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Emile Zola
Les Personnages des Rougon-Macquart

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Labordette. — L'ami des femmes. Elles aiment sa société, on peut l'avoir seul avec soi, n'importe où, sans craindre des bêtises [66]. Il se fait des rentes en leur rendant mille services, en bibelotant leurs petites affaires, et il ne couche jamais. On prétend que Labordette est le fils d'un marchand de chevaux, d'autres disent le bâtard d'une comtesse [12]. C'est. un grand garçon à belle chevelure blonde, d'une tenue irréprochable [14]. Comme, à deux reprises, il s'est battu en duel, on le salue, on J'admet partout. Par ses relations dans le monde des entraîneurs et des jockeys, il a des renseignements particuliers sur les courses [384]. C'est l'éternel intermédiaire. Il s'est entremis entre Nana et Bordenave, entre Bordenave et Muffat. Plus lard, il se rend très utile à Nana pour l'installation de ses écuries et le recrutement de ses domestiques [343]. (Nana.)

Lacaille. — Marchand des quatre saisons. Déjà grisonnant, courbaturé chaque soir par son voyage continu dans les rues de Paris, un peu ivrogne. Achète en ralant, attendant quelquefois le dernier coup de cloche pour acquérir quatre sous de marchandises [17]. Toujours besogneux, est exploité par Lebigre qui lui prête à la journée. Fait partie du groupe Gavard où, endoctriné d'abord par le théoricien Charvet, il préfère bientôt les idées humanitaires de Florent. Impliqué dans le complot des Halles, il est acquitté [355]. (Le Ventre de Paris.)

Lacamp. — Marchand d'huile à Plassans, sous la raison sociale Puech et Lacamp. La maison presque en faillite 1831 est relevée par le mariage de Félicité Puech avec Pierre Rougon. Lacamp reste encore associé pendant cinq ans et, après quelques spéculations heureuses, il se retire en même temps que Puech, contents tous deux des quelques sous qu'ils viennent de -gagner, mordus par l'ambition de mourir rentiers [68]. (La Fortune des Rougon.)

Lacassagne. — Marchand de plumes et fleurs, rue Sainte-Anne. Le Bonheur des Dames lui fait une concurrence désastreuse [447]. (Au Bonheur des Dames.)

Lachesnaye (de). — Conseiller à la Cour de Rouen. Blond et malingre. A épousé la fille du président Grandmorin. Avec sa dureté et son avarice, il semble fait pour déteindre sur sa femme et la rendre mauvaise. Ce petit homme sec et jaune, conseiller à l'à-e de trente-six ans, a été décoré grâce à l'influence de son beau-père et aux services que son père, également magistrat, a rendu autrefois dans les commissions mixtes. Il est détesté du juge Denizet ; aux yeux de ce fonctionnaire besoigneux, il représente la magistrature de faveur, la magistrature riche, les médiocres qui s'installent, assurés d'un chemin rapide, par leur parenté et leur fortune. Lachesnaye s'irrite contre le testament de son beau-père, chargé de legs à des femmes de toutes classes, où il y a jusqu'à une petite marchande de violettes, établie sous une porte de la rue du Rocher. Deux millions ne lui suffisent pas; il se désole, les dents serrées, montrant le sot qu'il est, le provincial à liassions têtues, enfoncé dans l'avarice [110]. (La Bête humaine.)

Lachesnaye (Madame de). — Voir GRANDMORIN (Berthe).

Lacour (Zéphyrin). — Soldat d'infanterie, compagnon d'enfance et fiancé de Rosalie Pichon. Petite face toute ronde couverte de son, percèe de deux veux minces comme des trous de vrille, cheveux roux, tondus très ras, sans un poil de barbe [179]. Paysan beauceron. Doit épouser Rosalie quand il aura fini son temps. Longues fiançailles honnêtes, agrémentées de pincements à la taille et de claques sonores. (Une Page d’Amour.)

Ladicourt (Baronne de). — Habite Vouziers. Elle reçoit à déjeuner le capitaine Beaudoin, du 106e, de ligne, le 26 août 1870, à l'heure où le 7e corps prend ses positions de combat [106]. (La Débâcle.)

Ladricourt (Comte de). — Père de la baronne Sandorff. Un ancêtre de sa famille a pris Antioche [129]. Le comte est un enragé joueur, d'une brutalité révoltante. Il a battu un jour Jantrou, qui allait prendre ses ordres chaque matin. Meurt d'un coup de sang, ruiné, àla suite d'une série de liquidations lamentables [22]. (L'Argent.)

La Faloise (Hector de). — Un jeune provincial venu à Paris pour y achever son éducation. Il a une longue figure maigre [2]. Par son cousin Fauchery, , il a pénétré dans les coulisses et dans le monde de la galanterie. C'est un raseur dont l'unique préoccupation consiste à être très parisien. Amant d'une petite femme des Variétés, Clarisse Besnus, puis de la vieille Gaga qu'il trouvait encore très bien, il a fini par se toquer de Nana, rêvant d'être lancé par une femme à la mode. A ce moment, il est devenu très riche, grâce à la mort d'un oncle ; il est d'un chic extraordinaire, avec son cou maigre entre les pointes rabattues de son faux col, sa taille cassée sous un veston trop court, ses dandinements, ses exclamations de perruche et ses lassitudes affectées de pantin de bois. Il pose au jeune homme ayant abusé de tout et ne trouvant plus rien digne d'être pris au sérieux [441]. Nana lui fait -l'honneur de le ruiner très rapidement, et comme il l'agace, elle s'amuse à le battre, 1'appelant son tiroir à claques. Il assiste à sa propre déchéance avec un rire idiot, en suçant la pomme de sa canne, et, complètement à sec, se réfugie en province, chez un vieux parent maniaque, dont il court la chance d'épouser la fille, très laide et très dévote [487]. (Nana.)

Lafouasse. — Cabaretier établi dans la banlieue de Plassans, entre l'ancien Paradou et le village des Artaud. Grand et fort, le visage enflammé sous le flamboiement de ses cheveux rouges. C'est un ataxique soigné par le docteur Pascal [54]. A la suite d'une injection mal faite, il meurt d'une embolie [144]. (Le Docteur Pascal.)

Lagarde (Edmond). — Sergent au 5e de ligne. A peine âgé de vingt-trois ans et n'en paraissant guère que dix-huit, il a pris part à la bataille de Sedan et a fait le coup de feu en héros, avec un tel acharnement qu'il a eu le bras gauche cassé par une des dernières balles, vers cinq heures, à la porte du Ménil. Grandi à Paris, dans la petite boutique de nouveautés de son père, client de Delaherche, il a été transporté chez le fabricant, s’y est guéri et, oublié par les autorités prussiennes, a fait bientôt partie de la famille, mangeant, couchant, vivant là, servant de secrétaire à Delaherche, en attendant de pouvoir rentrer à Paris. Il est blond, avec des yeux bleus, joli comme une femme, d'ailleurs d'une timidité si délicate, qu'il rougit au moindre mot. C'est an chérubin blessé, que l'aimable Gilberte a soigné en camarade [545], et dont elle devient la maîtresse [560]. (La Débâcle.)

Lagrifoul (Marquis de). — Député de Plassans, vieux gentilhomme légitimiste, d'une intelligence médiocre, élu en 1857 grâce à une coalition d'opposants [47]. Il habite La Palud et, quand il vient à Plassans, est hébergé par un de ses parents, le comte de Valqueyras [309]. Battu d'avance aux élections générales, il retire sa candidature avant le scrutin [324]. (La Conquête de Plassans.)

La jolie dame. — Une cliente du Bonheur des Dames, une adorable blonde que les vendeurs appellent entre eux « la jolie dame », ne sachant rien d'elle, pas même son nom. Elle achète beaucoup, fait porter dans sa voiture, puis disparaît. Grande, élégante, mise avec un charme exquis, elle semble fort riche et du meilleur monde. A chacune de ses apparitions, on se livre à des hypothèses, simplement pour causer. Le vendeur qui ne l'a pas servie prétend que c'est une cocotte, celui qui a fait la vente assure qu'elle a l'air trop comme il faut, ça doit être la femme d'un boursier on d'un médecin [117]. Elle est venue un jour avec un petit garçon de quatre ou cinq ans; l'un pense qu'elle est mariée, l'autre dit que le mioche ne prouve rien, car il peut être à une amie ; ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle doit avoir pleuré, car elle est triste et elle a les yeux rouges : son mari lui a peut-être allongé des gifles, à moins que ce' ne soit son amant qui l'ait plantée là [192]. Comme elle vient une autre fois en grand deuil, on ne pense pas qu'elle ait perdu son père, car elle serait plus triste ; c'est plutôt son mari, alors elle n'est pas une cocotte véritable ; pourtant, il se peut qu'elle soit en deuil de sa mère [303]. Et les appréciations gratuites vont leur train : elle maigrit, elle engraisse, elle a bien dormi ou elle s'est couchée tard la veille, et si elle paraît très gaie, on suppose qu'elle se remarie ou qu'elle a gagné de l'argent à la Bourse [499]. (Au Bonheur des Dames.)

Lalubie. — Professeur de sixième au collège de Plassans. A trouvé un jour son armoire transformée en chapelle ardente, grâce à des chandelles allumées par l'élève Pouillaud. Sa terreur passée, il a infligé cinq cents vers à toute la classe. Lalubie épouse la fille du mercier Galissard. Ses anciens élèves ne parlent de lui qu'en le traitant de crétin et de vieille rosse [36]. (L'Œuvre.)

Lamb. — Étalon de courses. Lusignan, de l'écurie Vandeuvres, est par Lamb et Princess [388]. (Nana.)

Lamberthier. — Facteur à la Halle. Joséphine Dejoie a été cuisinière chez lui [131]. (L'Argent.)

Lamberthon (de). — Député au Corps législatif. A pincé sa femme en flagrant délit [14]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Lambourdieu. — Petit homme court. C'est un gros boutiquier de Cloyes, à l'enseigne des Nouveautés parisiennes. Il promène tout un bazar de village en village, dans un rayon de cinq ou six lieues [120]. (La Terre.)

Landois (Auguste). — Garçon charcutier chez Quenu. Venu de Troyes, il a l'ambition de s'établir à Paris, avec l'héritage de sa mère, déposé chez un notaire, en Champagne. A fait accepter comme fille de boutique sa cousine Augustine Landois, qu'il doit épouser. Vingt-huit ans, gras d'une mauvaise graisse, blafard, tète trop grosse et déjà chauve. C'est un Quenu blême [72], habile à la confection du boudin. Avait d'abord accepté le maigre Florent, venait le voir dans sa chambre, bavardait, ressassait son rêve d'une charcuterie à Plaisance. Puis, son instinct de ras l'éloigne du ténébreux conspirateur dont la présence ajourne ses projets et il le dénonce à la préfecture, sur une facture à en-tête de la maison Quenu-Gradelle [319]. Landois finit par épouser Augustine et va s'établir à Montrouge. (Le Ventre de Paris.)

Landois (Augustine). — Fille de boutique chez Quenu. Venue de Troyes pour apprendre le commerce et se marier avec soli cousin Auguste Landois. Grosse fille puérile, aux durs, cheveux châtains. C'est une Lisa pas mûre [72]. Couche dans un cabinet au premier étage, ayant cédé à Florent sa mansarde du cinquième, ornée d'un portrait des deux cousins ' d'un paroissien, d'un exemplaire maculé de la Clé des Songes et d'un grenadier en caisse que le « galérien » Florent soigne consciencieusement. Réalise son rêve en épousant Auguste et en devenant charcutière. (Le Ventre de Paris.)

Langlade (de). — Préfet des Deux-Sèvres. On l'accuse de mœurs dissolues ; il serait au mieux avec la femme du nouveau député de Niort [160]. C'est un garçon à bonnes fortunes, blond comme une fille [304]. Il est remplacé par Du Poizat. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Lantier (Auguste) (1). — Né en 1824. Ouvrier tanneur à Plassans. Devient à dix-huit ans l'amant de Gervaise Macquart et a d'elle trois enfants, Claude, Jacques, Étienne, qui sont recueillis par madame Lantier mère. Quand celle-ci meurt, il emmène Gervaise à Paris avec deux des enfants [179]. (La Fortune des Rougon.)

C'est un garçon de vingt-six ans, petit, très brun, d'une jolie figure, avec de menues moustaches, qu'il frise toujours d'un mouvement machinal de la main. Il porte une cotte d'ouvrier, une vieille redingote tachée qu'il pince à la taille ; il a, en parlant, un accent provençal très accentué [8]. Sa mère lui avait laissé un petit héritage de dix sept cents francs. Il mange cet argent en deux mois, au lieu de s'établir comme il l'avait promis [10]. Le ménage, descendu d'abord à l'hôtel Montmartre, rue Montmartre, se réfugie à l'hôtel Boncœur, barrière des Poissonniers, où, quinze jours après, toutes les ressources étant épuisées, Lantier délaisse Gervaise et les enfants. Il est allé se fixer à la Glacière, avec une brunisseuse, la petite Adèle, et il vit à ses crochets, la battant quand elle ne marche pas droit [235]. Pendant sept ans, on ne le revoit pas et, brusquement, il reparaît à la Chapelle, on l'aperçoit autour de la boutique de Gervaise, ramené sans doute par la grande Virginie. Coupeau, déjà alcoolique, fait de lui son ami et l'introduit à la maison [293]. A cette époque, Lantier s'est épaissi, il est gras et rond, les jambes et les bras lourds, à cause de sa petite taille ; mais sa figure garde de jolis traits, sous la bouffissure d'une vie de fainéantise et, comme il soigne beaucoup ses moustaches, on ne lui donne pas plus que son âge. Il porte un pantalon gris, un paletot gros bleu et un chapeau rond [300]. Si on l'en croit, il a dirigé longtemps une fabrique de chapeaux et s'est retiré parce que son associé mangeait la maison avec des femmes. Aussi se donne-t-il des allures de patron, sans cesse sur le point de conclure des affaires superbes, mais en réalité, il ne fait rien. Sa grande préoccupation est de s'insinuer dans le ménage des Coupeau où il va bientôt faire la loi, prenant Possession de la maison, ne donnant plus ni, sol, empruntant même de l'argent à la femme pour faire la noce avec le mari. Toujours poli, beau parleur et de bonnes manières, il a commencé par conquérir le quartier, il a même séduit les Lorilleux [303]. A présent, il désigne lui-même les fournisseurs, exige qu'on respecte son goût de Provençal pour la cuisine à l'huile, joue le rôle de grand arbitre dans la famille, se charge de l'éducation de Nana, et, finalement, redevient l'amant de Gervaise qu'il mène au doigt et à l'œil [367]. Lorsque, plus tard, il flaire la panne, il tourne ses batteries vers les Poisson, amène Virginie à reprendre la boutique des Coupeau, règne entre la petite blonde et la grande brune, se bourre de sucreries et nettoie tranquillement le petit commerce de Virginie comme il avait nettoyé celui de Gervaise. Il tourne alors autour de la fille du restaurant d'à côté, une femme magnifique, qui a parlé de s'établir tripière [560]. (L'Assommoir.)

(1) Lantier, dont l'ascendance compte des paralytiques, est l'amant de Gervaise Macquart, l'emmène à Paris et l'y abandonne. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Lantier (Claude) (1). — Fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier. Père de Jacques-Louis. Né à Plassans en 1842, Claude a, été recueilli par sa grand'mère paternelle [151]. Quand celle-ci meurt, en 1851, il est emmené à paris par ses parents [179]. (La Fortune des Rougon.)

Il vit pendant quelque temps avec sa mère, que Lamier a abandonnée et qui s'est mariée avec Coupeau. Par bonheur, un vieux monsieur de Plassans, séduit par les ânes et les bonnes femmes que Claude dessinait, s'est imaginé de le redemander à sa mère et l'a mis au collège [12 1]. (L'Assommoir.)

Plus tard, l'excellent homme est mort en lui laissant mille francs de rente, ce qui l'empêche de mourir de faim dans la rude carrière qu'il a entreprise. Claude est peintre ; c'est un garçon maigre, avec de gros os, une grosse tète, barbu, le nez très fin, les yeux minces et clairs. Il porte un chapeau de feutre noir, roussi, déformé, et il se boutonne au fond d'un immense paletot déteint. Avant la haine du romantisme et de la peinture à idées, il se plaît aux Halles, qu'il admire en artiste, cherchant des natures mortes colossales; c'est un moderne qui aime son époque et voudrait mettre Cadine et Marjolin dans un tableau énorme, assis sur leur lit de nourriture, échangeant le baiser idyllique, synthétisant l'art contemporain tout expérimental et tout matérialiste [221]. Logé au fond de l'impasse des Bourdonnais, il passe sa vie aux Halles, le ventre creux, mais avant un grand amour pour cet amoncellement de vivres qui monte au beau milieu de Paris chaque matin. Claude résiste à Florent, qui cherche à l'entraîner dans son rêve politique [301]; il partage pourtant, en artiste sincère et laborieux, sa colère contre les bourgeois repus [355] et, révolté par le cruel égoïsme de sa tante Lisa Quenu, il trouve ce cri écœuré : « Quels gredins que les honnêtes gens ! » (Le Ventre de Paris.)

Claude est désigné comme membre du conseil de famille sa cousine Pauline Quenu [26]. (La Joie de vivre.)

Il a quitté par économie l'impasse des Bourdonnais et s'est installé un atelier dans 'es combles de l'ancien hôtel du Marloy, à l'angle du quai de Bourbon et de la rue de la Femme-sans-Tête. Là, il vit en sauvage, dans un absolu dédain pour tout ce qui n'est pas la peinture. D'une timidité souffrante qu'il cache sous une fanfaronnade de brutalité, il traite toutes les filles en garçon qui les ignore; ses amis, Pierre Sandoz et les autres, sont d'anciens condisciples du collège de Plassans, retrouvés à Paris et devenus comme lui des révolutionnaires de l'art. Claude s'est vite dégoûté des exercices d'école chez le peintre Berthou, il déclame contre le travail au Louvre, où l'œil se gâte à des copies qui encrassent pour toujours la vision du monde où l'on vit; pour lui, A n'y pas en art autre chose que de donner ce qu'on a dans le ventre, tout se réduit à planter une bonne femme devant soi, puis à la rendre comme on la sent; il se contente d'aller peindre chez Boutin, un atelier libre où l'on trouve du nu à volonté.

Plein d'admiration pour Delacroix, le vieux lion romantique, et pour Courbet, un rude ouvrier dont le fameux réalisme n'est guère que dans les sujets, tandis que la vision reste celle des vieux maîtres, Claude, tourmenté d'un besoin de créer, aspire à une peinture claire et jeune, les choses et les êtres tels qu'ils se comportent dans de la vraie lumière; il rêve de rendre la vie telle qu'elle passe dans les rues, la vie des pauvres et celle des riches, toute la vie moderne [51]. En son atelier, il y a quelques études, des esquisses flamboyantes rapportées du Midi, des anatomies terriblement exactes, d'admirables morceaux qui annoncent un grand peintre, doué admirablement, entravé par des impuissances soudaines et inexpliquées. Son malheur est de ne pouvoir jamais lâcher à temps la besogne; il se grise de travail, dans le besoin d'avoir une certitude immédiate, de se prouver qu'il tient enfin son chef-d'œuvre; puis, tout à coup, rien de clair et de vivant ne vient plus sous ses doigts, une lésion de ses yeux semble l'empêcher de voir juste, ses mains cessent d'être à lui, et il s'affole davantage, en s'irritant de cet inconnu héréditaire, qui parfois lui rend la création si heureuse et qui d'autres fois l'abêtit de stérilité [59].

Pour son Plein Air, tableau fameux d'où va naître une école, il s'épuise à chercher un modèle digne de la figure qu'il rêve : une femme nue, couchée dans l'herbe, sous une ondée de soleil, une femme les paupières closes, souriante dans la pluie d'or qui la baigne; tandis qu'au fond deux autres petites femmes, une brune et une blonde, également nues, luttent en riant, détachant deux adorables notes de chair parmi les verts de la forêt, et qu'au premier plan, pour faire une opposition noire, un monsieur est assis, tournant le dos, ne montrant que son veston de velours [32]. Claude a une passion de chaste pour la chair de la femme, un amour fou des nudités désirées et jamais possédées [56]. La figure qu'il a inutilement cherchée pour son tableau, il la trouve en Christine Hallegrain, recueillie une nuit d'orage, et dont la nudité entrevue, un pou mince, un peu grêle d'enfance, mais souple, d'une jeunesse fraîche, avec des seins déjà mûrs, fait naître en lui un émerveillement d'artiste. Et alors que Christine se prend d'amour au point de sacrifier toute sa pudeur de fille chaste et de poser nue devant le peintre suppliant, Claude, lui, ne se grise que de son art. Il achève son tableau dans un viril effort, un tableau qui lui vaudra, au Salon des Refusés, des railleries et des outrages, toutes les âneries, les réflexions saugrenues, les ricanements stupides et mauvais, que la vue d'une œuvre originale peut tirer à l'imbécillité bourgeoise [161]; pourtant, la femme couchée dans l'herbe est resplendissante de vie, les maladresses de l'œuvre n'empêchent pas le joli ton général, le coup de lumière, une lumière gris d'argent, fine, diffuse, égayée de tous les reflets dansants du plein air [166].

D'une sensibilité de femme, au milieu de ses rudesses révolutionnaires, s'attendant toujours au martyre et toujours saignant, toujours stupéfait d'être repoussé, Claude a senti un grand froid de glace devant la foule hostile et, dans le désarroi de son idéal, il se donne à Christine, il fuit avec elle à Bennecourt, vers le grand repos de la bonne nature, enveloppé par son amante d'une haleine de flamme où s'évanouissent ses volontés d'artiste [191]. C'est un heureux temps de flâneries sans fin, de parties de canot à travers les îles semées au fil de l'eau. Puis, après quelques saisons d'entier oubli, où Sandoz même, l'ami de toujours, a été délaissé, Claude commence à se désespérer de sa solitude. Il adore encore Christine, il la possède avec l'emportement éperdu d’un amant qui demande à l'amour l'oubli de tout, la joie unique, mais comme on ne peut aller au delà du baiser, l'amante ne suffit plus. Son autre maîtresse, la peinture, l'a repris. Et c'est alors le retour à Paris, l'installation dans un petit atelier rue de Douai, près du boulevard de Clichy, trois années où Claude ne doute plus, une certitude d'incarner enfin la formule nouvelle. Il peint d'abord, derrière la butte Montmartre, un fond de misère, avec des masures basses, dominées par des cheminées d'usines, et au premier plan, dans la neige, nue fillette et un voyou en loques, dévorant des pommes volées; c'est ensuite un bout du square des Batignolles, en mai, des bonnes et des petits bourgeois du quartier, regardant trois gamines en train de faire des pâtés de sable; puis, c'est le plein soleil de la place du Carrousel, à une heure, lorsque le soleil tape d'aplomb. Ma1gré leurs oppositions, toutes ces toiles sont chaque fois refusées par le jury, résolu à étrangler un artiste original, et Claude retombe il ses doutes, les crises se multiplient, il recommence à vivre des semaines abominables, se dévorant, tour à loin, emporté et abattu, éternellement secoué de l'incertitude à l'espérance. Son unique soutien est le rêve consolateur de l'œuvre future, celle où il se satisfera enfin, où ses mains se délieront polir la création ; ce qu'il fera plus lard, il le voit superbe et héroïque, inattaquable, indestructible, [274].

Après avoir longuement cherché qui sujet, tourmenté par des superstitions de femme nerveuse, il le trouve au pont des Saints-Pères, avec le port Saint-Nicolas et son peuple de débardeurs, au premier plan, puis le pont des Arts, d'une légèreté de dentelle noire, les vieilles arches du Pont-Neuf, l'Hôtel de Ville, le clocher carré de Saint-Gervais et, au centre de l'immense tableau, la Cité, cette proue de l'antique navire, éternellement dorée par le couchant, surmontée de deux flèches, celles de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle, toutes deux d'une élégance si fine qu'elles semblent frémir à la brise, hautaine mâture du vaisseau séculaire, plongeant dans la clarté en plein ciel C'est, à cette œuvre qu'il va tout sacrifier, la rente qui le faisait vivre et dont le capital, réalisé, sera vite englouti, son enfant qu'il ne verra même pas dépérir, sa femme qu'il réduira au misérable métier de modèle, qu'il outragera inconsciemment, qu'il ne connaîtra même plus. Il a loué rue Tourlaque un grand hangar oit il vit des années sur sa toile, n'ayant d'entrailles que pont, elle, tantôt ravi délicieusement par des joies folles, tantôt retombé à terre, si misérable, si déchiré de doutes, que les moribonds râlant dans les lits d'hôpitaux sont, plus heureux que lui [311]. Sa claire vision l'abandonne, il cède à un symbolisme secret en supprimant la barque conduite par nu marinier, et en lui substituant une autre barque très grande, tenant le milieu de la composition, et que trois femmes occupent, dont une entièrement nue et qui rayonne là comme un soleil ; en cette nudité, il incarne la chair même de Paris, la ville nue et passionnée, resplendissante d'une beauté de femme [315].

Mais l'impuissance le poursuit, il reste un génie incomplet, dans le déséquilibrement des nerfs dont il souffre, le détraquement héréditaire qui, pour quelques grammes de substance en plus ou en moins, au lieu de faire un grand homme, va faire un fou [327]. Comme il voit tout à coup que son tableau est raté, il expose l'Enfant mort, son malheureux Jean-Louis qui vient d'expirer et qui n'est plus pour lui qu'un modèle passionnant. Et l'indifférence de la foule devant ce petit chef-d'œuvre de clarté et de puissance achève l'affolement du peintre, c'est lui pourtant, le véritable triomphateur du Salon, car c'est lui que tous pillent, c'est son Plein Air d'autrefois, que l'habile Fagerolles a truqué. Mais il ne se résigne pas à être le précurseur qui sème l'idée sans récolter la gloire, il se désole se voir volé, dévoré par les bâcleurs de besogne, et dès lors, l'idée de suicide germe en lui, ses yeux restent fous, on y voit comme une mort de la lumière, quand ils se fixent sur l'œuvre manquée de sa vie [415]; rien ne lui est épargné, il a la rancœur d'entendre Mahoudeau, Gagnière, ses anciens disciples, enragés contre lui depuis qu'il est à terre [450].

Une dernière crise le ramène à son tableau, la nuit, et dans un élan exaspéré de créateur, une bougie à la main, il se met à travailler à la Femme nue, lui peignant le ventre et les cuisses en visionnaire affolé [163], fleurissant son sexe d'une rose mystique. Et la passionnée Christine a beau l'éveiller de son rêve, le reprendre, lui donner une griserie de volupté, Claude retourne à la fatalité de son destin, il se pend, il meurt devant l'idole peinte [476]. Cet artiste génial est accompagné par Sandoz et Bongrand au cimetière de Cayenne, à Saint-Ouen, un grand cimetière plat, tiré au cordeau, dominé par le talus du chemin de fer, et on l'inhume en face du carré des enfants [488]. (L'Œuvre.)

(1) Claude Lantier, né en 1812, épouse en l865 Christine Hallegrain, dont le père était paraplégique, maîtresse avec laquelle il vit depuis six ans et dont il a un fils, Jacques, âgé de cinq ans; perd ce fils en 1869, et lui-même se pend en 1870. [Mélange fusion. Prédominance morale te ressemblance physique de la mère. Hérédité d'une névrose se tournant en génie]. Peintre. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Lantier (Madame Claude). — Voir HAILLLEGRAIN (Christine).

Lantier (Étienne) (l). — Troisième fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier. Né à Plassans, en 1816, Etienne est recueilli par sa grand'mère paternelle [151]. Quand celle-ci meurt, en 1851, il est emmené à Paris par ses parents [179]. (La Fortune des Rougon.)

A huit ans, on le met dans une petite pension de la rue de Chartres, où sa mère paye cinq francs par mois [135]. Gervaise, abandonnée par Lantier, s'est, mariée avec le zingueur Coupeau, qui maltraite souvent l'enfant [155]. Quand Étienne a douze ans, Goujet l'accepte comme apprenti [194]; on l'appelle le petit Zouzou, parce qu'il a les cheveux coupés ras, pareils à ceux d'un zouave [209]. Il est ensuite envoyé en apprentissage à Lille [314] et devient mécanicien [548]. (L'Assommoir.)

A vingt et un ans, c'est un joli homme, au visage fin, à l'air fort, malgré ses membres menus. Quand il boit, cela le rend fou, il ne peut avaler deux petits verres sans avoir le besoin de manger un homme; il a la haine de l'eau-de-vie, la haine du dernier enfant d'une race d'ivrognes, qui souffre dans sa chair de toute celte ascendance trempée et détraquée d'alcool [48]. Étant à Lille dans un atelier de chemin de fer, il a été chassé pour avoir giflé son chef. Une crise industrielle sévit; il fait des courses inutiles pendant huit jours, aucun travail à Marchiennes, plus un sou, pas même une croûte. Au travers de la campagne nue, le vent de mars roule un cri de famine. Après une marche de nuit, Étienne arrive tout grelottant à la fosse du Voreux, tassée au fond d'un creux à deux kilomètres de Montsou; avec ses constructions trapues de briques et sa cheminée dressée comme une corne menaçante, la fosse a un air mauvais de bête jalouse, accroupie là pour manger le monde. Toussaint Maheu embauche Étienne comme hercheur; il va gagner trente sous par jour, à un rude travail de manœuvre. Mais il ne partage point la résignation du troupeau qui vit et souffre dans la mine; dès le premier jour, il partirait, il reprendrait sa course affamée le long des routes, s'il n'était retenu par les yeux clairs de Catherine Maheu. A son inconscient amour pour la hercheuse, que le grand Chaval va prendre sous ses yeux et lui disputera jusque dans la mort, se mêle un souffle de colère devant la besogne trop dure, devant l'humiliation d'être, sous la terre, une bête qu'on aveugle et qu'on écrase. Il restera pour peiner et se battre.

Est-il possible que des hommes se tuent à un si rude métier, dans celte nuit mortelle, et qu'ils n'y gagnent même pas les quelques sous du pain quotidien? Il songe violemment à ces actionnaires anonymes qui possèdent la fosse, à ce dieu repu, auquel dix mille affamés donnent leur chair sans le connaître [78]. Une prédisposition de révolte le jette à la lutte du travail contrôle capital et, comme il est resté en correspondance avec son ancien contre-maître Pluchart, il veut créer à Montsou une section de l'Internationale, pour dicter des lois aux patrons s'ils font les méchants [157]. C'est un fonds d'idées obscures, endormies en lui, qui s'agite et s'élargit. Il méprise la boisson et les filles, il donnerait tout pour la justice, une seule chose lui chauffe le cœur, c'est l'idée qu'on va balayer les bourgeois. Plus instruit que ses nouveaux camarades, il grandit dans l'estime de tous, son influence se développe, il fonde une caisse de prévoyance, arme précieuse en cas de grève. Pour résoudre la question sociale, il se met à l'étude, il s'affole de science, des lectures mal digérées achèvent de l'exalter, il mêle en son esprit les revendications pratiques de Rasseneur et les violences destructives de Souvarine, confondant tous les systèmes, empruntant des lambeaux d'idées à Proudhon, à Lassalle, à Karl Marx, et n'étant sûr que d'une chose, c'est que la vieille société n'en a plus que pour quelques mois.

Il endoctrine les Maheu. Ou n'est plus au temps du père Bonnemort. où le mineur vivait dans la mine comme une brute, comme une machine à extraire la houille, toujours sous la terre, les oreilles et les veux bouchés aux événements du dehors; à présent, le mineur s'éveille, il germe dans la terre ainsi qu'une vraie graine, et l’on verra, un clair matin, pousser au beau milieu des champs. une armée d'hommes qui rétabliront la justice [186]. On l'écoute, on croit à des solutions miraculeuses, ses auditeurs ont la foi aveugle des nouveaux croyants, pareils à ces chrétiens des premiers temps de l’Église, qui attendaient la venue d'une société parfaite, sur le fumier du Monde antique [190]. Et depuis qu'il se sent penser, un orgueil lui est venu; c'est une transformation lente,; des instincts de coquetterie et de bien-être, endormis dans sa pauvreté, se réveillent, il a des satisfactions d'amour-propre délicieuses, tout un affinement extérieur, des vêtements de drap, des bottines fines, il se grise des premières jouissances de la popularité, il agrandit soit rêve d'une révolution prochaine où il jouera un rôle [192].

La grève déclarée, il en devient, le chef incontesté, il préconise le calme, impose une discipline, rend des oracles et tranche en toutes choses. C'est un continuel gonflement de vanité. Si la conscience de son manque d'instruction lui laisse encore à certaines heures une inquiétude sur sa mission, ce malaise est fugitif; sa vision de chef populaire le remet d'aplomb, il aperçoit Montsou à ses pieds, Paris dans un lointain brouillard, la députation un jour, la tribune d'une salle riche où il ira foudroyer les bourgeois du premier discours prononcé par un ouvrier dans un Parlement [255]. Il disait autrefois qu'on doit bannir la politique de la question sociale, aujourd'hui il veut qu'on s'empare du gouvernement avant tout [269]. Les affectations de prudence de Rasseneur l'ont poussé à une exagération sectaire, l'emportant malgré lui au delà de ses idées vraies, dans ces fatalités des rôles qu'on ne choisit pas soi-même. Ses instincts de race le détournent de la sombre conception de Souvarine, l'extermination du monde, fauché comme un champ de seigle, à ras de terre; il n'en est qu'à la destruction de l'État, à la refonte totale de la société pourrie. Pour que la grève soit victorieuse, il faut agir révolutionnairement, sans attenter à la vie des personnes [358]. Mais dans la marche au travers des fosses, Étienne souffre d'abord en son orgueil de chef, quand il voit la bande échapper à son autorité, s'enrager en dehors de la froide exécution des volontés du peuple, telle qu'il l'a prévue [361], malgré lui, les grévistes coupent les câbles, éteignent les feux, vident les chaudières. Peu à peu cette fringale de destruction le prend à son tour. Il ne se soutenait depuis le matin que par du genièvre; à présent, une ivresse mauvaise, l'ivresse des affamés, ensanglante ses yeux, fait saillir des dents de loup entre ses lèvres pâlies [377]; c'est lui qui lance ses hommes contre la fosse Gaston-Marie, qu'il avait sauvée le matin; il s'exalte de leur fureur et, de violence en violence, les mène dans Montsou, à l'assaut de la maison de Maigrat [408].

L'heure de la répression va venir; caché en une galerie du Réquillard, dans la caverne de Jeanlin Maheu, il achève de se désaffectionner de sa vie d'ouvrier, il voudrait lâcher la mine, travailler uniquement à la politique, mais loin des promiscuités du coi-on, seul dans une chambre propre, car les travaux de tète absorbent la vie entière et demandent beaucoup de calme [424]. Il ne désire pas la fin de la grève, qui serait aussi la fin de son rôle et, d'ailleurs, il recule devant l'enragement qui est son œuvre, il n'ose pas conseiller la soumission, il se réconforte en pensant aux brèches ouvertes dans les dividendes des actionnaires, il fait un impossible rêve, les soldats fraternisant avec le peuple [432]. Enfin, tout s'écroule, les mineurs, qui vivaient dans l'attente religieuse du miracle, sont fauchés à coups de fusil. C'est aussitôt le revirement des lendemains de défaite, le revers fatal de la popularité; les convaincus d'hier lapident Étienne à coups de brique et, dans le désespoir tragique de son ambition perdue, il a l'amertume de trouver un refuge chez Rasseneur, son adversaire politique [501].

Mais un dernier drame l'attend au Voreux, où l'a ramené son amour pour Catherine; avec celle-ci, avec Chaval, il est prisonnier de l'inondation; une rancune s'est amassée en lui contre son odieux rival, leur destinée veut qu'ils se disputent la petite hercheuse jusqu'au bout et la bataille de là-haut recommence dans l'étroite cave où ils agonisent. C'est une poussée de la lésion héréditaire qui fait d'Étienne un meurtrier; il tue Chaval, Catherine est à lui, leur triste union s'accomplit dans l'angoisse de la mort. Et après de longs jours d'ensevelissement, Etienne survit seul à la catastrophe de la mine, il reparaît au jour, décharné, les cheveux tout blancs [577]; six semaines d'hôpital le remettent debout et il s'en va un matin vers Paris, parcourant une dernière fois le pays noir, la contrée domptée et toute frémissante encore, où pousse dans le sol toute la germination des révoltes futures. (Germinal.)

A Paris, plus tard, il s'est compromis dans l'insurrection de la Commune. Condamné à mort, puis gracié et déporté, il vit à Nouméa, s'y marie et devient père d'une petite fille [129], qui paraît bien portante [385]. (Le Docteur Pascal.)

(l) Étienne Lantier, né en 1846. [Mélange dissémination. Ressemblance physique de la mère, puis du père]. Mineur. Vit encore à Nouméa, déporté. Marié là-bas, dit-on, et a des enfants, peut-être, qu'on ne peut classer. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Lantier (Jacques) (1). — Second fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier. Il avait six ans quanti ses parents ont quitté Plassans avec Claude et Étienne, le laissant à sa marraine, tante Phasie, qui lui a fait suivre les cours de l'école des Arts et Métiers. Après deux ans passés au chemin de fer d'Orléans, il est devenu mécanicien de première classe à la Compagnie de l'Ouest, gagnant avec le fixe et les primes plus de quatre mille francs, ne rêvant rien au delà. A vingt-six ans, il est grand, très brun, beau garçon, avec un visage rond et régulier, que gâtent des mâchoires trop fortes ; il a des yeux larges et noirs ; ses cheveux plantés dru frisent, ainsi que ses moustaches, si épaisses, si brunes, qu'elles augmentent la pâleur de son teint; on dirait un monsieur, à sa peau fine, bien rosée sur les joues, si l'on ne trouvait d'autre part l'empreinte indélébile du métier, les graisses qui jaunissent déjà ses mains de mécanicien, des mains pourtant restées petites et souples.

Dès l'enfance, il a souffert d'un mal auquel le docteur ne comprenait rien, une douleur qui lui trouait le crâne, derrière les oreilles, des coups de fièvre brusques, des accès de tristesse qui le faisaient se cacher comme une bête au fond d'un trou. Sa mère l'a eu très jeune, à quinze ans et demi, d'un père gamin comme elle; peut-être sa souffrance vient-elle de là. D'ailleurs, la famille n'est guère d'aplomb, ses frères ont chacun leur tare; lui, à certaines heures, la sent bien, la fêlure héréditaire, non qu'il soit d'une santé mauvaise, mais c'est, dans son être, de subites pertes d'équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappe, il ne s'appartient plus, il obéit à ses muscles, à la hèle enragée. L'abominable désir dont il souffre alors est celui de tuer une femme; il était âgé de seize ans à peine, quanti ce mal lui a pris ; sous l'éveil de la puberté, les autres rêvent de posséder une femme, lui s'est enragé à l'idée d'en tuer une. Sans doute, ne buvant pas, paye-t-il pour les autres, les pères, les grands-pères, qui ont bu, les générations d'ivrognes dont il a le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramène avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois. Chaque fois, c'est comme une soudaine crise de rage aveugle, une soif toujours renaissante de venger des offenses très anciennes, dont il aurait perdu l'exacte mémoire ; c'est peut-être la rancune amassée de mâle en mâle, depuis la première tromperie dans les cavernes; peut-être aussi une nécessité de bataille pour conquérir la femelle et la dompter, le besoin perverti de la jeter morte sur son dos, ainsi qu'une proie qu'on arrache aux autres, à jamais [59]. Mais en lui, toujours, l'épouvante s'éveille avec le désir. Il a retrouvé à la Croix-de-Maufras, sa marraine remariée à Misard, et avec elle sa cousine Flore, dont, il est aimé depuis l'enfance. Comme Flore se donnait à1ui, les seins nus, il a failli la tuer, mais la peur du sang l'a fait fuir, et c'est toujours ainsi. A Paris, il se réfugie dans sa petite chambre de la rue Cardinet ; au Havre, il use tout seul son matelas de la rue François-Mazeline, il évite les femmes, au point d'être plaisanté sur son excès de bonne conduite. Et il vit solitaire, dans l'unique amour de sa machine, de la Lison; il l'aime comme une maîtresse apaisante, dont il n'attend que du bonheur [60].

Soudain, il va se croire guéri. Un hasard lui a montré l'assassinat du vieux président Grandmorin, en une vision si rapide qu'elle est demeurée comme sans forme, abstraite, en son souvenir [121] ; puis, les Roubaud lui ont fait soupçonner la vérité par l'exagération de leurs prévenances, il a eu ensuite une certitude brusque dans le cabinet du juge Denizet et enfin Séverine s'est confessée à lui, se donnant toute dans cet aveu [124]. La certitude qu'elle a tué la lui montre différente, grandie, à part; elle lui semble sacrée, il pourra l'aimer, celle-là [157] ; il la voit violente dans sa faiblesse, couverte du sang d'un homme, qui lui fait comme une cuirasse d'horreur [192]. Et il est pleinement heureux, jusqu'au jour où les détails de l'assassinat, révélés par sa maîtresse dans un besoin de tout dire, réveillent en lui le terrible inconnu; c'est une onde farouche qui monte de ses entrailles et envahit sa tète d'une vision rouge; son désir renaît sous l'évocation du meurtre, il fuit la gorge qui s'offre, court affolé à travers Paris, un couteau dans la manche, cherchant une victime et n'osant jamais [267]. Cette marche de bête carnassière, cri quête de sang, ne l'a pas apaisé ; il est repris désormais parle tourment de l'idée fixe et c'est en vain qu'il espère guérir soit mal en tuant Roubaud ; ce crime raisonné est impossible, il faut l'instinct de mordre, le saut qui jette sur la proie, la faim ou la passion qui déchire [303]. Ce qu'il désire impérieusement, c'est la vie de sa maîtresse ; plus elle l'aime, plus il veut la posséder jusqu'à la détruire, dans ces ténèbres effrayantes de l'égoïsme du mâle [361].

Et malgré les préparatifs soigneux, les habiles dispositions qui ont jeté Roubaud à sa merci, c'est Séverine qu'il tue, c'est sur elle qu'il satisfait enfin sa folie homicide. Alors, une joie effrénée, une puissance énorme le soulève, dans le plein contentement de l'éternel désir [374]. La guérison est-elle venue cette fois, Jacques est-il délivré de son besoin monstrueux? Il tente l'expérience avec Philomène Sauvignat, deux fois il la possède, sans un malaise, sans un frisson ; puis, sous la sourde excitation du procès Roubaud où, très calme, très maître de lui, dans une absolue inconscience, il a vu attribuer son crime à deux innocents, la crise renaît plus aiguë, il redevient le mâle farouche qui éventre les femelles [410] et il fuit éperdu devant l'affreuse fatalité. Mais soit chauffeur, le violent et sournois Pecqueux, a surpris les rendez-vous avec Philomène; c'est bientôt, entre les deux hommes, sur la plate-forme de leur machine, un brusque duel qui les jette dans le vide et les hache tous deux sous les roues [411] . (La Bête humaine.)

(1) Jacques Lantier, né en 1814; meurt en 1870 d'accident. [Élection de la mère. Ressemblance physique du père. Hérédité de l'alcoolisme se tournant en folie homicide. État de crime de crime]. Mécanicien. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Lantier (Jacques-Louis) (1). — Fils de Claude Lantier et de Christine Hallegrain. Filleul de Pierre Sandoz [212]. A été conçu le jour tragique où Christine s'est livrée à Claude, dans les larmes, sous le crépuscule navré qui noyait l'atelier de l'artiste; ce sera l'enfant de la souffrance et de la pitié [196]. Il naît à Bennecourt, il s'élève un peu à l'aventure, dans l'indifférence de ses parents, la mère restée amante, le père tout à sa peinture; on le met nu comme un petit saint Jean devant le chevalet paternel, et Claude s'exaspère coutre ce polisson qui ne veut pas garder l'immobilité de la pose, [199]. Il vit à la campagne jusqu'à deux ans et demi et s'y trouve admirablement; à Paris, il est sacrifié, n'ayant à table que les seconds morceaux, la meilleure place près du poile n'étant pas pour sa petite chaise, sans cesse relégué, supprimé, invité à se taire parce qu'il fatigué son père, à ne pas remuer parce que soit père travaille [276]. Il ne pousse plus que chétif, sérieux comme un petit homme ; à cinq ans, sa tête grossit démesurément et, à mesure que le crâne augmente, l'intelligence diminue. Très doux, craintif, l'enfant s'absorbe pendant des heures, sans savoir répondre, l'esprit en fuite [277]. Sa tête seule continue de grossir, on ne peut l'envoyer pins de huit jours de suite à l'école, d'où il revient hébété, malade d'avoir voulu apprendre [316]. Enfin, débilité de mauvaise nourriture, le pauvre être meurt et sa mère, s'éveillant d'un lourd sommeil qui l'a engourdie près de lui, le retrouve sur le dos, déjà d'un froid de place avec sa tête trop grosse d'enfant du génie, exagérée jusqu'à l'enflure des crétins [356].

(1) Jacques-Louis Lantier, né en 1860, hydrocéphale, meurt en 1869. [Élection du père. Ressemblance physique du père]. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Lapoulle. — Soldat au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Appartient à l'escouade du caporal Jean Macquart. C'est une brute poussée dans les marais de la Sologne, si ignorant de tout que, le jour de soit arrivée au régiment, il a demandé à voir le roi [24]. Sous le prétexte qu'il est le plus fort, avec sa taille de colosse, on le charge des ustensiles communs à l'escouade, il accepte même la pelle de la compagnie, convaincu que c'est un honneur [78]. Sur le plateau de l'Algérie, pendant la bataille de Sedan, il est pris d'un bouleversement d'entrailles qui ne lui laisse pas le temps de gagner la haie voisine ; on le hue, on jette des poignées de terre à sa nudité, étalée ainsi aux balles et aux obus; et beaucoup d'autres sont pris de la sorte, ils se soulagent, au milieu d'énormes plaisanteries, qui rendent du courage à tous [249]. Dans l'après-midi, éreinté, épuisé de faim et de soif, il se laisse entraîner dans une auberge du Fond de Givonne, où Chouteau fuit l'action depuis le matin [365].

Dans le Camp de la Misère (presqu'île d'Iges), où règne la famine parmi les prisonniers, Lapoulle assomme un cheval malade, partage la chair avec ses camarades et y gagne une affreuse dysenterie [451]. La disette persiste, le seul espoir de manger le rend fou, au point qu'il essaye de mâcher de l'herbe. A jeun depuis deux jours, devenu meurtrier à l'instigation de Chouteau, il tue Pache pour lui prendre un pain [460] et, resté accroupi sur sa victime, il dévore le pain, éclaboussé de gouttes rouges. Quand la nuit est venue, l'irrésistible besoin de fuir l'entraîne vers la Meuse qu'il veut traverser à la nage et il est tué par la balle d'une sentinelle prussienne [462]. (La Débâcle.)

Laquerrière (Florent). — Pauvre diable, mort de la fièvre jaune à Surinam (Guyane hollandaise) entre les bras de Florent. N'a laissé à Paris qu'une cousine, à qui l'on a annoncé sa mort. C'est grâce à ses papiers que Florent, évadé de Cayenne, peut rentrer en France et dissimuler à la police son véritable état civil [69]. (Le Ventre de Paris.)

Lardenois. — Il existe au ministère de l'intérieur un dossier Lardenois contre M. de Marsy. Eugène Rougon refuse de s'en servir, étant l'ennemi des petits moyens [45]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

La Rouquette. — Frère de madame de Llorentz, à qui il doit son siège de député. Tout jeune, vingt-huit ans au plus, blond et adorable, gaieté perlée de jolie femme [4], figure poupine [6]. Il fréquente chez Clorinde, sert Rougon et l'espionne tour à tour, se donnant beaucoup de mal pour être pris au sérieux. (Son Excellence Eugène Rougon.)

La Rouquette (Mademoiselle de). — Voir LLORENTZ (Madame de).

Larsonneau. — Usurier mondain, grand bellâtre à gants jaunes. Il a débuté comme employé de l'Hôtel de Ville, furetant dans les coins, à l'affût des bonnes affaires, mais, surpris le nez dans les tiroirs du préfet, il a été congédié. Établi agent d'affaires rue Saint-Jacques, il est d'abord l'homme de paille d'Aristide Saccard [92], contre qui il a le soin, dès la première affaire, de garder une arme dangereuse [101]. Il s'installe rue de Rivoli, prend le titre d'agent d'expropriation, gagne de l'argent dans les percements de voies nouvelles et devient un viveur élégant [186], connu dans le monde interlope sous le nom amical de « grand Lar », s'abouchant avec les mangeuses de fortunes et offrant ses coûteux services aux fils de famille. Resté le complice de Saccard, de qui il tire trente mille francs par un chantage [253], il devient riche après l'affaire des terrains de Charonne et ouvre une maison de banque, ayant su, dit-il, ramasser les pièces de cent sous que son maître Aristide était si fort à faire pleuvoir [336]. (La Curée.)

Est devenu millionnaire. C'est par lui que Busch connaît le passé d'Aristide Saccard [33]. (L'Argent.)

Laure. — Une actrice pour qui le petit Joncquier a eu un béguin [117]. (Nana.)

Laure. — Forte chanteuse dans un beuglant de Montmartre. La dernière conquête du calicot Hutin. Avec son ami Liénard, Hutin appuie le talent de Laure de si vigoureux coups de canne sur le plancher et de telles clameurs, qu'à deux reprises déjà la police a dû intervenir [164]. (Au Bonheur des Dames.)

Laurent. — Paysan aisé du quartier des Figuières, aux Artaud. Le père Bambousse le voulait pour gendre [284]. (La Faute de l'abbé Mouret.)

Laurent. — Greffier du juge d'instruction Denizet, au palais de Rouen. Blême, osseux. Sait éplucher les interrogatoires délicats, pour en supprimer les mois inutiles et compromettants [120]. (La Bête humaine.)

Laurent. — Garçon jardinier à Bazeilles. Grand garçon maigre, âgé d'une trentaine d'années et qui a perdu récemment sa mère et sa femme, emportées par la même mauvaise fièvre. Pendant la bataille du 1er septembre, vêtu d'un pantalon et d'une veste de toile bleue, il a ramassé un fusil à côté du cadavre d'un soldat et il va participer à la défense de la maison Weiss. N'ayant que sa carcasse, il veut la donner et, comme il ne tire pas mal, il trouve drôle de démolir un Prussien à chaque coup [286]. A genoux, le canon de son chassepot appuyé dans l'étroite fente d'une meurtrière, comme à l'affût, il ne lâche la détente qu'en toute certitude, annonçant même le résultat à l'avance, continuant paisiblement, sans se hâter, ayant de quoi faire, dit-il, car il lui faudrait du temps pour les tuer tous de la sorte, un à un [288]. Et quand les Bavarois, désespérant de venir à bout de cette poignée d'enragés qui les retardent dans leur marche, amènent de l'artillerie et font à la maison Weiss, où ne survivent que six combattants, les honneurs de la canonnade, Laurent, toujours agenouillé, vise avec soin les artilleurs, tuant son homme chaque fois, si bien que le service de la pièce n'arrive pas à se faire et qu'il se passe cinq oui six minutes avant que le premier coup soit tiré [291]. Dès que les assiégés n'ont plus de cartouches, l'ennemi furieux envahit la maison, Laurent est charrié jusqu'au mur d'en face, parmi de telles vociférations que la voix des chefs ne s'entend plus. Devant le peloton d'exécution, son calme ne l'a pas abandonné ; les mains dans les poches, plein de dégoût pour ces sauvages qui vont tuer Weiss sous les yeux de sa femme, il les dévisage avec mépris, les traite de sales cochons et, atteint par les balles, tombe comme une masse, la face contre terre [296]. (La Débâcle.)

Lauwerens (de). — Homme de la haute finance, qui a le tort de refuser à sa femme le pavement des mémoires de modiste et de tailleur [132]. Ses bureaux sont situés rue de Provence, au-dessous de ses appartements. (La Curée.)

Lauwerens (Madame de). — Belle mondaine de vingt-six ans, fort intelligente, appartenant à une très ancienne famille. Mariée à un financier riche et avare, elle bat monnaie en ,exerçant un élégant métier d'entremetteuse moderne, fournissant aux hommes du monde un achalandage complet d'amies qu'elle groupe dans son bel appartement de la rue de Provence. Elle conserve sa liante. situation dans le monde, gardant une sagesse absolue et se bornant à tirer profit de lit chute des autres. C'est elle qui a procuré à son amie Renée Saccard un premier amant [133]. (La Curée.)

Lavignière. — Est, avec Rousseau, commissaire-censeur de la Banque Universelle, fonction délicate autant qu'inutile. Grand, blond, très poli, Lavignière approuve toujours, dévoré de l'envie d'entrer plus lard dans le conseil d'administration, lorsqu'on sera content de ses services [139]. (L'Argent.)

La Vignière (Chevalier de). — Aïeul de madame Chanteau. Cité par elle à Louise Thibaudier pour l'éblouir : « Mon aïeul, le chevalier de La Vignière, avait la peau si blanche, qu'il se décolletait comme une femme, dans les bals masques de son temps » [173]. (La Joie de vivre.)

La Vignière (Eugénie de). — Orpheline de hobereaux du Cotentin, complètement ruinés. Était institutrice à Caen, courait, le cachet, quand elle épousa Chanteau.

Réduite par la misère de sa condition à s'unir à un fils d'ouvrier, elle voulut d'abord le pousser aux vastes entreprises ; ses volontés dominatrices ont échoué devant l'inertie de Chanteau. Elle reporte alors sur Lazare, son fils, l'espoir qui la liante ; mais ce rêve est contrarié par de gros revers d'argent [21]. Le jeune homme ne lui donne, d'ailleurs, aucune satisfaction ; sorti du lycée, il n'a aucune ambition, il se grise de musique. Madame Chanteau, tourmentée par ses idées de grandeur, mène une existence aigrie entre un mari incapable et un fils névrosé.

A cinquante ans, elle est petite et maigre, les cheveux encore très noirs, le visage agréable, gâté par un grand nez d'ambitieuse [8]. Quand le cousin Quenu est mort, elle a liquidé la succession tambour battant et amené à Bonneville la petite Pauline, dont elle va commencer aussitôt l'exploitation, en lui laissant le souci de soigner et de consoler Chanteau dans ses terribles crises de goutte. Elle utilise la naissante influence de l'enfant sur Lazare pour le décider à entreprendre la médecine. A ce moment, Pauline est une petite fée qui les récompense bien de l'avoir prise avec eux [50]. Plus tard, quand Lazare, dégoûté de la médecine, voudra se lancer dans des entreprises industrielles, madame Chanteau cherchera des fonds pour son fils et jettera son dévolu sur la fortune de Pauline. L'argent, dévoré par les opérations de Lazare, sert en même temps aux besoins journaliers du ménage, tombé dans une grande gène, et, en peu d'années, cent mille francs sont engloutis. Par une habile manœuvre, madame Chanteau s'est délivrée des menaces du subrogé-tuteur Saccard et, pour couronner son ouvrage, elle cherche à évincer sourdement Pauline, fiancée à Lazare, et à la remplacer par Louise Thibaudier, une héritière qui doit apporter deux cent mille francs de dot. Quand Pauline chasse Louise trouvée dans les bras du jeune homme, madame Chanteau se décide à lever le masque [193] mais une attaque d'hydropisie va l'enlever en quelques jours.

Elle a une agonie bavarde, qui dure vingt-quatre heures. C'est une confession involontaire, qui revient à la surface dans le travail même de la mort [233]. Cette femme, restée âpre et combattive jusqu'à la fin, succombe pleine de fureur devant la tendre Pauline, qu'elle accuse de vouloir l'empoisonner, et elle quitte ainsi la vie, les poings serrés comme pour une lutte corps à corps [238]. (La Joie de vivre.)

La Villardière (de). — Député au Corps législatif pour le département de la Côte-d'Or. Ami de La Rouquette [445]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Léa. — Une soupeuse du Café Anglais. Elle raconte son voyage en Égypte [232]. (Nana.)

Lebeau. — Personnage influent du second Empire, que Clorinde a gagné à la cause du ministre Rougon [291]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Lebleu. — Caissier du chemin de fer de l'Ouest à la gare du Havre [70]. (La Bête humaine.)

Lebleu (Madame). — Femme du caissier. Quarante-cinq ans, mal portante, si énorme qu'elle étouffe sans cesse. Entre elle et Séverine Roubaud existe de longue date une rivalité, née d'une question de logement, les Lebleu occupant celui qui, de droit, devrait appartenir aux Roubaud, et ceux-ci étant; par suite d'une complaisance de leur prédécesseur, relégués dans un logement triste comme une prison ; le caissier et sa femme, par contre, jouissent de la vue de la cour de la gare, plantée d'arbres, et de l'admirable panorama d'Ingouville. Or, madame Lebleu a le tort d'espionner constamment les allées et venues de la buraliste, mademoiselle Guichon, qu'elle soupçonne d'une intrigue avec le chef de gare [84]. Elle finit par les irriter tellement tous deux qu'on lui enlève le logement [304], et, comme elle l'avait prédit, la perte de sa belle vue lui est fatale: elle meurt, au bout de quatre mois, dans l'affreux logement du fond, où l'on ne voit que le faîtage en zinc et les vitres sales de la marquise de la gare [381]. (La Bête humaine.)

Lebigre. — Marchand de vin, rue Rambuteau, au coin de la rue Pirouette. Grosse figure régulière, barbe en collier, bel homme [22]. Loue des voitures aux marchands des quatre-saisons et leur fait des prêts à la journée en exigeant des intérêts scandaleux. Lebigre cause peu et paraît bêta, mais il a dit un jour qu'il s'était battu en 48; cela suffit pour inspirer confiance au groupe Gavard, qui accapare le cabinet du fond, où les conciliabules les plus ardents n'ont aucun secret pour Lebigre [128]. Celui-ci est, comme Logre, affilié à la préfecture de police et la tient au courant des phases du complot. Il couche avec la petite Rose, sa fille de comptoir. Très galant envers Louise Méhudin, la belle Normande, dont il flaire la dot, il lui offre le mariage, est d'abord repoussé [286], puis, après l'arrestation de Florent, comme il a, grâce aux grands services rendus, obtenu de joindre à son commerce un bureau de tabac, rêve de sa vie, il obtient la main de la Normande, qui sera superbe au comptoir [357]. (Le Ventre de Paris.)

Lebigre (Madame). Voir MÉHUDIN (Louise).

Leboucq. — Conseiller à la Cour de Rouen. Est assesseur aux Assises où se juge le procès Roubaud [400]. (La Bête humaine.)

Leboucq (Madame). — Femme du conseiller à la Cour de Rouen. Une grande brune de trente-quatre ans, vraiment très bien. La magistrature commence à aller beaucoup chez elle, désertant le salon tic madame Bonnehon [115]. C'est une royauté nouvelle qui se lève. On attribue l'issue du procès Roubaud, peu favorable à la famille du président Grandmorin, à l'influence de madame Leboucq sur quelques jurés [406]. (La Bête humaine.)

Lecœur (Madame). — Marchande de fromages, beurre et œufs aux Halles. Grande et sèche. Veuve un au avant la mort de madame Gavard, sa sœur, elle a espéré se faire épouser par son beau-frère; mais Gavard déteste les femmes maigres [76]. Madame Lecœur, furieuse de voir les pièces de cent sous du rôtisseur lui échapper, amasse contre lui une mortelle rancune. Elle se frappe tellement l'esprit qu'elle fait par perdre sa clientèle et faire de mauvaises affaires. Après avoir longtemps vécu avec une nièce, la Sarriette, elle s'est brouillée avec celle-ci, achevant de s'aigrir ; puis la réconciliation s'est faite contre Gavard. Chauffée à blanc par mademoiselle Saget, madame Lecœur propage les pires racontars, écrit à la préfecture pour dénoncer les réunions subversives chez Lebigre [319], et, lorsque Gavard est arrêté sous ses yeux, va piller chez lui, se gardant bien de détruire les papiers dangereux [345]. (Le Ventre de Paris.)

Lecomte (Madame). — Connaissance des Deberle [25]. (Une Page d'Amour.)

Lefèvre (Madame). — Femme d'un fabricant établi à Raucourt, chef-lieu de canton pillé par l'ennemi après la bataille de Beaumont. Madame Lefèvre, est une belle d me, dont es chemises garnies de dentelle sont prises par les Bavarois pour se faire des chaussettes [169]. (La Débâcle.)

Legougeux. — Un mineur de Joiselle, affilié à Pluchart [275]. (Germinal.)

Legrain (Général). — Député au Corps législatif. Dévoué à la dynastie, il surmonte une grosse attaque de goutte et se fait apporter par son domestique pour voter les crédits du baptême du prince impérial [6]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Lehongre (Les). — Épiciers rue Neuve de la Goutte-d'Or. Madame Lehongre couche avec son beau-frère [354]. (L'Assommoir.)

Léhudier. — Enfant à qui Charvet donne des leçons, payées le 5 de chaque mois [179]. (Le Ventre de Paris.)

Lelorrain. — Notaire, rue Sainte-Anne. L'acte de société de là Banque Universelle, fondée par Saccard, est reçu chez lui [138]. (L'Argent.)

Lemballeuse (Les). — Une nichée de pauvresses qui se terrent dans les décombres d'un vieux moulin, au clos-Marie, derrière la cathédrale de Beaumont. Il n'y a que des femmes, la mère Lemballeuse, une vieille couturée de rides, Tiennette, la fille aînée, une grande sauvagesse de vingt ans, ses deux petites sœurs, Rose et Jeanne, les yeux hardis déjà, sous leur tignasse rousse. Toutes quatre mendient par les routes, le long des fossés. Elles sont secourues par Angélique Marie et par Félicien de Hautecœur [122]. (Le Rêve.)

Lenfant. — Tient un estaminet à Montsou [169]. (Germinal.)

Lengaigne. — Débitant de tabac et cabaretier à Rognes. Très long, l'air figé, ayant une petite tête de chouette sur de larges épaules osseuses, il cultive ses terres pendant que sa femme pèse le tabac et descend à la cave. Ce qui donne une importance à Lengaigne, c'est qu'il rase le village et coupe les cheveux, un métier rapporté du régiment [55]. Il est libre penseur et vaguement républicain, mais sa situation de buraliste lui ferme la bouche, il se borne à gronder dans les coins contre les bourgeois d'aujourd'hui qui ont tout gardé dans le partage, ne font les lois que pour eux et vivent de la misère du pauvre monde. Il exprime ainsi le sentiment de tout le village, la haine séculaire indomptable, du paysan contre les possesseurs du sol [57]. Mais la vraie colère de Lengaigne est contre Macqueron, le cabaretier voisin ; une vieille rivalité les sépare; quand l'un a de la chance, l'autre est ulcéré; ils s'exècrent au point de souffrir d'une mitoyenneté future, dans le cimetière de Rognes [513]. (La Terre.)

Lengaigne (Madame Flore). — Femme du buraliste de Rognes. Grosse mère, geignarde, molle et douce [50] Toujours en querelle avec Cœlina Macqueron. (La Terre.)

Lengaigne (Suzanne). — Fille des Lengaigne. Blonde, laide, effrontée. A été mise en apprentissage chez une couturière de Châteaudun et s'est envolée au bout de six mois à Chartres, puis à Paris, pour faire la noce. On dit qu'avant son départ de Rognes, un oncle à elle l'avait eue déjà, un jour qu'ils épluchaient ensemble des carottes [129]. Après trois ans de folle existence, Suzanne risque brusquement une réapparition au village, pendant les vendanges, et elle produit une sensation extraordinaire, avec sa robe de soie dont le bleu riche tue le bleu du ciel. Cet ancien laideron apparaît en une splendeur, nippée chèrement, grasse, avec une figure de prospérité [347]. Les gens du pays l'admirent, ses parents sont fiers d'elle. Plus tard, de sales noces la conduisent à l'hôpital; alors, pour les siens, elle n'est plus que cette pourrie de Suzanne [165]. (La Terre.)

Lengaigne (Victor). — Frère de Suzanne. Avant le tirage au sort, c'était un grand garçon gauche. Il a été en garnison à Lille, un pays dont il ne trouve rien à dire, sinon que le vin y est cher [222]. A son retour du service, il est crâne et blagueur, personne ne le reconnaît, avec ses moustaches et sa barbiche, son air de se licher du monde, sous le bonnet de police qu'il affecte de porter encore [346]. Il crâne devant les conscrits, braillant plus haut qu'eux, les poussant à des paris imbéciles [464]. (La Terre.)

Lenore. — Jument de courses. Frangipane, au baron Verdier, est par The Truth et Lenore [388]. (Nana.) .

Léon. — Apprenti charcutier chez Quenu. Quinze ans, mince, très doux [70]. Il vole les entames de jambon et les bouts de saucisson oubliés, les cache sous son oreiller et les mange, la nuit, sans pain. S'étant lié avec Cadine et Marjolin, il leur offre trois fois par semaine des régals de charcuterie dans sa mansarde, située en face de celle de Florent [220]. (Le Ventre de Paris.)

Léonce (Madame). — Concierge de Gavard, rue de la Cossonnerie. Fait le ménage du marchand et le soigne quand il est enrhumé. Femme sévère, de cinquante et quelques années, parlant lentement, d'une façon interminable. Mademoiselle Saget vient, tous les mercredis soirs, prendre le café dans sa loge et s'y renseigne sur les faits et geste de Gavard. Quand celui-ci est arrêté, madame Léonce assiste impuissante au pillage de l'armoire et, furieuse contre le vieil enjôleur qui lui avait dit n'avoir pas de famille, obtient de la Sarriette une misérable obole de cinquante francs [347]. (La Ventre deParis.)

Léonie. — Ouvrière fleuriste chez Titreville, rue du Caire. Jolie brune [460]. Elle lâche les fleurs pour faire la noce [471]. (L'Assommoir.)

Léonie. — Tante de Louise Thibaudier. A loué un chalet à Arromanches [170]. C'est chez elle que Louise est ramenée, lorsqu'elle quitte Bonneville, chassée par Pauline [197]. (La Joie de vivre.)

Lepalmec. — Paysan de Plogoff, en Bretagne [431]. (Germinal.)

Lequeu. — Maître d'école à Rognes. Grand jeune homme maigre, dont la face blême se hérisse de quelques poils jaunes. C'est un fils de paysan, qui a sucé la haine de sa classe avec l'instruction ; il ne peut faire aimer leur condition à ses élèves qu'il traite de sauvages et de brutes, avec le mépris d'un lettré, et qu'il renvoie insolemment au fumier paternel [146]. Cachant des idées avancées sous sa raideur correcte, il chante au lutrin, prend soin des livres sacrés mais a formellement refusé de sonner la cloche, une telle besogne étant indigne d'un homme libre [39]. Dans les discussions de cabaret, il garde nu sourire aigre d'homme supérieur que sa position force au silence, mais, dévoré de rancune contre les paysans qui le méconnaissent, vert de bile devant sa situation gâtée, déçu dans l'espoir longtemps nourri d'épouser Berthe Macqueron, il finit par afficher des doctrines anarchistes; à la grande stupéfaction de Jésus-Christ, il prêche violemment la grève de la terre, les disettes, le sac des villes, la noyade générale dans des flots de sang [471] (La Terre.)

Lerat (Madame), née COUPEAU. — Sœur aînée de madame Lorilleux et de Coupeau. Grande, sèche, parlant du nez [86]. C'est mie veuve de trente-six ans, qui habite la rue des Moines, aux Batignolles, et travaille dans les fleurs [52]. Elle mène une vie d'ouvrière cloîtrée dans son train-train et n'a jamais vu le nez d'un homme chez elle depuis son veuvage, mais elle montre une préoccupation continuelle de l'ordure, une manie de mots à double entente et d'allusions polissonnes [106]. De meilleure composition que sa sœur, elle vit en bons termes avec Gervaise, et lorsque la petite Nana est en âge d'apprendre un métier, elle la fait entrer dans une maison de fleurs de la rue du Caire, chez Titreville, où elle est première. Chargée de surveiller la petite, elle s'acquitte mal de la commission, s'allumant aux premières aventures de Nana [167]. (L'Assommoir.)

Longtemps elle a perdu de vue sa nièce, disparue dans les profondeurs du monde galant; plus tard, elle l'a retrouvée, parvenue à une belle position, pleine d'excellents sentiments. Madame Lerat avait abandonné le métier de fleuriste et vivait de ses économies, six cents francs de rentes, amassées sou à sou. Nana loue pour elle un joli petit logement et lui donne cent francs par mois, en la chargeant d'élever Louiset [45]. La tante adore toujours les histoires de cœur; elle a pourtant frémi, devant une fugue de Nana, acoquinée avec le comique Fontan ; aussi lui a-t-elle prodigué les bons conseils [289]. Plus tard, devant sa nièce arrivée aux grandeurs, elle ne dégonfle pas de vanité [355]. (Nana.)

Lerenard. — Tient un estaminet aux environs de Montsou [311]. (Germinal.)

Leroi, dit Canon. — Ouvrier charpentier. A lâché Paris à la suite d'histoires ennuyeuses et préfère vivre à la campagne, roulant de village en village, faisant huit jours ici, huit jours plus loin, allant d'une ferme à une autre, lorsque les patrons ne veulent plus de lui. Le travail ne marchant pas, il mendie le long des routes, il vit de légumes et de fruits volés, heureux qu'on lui permette de dormir dans une meule. En loques, très sale, très laid, ravagé de misère et de vices, le visage si maigre et si blême, hérissé d'une barbe noire, que les femmes, rien qu'à le voir, ferment leur porte. De passage à Rognes, Canon est devenu l'ami de Jésus-Christ, il tient des discours abominables, parlant de couper le cou aux riches, traitant les paysans de culs terreux, leur expliquant la révolution sociale qui doit donner le bonheur à tous [371]. Il blague Jésus-Christ à cause de ses idées rétrogrades, vieilles de cent ans, mais trouve son maître dans Leque, le maître d'école anarchiste plein de dédain pour le socialisme autoritaire et scientifique, appris par Canon dans les faubourgs parisiens [471]. (La Terre.)

Letellier. — Père de madame Deberle et de Pauline. Petit vieillard à la figure joufflue et rose [25]. Tient un grand magasin de soieries boulevard des Capucines. Promène partout sa fille cadette, en quête d'un beau mariage [26]. (Une Page d'Amour.)

Letellier (Juliette). — Voir DEBERLE (Madame).

Letellier (Pauline). — Sœur de Juliette. Une belle fille de dix-sept ans, d'allures libres, impatiente de se marier, familière avec les hommes et jouant comme une grande gamine avec les enfants [25]. Malignon lui trouve un mari. (Une Page d'Amour.)

Leturc (Madame). — Veuve d'un capitaine, protégée de madame Mélanie Correur [58]. Le ministre Rougon lui fait obtenir un bureau de tabac [280]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Levaque. — Voisin des Maheu. Les constructions du coron, installées économiquement par la Compagnie, sont si minces que les moindres souffles les traversent; on y vit coude à coude, d'un bout à l'autre ; rien de la vie intime n'y reste caché, même aux gamins, et les Maheu entendent le manège des Levaque et de leur logeur Bouteloup. Celui-ci est un ouvrier de la coupe à terre, tandis que Levaque est un haveur; la femme a ainsi deux hommes, l'un de nuit, l'autre de jour [17]. Levaque boit, il bat sa femme quand la soupe n'est pas prête, et court les chanteuses du Volcan, café-concert de Montsou [111]. Il trouve naturel que la Levaque couche avec Bouteloup, car cela entre dans le prix de la pension et les bons comptes font les bons amis [l14]. Pendant la grève, il se distingue parmi les exaltés, il donne de violents coups de hache dans le matériel de la Compagnie [376]. Après l'émeute de Montsou, on lui rend son livret [421]. Son arrestation par la troupe, devant la fosse du Voreux, fait de lui une sorte de héros; les journaux de Paris citent son attitude devant le juge d'instruction, on lui prête une réponse d'une grandeur antique [491]. (Germinal.)

Levaque (Achille). — Le premier né de Philomène Levaque et de Zacharie Malien. Il a trois ans lorsque ses parents se marient [113]. (Germinal.)

Levaque (Bébert). — Fils des Levaque. Travaille à la mine comme galibot. C'est un gamin de douze ans, un gros garçon naïf, plus âgé et plus fort que Jeanlin Malien, et qui se laisse pourtant gifler par lui; Bébert se soumet à Jeanlin avec une admiration craintive, une crédulité qui le rend continuellement victime, et l'autre en abuse, l'entraînant sans vergogne à des maraudes où il risque ses os. Les parties polissonnes de Jeanlin et de la petite Lydie Pierron emplissent Bébert de colère et de malaise [138]. Lentement, une grande affection est née entre lui et Lydie, dans leur commune terreur de Jeanlin. Lui, toujours, songe à la prendre, à la serrer très fort entre ses bras, comme il voit faire aux autres; mais pas plus qu'elle, il n'ose désobéir à celui qu'ils appellent le capitaine et qui s'est institué leur chef. Pourtant, un jour, blottis dans une cachette, près du Voreux, tous deux ont fini par se baiser doucement, sans avoir l'idée d'autre chose, mettant dans cette caresse leur longue passion combattue, tout ce qu'il y a en eux de martyrisé et d'attendri [473]. Ce matin-là, mêlés aux grévistes, ils sont mitraillés par la troupe; la petite frappée à la face, foudroyée, ne bouge plus ; le petit, troué au-dessous de l'épaule gauche, saisit Lydie à pleins bras, dans les convulsions de l'agonie, comme s'il voulait la reprendre [487]. (Germinal.)

Levaque (Désirée). — La dernière de Philomène. Neuf mois. Sa mère déjeune au criblage et la fait téter sur le charbon [114]. (Germinal.)

Levaque (Philomène). — L'aînée des Levaque, une grande fille de dix-neuf ans, maîtresse de Zacharie Malien, dont elle a deux enfants déjà, Achille et Désirée. Mince et pâle, d'une figure moutonnière de fille crachant le sang, trop délicate de poitrine pour travailler au fond, elle est cribleuse à la fosse du Voreux [17]. C'est une fille sans passion, simplement lasse de son existence [136]. Mariée à Zacharie, puis veuve, elle quitte Montsou avec les enfants, emmenée par un mineur du Pas-de-Calais [586]. (Germinal.)

Levaque (La). — Femme du haveur. Mère de Philomène. A quarante et un ans, elle est affreuse, usée, la gorge sur le ventre et le ventre sur les cuisses, avec un mufle aplati, aux poils grisâtres, toujours dépeignés. Oa vit chez elle dans une puanteur de ménage mal tenu [113]. Bouteloup, son logeur, l'a prise naturellement, sans l'éplucher davantage que sa soupe où il trouve des cheveux, et que son lit dont les draps servent trois mois. Tant que Philomène n'a eu qu'un enfant, la Levaque n'a point pressé le mariage avec Zacharie Maheu, ne voulant pas abandonner les quinzaines de sa fille; mais, depuis que le petit grandit, mange du pain et qu'un autre est veau, elle se trouve en perte et pousse furieusement à la mise en ménage, en femme qui n'entend pas y mettre du sien [115]. Après la grève, la Levaque est enceinte, Levaque est en prison, c'est Bouteloup qui le remplace en attendant, [585]. (Germinal).

Levasseur (Les). — Amis des Deberle. Madame Levasseur a un amant de son monde, que madame Deberle évite de recevoir les mêmes jours que le mari [250]. Cinq filles, échelonnées de deux ans à peine à dix ans, toujours habillées de même dans les bals d'enfants. (Une Page d'Amour.)

Levasseur. — Employé au Bonheur des Dames. Chef du service des expéditions [50]. (Au Bonheur des Dames.)

Levasseur. — Percepteur au Chêne-Populeux. Son père, un des soldats de la grande armée, jouissant d'une infime pension, a fini sa vie à côté de lui. Levasseur s'est marié à une demoiselle Fouchard, paysanne de Remilly, qui est morte en mettant au monde deux jumeaux, Maurice et Henriette. De longues années s'écoulent, la famille se saigne pour faire de Maurice un monsieur. Levasseur meurt à la peine [6]. (La Débâcle.)

Levasseur (Henriette). — Fille du percepteur. Sœur jumelle de Maurice. Alors qu'on faisait de celui-ci un avocat, elle a été élevée en Cendrillon, au logis, sachant au plus lire et écrire. Et plus tard, pour réparer les folies de son fière, elle s'est dépouillée généreusement, elle a tout vendu, la maison, les meubles, sans parvenir à combler le déficit. Puis elle a eu la chance de trouver un mari, cet honnête garçon de Weiss, qui est venu lui offrir tout ce qu'il possédait, avec ses bras solides, avec son cœur; elle l'a épousé, touchée aux larmes de son affection, pleine d'estime tendre, sinon de passion amoureuse [188]. Henriette est petite, elle a une figure mince, des traits menus, sous une admirable chevelure blonde, d'un blond clair d'avoine mûre. Ce qui la différencie surtout de son fière, avec qui elle a une ressemblance frappante, ce sont ses yeux gris, calmes et braves, où revit toute l'âme du grand-père. le héros de la grande armée. Parlant peu, marchant sans bruit, elle est d'une activité si adroite, d'une douceur si riante qu'on. la sent comme une caresse dans J'air où elle passe [189]; c'est une -âme forte, elle est du bois sacré dont on fait les martyrs [ 191].

Le matin de la bataille de Sedan, apprenant ce qui se passe à Bazeilles, elle décide d'y rejoindre soit mari, la témérité de l'entreprise lui paraît naturelle, sans héroïsme déplacé, rentrant dans son rôle de femme active : où son m ri est, elle doit être, simplement [258]. Arrêtée par l'infanterie de marine devant Balan, elle continue sa route en franchissant des clôtures, elle garde sous les obus, dans la folle ardeur de cette course, un grand sang-froid, toute la tranquillité brave dont sa petite âme de bonne ménagère est capable. Elle veut ne pas être tuée, retrouver son mari, le reprendre, vivre ensemble, heureux encore [231]. Marchant sous les balles, meurtrie par un ricochet, elle ne parvient à Bazeilles que pour voir Weiss collé au mur en -face de soldats allemands qui préparent leurs armes ; alors, en créature qui ne raisonne plus, qui donne sa vie, elle s'enlace à lui, elle veut qu'on les fusille ensemble, il faut que le Bavarois Gutmann la saisisse violemment et lui fasse lâcher prise; et elle na même pas la consolation d'ensevelir son cher mort, que les Prussiens jetteront dans la fournaise et dont les cendres seront dispersées au vent [393].

Réfugiée à Remilly, soignant maternellement les blessés, elle retrouve chez l'oncle Fouchard deux soldats de Sedan échappés à la captivité, son frère Maurice qui va repartir au combat, et Jean Macquart qu'elle cachera, qu'elle guérira, vivant avec lui pendant quatre mois en une intimité familiale. Le cœur broyé par la perte qu'elle a faite, elle est pleine de gratitude pour ce Jean qui a sauvé son frère, elle l'aime d'une affection qui grandit, à mesure qu'elle le connaît mieux, simple et sage, de cerveau solide [491]. Près de lui, elle se sent consolée et elle caresse parfois le rêve d'une intimité à trois, dans un avenir de bonheur encore possible, qui ne se précise pas à ses yeux.

Mais le destin ne lui fera pas grâce, la guerre va achever de lui broyer le cœur. Maurice, son frère Maurice adoré par delà la naissance, qui était un autre elle-même, qu'elle avait élevé, sauvé, son unique tendresse depuis qu'elle a vu à Bazeilles le corps du pauvre Weiss troué par les balles, Maurice est tué à Paris, il reçoit la mort des mains mêmes de Jean, jeté au fratricide par l'affreuse guerre civile. Et Henriette s'arrache du cœur l'amour qui y germait ; héroïne obscure, victime pitoyable, elle restera seule au monde, veuve et dépareillée, sans personne qui l'aime [632]. (La Débâcle.)

Levasseur (Maurice). — Fils du percepteur. Frère jumeau d'Henriette. Celle-ci, plus virile que lui, l'a élevé; il l'aime passionnément. Blond, petit, avec un front très développé, un nez et un menton très menus, le visage fin, il a des yeux gris et caressants, un peu fous parfois. Venu à Paris pour y terminer son droit, il s'est livré à mille sottises, à toute une dissipation de tempérament faible et exalté, jetant sans compter l'argent au jeu et aux femmes. En juillet 1870, Maurice vient d'être reçu avocat. il est pour la guerre, il la croit inévitable, nécessaire à l'existence même des nations, la vie est une guerre de chaque seconde, la nature exige le combat continu, elle donne la victoire au plus digne [10].

Dans une crise de patriotisme, rêvant de combats pour le lendemain, voulant aussi racheter ses anciennes fautes par un peu de gloire, il s'est engagé au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Et il se croit bien corrigé, dans sa nervosité prompte à l'espoir du bien comme au découragement du mal, soumis à toutes les sautes du vent qui passe. Généreux, ardent, mais sans fixité aucune, il assiste parfois, sans résistance possible, à la ruine de sa volonté, il tombe aux mauvais instincts, à un abandon de lui-même, dont il sanglote de honte ensuite. Au fond, il est ébranlé par la maladie de l'époque, il subit la crise historique et sociale de la race. Son grand-père, né en 1780, fut l'un des héros de la période militaire, un des vainqueurs d'Austerlitz, de Wagram et de Friedland; son père, né en 1811, tombé à la bureaucratie, petit employé médiocre, s'est usé dans un emploi de percepteur ; lui, né en 1841, élevé en monsieur, admis au barreau, capable des pires sottises et des plus grands enthousiasmes, va être vaincu à Sedan, dans une catastrophe finissant un monde. Maurice est un des passants de l'époque, certes d'une instruction brillante, mais d'une ignorance crasse en tout ce qu'il faudrait savoir, vaniteux avec cela au point d'en être aveugle, perverti par l'impatience de jouir et par la prospérité menteuse du règne [390].

Incorporé dans l'escouade du caporal Jean Macquart, une répugnance, une sourde révolte l'a, dès les premières heures, dressé contré cet illettré, ce rustre qui le commande [4]. Un peu plus tard, dompté par lui, il le hait d'une inextinguible haine [34]. Puis, un jour de défaillance, Jean lui rend l'espoir par sa virulence contre les lâches qui parlent de ne pas se battre; les mêmes fatigues et les mêmes douleurs, subies ensemble, font vaciller sa rancune; il y a entre eux comme une trêve tacite. A ce moment, l'armée de Châlons, reconstituée à la hâte après les premières déroutes, n'est plus que l'armée de la désespérance, le troupeau expiatoire qu'on envoie au sacrifice, pour tenter de fléchir la colère du destin; elle monte son calvaire jusqu'au bout, payant les fautes de tous, du flot rouge de son sang, grandie par l'horreur même du désastre [79]. Depuis six semaines, Maurice n'a fait qu'user ses pauvres pieds d'homme délicat à fuir et à piétiner loin des champs de bataille. Il est redescendu à une égalité bon enfant, devant les besoins physiques de la vie en commun [83]. Épuisé de lassitude, blessé au pied, il éprouve un profond sentiment de reconnaissance pour les soins maternels de Jean, un attendrissement invincible l'envahit, le tutoiement monte de son cœur à ses lèvres, dans un immense besoin d'affection, comme s'il retrouvait un frère chez ce paysan exécré autrefois, dédaigné encore la veille [100].

Il serait mort de fatigue et de détresse, si Jean ne l'avait sauvé, se condamnant lui-même à la faim pour lui garder des vivres. La fraternité a grandi entre eux. Et lorsque à Sedan, Jean est blessé et va être achevé par l'ennemi, Maurice, dans le plus grand danger, sentant la mort derrière lui, soutenu par une volonté invincible, le charge sur ses épaules, buttant à chaque pierre, se remettant quand même debout, le ramenant enfin dans les lignes françaises [325]. Prisonniers dans la presqu'île d'Iges, ils ne veulent plus se quitter désormais, ils subissent l'effroyable sort de cette armée égorgée sans gloire, couverte de crachats, tombée au martyre, sous un châtiment qu'elle n'avait pas mérité si rude [464]. Et lorsqu'en route vers l'Allemagne, à l'étape de Mouzon, ils parviennent à fuir, ils se serrent d'une étreinte éperdue, dans le sentiment de tout ce qu'ils viennent de souffrir ensemble; c'est l'immortelle amitié, l'absolue certitude que leurs deux cœurs n'en font plus qu'un, pour toujours [478].

A Remilly, où Henriette soignera Jean blessé pendant la faite, Maurice éprouve une surexcitation nerveuse extraordinaire, le sentiment de sa défaite le jette dans un besoin frénétique de rébellion contre le sort [485]. Il passe en Belgique, se rabat sur Paris, et là, incorporé au 115e de ligne, engagé à Châtillon et à Champigny, témoin de la bataille de Buzenval, il garde l'ébranlement de chacune des défaites, le corps appauvri, la tête affaiblie par une si longue suite de jours sans pain, de nuits sans sommeil. En lui s'achève l'évolution qui, sons le coup des premières batailles perdues, a détruit la légende napoléonienne; déjà, il n'en est plus à la république théorique et sage, il verse dans les violences révolutionnaires. Une haine lui est venue contre son métier de soldat, qui le parque à l'abri du Mont-Valérien, inutile et oisif [575]. Après la reddition, il se décide à déserter.

La Commune lui apparaît comme une vengeance des hontes endurées, comme la libératrice apportant le fer qui ampute, le feu qui purifie [581]. Quanti l'insurrection est vaincue, Maurice s'acharne à combattre, il veut mourir; un soldat de Versailles, ivre de fureur, le cloue d'un coup tic baïonnette, sur la barricade de la rue de Lille et alors, dégrisés, les deux ennemis se reconnaissent. C'est Jean qui, dans l'abominable lutte, a mortellement blessé son frère. Le destin s'est acharné jusqu'au bout, il a exigé l'élimination du faible, incapable d'action robuste; un sacrifice vivant a été nécessaire pour que la nation crucifiée puisse renaître [630]. Et devant Paris en flammes, le pauvre être agonise entre Henriette et Jean; il s'en va, affamé de justice, victime de son temps, dans la suprême convulsion du grand rêve noir qu'il a fait [635]. (La Débâcle.)

Lévêque (Madame). — Belle-sœur du brasseur Durieu [134]. (L'Argent.)

Lévêque. — Avoué à Plassans. Beau-père de Ramond [317]. Il s'occupe des affaires du docteur Pascal après la fuite du notaire Grandguillot et retrouve une somme de quatre-vingt mille francs que Pascal croyait engloutie [325]. (Le Docteur Pascal.)

Lévèque (Mademoislle). — Fille de J'avoué. Ancienne amie de Clotilde Rougon, dont elle est la cadette de trois ans [267]. Elle a épousé le docteur Ramond [207]. (Le Docteur Pascal.)

Lhomme. — Caissier principal . du Bonheur des Dames. Mari de madame Aurélie, la première des confections, qui l'a fait entrer dans la maison. Déjà tout blanc, alourdi par son service sédentaire, Lhomme a une figure molle, effacée, comme usée par le reflet de l'argent qu'il compte sans relâche. Il a eu le bras droit coupé par un omnibus; cette mutilation ne le gène nullement dans sa besogne et l'on va même par curiosité le voir, vérifier la recette, tellement les billets et les pièces glissent rapidement dans sa main gauche, la seule qui lui reste.

Fils d'un propriétaire de Chablis, il est tombé à Paris comme employé aux écritures, chez un négociant du Port aux Vins; puis, demeurant rue Cuvier, il a épousé la fille de son concierge et. depuis ce jour, il est resté soumis devant sa femme, dont les facultés commerciales le frappent de respect [52]. Son seul vice est la musique, un vice secret qu'il satisfait solitairement, courant les théâtres, les concerts, les auditions ; malgré son bras amputé, il joue du cor, grâce à un système ingénieux de pinces, et, comme madame Aurélie déteste le bruit, il enveloppe de drap son instrument, le soir, ravi quand même jusqu'à l'extase par les sons étrangement sourds qu'il en tire. La musique et l'argent de sa caisse, il ne connaît rien d'autre [53]. Mouret mettra le comble à soit bonheur en lui confiant la direction d'un corps de musique, cent vingt musiciens recrutés dans le personnel [429]. Baudu cite Lhomme, sa femme et son fils, comme un exemple de la destruction des femme par les grands bazars. Employés tous trois au Bonheur des Dames, ce sont des gens sans intérieur, toujours dehors, ne mangeant chez eux que le dimanche, lorsque chacun ne tire pas de son côté, une vie d'hôtel et de table d'hôte, qui indigne le familial Baudu [27]. (Au Bonheur des Dames.)

Lhomme (Madame). — Voir AURÉLIE (Madame).

Lhomme (Albert). — Fils du caissier principal et de madame Aurélie. Un grand garçon pâle et vicieux qui ne peut rester nulle part et qui donne à sa mère les plus vives inquiétudes; elle a obtenu pour lui une caisse de détail au Bonheur des Dames. C'est. un mauvais employé qui néglige le travail et qu'on ne garde que par déférence pour sa mère [166]. A la suite d'un scandale trop fort, une suite de vols qui durent depuis quatorze mois, avec la complicité du vendeur Mignot, on se décide à le mettre à la porte. L'exécution est seulement retardée de deux jours, madame Aurélie ayant obtenu qu'on ne déshonorât pas la famille par un renvoi immédiat [411]. (Au Bonheur des Dames.)

Liardin. — Parent des Quenu. Membre du conseil de famille de Pauline [26]. Consent à l'émancipation [117]. (La Joie de vivre.)

Liénard. — Vendeur du rayon de lainages, au Bonheur des Dames. C'est le fils d'un riche marchand de nouveautés d'Angers. Dans sa vie de paresse, d'insouciance et de plaisir, il a la seule peur d'être rappelé en province par son père [54]. Il abomine les jours de grosse vente, qui cassent les bras; largement entretenu par sa 'famille, il tâche d'éviter la besogne, se moquant de vendre, travaillant tout juste assez pour ne pas être mis à la porte [123]. Il habite à l'hôtel de Smyrne, rue Sainte-Anne [161]. (Au Bonheur des Dames.)

Lieutaud. — Architecte diocésain à Plassans. Il est chargé d'édifier les locaux de l'Œuvre de la Vierge [102]. (La Conquête de Plassans.)

Liévin. — Bourgeois de Plassans, enrôlé et armé par Pierre Rougon pour délivrer la mairie occupée par les républicains [272]. Il est pris d'émotion et tire en l'air, dans la mairie, sans savoir [289]. (La Fortune des Rougon.)

Lili. — Fille de Gaga. De son vrai prénom Amélie. A dix-neuf ans, elle est vendue par sa mère, pour trente mille francs, au vieux marquis de Chouard [406]. (Nana.)

Linguerlot (Le ménage). — Voisins des Lorilleux, rue de la Goutte d'Or [71]. (L'Assommoir.)

Liotard (Veuve Henri). — Maison de transports maritimes pour l'Algérie, par l'Espagne et le Maroc. Adhère au syndicat de la Compagnie générale des Paquebots réunis [179]. (L'Argent.)

Lisa. — Jeune paysanne des Artaud. Toute petite, toute noire, avec, des yeux de flamme [283]. (La Faute de l'abbé Mouret.)

Lisa. — Ouvrière fleuriste chez Titreville. Une grande fille qu'on dit enceinte [462]. (L'Assommoir.)

Lisa. — Femme de chambre des Campardon. Fille nerveuse, plate de poitrine, noiraude et coquette. Sa patronne la juge très intelligente, très active, et lui attribue une conduite irréprochable [21]. Un seul jour de sortie par mois pour embrasser sa vieille tante, qui demeure très loin. Mais Lisa revient de ses sorties presque morte, les reins cassés, les paupières bleues [133]. Son vice étant là, elle ne vole pas. Consciencieuse dans le service, elle accepte la tutelle de Gasparine, l'autre madame Campardon; elle garde une attitude respectueuse devant les ignominies de ses maîtres, soulageant son besoin d'ordure dans des colloques poissards avec les autres bonnes de la maison, favorisant l'ivrognerie de la vieille Victoire et mettant sa jouissance quotidienne à corrompre Adèle, la fille des Campardon [356]. (Pot-Bouille.)

Lise. — Une des bêtes préférées de Désirée Mouret. C'est une vache blanche et rousse donnée par l'oncle Pascal [335]. (La Faute de l'abbé Mouret.)

Lison (La). — Une machine d'express de la Compagnie de l'Ouest, la machine du mécanicien Jacques Lantier. En dehors du numéro qui la désigne, elle porte selon l'usage le nom d'une gare du réseau ; le sien est Lison, une station du Cotentin. Mais Jacques, par tendresse, en a fait un nom de femme, la Lison, comme il dit, avec une grâce caressante. Il l'aime parce qu'elle est douce, obéissante, facile au démarrage, d'une marche régulière et continue, grâce à sa bonne vaporisation. D'autres machines, identiquement construites, montées avec le même soin, ne montrent aucune de ses qualités. C'est que la structure d'une machine n'est pas tout ; il y a aussi l'âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le martelage ajoute au métal, que le tour de main de l'ouvrier donne aux pièces : la personnalité de la machine, la vie. Jacques aime la Lison en mâle reconnaissant, elle part et s'arrête vite, ainsi qu'une cavale vigoureuse et docile; elle lui gagne des sous, grâce aux primes de chauffage, car elle vaporise si bien qu'elle fait de grosses économies de charbon ; le seul reproche qu'elle mérite, c'est d'exiger beaucoup de graisse ; elle en a une faim continue, il faut ça à son tempérament et Jacques se contente de dire, avec son chauffeur Pecqueux, en manière de plaisanterie, qu'à l'exemple des belles femmes, elle a le besoin d'être graissée trop souvent [164].

Lorsqu'il se met à aimer Séverine Roubaud, Jacques n'a plus pour la Lison la même tendresse qu'autrefois ; il la rudoie, en femme vieillie et moins forte, il a des sautes d'humeur, il exige davantage, surtout quand Séverine est là, comme le jour de la grande tempête de neige, où le train s'est trouvé bloqué à la Croix-de-Maufras. Depuis le trop grand effort qu'il a exigé d'elle, la Lison est changée, déprimée, touchée quelque part d'un coup mortel ; c'est dans cette neige qu'elle doit avoir pris ça, un coup au cœur, un froid de mort, ainsi que ces femmes jeunes, solidement bâties, qui s'en vont de la poitrine, pour être rentrées un soir de bal, sous une pluie glacée [237]. Elle n'est plus la bien portante, la vaillante d'autrefois; sans doute, dans la réparation des pistons et des tiroirs a-t-elle perdu de son âme, ce mystérieux équilibre de vie, dû au hasard du montage [287]. La Lison meurt dans une catastrophe; devant un fardier arrêté eu pleine voie, son mécanicien a voulu en vain faire machine arrière, elle n'obéissait plus, elle se cabrait sous le frein. Brisée par le choc, elle est là, sur le dos, à rendre tout, le souffle de sa poitrine, par ses poumons crevés Et ce colosse broyé, avec son tronc fendu, ses membres épars, ses organes meurtris, mis au plein jour, prend l'affreuse tristesse d'un cadavre humain, énorme, et d'où la vie vient d'être arrachée, dans la douleur [336]. (La Bête humaine.)

Llorentz (Madame de), née LA ROUQUETTE. — Sœur du député La Rouquette. Veuve d'un général d'origine espagnole [85]. Belle blonde un peu forte, yeux biens. Elle est dame du palais de l'impératrice. A l'époque du mariage de Napoléon III, M. de Marsy, amant de madame de Llorentz, lui a écrit, pour l'égayer, des lettres pleines de détails piquants sur le couple impérial. Extrêmement jalouse, elle a conservé ces missives et les tient suspendues sur la tête de M. de Marsy, comme une vengeance toujours prête [188]. Clorinde, au courant des faits et pressée de voir un changement de ministère, affole, la dame qui, dans un coup de colère, livre à l'empereur les lettres compromettantes [221]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Logre. — Crieur à la marée. Bossu, face de travers, cheveux ébouriffés, avec un grand tablier bleu à bavette ; c'est le meilleur crieur da marché. Il vendrait, dit Verlaque, des semelles de bottes pour des soles [122]. Vient le soir chez Lebigre, aux réunions Gavard, les mains lavées, proprement mis, avec un grand cache-nez rouge, dont un bout pend sur sa bosse comme le pan d'un manteau vénitien. Imite très bien avec soit nez la voix pâteuse de l'empereur. Cause politique, la mâchoire en avant, les mains jetant les mots dans le vide, l'attitude ramassée et aboyante, de Pair furibond dont il met une manne de poissons aux enchères [133]. Affilié à la police et voyant dans Florent une proie facile, il se fait soit lieutenant, parle de tout flanquer par terre, met sur pied une vaste conspiration dont Florent sera le chef, endort ses méfiances contre Lebigre [181], lui soutire de l'argent qu'il empoche avec bonheur, organise enfin à lui seul tout le complot des Halles, dont le ministère a besoin pour sa politique. Mis en jugement pour sauver les apparences, Logre est acquitte. (Le Ventre de Paris.)

Loiseau. — Vieux paysan sourd, oncle de Macqueron. Est conseiller municipal de Rognes et ne vient jamais aux séances, parce que, dit-il, ça lui casse la tète. Loiseau est à l'entière dévotion du maire Alexandre Hourdequin, son fils travaillant à la Borderie [158]. (La Terre.)

Lonjumeau. — L'un des chauffeurs de la bande du Beau-François [67]. (La Terre.)

Loret (Madame). — Habite le quartier des Halles. Mademoiselle Saget prétend qu'elle fait donner une mauvaise éducation à son fils [311]. (Le Ventre de Paris.)

Lorilleux. — Beau-frère de Coupeau et de madame Lerat. Ouvrier chaîniste travaillant eu chambre. Habite avec sa femme rue de la Goutte-d'Or, au sixième étage. Petit de taille, d'épaules grêles, il a de minces lèvres méchantes, une tète aux cheveux rares, d'une pâleur jaune de vieille cire; à trente et un arts, il a l'air d'un vieillard. Lorilleux, très vaniteux de manipuler de l'or, passe pour gagner dix francs par jour et tire de là une véritable autorité [63]. Il se déclare vaguement légitimiste, parce qu'il est né le même jour que le comte de Chambord, le 29 septembre 1820 [109]. Les Lorilleux, avares, jaloux et mauvaises langues, disent du mal de tout le monde, se réjouissent égoïstement du malheur des autres et ont l'action la plus déplorable sur le ménage de Coupeau et de Gervaise. (L'Assommoir.)

Lorilleux (Madame Anna), née COUPEAU. — Femme de Lorilleux. Sœur de madame Lerat et de Coupeau. Elle a trente ans à l'époque du mariage de son frère. C'est une petite femme rousse, assez forte, paraissant plus que son âge, l'air revêche, malpropre avec ses cheveux queue de vache roulés sur sa camisole défaite [68]. Vexée du mariage de Coupeau, qui lui enlève le bénéfice du déjeuner quotidien de son frère, elle est immédiatement hostile à Gervaise, qu'elle invente d'appeler la Banban [92]. D'une jalousie aigre, elle est ravie de l'accident de Coupeau qui va dévorer les économies du jeune ménage, comme plus tard elle applaudira à l'inconduite de Nana qui doit achever de déconsidérer les parents. Elle remplit le quartier de ses potins venimeux, se réconcilie de temps en temps avec Gervaise pour amasser de nouveaux griefs, accepte d'être la marraine de Nana en faisant sonner bien haut sa maigre générosité et, dans la débandade de la famille, continue à mener avec Lorilleux une existence d'araignées maigres, à dégoûter du travail [416]. Elle éprouve une grosse jouissance d'égoïsme à voir la Banban mourant de faim dans la soupente du père Bru. (L'Assommoir.)

Lorillon (Les). — Paysans de Rognes. Ont été soignés et guéris par le rebouteur Sourdeau, qui, dit-on, leur a remis le bréchet en les frottant à l'estomac avec un peigne d'écaille [455]. (La Terre.)

Loubet. — Soldat au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Appartient à l'escouade du caporal Jean Macquart. Maigre et vif, débrouillard, l'air farceur, ténor de l'escouade, c'est un fricoteur qui ne vaut pas cher. Loubet est né dans les Halles, rue de la Cossonnerie, c'est le fils de hasard d'une marchande au petit tas, engagé « pour des sous », comme il dit [24]. Dans le contre-coup de Frœschwiller, qui emporte de Mulhouse à Belfort ces soldats errants, vaincus et dispersés avant d'avoir combattu, tombés dès le premier revers à une désespérance complète, Loubet envie le richard dont il fait le service et qui doit fumer de bonnes pipes, pendant que lui va se faire casser la gueule [32]. Le 111 septembre, sur le plateau de Floing, devant l'ennemi, faisant allusion aux quinze cents francs qu'il a touchés comme remplaçant militaire, il déclare que sa peau vaut plus cher que ça et qu'il compte bien n'en donner que pour l'argent [231]. Aussi, dès le début de l'action, a-t-il sournoisement lâché le champ de bataille, passant la journée avec son camarade Chouteau, dans une auberge du Fond de Givonne. Emmenés en captivité, quelques jours plus tard, tous deux tentent de fuir, près de Mouzon. Loubet, très agile, va s'échapper, lorsque Chouteau, sur le point d'être pris, se jette entre ses jambes et le culbute, profitant de la bagarre pour disparaître. Loubet est assommé par les Prussiens [471]. (La Débâcle.)

Louhette. — Vieux mercier de la rue Neuve-Saint-Augustin [20]. Père de madame Théophile Vabre. (Pot-Bouille.)

Louhette (Madame). — Femme du mercier. Sang âcre, a toujours eu des boutons plein la figure [65]. (Pot-Bouille.)

Louhette (Valérie). — Femme de Théophile Vabre. Mère du petit Camille. Une névrosée (lui a grandi dans la boutique paternelle où, dès quatorze ans, elle étouffait déjà. Ses premières attaques d'hystérie datent de cette époque ; on la soignait pour des étourdissements qui se terminaient par des saignements de nez. Avant le mariage, Théophile l'a vue tous les soirs, pendant trois mois, très gentille, obéissante, le caractère triste mais charmant; elle était délicate, on disait en plaisantant que le mariage la remettrait. Mais elle est devenue fantasque, changeant d'humeur vingt fois en un jour et les crises se sont multipliées. Méprisant son mari, dont l'impuissance l'a poussée à chercher une grossesse au dehors pour conserver ses droits d'héritage, Valérie a maintenant des rendez-vous dans un garni louche du passage Saint-Roch ; elle s'y rend d'ailleurs sans plaisir, n'obéissant qu'au besoin de soulager son éternelle névrose, vivant au fond dans le mépris et la lassitude de l'homme. C'est une jeune femme mince et élégante, aux veux ardents ; elle a une face crispée et un teint de plomb. Elle n'éprouve même pas de remords, tant sa famille la touche peu et tant l'amour l'ennuie [404]. (Pot-Bouille.)

Louis. — Maître d'hôtel d'Irma Bécot, avenue de Villiers. Dignité hautaine [335]. (L'Œuvre.)

Louis. — Cousin de Cabuche. Carrier comme lui, à Bécourt. Un petit homme brun [45]. C'est lui qui conduit la voiture de Cabuche le soir de l'assassinat du président Grandmorin. (La Bête humaine.)

Louis. — Servant d'artillerie. Appartient comme pointeur à la pièce du maréchal des logis Honoré Fouchard. C'est un petit homme, noir et maigre, accouplé au conducteur Adolphe. Plus instruit que celui-ci, fort intelligent, il accepte la dépendance où tout homme de cheval tient l'homme à pied, dresse la tente, va à la corvée, soigne la soupe, mais affligé d'un appétit excessif, n'admet pas que l'autre mange plus que sa part [93]. Blessé sur le plateau d'Illy, le jour de Sedan, il se sert de son bras gauche pour le pointage, puis un éclat d'obus lui troue la gorge, et il tombe en travers de la flèche qu'il était en train de soulever [313]. Le même coup a tué Adolphe et tous deux meurent enlacés. (La Débâcle.)

Louis (La Mère). — Marchande de vin à la Chapelle. Elle est renommée pour ses pieds à la poulette [336]. (L'Assommoir.)

Louise. — Actrice du Palais-Royal. On compte l'avoir à la crémaillère de Nana [86]. (Nana.)

Louise. — Orpheline recueillie par l'Assistance publique. A quinze ans, elle entre comme petite bonne chez madame Juzeur, qui prétend la former. Louise a le teint jaune et le masque écrasé des filles qu'on oublie sous les portes [1421 Les exemples équivoques de sa maîtresse et le contact malsain des autres bonnes de la maison achèvent de corrompre cette enfant déjà vicieuse ; elle finit par coucher avec le grand Hippolyte et est rendue par madame Juzeur aux Enfants-Assistés [461]. (Pot-Bouille.)

Louiset (1). — Fils de Nana, qui l'a en à seize ans. Laissé chez sa nourrice, dans un village, aux environs de Rambouillet, a été pris ensuite par sa tante, madame Lerat, qui l'élève aux Batignolles [41]. C'est un enfant aux yeux bleus, à la face blanche et scrofuleuse [305]. Lorsqu'il marche sur ses trois ans, il a un eczéma sur la nuque, puis des dépôts se forment dans ses oreilles, ce qui fait craindre une carie des os du crâne [356], quelque pourriture léguée par un père inconnu. Mieux portant, emmené aux courses par sa mère, il regarde tout ce monde, l'air très vieux, comme plein de réflexions tristes sur ce qu'il voit [382]. Louiset meurt en juillet 1870 de la petite vérole, qu'il communique à sa mère, revenue de Russie [507]. (Nana.)

(1) Louis Coupeau, dit Louiset, né en 1867, meurt en 1870, de la petite vérole. [Election de la mère. Ressemblance physique de la mère]. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Louisette. — La fille cadette de madame Misard (tante Phasie). Une enfant mignonne, blanche et douce, qui s'est prise d'affection pour le bon géant Cabuche. Placée comme femme de chambre chez madame Bonnehon, au château de Doinville, elle a subi les honteuses violences du président Grandmorin, et, affolée, meurtrie, s'est sauvée pour aller mourir citez son ami Cabuche, à qui elle a conté l'attentat dont elle vient d'être victime [46]. (La Bête humaine.)

Loulou. — Chien recueilli par Pauline Quenu. Bête bâtarde, mal venue, au poil mangé de gale. Toujours grognon, d'une mélancolie de chien déshérité [335]. En le donnant à Pauline, on lui avait juré qu'il deviendrait énorme et superbe. Elle le garde par cette infinie bonté qui rayonne d elle. Triste et affreux, Loulou, couché en boule sous une table, gronde dès qu'on l'approche. Après avoir croqué du sucre, il montre les crocs, dans un redoublement de maussaderie. Il vit seul, en étranger dans la maison [355]. (La Joie de vivre.)

Lulu. — Le griffon de Nana. Fait des parties dans le lit avec le petit Louiset [108]. (Nana.)

Lusignan. — Cheval de l'écurie Vandeuvres, par Lamb et Princess. Un bai très foncé, d'une forme irréprochable [409]. A gagné en avril le prix Des Cars et la Grande Poule des Produits. Engagé dans le Grand Prix de Paris, monté par Gresham, il est grand favori [383]. (Nana.)