame Jules).
Voir VUILLAUME (Marie).
Pichon (Lilitte).
Fille aînée des Pichon. Elle a dix-huit mois quand sa mère
devient la maîtresse d'Octave Mouret [71)]. (Pot-Bouille.)
Pichon (Rosalie).
Bonne de madame Grandjean. Courte, grasse, la figure ronde sous
son étroit bonnet, nez écrasé, bouche rouge, cheveux
noirs et drus. Beauceronne. Elle avait été donnée
à Hélène par l'abbé Jouve à qui elle
avait été recommandée par un curé de village,
ancien camarade de séminaire. Rosalie a grandi au presbytère,
avec la servante, qui était sa marraine. Elle triomphe dans les
petits plats. Avec la permission de madame, elle reçoit chaque
dimanche la visite de son fiancé, le soldat Zéphyrin Lacour,
en l'honneur de qui elle fait tous les samedis un formidable nettoyage
dans sa cuisine [86] et qui se tient bien sage dans un coin. (Une Page
d'Amour.)
Picot.
Soldat d'infanterie. Appartient à la première division
du 7e corps, engagée à Frschwiller, où toute
une armée allemande est tombée sur les quarante mille
Français de Mac-Mahon. Ceux-ci avaient évacué,
le malin, le gentil village de Wrth et, tout le jour, se sont
usé les dents et les ongles pour le réoccuper ; on s'est
cogné ensuite autour d'Elsasshausen, les Français ont
été canardés par un tas de canons qui tiraient
à leur aise du haut d'une colline, lâchée aussi
le matin; et il n'est resté d'autre ressource que de sacrifier
inutilement les cuirassiers. On s'est battu longtemps dans Frschwiller
; un autre que Mac-Mahon aurait refusé la bataille, puisqu'on
n'était pas de force, il a tenu jusqu'au bout ; pendant près
de deux heures, les ruisseaux ont roulé du sang. Et alors que
la gauche culbutait les Bavarois, la droite et le centre ont dû
céder, les régiments débandés, démoralisés,
affamés, ont fui à travers champs, les grands chemins
ont vu une affreuse confusion d'hommes, de chevaux, de voitures, de
canons, toute la débâcle d'une armée détruite,
fouettée du vent fou de la panique. Au heu de faire sauter les
ponts, de combler les tunnels, les généraux ont galopé
dans l'effarement, et une telle tempête de stupeur a soufflé,
emportant à la fois les vaincus et les vainqueurs, qu'un instant
les deux armées se sont perdues, dans celte poursuite à
tâtons [65].
Picot, roulé dans la fatigue et dans
la déroute, est resté à demi mort de fatigue au
fond d'un fossé, avec son camarade Coutard, du ler corps. Traînant
dès lors la jambe à la queue de l'armée, forcés
de s'arrêter dans les villes par des crises épuisantes
de fièvre, ils arrivent seulement le 22 août à Reims,
un peu remis, en quête de leur escouade. Ils sont dans une déchéance
lamentable de soldats sans armes, vêtus de pantalons rouges et
de capotes si rattachées de ficelles, rapiécées
de tant de lambeaux différents, qu'ils ressemblent à des
pillards, à des bohémiens, achevant d'user la défroque
de quelque champ de bataille [61]. (La Débâcle.)
Picou.
Petit rentier de la ville neuve, à Plassans. Fréquente
un café de la place des Récollets où il commente
d'une voix aigre les nouvelles politiques [299]. (La Fortune des Rougon.)
Pied-de-Céleri.
Ami de Coupeau. Il a une jambe de bois, d'où son surnom
[178]. (L'Assommoir.)
Piédefer (Laure).
Tient une table d'hôte rue des Martyrs. C'est une dame
de cinquante ans, aux formes débordantes, sanglée dans
des ceintures et des corsets. La bonne, au contraire, est une grande
maigre, ravagée, aux paupières noires, aux regards flambant
d'un feu sombre [278]. Laure Piédefer fait manger pour trois
francs les petites femmes dans l'embarras; toutes la baisent sur la
bouche avec une familiarité tendre [84] et ce monstre, les yeux
mouillés, tâche, en se partageant, de ne pas faire de jalouses.
Il y a, dans les trois salons, une centaine de clientes, mêlées
au hasard des tables, la plupart touchant à la quarantaine, énormes,
avec des empâtements de chairs, des bouffissures de vice noyant
les bouches molles; et, au milieu de ces ballonnements de gorges et
de ventres, apparaissent quelques jolies filles minces, l'air encore
ingénu sous l'effronterie du geste, des débutantes levées
dans un bastringue et amenées là par une cliente [278].
(Nana.)
Piédefer (Zoé).
Un modèle qui loge rue Campagne-Première [17].
C'est une grande brune dont le ventre s'abîme [55]. (L'uvre.)
Pierre.
Valet de chambre des Deberle. (Une Page d'Amour.)
Pierre.
Employé au Bonheur des Dames ; est garçon de table au
réfectoire [205]. (Au Bonheur des Dames.)
Pierron.
Un mineur du Voreux, affecté à l'accrochage. Veuf, ayant
une fille de huit ans, la petite Lydie, il s'est marié avec Ici
fille de la Brûlé. Le ménage, installé au
coron des Deux cent quarante, en face des Maheu, vit très heureux,
au milieu des bavardages, des histoires qui courent sur les complaisances
du mari et sur les amants de la femme : pas une dette, deux fois de
la viande par semaine, une maison si nettement tenue qu'on se mirerait
dans les casseroles [110]. Pierron a un visage doucereux [65]. Forcé
de participer à la grève et de faire partie de la délégation,
il a écrit au directeur Hennebeau pour se justifier respectueusement
[232]. Lorsque les choses se gâtent, il simule une maladie et
s'enferme avec sa femme pour se gorger de lapin au milieu du coron affamé
[294]. Après l'émeute de Montsou, on l'a arrêté
par erreur et il est allé les menottes aux poings jusqu'à
Marchiennes [420]. C'était mal reconnaître les services
qu'il avait rendus en vendant ses camarades, en les espionnant pour
le compte du maître porion Dansaert, amant de sa femme. A la fin
de la grève, il redescend l'un des premiers dans la mine, avec
une dizaine de cafards de son espèce [493]. Il devient chef d'équipe
à l'accrochage et se fait rapidement détester par ses
excès de zèle [585]. (Germinal.)
Pierron (Lydie).
Fille de Pierron. Une chétive fillette de dix ans, déjà
hercheuse au Voreux. Ereintée, boueuse, raidissant ses bras et
ses jambes d'insecte pour pousser sa berline, elle est, au fond de la
mine, pareille à une maigre fourmi noire en lutte contre un fardeau
trop lourd [60]. Détestée de la Pierronne, elle empoche
en gifles fréquentes les vivacités de la famille [110].
Devant son ami Jeanlin Maheu, elle éprouve une peur et une tendresse
de petite femme battue ; elle joue à faire « papa et maman
» avec lui ; quand il t'emmène, elle galope, elle se laisse
prendre avec le tremblement délicieux dé l'instinct, souvent
fâchée, mais cédant toujours, dans l'attente de
quelque chose qui ne vient point [138]. Comme Bébert Levaque,
elle est exploitée par Jeanlin, elle est de toutes les parties
de maraude, et elle en partage tous les risques sans profit. Au tyrannique
Jeanlin, elle finit par préférer de beaucoup le doux et
câlin Bébert, son compagnon de peine ; elle voudrait bien
être serrée dans ses bras [302]. Mais pendant la grève
de Montsou, an feu de peloton arrête
L'idylle commençante et Lydie est tuée
raide par une balle, devant la fosse du Voreux [487]. (Germinal.)
Pierronne (La).
La seconde femme de Pierron. Vingt-huit ans. Elle passe pour
la jolie femme du coron, brune, le front bas, les veux grands, la bouche
étroite; avec cela, coquette, d'une propreté de chatte,
la gorge restée belle, car elle n'a pas eu d'enfant [110]. Grâce
à des protections, la Compagnie l'a autorisée à
vendre des bonbons et des biscuits, dont elle étale les bocaux
sur deux planches, derrière les vitres de la fenêtre ;
ce sont six ou sept sous de gain par jour, quelquefois douze le dimanche.
Maîtresse du maître porion Dansaert, grâce à
qui Pierron obtient toutes les faveurs, très méprisante,
dans sa certitude d'être la plus belle et la plus riche, elle
sait répondre aux gros mots des mineurs [438]. Après la
grève, la Pierronne possède l'estaminet du Progrès,
grâce à l'appui de tous ces messieurs de la direction,
qui se montrent très bons pour elle [582]. (Germinal.)
Pifard.
Censeur du collège de Plassans. Son nez fameux s'embusque derrière
les portes, pareil à une couleuvrine, décelant au loin
sa présence [36]. (L'uvre.)
Pillerault.
Un habitué de la Bourse. Très grand, très maigre,
avec des gestes saccadés et un nez en lame de sabre, clans un
visage osseux de chevalier errant. C'est un joueur qui érige
en principe le casse-cou, déclarant qu'il culbute dans des catastrophes,
chaque fois qu'il s'applique à réfléchir. Tout
à l'opposé de son ami Moser, Pillerault est une nature
exubérante de haussier qui, même quand les baissiers triomphent,
paye ses différences avec des éclats de voix, l'air agressif
et superbe, comme après une victoire [91]. (L'Argent.)
Piot.
De la maison Piot et Rivoire, marchands de meubles dont les magasins
dorment à l'ombre du passage Sainte-Anne; le Bonheur des Dames
a crée un rayon de meubles qui leur porte un coup funeste [263].
(Au Bonheur des Dames.)
Piquette.
Tient à Montsou un estaminet où loge Chaval [143]. (Germinal.)
Plouguern (De).
Senateur de l'Empire. Grand vieillard de soixante-dix ans, sec,
osseux, ressemblant à Voltaire [89]. Député légitimiste
sous Louis-Philippe, il a montré une soudaine tendresse pour
la République après Février et, mis au Sénat
par l'Empereur, il est devenu bonapartiste. Mais son passé de
gentilhomme l'oblige à défendre la religion et la famille,
tout en restant sceptique jusqu'aux moelles, très dissolu, très
inventif, raffinant les jouissances. Il a été pendant
trente ans l'amant de la comtesse Balbi ; tant que Clorinde a été
petite, il a laissé dire qu'elle était sa fille; mais,
quand elle est devenue femme, grasse et désirable, il se laisse
seulement appeler parrain et la couve de ses yeux restés vifs.
Elle se sert de lui pour surexciter le Sénat contre Rougon [398].
(Son Excellence Eugène Rougon.)
Pluchart.
Un ancien mécanicien, affilié à 1'Association internationale
des travailleurs, secrétaire de la fédération du
Nord. Depuis cinq ans, il n'a pas donné un coup de lime ; mince,
bellâtre, la tète carrée et trop grosse, il a sous
sa redingote noire l'endimanchement d'un ouvrier cossu ; il se soigne,
se peigne surtout avec correction, vaniteux de ses succès de
tribune, mais il garde des raideurs de membres, les ongles de ses mains
larges ne repoussent pas, mangés par le fer. Très actif,
il sert son ambition, en battant la province sans relâche, pour
le placement de ses idées. Sa voix sort pénible et rauque;
peu à peu, il l'enfle et en tire des effets pathétiques;
il promène sa laryngite avec son programme. Les bras ouverts,
accompagnant les périodes d'un balancement d'épaules,
il a une éloquence qui tient du prône, une façon
religieuse de laisser tomber la fin des phrases, dont le ronflement
monotone finit par convaincre [278]. Pluchart a été le
contremaître d'Etienne Lantier à Lille; c'est par lui qu'il
obtient, dans la hâte d'une réunion dissoute par la police,
l'affiliation en bloc des dix mille mineurs de Montsou à l'Internationale
[281]. Quand celte association se désorganise, Pluchart change
de terrain, il conquiert Paris, on lui fait des ovations au sortir des
réunions, il est tancé malgré son rhume et ira
où il voudra désormais [506]. (Germinal.)
Poirette (Le Père).
Un paysan de Bennecourt, aux yeux rapetisses de vieux loup. Il
possède une grande lanterne de maison que Claude Lantier et Christine
prennent en location pour deux cent cinquante francs par an [184]. (L'uvre.)
Poisson.
Mari de la grande Virginie. Ancien ouvrier ébéniste devenu
sergent de ville à sa sortie du service [225]. C'est un homme
de trente-cinq ans, à la face terreuse, avec des moustaches et
une impériale rouges. Il a gardé le goût de son
ancien métier, il fabrique constamment de petits objets en bois,
se livrant au découpage à la scie dans de vieilles boîtes
à cigares [226]. Un modeste héritage qu'il a fait permet
à Virginie de monter un commerce d'épicerie fine, dont
Lantier viendra rapidement à bout. Poisson, trompé au
su de tout le quartier, ne voit rien ; il garde imperturbablement sa
rêverie calme et sévère de sergent de ville, son
habitude de ne penser à rien, les yeux voilés, pendant
ses longues factions sur les trottoirs [412]. Lantier, qui l'appelle
Badingue par blague, à cause de sa ressemblance avec l'empereur,
est surpris un jour par lui dans les bras de Virginie, mais une explication
amicale empêche les choses d'aller plus loin [567]. (L'Assommoir.)
Poisson (Madame).
Voir VIRGINIE (La Grande.)
Pologne.
Un lapin familier, appartenant aux Rasseneur, une grosse mère
toujours pleine, qui vit lâchée en liberté, dans
la maison. Cette lapine, que Souvarine a baptisée du nom de Pologne,
s'est mise à l'adorer, venant flairer son pantalon, se dressant,
le grattant de ses pattes, jusqu'à ce qu'il l'ait prise comme
un enfant; puis, lassée contre lui, les oreilles rabattues, elle
ferme les yeux, tandis que, sans se lasser, il passe la main sur la
soie grise de son poil [156]. Surprise un jour par Jeanlin Maheu à
la porte de l'estaminet, martyrisée par lui, elle n'a plus fait
depuis que des lapins morts. Pour ne pas nourrir une bouche inutile,
les Rasseneur l'accommodent aux pommes de terre [453]. (Germinal.)
Pomaré (La Reine).
Chiffonnière de la plaine Monceau. Autrefois une fille
superbe, qui occupait tout Paris de sa beauté; et un chien, et
un toupet, les hommes conduits comme des bêtes, de grands personnages
pleurant dans son escalier ! A présent, elle se soûle,
les femmes du quartier, pour rire un peu, lui font boire de l'absinthe;
puis, sur les trottoirs, les galopins la poursuivent à coups
de pierres. Dansson paquet de haillons, sous un foulard en loques, elle
a une face blême, couturée, avec le trou édenté
de la bouche et les meurtrissures enflammées des yeux [376].
(Nana.)
Porquier (Docteur).
Médecin à Plassans, soixante ans, gros monsieur
à cravate blanche [46]; après ses visites, vient passer
une heure à la sous-préfecture pour entretenir sa belle
clientèle [202] et serait le plus heureux du monde sans son garnement
de fils, Guillaume Porquier, jeune débauché qui scandalise
Plassans, et que le docteur rêve de caser à tout prix.
Cette ambition lui inspire d'excessives complaisances qui aboutissent
à l'internement de François Mouret [301] et à l'entrée
de Guillaume à la poste, comme commis principal [326]. (Le docteur
Pascal.)
Porquier (Guillaume).
Fils du docteur, qu'il chagrine par son inconduite. Grand jeune
homme déjà fatigué [72], menant une vie de petites
débauches provinciales, entraînant avec lui les jeunes
gens de la ville dans des maisons de femmes, où l'on joue de
l'argent et où se fait un train d'enfer [76]. Dans son existence
nocturne, il s'est lié avec Tronche qui le met au courant des
manigances du son père et de l'abbé Faujas contre François
Mouret [299]. Aussitôt, Faujas devient prudemment l'ami de Guillaume
et l'impose au Cercle de la Jeunesse, où par compensation le
jeune homme se fait le séide de l'abbé. Et c'en est fait
de la. bonne tenue du cercle; Guillaume y met à la mode les polissonneries
[312], il mène des bandes de tout jeunes gens faire des gueuletons
chez les Tronche [339]. Enfin, dans la pluie de faveurs qui tombe sur
Plassans à l'heure des élections, il obtient un bon emploi
[326]. (La Conquête de Plassans.)
Pouillaud.
Un condisciple de Claude Lantier et de Pierre Sandoz au collège
de Pîassans. C'était un farceur émérite :
il a transformé, un jour, en chambre ardente, l'armoire du professeur
Lalubie; une autre fois, il a attaché tous les pots de chambre
du dortoir à une même corde qui passait sous les lits,
puis au matin, un matin de grandes vacances, il s'est mis à tirer
en fuyant par le corridor et par les trois étages de l'escalier,
avec cette effroyable queue de faïence, qui bondissait et volait
en éclats derrière lui [38]. Mais ces folies de collégien
ne l'empêchent pas d'avoir, dès l'âge de vingt ans,
toute la gourme imbécile d'un bourgeois qui se range, il fait
son droit, reprend l'étude d'avoué de son père,
et plus tard, devenu très grave, il a des ennuis pour s'être
laissé pincer avec des petites gueuses de douze ans [448]. (L'uvre.)
Powell (Miss).
La seconde des corsets, au Bonheur des Dames. Tape du piano.
Son talent est jalousé par ces demoiselles [328]. (Au Bonheur
des Dames.)
Pozzo (Luigi).
Secrétaire de la légation d'Italie. Diplomate, peintre,
musicien et amoureux [66]. Se dit le cousin de Clorinde, parce qu'ils
sont nés dans la même rue, à Florence [71]. II vit
dans l'intimité de sa prétendue cousine, lui jouant de
la musique langoureuse, sortant de chez elle à des heures singulières
[176]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Price.
Le jockey qui monte la pouliche Nana, dans le Grand Prix de Paris. C'est
une célébrité anglaise, inconnue en France [399].
Un homme de quarante ans, qui paraît un vieil enfant desséché,
avec une longue figure maigre, creusée de plis, dure et morte.
Le corps est si noueux, si réduit, que la casaque bleue, aux
manches blanches, semble jetée sur du bois [405]. Et Price gagne
la course dans un élan de furieuse audace, de volonté
triomphante, donnant du cur à la pouliche, la soutetenant,
la portant trempée d'écume, les yeux sanglants [415].
(Nana.)
Princess.
Jument de courses. Lusignan, de l'écurie Vandeuvres, est par
Lamb et Princess [388]. (Nana.)
Prouane (Famille).
Habitants de Bonneville. Prouane, qui a eu un grade dans la flotte
et qui écrit comme un maître d'école, est bedeau
de' l'abbé Horteur et secrétaire de la mairie. Le ménage
comprend le mari, la femme et une fillette scrofuleuse, d'une maigreur
ardente, avec de gros yeux à fleur de tête, où,
dés l'âge de onze ans, a flambé l'hystérie.
Les deux Prouane vivent de la pêche aux crevettes; ils sont presque
toujours ivres. L'enfant finit, par boire comme eux et vient, hébétée
par l'ivresse, mendier chez Pauline Quenu. La femme a gardé madame
Chanteau morte [238]. Comme tout le village, Prouane se moque de 1'estacade
construite par Lazare Chanteau pour endiguer la mer [260]. (La Joie
de vivre.)
Prullière.
Acteur des Variétés. Il joue avec une fatuité
amusante de jeune premier en bonne fortune, roulant des yeux de bravache.
Sa vanité d'acteur aimé du public souffre devant un rôle
trop court [329]. Prullière joue un Mars de la Courtille dans
la Blonde Venus et Saint-Firmin, dans la Petite Duchesse, C'est eu vain
qu'il cherche à devenir l'amant de Nana, alors en ménage
avec Fontan; elle trouve dégoûtant qu'il veuille tromper
un ami [287]. (Nana.)
Prunaire (Le Père).
Sabotier des bois de Vivet [62]. Furieux de 1'inconduite de sa
fille Clara, il menace de tombera Paris et de lui casser les bras et
les jambes, à coups de sabot [159]. (Au Bonheur des Dames.)
Prunaire (Clara).
Vendeuse du rayon de confections au Bonheur des Dames. A été
jadis débauchée par les valets de chambre du château
de Mareuil. Est venue plus tard d'un magasin de Langres et se venge
à Paris, sur les hommes, des coups de pied dont le père
Prunaire lui bleuissait les reins. Grande et mince, la tête trop
longue ornée d'un chignon de cheveux roux, elle a une allure
de cheval échappé [60]. Clara est un scandale, on assure
qu'elle a des entreteneurs, sans compter la queue d'amants de hasard,
traînée derrière elle; si elle ne quitte pas le
magasin, où elle travaille le moins possible, dans le dédain
d'un argent gagné plus agréablement ailleurs, c'est pour
se couvrir aux yeux de sa famille [159]. Octave Mouret a eu un court
caprice pour Clara [274]. Cette fille pervertie est à la fois
envieuse et malfaisante. Longtemps hostile à Denise Baudu, qu'elle
ne pouvait souffrir au rayon, la poursuivant de ses sarcasmes, elle
a la méchanceté de débaucher Colomban, pour frapper
Denise dans les siens [426]. Mademoiselle Prunaire disparaît un
jour, enlevée selon les uns par le mari d'une acheteuse, tombée
à la débauche de la rue, selon les autres [491]. (Au Bonheur
des Dames.)
Puech.
Père de Félicité Puech. Marchand d'huile à
Plassans, principal associé de la maison Puech et Lacamp, située
dans une des ruelles les plus noires du vieux quartier. Cette maison
est à la veille de sombrer, lorsque Pierre Rougon demande la
main de Félicité, apportant avec lui cinquante mille francs
qui rétabliront rapidement un crédit fort ébranlé
[65]. Puech, heureux d'être sauvé de la faillite, donne
sa fille, reste encore cinq ans dans l'affaire, passe la main à
Rougon, et se retire en même temps que Lacamp, satisfaits tous
deux d'avoir amassé quelques rentes [68]. Puech possède
à ce moment une quarantaine de mille francs qu'il met égoïstement
en viager pour mieux dorloter ses vieux jours; il meurt vers 1845, ne
laissant pas un sou à Félicité consternée
[69]. (La Fortune des Rougon.)
Puech (Félicité)
(l). Fille du marchand d'huile. Née en 1791, elle
est à dix-neuf ans une petite femme noire, maigre, la gorge plate,
les épaules pointues, le visage en museau de fouine, avec des
cheveux superbes. Douée d'une intelligence très remarquable,
elle a une physionomie de naine futée où se retrouvent
les traits d'un noble du quartier Saint-Marc, M. de Garnavant, qui,
selon la chronique, serait son véritable père [66]. Résignée
à n'être qu'un laideron, Félicité, douée
du génie de l'intrigue, pleine d'une ambition active et envieuse,
s'est juré d'éblouir un jour cette ville où elle
végète tristement, au fond d'une boutique, dans la plus
complète médiocrité. Elle poursuivra ce but jusqu'au
bout, se servant de son mari, Pierre Rougon, comme d'un instrument,
luttant avec opiniâtreté contre une persistante malchance,
gardant la foi la plus âpre en son étoile, prête
à tout pour assouvir son besoin de domination.
Elle a cru faire fortune dans le commerce,
mais trente années d'un travail acharné, traversées
de déboires sans nombre, laissent les deux époux avec
une rente de deux mille francs, trop mesquine pour qu'ils s'installent
dans le nouveau quartier, dans la ville des gens riches où ils
feraient mauvaise figure. Ils louent un logement rue de la Banne, à
la porte même de la terre promise, que Félicité,
malade d'envie, contemple de ses fenêtres [81]. Elle avait eu,
de 1811 à 1815, trois fils, Eugène, Pascal et Aristide,
puis deux filles, Sidonie et Marthe [69]. Celles-ci, trop lard venues,
ont été sacrifiées, mais Félicité,
rêvant toujours de richesse, a flairé dans ses fils des
hommes capables de vaincre le sort et les a armés d'une instruction
solide, comptant sur eux pour dicter un jour des lois à Plassans.
Son second fils, Pascal, devient un savant désintéressé
et modeste; il fait faillite aux espérances maternelles [79];
Eugène et Aristide, au contraire, ont hérité des
gros appétits de la famille. La révolution de 1848 les
trouve, l'un avocat sans lustre, l'autre petit fonctionnaire, errant
dans Plassans, aptes à toutes les besognes, aiguisant leurs dents
affamées, rendant à leur mère tout son espoir de
fortune insolente.
A cette époque, Félicité
n'a pas vieilli; c'est toujours la même petite femme noire, à
la marche leste, aux épaules sèches; sa figure de fouine
semble s'être parcheminée [84]. Dirigeant son mari sans
qu'il s'en doute, elle le met en avant, fait de son salon un centre
de politique réactionnaire et, dans l'aveulissement général,
ces Rougon de piètre allure, de passé compromettant, méprisés
des riches bourgeois qui s'assemblent chez eux, deviennent des personnages
et se tiennent à l'affût, prêts à profiter
des événements. Secrètement renseignés par
Eugène, le fils aîné, que sa mère avait d'abord
méconnu et qui s'est poussé à Paris, les Rougon
jouent dans Plassans, à l'époque du coup d'État,
un rôle plein de fourberie où éclate toute l'intelligente
audace de Félicité. Les autorités emprisonnées
par les insurgés laissent la place libre à Pierre Rougon,
qui s'empare de la mairie, rassure les bourgeois claquant des dents
derrière leurs portes, et, par un coup de maître, combine
avec son frère ennemi Macquart un guet-apens sanguinaire, une
fusillade nocturne qui fera définitivement accepter les Rougon
comme les sauveurs de Plassans [351].
Alors, tous les bonheurs arrivent à
la fois : Aristide, l'enfant préféré de Félicité,
se rallie à la bonne cause, l'encombrant Antoine Macquart se
sauve au delà de la frontière, un gendarme fait justice
du petit Silvère Mouret dont les opinions démagogiques
compromettaient la famille, l'aïeule Adélaïde dont
on a si longtemps rougi est enfermée dans une maison de folles,
enfin les soldats, comme s'ils obéissaient à une suggestion
de Félicité, ont tué, dans le hasard d'une décharge,
le receveur particulier Peirotte, dont madame Rougon contemplait les
fenêtres avec envie depuis des années. La recette particulière
de Plassans est donnée à Rougon, et Félicité,
devenue riche et puissante, réalise dans le sang le rêve
de sa vie en s'installant triomphante dans le grand quartier. (La Fortune
des Rougon.)
Dix ans après le coup d'État,
madame Rougon règne en souveraine à Plassans; elle a été
chargée par son fils Eugène, devenu ministre, de personnifier
là-bas les douceurs et les amabilités de l'Empire [14].
Restée à soixante-dix ans d'une maigreur et d'une vivacité
de jeune fille [50], elle possède encore tout son goût
pour l'intrigue. Plassans, dompté en 1851, vient de revenir à
l'opposition royaliste, en élisant député le marquis
de Lagrifoul; c'est un grave échec pour les Rougon, qui triomphaient
depuis les grandes journées de Décembre. Félicité
agit aussitôt, se tenant à l'écart par une manuvre
de haute habileté [314], mais surveillant avec attention les
opérations de son collaborateur secret, l'abbé Faujas,
lui donnant discrètement de bons conseils qu'il n'a pas toujours
la souplesse de suivre, et coopérant grandement à la reprise
et à la conquête définitive de Plassans. Comme son
grand souci est de supprimer François Mouret, qui mène,
dit-on, la canaille des faubourgs [277], elle a dirigé la campagne
de persuasion qui doit acculer ce malheureux à l'aliénation
mentale [288]. Tout réussit à Félicité,
comme en 1851. Après la victoire, quand
Faujas, brutal et autoritaire, va devenir
un danger, Mouret le supprime, dans un coup de folie furieuse, et madame
Pierre Rougon reste seule maîtresse de la ville reconquise [401].
(La Conquête de Plassans.)
En 1856, elle s'est intéressée
aux Charbonnel, anciens marchands d'huile, et les a recommandés
à son fils Eugène, président du Conseil d'Etat
[54]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
A quatre-vingts ans, elle est restée
la petite femme maigre de jadis. Très élégante,
vêtue de soie noire, de taille encore fine, elle garde son allure
d'ambitieuse ardente. Ses veux ont conservé toute leur flamme
[10]. Après les désastres de la guerre, Plassans a échappé
à sa domination et, sans un regret ni une plaints, devenue très
riche, Félicité se désintéresse, consentant
à n'être plus que la reine détrônée
du régime déchu, n'ayant plus qu'une passion, celle de
défendre la légende des Rougon, en écartant tout
ce qui, dans la suite des âges, pourrait la salir [12]. Elle voit
avec bonheur s'éteindre enfin l'aïeule Adélaïde
Fouque, mère de tous les Rougon et de tous les Macquart, témoin
desséché d'un passé de honte; elle assiste, sans
un geste pour intervenir, à la terrible fin du vieil oncle Antoine
Macquart, dont elle guettait la mort depuis longtemps, ayant peur de
cet ancien complice; et enfin, c'est le petit Charles Rougon qui s'en
va, cet humiliant dégénéré qui blesse son
orgueil parce qu'il semble marquer la fin de la race. Mais elle ne sera
tranquillisée sur la pure gloire des siens qu'après avoir
anéanti l'uvre du docteur Pascal, te seul fils dont elle
rougisse, et qui a scientifiquement établi, dossier par dossier,
l'histoire vraie de cette tragique famille aux appétits débordants.
Et toute sa longue patience, tout son esprit d'activité et de
ruse, elle les retrouve pour ce dernier effort, circonvenant, d'abord,
puis éloignant Clotilde, isolant Pascal, gagnant la servante
Martine, dont elle fait sa complice. L'acte consommé, l'uvre
patiente et énorme de toute une vie détruite en deux heures
par le feu. Félicité connaît les joies du triomphe
définitif et, pour consacrer par un monument durable la gloire
éternelle delà famille, elle emploie sa fortune à
fa construction et à la dotation d'un asile pour les vieillards,
qui s'appellera l'asile Rougon [372]. Elle pose à quatre-vingt-deux
ans la première pierre de cet édifice et, par lui, elle
conquiert Plassans pour la troisième fois [382]. (Le Docteur
Pascal.)
(l) Félicité Puech, intelligente,
active, bien portante; mariée en 1810 à Pierre Rougon.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
Putois (Madame).
Ouvrière blanchisseuse chez Gervaise Coupeau (172). Quarante-cinq
ans, maigre, petite [175]. Après la déconfiture de sa
patronne, elle entre chez madame Fauconnier [416]. (L'Assommoir.)
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