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Sabatani.
Un habitué de la Bourse. Grand jeune homme à la
face longue et brune, aux yeux noirs magnifiques, à la bouche
mauvaise, inquiétante. Il a une grâce caressante d'Oriental
mâtiné d'Italien. C'est un gaillard mystérieux,
aimé des femmes ; la légende lui attribue un prodige physique,
une exception géante dont rêvent les filles du monde de
la Bourse, tourmentées de curiosité [123]. Associé
secret de l'escroc Schlosser, Sabatani a peu à peu conquis la
confiance de la corbeille et de la coulisse par beaucoup de correction
et une bonne grâce infatigable [10]. Il est client de la charge
Mazaud, où il n'a déposé qu'une légère
couverture, donnant des preuves de sagesse, n'augmentant que graduellement
l'importance de ses ordres, en attendant le jour où il culbutera
dans une grosse liquidation [90]. Gai, d'apparence riche, avec cette
tenue élégante qui est indispensable, comme l'uniforme
même du vol à la Bourse, il devient très volontiers
le prête-nom d'Aristide Saccard ; il est le complaisant au compte
de qui figurent fictivement les titres non vendus de l'Universelle [123].
Et, au jour de la débâcle, il disparaît ; il va écumer
la Bourse de quelque capitale étrangère. Plus tard, oublié
à Paris, il y reviendra, de nouveau salué, prêt
à recommencer son coup, au milieu de la tolérance générale
[393]. (L'Argent.)
Sabot. Vigneron de Brinqueville. Un farceur
renommé, qui vente à faire tourner les moulins, mais qui
est battu à ce jeu par Jésus-Christ [332]. (La Terre.)
Saccard (Aristide)
(1). Troisième fils de Pierre Rougon et de Félicité
Puech. Frère d'Eugène, Pascal, Sidonie et Marthe Rougon.
Père de Maxime, Clotilde et Victor Rougon, dits Saccard. Petit,
la mine chafouine, il a le visage de sa mère, avec des avidités,
un caractère sournois, apte aux intrigues vulgaires, où
les instincts de son père dominent [74]. En lui s'épanouissent
tous les besoins de jouissance matérielle; son appétit
se rue à l'argent, à la femme, au luxe. Envoyé
à Paris pour faire son droit, il mène pendant deux ans
une vie paresseuse et débraillée, ne passe pas un seul
examen et, rentré à Plassans, se laisse vivre longtemps
sans voir clair dans ses ambitions. .Marié en 1836 à Angèle
Sicardot, qui lui apporte une dot de dix mille francs, il place habilement
ce petit capital dans la maison paternelle et se fait entretenir avec
sa femme jusqu'au moment lointain où son père peut enfin
lui restituer sa commandite. Le ménage s'établit alors
place Saint-Louis; un fils vient, Maxime, dont la grand'mère
Félicité paye, par bonheur, la pension; Aristide mène
une belle existence de fainéantise, jouant au cercle, cultivant
sa paresse avec amour, jusqu'à l'heure où, toutes ressources
épuisées, la pauvre Angèle mourant de faim, il
consent à chercher une place et réussit à entrer
à la sous-préfecture de Plassans.
C'est, pendant dix ans, la médiocre
existence de l'employé à dix-huit cents francs, encore
gênée par la naissance d'un nouvel enfant. Sevré
des joies dont il a une continuelle envie, Aristide devient haineux
; le fiel s'amasse en lui et, l'oreille au guet, il voit arriver la
révolution de 1818, il flaire avec joie une catastrophe, prêt
à sauter sur la première proie venue [78]. Trompé
d'abord, par les apparences, il affiche le plus vif enthousiasme pour
la République; plein de mépris pour l'impuissance bourgeoise,
manquant de renseignements sur ce qui se prépare, il croit au
triomphe de la démocratie, se fait journaliste, livre aux réactionnaires
une guerre sans merci, se compromet à plaisir, jusqu'au jour
où, ayant surpris une édifiante conversation politique
entre sa mère et le marquis de Carnavant [125], il prend une
attitude expectante, cherchant le vent, prêt à se vendre
le plus cher possible.
Pendant les journées de Décembre,
il feint une soudaine maladie qui lui permet de louvoyer ; il esquisse
une conversion au bonapartisme, revient prudemment aux ouvriers, et
c'est seulement lorsqu'il a palpé, sur la place de la Mairie,
les cadavres républicains [351], qu'il voit enfin la lumière
et publie à grand fracas un superbe article d'adhésion
au coup d'État. Pour attester son loyalisme, il laisse assassiner
sous ses veux son malheureux cousin Silvère Mouret [374]; puis,
réconcilié avec son beau-père, le commandant Sicardot,
il en obtient cinq cents francs qui lui permettront de quitter Plassans.
(La Fortune des Rougon.)
A Paris, après un très court
séjour rue de la Harpe, où, sous le nom de Sicardot, il
a séduit Rosalie Chavaille, il s'installe pauvrement rue Saint-Jacques
et, par son frère Eugène Rougon, devient commissaire-voyer
adjoint, emploi bien inférieur à ses prétentions,
mais qui le mettra en situation de surprendre le vaste projet de la
transformation de Paris [631.. Pour ne pas gêner son aîné,
devenu une puissance politique, il a troqué le nom paternel contre
celui de Saccard, un nom, a dit Eugène, à aller au bagne
ou à gagner des millions [59]. Écuré de la
mesquine existence qui lui est imposée, entre sa femme, la molle
Angèle, et sa fillette Clotilde, il a rôdé pendant
deux ans dans les couloirs de l'Hôtel de Ville ; il a senti venir
le flot montant de la spéculation à outrance, il a flairé
les beaux coups à faire, mais, faute des premiers fonds, il resterait
frappé d'impuissance, si la mort fortuite d'Angèle ne
le rendait subitement libre et ne lui permettait d'atteindre la fortune,
grâce à un honteux mariage maquignonné par sa sur,
l'intrigante Sidonie Rougon.
Ce petit homme chafouin, devenu le mari de
Renée Béraud Du Châtel, occupe maintenant un superbe
appartement de la rue de Rivoli et va devenir un des brasseurs d'affaires
les plus en vue de l'époque. Il commence par s'enrichir en dépouillant
sa femme (affaire de la rue de la Pépinière), gagne habilement
la protection des Gouraud et des Toutin-Laroche, se fait le prête-nom
de la Ville dans d'importantes opérations immobilières,
s'associe avec les gros entrepreneurs Mignon et Charrier pour éventrer
Paris, et met le comble à sa gloire en fondant le Crédit
Viticole, entreprise toute puissante grâce à laquelle il
tiendra l'administration préfectorale à la gorge [125].
Il bâtit alors, sur un terrain volé à la Ville,
son magnifique hôtel du pare Monceau, et là c'est un étalage,
une profusion, un écrasement de richesses [18]. La fortune de
Saccard est à son apogée.
Il se lance dans des opérations de
plus en plus hardies, se plaisant aux complications folles, à
l'entassement des impossibilités [260] ; ses affaires sont tellement
enchevêtrées qu'il ne dort plus que trois heures par nuit;
c'est le jeu continu, un tour de force quotidien, une succession d'aventures
où les millions s'entassent et s'engloutissent aussitôt,
où tout n'est que façade dorée. Le faste inouï
où se complaît Aristide, les étourdissantes prodigalités
où il pousse sa femme, l'affectation qu'il met à feindre
d'entretenir des maîtresses coûteuses, toute cette poudre
aux yeux lui est indispensable pour maintenir son crédit. De
mauvaises spéculations, dues à son génie trop inventif,
ont séparé de lui Mignon et Charrier; il a essuyé
de grosses pertes ; un mauvais vent souffle sur ses affaires lorsqu'il
se décide à tout réparer par une uvre de
scélératesse exquise, une duperie colossale dont la Ville,
l'État, sa femme et jusqu'à son homme de paille, Larsonneau,
doivent être les victimes [1851. Il va gagner trois millions en
s'emparant des terrains de Charonne, que Renée possède
et qui seront absorbés par le percement du boulevard du. Prince-Eugène.
Mais une terrible complication se dresse tout
à coup. Son fils Maxime est devenu l'amant de Renée. Il
l'apprend au moment même où la signature de celle-ci lui
est nécessaire pour parachever l'uvre entreprise. Comme
il ne veut pas se condamner à la ruine en chassant l'épouse
incestueuse, il feint de ne pas comprendre, s'empare de J'acte par surprise
et marie le jeune Maxime à une riche héritière,
Louise de Mareuil, dont il convoitait depuis longtemps le million de
dot pour ses spéculations futures. En 1860, Saccard a été
décoré à la suite d'un service mystérieux
rendu au préfet de la Seine [149]. (La Curée.)
Cousin de Lisa Macquart, il a été
désigné comme subrogétuteur de la petite Pauline
Quenu [26]. Il écrit aux Chanteau diverses lettres réclamant
des comptes [103] et consent à l'émancipation de la jeune
fille après trois visites de madame Chanteau, qui a flatté
son goût des grandes affaires en lui apportant une idée
superbe: l'accaparement des beurres du Cotentin [117]. (La Joie de vivre.)
En octobre 1861, une suite d'affaires désastreuses
l'ont obligé à liquider sa situation, à vendre
l'hôtel du pare Monceau. Toujours affamé, inassouvi toujours,
il se retrouve sur le pavé de Paris, en relations avec la princesse
d'Orviedo qui, pendant quelque temps, a fait de lui le préfet
de ses charités, l'a transformé en une sorte de petit
manteau bleu, adoré et béni, et a consenti à lui
louer un rez-de-chaussée dans son hôtel de la rue Saint-Lazare.
Saccard a cinquante ans, mais l'âge n'ayant pas mordu sur sa petite
personne, il n'en parait guère que trente-huit ; il garde une
maigreur, une vivacité de jeune homme; même, avec les années,
son visage noir et creusé de marionnette, au nez pointu, aux
minces yeux luisants, s'est comme arrangé, a pris le charme de
cette jeunesse si persistante, si souple, si active, les cheveux touffus
encore, sans un fil blanc [6].
De nouveau, il cherche la chance, il rêve
non plus la richesse menteuse de la façade, mais l'édifice
solide de la fortune, la vraie royauté de l'or trônant
sur des sacs pleins [7]. Son effréné besoin de revanche
lui inspire un désir chimérique : abattre Gundermann,
le banquier-roi, ce juif contre lequel il a l'antique rancune de race,
au point que lui, le terrible brasseur d'affaires, le bourreau d'argent
aux mains louches, perd la conscience de lui-même dès qu'il
s'agit d'un juif, en parle avec âpreté, avec des indignations
vengeresses d'honnête homme, vivant du travail de ses bras, pur
de tout négoce usuraire [92]. Irrésistiblement attiré
vers la Bourse, il va y entrer bientôt en triomphateur.
Un hasard de voisinage l'a mis en relations
avec l'ingénieur Hamelin, à qui un long séjour
en Orient a inspiré une série de projets, la conquête
de la Méditerranée, la mise en valeur de la Palestine,
la libération des Lieux-Saints, idées grandioses d'où
sortira, grâce à l'ardente imagination de Saccard, la Banque
Universelle, destinée d'abord à féconder l'uvre
d'Hamelin, mais surtout à exterminer la banque juive [59]. L'adhésion
du capitaliste Daigremont assure les concours indispensables ; le marquis
de Bohain, Sédille, Huret, Kolb entrent dans le syndicat; Sabatani
est le prête-nom nécessaire au jeu des actions; on achète
une feuille catholique, l'Espérance, où Jantrou fera des
articles politiques favorables et hostiles tour à tour au ministre
Rougon, et où de savantes annonces subjugueront les souscripteurs
pieux; on achète aussi la Cote financières, qui séduira
les rentiers crédules. Une immense publicité s'organise.
On aura les gros capitaux et les économies ramassées sou
à sou, les Beauvilliers, les Maugendre et les Dejoie.
Saccard sait combattre les scrupules des Hamelin,
l'ingénieur et sa sur Caroline, trop honnêtes pour
goûter pleinement la saveur de ses conceptions hardies. il célèbre
les vertus de la spéculation; c'est l'appât, même
de la vie, c'est l'éternel désir qui force à lutter
et à vivre ; elle décuple les énergies; sans elle,
J'existence serait un désert d'une extrême platitude; par
elle, on accomplit des choses vivantes, grandes et belles. Et elle est
nécessaire, malgré ses hontes, qui ne sont au fond que
l'excès indispensable, de même qu'il faut l'appât
de la luxure pour créer beaucoup d'enfants [143].
Les commencements de l'Universelle sont honorables
et corrects, dans l'hostilité de la haute banque ; puis, on double
le capital; Saccard fait un magnifique coup de Bourse après Sadowa;
c'est l'heure d'une de ces poussées folles de la finance qui,
toutes les dix ou quinze années, obstruent et empoisonnent Paris,
ne laissant après elles que des ruines et du sang ; on double
encore le capital ; les illégalités s'accumulent; Saccard
est sans lien ni barrières, allant à ses besoins avec
l'instinct, déchaîné de l'homme qui ne connaît
d'autre borne que son impuissance ; il jette à la fonte les choses
et les êtres pour en tirer de l'argent ; ce bandit du trottoir
financier est aimé d'une adorable femme, madame Caroline, parce
qu'elle le voit actif et brave, créant un monde à travers
tant de folies ; de l'hôtel d'Orviedo, où s'était
d'abord installée l'Universelle, Saccard a transféré
la banque dans un hôtel monumental, rue de Londres; et les clients
sont foudroyés d'admiration et de respect.
La fièvre augmente; plein d'une forfanterie
batailleuse, Saccard se voit le maître ; il déclare la
guerre à son frère, le ministre; il va enfin se poser
en rival de Gundermann, en roi voisin, d'une puissance égale
; c'est une fringale de jouissances; depuis longtemps, il possédait
les bonnes grâces de la baronne Sandorff; maintenant, il achète
deux cent mille francs la gloire de coucher avec madame de Jeumont et
de l'afficher dans un bal officiel, sous l'il amusé du
comte de Bismarck; autour de lui, un concert de bénédictions
monte de la foule heureuse des petits et des grands, les filles enfin
dotées, les pauvres brusquement enrichis, assurés d'une
retraite ; les riches, brûlant de l'insatiable joie d'être
plus riches encore [287]. Le capital social atteint cent cinquante millions,
d'énormes dividendes ont été distribués,
les actions dépassent le cours de trois mille francs.
Mais l'excès même de cette prospérité
doit causer la ruine de l'Universelle ; en une grande journée
dont on parle encore, comme on parle d'Austerlitz et de Marengo [345],
Gundermann qui, depuis longtemps, guettait l'heure propice, détruira
d'un coup cette banque catholique, minée si profondément
par les imprudences de Saccard. Et celui-ci fait une belle défense;
jusqu'au bout, il inspire confiance à ses victimes. Définitivement
lâché par le ministre Rougon, dénoncé par
Busch, livré aux vengeances de Delcambre, il est traduit en correctionnelle,
conserve une héroïque attitude devant le tribunal et se
voit condamné à cinq ans de prison et trois mille francs
d'amende, toujours plein, d'ailleurs, de croyance en lui-même.
Son inconscience en arrive à une véritable grandeur.
Pendant les délais d'appel, il quitte
la France et va en Hollande ; il s'y consacre à une affaire colossale
: le desséchement d'immenses marais, tout un petit royaume conquis
sur la mer, grâce à un système compliqué
de canaux [445]. (L'Argent.)
Après la chute de l'Empire, il a osé
rentrer en France, malgré sa condamnation ; des influences nouvelles,
toute une intrigue extraordinaire l'ont remis sur pied [15]. En 1872,
on le retrouve, lancé dans le grand journalisme, brassant des
affaires considérables, devenu directeur de l'Époque,
le journal républicain à gros succès où
l'on publie les papiers des Tuileries [3]. Empressé auprès
de Maxime, dont il a toujours convoité la fortune, il hâte
la fin de l'ataxique en lui envoyant de belles filles, notamment la
petite Rose, qui l'achèvent [315], et il finit par mettre dans
sa poche l'argent et l'hôtel de son fils [384]. Revenu à
son républicanisme originel, Aristide va, par un retour ironique
des choses, protéger son frère Eugène Bougon, qu'il
avait compromis si souvent lorsque le simple député d'aujourd'hui
était vice-empereur [15]. (Le Docteur Pascal.)
Saccard (Madame Aristide).
Voir BÉRAUD DU CHATEL (Renée).
Saccard (Madame Aristide).
Voir SICARDOT (Angèle).
Saccard (Charles)
(1). Fils de Maxime Rougon, dit Saccard, et de Justine Mégot.
Sa mère, femme de chambre de Renée, a été
séduite par le jeune Maxime, alors âgé de dix-sept
ans. L'enfant et la mère sont envoyés à la campagne,
avec une petite rente de douze cents francs [119]. (La Curée.)
A quinze ans, il vit à Plassans, chez
sa mère, mariée à un bourrelier du faubourg, Anselme
Thomas. Charles est un dégénéré qui reproduit,
à trois générations de distance, sa trisaïeule,
la vieille Adélaïde Fouque enfermée aux Tulettes.
Il paraît à peine douze ans et il en est resté à
l'intelligence balbutiante d'un enfant de cinq ans. Ses grands yeux
clairs sont vides, sa beauté inquiétante a une odeur de
mort, ce n'est qu'un petit chien vicieux qui se frotte aux gens, pour
se caresser, et qu'on a dù renvoyer du collège dès
les premiers mois, sous J'accusation de vices inavouables [63]. Il y
a en lui un relâchement des tissus dû à la dégénérescence;
le moindre froissement détermine une hémorragie.
Sa mère adore ce bel enfant à
la royale chevelure blonde, mais il est détesté du mari
et vit le plus souvent chez les Rougon, habillé par son arrière-grand'mère
Félicité qui souffre devant ce rejeton épuisé
de sa race, le comble de bijoux et le vêt de velours noir soutaché
d'une ganse d'or, tel qu'un jeune seigneur d'autrefois [229]. Il se
plait en la compagnie de la vieille Adélaïde Fouque, avec
qui il a une ressemblance physique extraordinaire. Et c'est là,
dans l'Asile des Tulettes, sous les yeux fixes de l'ancêtre, que
cet enfant, pris d'un dernier saignement de nez, meurt sans une secousse,
épuisé comme une source dont l'eau s'est écoulée,
pareil à mi de ces petits dauphins exsangues qui n'ont pu porter
l'exécrable héritage de leur race [249.]. (Le Docteur
Pascal.)
(1) Charles Rougon, dit Saccard, né
en 1857, meurt d'une hémorragie nasale, en 1873. [Hérédité
en retour sautant trois générations. Ressemblance physique
et morale d'Adélaïde Fouque. Dernière expression
de l'épuisement d'une race]. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Saccard (Clotilde)
(1). Fille d'Aristide Rougon, dit Saccard, et d'Angèle
Sicardot. Née à Plassans en 1847, elle avait quatre ans,
lorsque ses parents l'ont emmenée à Paris, Angèle
ayant refusé de se séparer de cette enfant [52]. En 1854,
la petite Clotilde assiste à la mort de sa mère et, trois
jours après, on la confie à une vieille dame qui se rend
dans le Midi et qui la ramène à son oncle Pascal [76].
(La Curée.)
Chez le docteur Pascal, elle a vécu
librement. A l'âge ingrat, de douze à dix-huit ans, elle
a paru trop grande, dégingandée, montant aux arbres comme
un garçon, puis en elle s'est dégagée une fine
créature de charme et d'amour, élancée, la taille
mince, la gorge menue, le corps souple. Elle a des cheveux blonds et
coupés court, un exquis et sérieux profil, le front droit,
l'il bleu ciel, le nez fin, le menton ferme; sa nuque est d'une
fraîcheur de lait sous l'or des frisures folles. A vingt-cinq
ans, elle reste enfantine et en parait à peine dix-huit [2].
Elle n'a appris qu'à lire et à
écrire; elle se fait ensuite une instruction assez vaste, en
aidant son oncle qui l'emploie volontiers comme secrétaire et
pour qui elle dessine des planches destinées à illustrer
ses ouvrages [5]. En cette jeune fille, on retrouve l'influence maternelle
par ses qualités féminines, comme par sa préoccupation
du mystère et son inquiétude de l'inconnu ; mais la principale
empreinte héréditaire lui vient de son grand-père,
le commandant Sicardot, homme de droiture et d'énergie. Il lui
a donné le meilleur de son être, le courage de la lutte,
la fierté et la franchise [134].
En Clotilde, les instincts mystiques se sont
développés sous l'action de la servante Martine qui l'a
beaucoup menée à l'église, lui communiquant un
peu de sa flamme dévote, sans que Pascal, d'esprit large et tolérant,
ait rienfait pour combattre ce besoin de croire. L'aveugle foi religieuse
accomplit ses ravages : Clotilde, qui a pourtant, suivant le mot de
son oncle, une bonne petite caboche ronde, nette et solide, ne peut
pas vivre sans illusion et sans mensonge, le mystère la réclame
et l'inquiète. Elle voudrait convertir Pascal, elle rêve
de détruire la pensée de son maître, d'anéantir
des uvres qui blessent sa foi catholique, elle va se faire la
complice inconsciente des lâches desseins de sa grand'mère
Félicité Rougon, lorsque, par le docteur au moment où
elle pillait les manuscrits, elle est domptée sous son autorité
virile et jetée brusquement en présence des faits, de
la vérité nue, de l'exécrable réalité
qui révolutionnera son être et lui donnera une terrible
leçon de vie [l14].
Pascal a reconquis Clotilde; la révoltée,
l'ennemie d'hier est redevenue l'élève soumise d'autrefois,
elle a cessé d'aller à l'église et bientôt
la mystique est définitivement vaincue par l'amour connu et satisfait.
Les belles idylles de la Bible, le roi David et Abisaïg, Abraham
et Agar, Ruth et Booz vont renaître entre le vieux maître
et sa blonde servante. Mais les scrupules de Pascal mettent fin à
cette joie délicieuse, il ne veut pas sacrifier l'adorable jeunesse
de Clotilde à sa stérilité de vieillard et, par
une fatalité lamentable, il meurt seul, loin d'elle, à
l'heure même où elle accourt, portant en son sein l'enfant
qui va naître. (Le Docteur Pascal.)
(1) Clotilde Rougon, dite Saccard, née
en 1847 ; a, en 1874, de son oncle Pascal, un fils. [Élection
de la mère. Hérédité en retour, avec prédominance
morale et physique de son grand-père maternel, le commandant
Sicardot]. Vit encore à Plassans. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Saccard (Maxime) (1).
Fils d'Aristide Bougon, dit Saccard, et d'Angèle Sicardot.
Père de Charles. Il est né en 18140 à Plassans.
Enfance terne, dans la médiocrité du ménage paternel.
Semble avoir été assez mal élevé, car son
grand-oncle, Antoine Macquart, se plaint que le mioche lui tire la langue
chaque fois qu'il le rencontre [176]. Sa grand'mère Félicité
Rougon le fait entrer au collège et paye secrètement sa
pension [78]. (La Fortune des Rougon.)
Il reste à Plassans jusqu'en 1855 et,
sa cinquième achevée, va rejoindre à Paris son
père, alors remarié à Renée Béraud
Du Châtel. A quinze ans, c'est un grand galopin fluet, à
figure de fille, l'air délicat et effronté, d'un blond
très doux [107]. Il termine ses études au lycée
Bonaparte et vit dans l'intimité de sa belle-mère, jeune
femme à la mode, qui joue avec lui à la petite maman.
Il a vite fait de s'émanciper, adorant se perdre dans les jupes,
dans la poudre de riz, se glissant autour des belles mondaines, amusées
par son air de fille [118].
A dix-sept ans, c'est un jeune homme mince
et joli, aux cheveux bouclés, en qui la race des Rougon est devenue
délicate et vicieuse. Né d'une mère trop jeune,
molle et abandonnée, et d'un père aux furieux appétits,
il est un produit défectueux, sans personnalité, mais
avide de jouissance, uniquement apte à dévorer les fortunes
édifiées par d'autres. Joli et lâche, il aime le
plaisir sans fatigue, avec une passivité de fille [134].
Pour son début, Maxime a séduit
la femme de chambre de Renée, Justine Mégot, et lui a
fait un enfant ; il fréquente l'entresol de sa tante, la complaisante
Sidonie Rougon, fait la noce à côté de son père
dans les restaurants de nuit, s'offre le luxe d'une maîtresse,
la petite actrice Sylvia, et continue à vivre dans la plus entière
familiarité avec sa jeune belle-mère, l'amusant par des
détails infimes sur les demoiselles haut cotées, traitant
en camarade et en complice cette inassouvie qui cherche un frisson nouveau.
Un beau soir, il accepte l'inceste, sans l'avoir voulu ni prévu,
uniquement parce que Renée le lui a imposé [205]. Il sort
d'ailleurs avec la plus parfaite aisance de ce drame où sa veulerie
n'a vu qu'un moyen de se faire entretenir [319] et il se laisse marier
par son père à une petite bossue, Louise de Mareuil, qui
lui apporte la jolie dot d'un million. Bientôt veuf, il va vivre
en garçon dans un bel hôtel de l'avenue de l'Impératrice
et il fait courir [337]. (La Curée.)
Il a organisé sa vie avec un sage et
féroce égoïsme, mangeant la fortune de la morte,
sans une faute, en garçon de faible santé que le vice
a précocement mûri [45]. Il a abandonné depuis longtemps
son idée d'entrer au Conseil d'État, il ne fait même
plus courir, les chevaux l'ayant rassasié comme les filles. Avec
son aplomb d'homme d'expérience, il a gardé son ancien
rire perlé de demoiselle, mais il a déjà des rhumatismes
[130]. Son petit hôtel de l'avenue de l'Impératrice est
installé avec un raffinement exquis de luxe et de bien-être;
c'est joli, tendre et discret. Et Maxime vit seul, oisif, parfaitement
heureux, d'une férocité de beau fils pervers et entretenu,
devenu sérieux [164]. Après la débâcle de
l'Universelle, il va s'installer à Naples pour fuir l'ennui de
voir son père passer en correctionnelle [418]. (L'Argent.)
Après la guerre, on le trouve réinstallé
dans son hôtel de l'avenue du Bois-de-Boulogne, où il mange
la fortune que lui a laissée sa femme; il est devenu prudent,
d'une sagesse d'homme atteint dans ses mlles, rusant avec la paralysie
menaçante [15]. A trente-trois ans, la face s'est creusée,
les cheveux s'éclaircissent, semés de fils blancs; il
garde sa tète jolie et fine, d'une grâce inquiétante
de fill jusque dans décrépitude précoce [65]. Se
voyant infirme, cloué dans un fauteuil, ayant peur de la solitude,
rêvant d'être aimé, choyé, défendu,
il a obtenu que sa sur Clotilde quitte Plassans et vienne le rejoindre
à Paris; mais, dans sa continuelle inquiétude d'être
exploité et dévalisé, il commence bientôt
à la prendre en méfiance, comme toutes les personnes qui
e servent; il la torture par ses exigences d'enfant gâté
et de malade. Son père, qui voudrait hâter l'héritage,
lui envoie une jolie fille, la jeune Rose, qui achève bientôt
ce vicieux, resté friand de petites femmes. Maxime finit par
mourir ataxique, à trente-trois ans [341]. (Le Docteur Pascal.)
(1) Maxime Rougon, dit Saccard, né
en 1840; a un fils, d'une servante, Justine Mégot, chlorotique,
fille d'alcooliques; épouse, en 1863, Louise de Mareuil, qu'il
perd la même année et dont il n'a pas d'enfants; meurt
ataxique en 1873. [Mélange dissémination. Prédominance
morale du père et ressemblance physique de la mère]. Oisif,
mangeur de fortunes faites. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
Saccard (Madame Maxime).
Voir MAREUIL (Louise de).
Saccard (Victor)
(1). Fils naturel d'Aristide Rougon, dit Saccard, et de Rosalie
Chavaille. Né en 1853. A été élevé
dans la cité de Naples, chez la Méchain, petite-cousine
de sa mère. Celle-ci se prostituait en sa présence avec
des hommes, il vivait sur les fortifications et faisait avec les petites
filles ce qu'il voyait faire chez lui.
A douze ans, sa ressemblance avec Aristide
Saccard est extraordinaire ; il paraît prodigieusement développé
pour son âge, pas très grand, trapu, entièrement
formé, déjà poilu, ainsi qu'une bête précoce
; les yeux hardis, dévorants, la bouche sensuelle, sont d'un
homme. Il a toute une moitié de la face plus grosse que l'autre,
le nez tordu à droite, la tête comme écrasée
sur la marche où sa mère, violentée, l'a conçu.
Il ne sait pas écrire, à peine lire. De sa face d'enfant
mûri trop vite, ne sortent que les instincts exaspérés
de sa race, une hâte, une violence à jouir , aggravées
par le terreau de misère et d'exemples abominables, dans lequel
il a grandi [169].
Ce gamin de douze ans, ce petit monstre couche
avec la mère Eulalie, une femme de quarante ans, ravagée
et malade, qu'il appelle sa femme [162]. Un chantage organisé
contre Aristide Saccard par Busch et la Méchain aboutit au placement
de Victor à l'uvre du Travail. Dans une cruelle réminiscence
de l'acte de son père, prenant la misérable Rosalie sur
une marche et lui démettant l'épaule au moment de la conception
[407], Victor Saccard se jette comme un jeune fauve sur Alice de Beauvilliers,
la viole et s'enfuit de l'Asile. On perd sa trace. (L'Argent.)
En 1873, il n'a point reparu, rôdant
dans l'ombre du crime, puisqu'il n'est pas au bagne, lâché
par le monde, à l'avenir, à l'inconnu de l'échafaud
[128]. (Le Docteur Pascal.)
(1) Victor Rougon, dit Saccard, né
en 1853. [Mélange soudure. Ressemblance physique du père].
Disparu. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
Saffré (de).
Secrétaire du ministre Eugène Rougon, charmant
jeune homme, le sceptique et le viveur le plus aimable du monde. Devenu
amoureux de Renée Saccard, qu'il avait rencontrée sans
la reconnaître au bal masqué de Blanche Müller [167],
il subit ses refus, s'en console avec la petite madame Michelin [192]
et plus tard s'enflamme pour la comtesse Vanska [344]. (La Curée.)
Saget (Mademoiselle).
Petite vieille habitant, depuis quarante ans, rue Pirouette,
la même maison que les Méhudin. A dit un jour qu'elle est
née à Cherbourg, on ignore tout le reste. C'est une mauvaise
langue extraordinaire, redoutée de tout le quartier. Elle s'est
logé dans la tète l'histoire complète des maisons,
des étages, des gens. Longtemps, Florent reste pour elle un mystère
qui la mine, car il y a là une intolérable lacune dans
sa connaissance des faits et gestes de tous. Elle se livre aux machinations
les plus savantes, brouillant et réconciliant les gens, se répandant
en potins venimeux qui se colportent à tous les coins dés
Halles. Pour obtenir quelques aliments gratis, elle flatte les colères
et les passions des marchandes et voue une violente haine à
Gavard, parce qu'il l'a vue achetant des rogatons et qu'il a colporté
partout cette humiliante nouvelle. Un mot soutiré à la
petite Pauline Quenu lui apprend enfin le passé de Florent, elle
tient alors sa vengeance contre l'insolent Gavard et contre ce forçat
qui avait osé l'intriguer si longtemps. Mademoiselle Saget devient
la cheville ouvrière de la dénonciation, surexcitant Lisa,
madame Lecur et les autres, écrivant elle-même à
la préfecture et assistant, dans une triomphante joie, à
l'arrestation des deux conspirateurs. La Sarriette qu'elle a suivie
chez Gavard la récompense de son zèle par un don de cinquante
francs [347]. (Le Ventre de Paris.)
Saint-Firmin (Oscar
de). Personnage de la Petite Duchesse, pièce de
Fauchery, jouée aux Variétés. Cousin de la duchesse
Hélène, c'est lui qui l'a introduite chez la blonde Géraldine,
espérant la débaucher [312]. Le rôle est confié
à Prullière. (Nana.)
Saint-Germain (Mademoiselle
de). Possédait rue Saint-Lazare un hôtel
princier qui, après sa mort, est devenu l'hôtel d'Orviedo
[46]. (L'Argent.)
Saints-Anges (La Mère
des). Supérieure du couvent de la Visitation, à
Clermont. A sauvé du cloître Christine Hallegrain, qui
n'avait pas la vocation religieuse, et l'a placée à Paris,
comme lectrice, chez madame de Vanzade [121]. (L'uvre.)
Salmon.
Habitué de la Bourse. C'est un très bel homme, lattant
contre la cinquantaine, étalant une barbe superbe, d'un noir
d'encre. Il passe pour un gaillard extraordinairement fort. Jamais il
ne parle, il ne répond que par des sourires ; on ne peut savoir
dans quel sens il joue, ni même s'il joue [3]. (L'Argent.)
Salneuve (de).
Homme considérable du second Empire; a été
gagné par Clorinde à la cause d'Eugène Bougon [291].
(Son Excellence Eugène Rougon).
Sambuc (Guillaume).
Terrible chenapan, digne fils d'une famille de bûcherons
qui a mal tourné, le père ivrogne, trouvé un soir
la gorge coupée, au coin d'un bois, la mère et la fille
mendiantes et voleuses, tombées à quelque maison de tolérance;
lui braconne et fait la contrebande ; son frère Prosper est le
seul petit de cette portée de loups qui ait grandi honnête.
Pendant la guerre de 1870, Guillaume appartient à une de ces
compagnies franches qui devaient faire la guerre d'embuscade, tuer les
sentinelles de l'ennemi, tenir les bois d'où pas un Prussien
ne sortirait, et qui devinrent vite la terreur des paysans, qu'elles
défendirent mal et dont elles ravagèrent les champs. Il
est le sergent d'un groupe de francs-tireurs dissimulés dans
les bois de Dieulet. Grand et maigre, avec une épaisse barbe
en broussaille, il porte une blouse grise, serrée à la
taille par une ceinture rouge [l39].
C'est lui qui, dans la soirée du 29
août, fournit inutilement au général Bourgain-Desfeuilles
de précieux renseignements sur la marche de l'ennemi à
travers les bois, mouvement qui va entraîner la surprise de Beaumont.
Plus tard, pendant l'occupation, Guillaume et ses hommes rôdent
la nuit par les routes, tuent et dévalisent les Prussiens qu'ils
peuvent surprendre, se rabattent sur les fermes et les rançonnent
quand le gibier ennemi vient à manquer. Parcourant le pays en
tous sens, ils sont devenus les pourvoyeurs du père Fouchard,
dont ils reçoivent des fournées de pain, en échange
des bêtes crevées qu'ils lui procurent pour l'approvisionnement
des troupes allemande [521]. Comme les francs-tireurs ont une haine
particulière contre Goliath Steinberg, qui leur fait une chasse
dangereuse, Guillaume, sur l'indication de Silvine Morange, organise
un guet-apens contre l'espion, s'empare de lui avec l'aide de Cabasse
et de Ducat, l'étend ligotté sur une table et lui ouvre
la gorge en faisant lentement couler le sang dans un haquet [538]. Le
corps jeté dans la Meuse est retrouvé par les Prussiens,
et, à partir de ce moment, les francs-tireurs, traqués
comme des fauves, ne reparaissent plus [565]. (La Débâcle.)
Sambuc (Prosper). Frère de Guillaume.
De nature laborieuse et docile, il a, par haine de la forêt, voulu
être garçon de ferme. Puis, tombé au sort, incorporé
aux chasseurs d'Afrique, il est devenu ordonnance d'officier. Prosper
a une longue face sèche, des membres souples et forts, d'une
adresse extraordinaire. Il aime la vie d'Afrique, cette existence d'imprévu
et d'aventures, cette guerre d'escarmouches, si propre à l'éclat
de la bravoure personnelle, amusante comme la conquête d'une île
sauvage, égayée par les razzias, les petits vols des chapardeurs,
dont les bons tours légendaires font rire jusqu'aux généraux
[70]. 11 était là-bas depuis trois ans lorsque éclate
la guerre de 1870.
Envoyé en France, il a entrevu les
batailles sous Metz et, à Gravelotte, au moment d'entrer en ligne,
son corps a été désigné pour former l'escorte
de l'empereur, qui filait sur Verdun en calèche. On a fait quarante-deux
kilomètres au galop, avec la peur, à chaque instant, d'être
coupé par les Prussiens [70]. Sous Metz, Prosper n'a vu que quatre
uhlans, derrière une haie [98] dans la marche vers Montmédy,
il n'aperçoit (lue deux uhlans encore, des bougres qui apparaissent
et disparaissent, sans qu'on sache d'où ils sortent ni où
ils rentrent, formant un mouvant rideau derrière lequel l'infanterie
dissimule ses mouvements et marche en toute sécurité,
alors que les Français ne savent pas utiliser leurs chasseurs
et leurs hussards, systématiquement laissés hors du contact
de l'ennemi [99]. Son régiment appartient à une division
de la cavalerie de réserve, commandée par le général
Margueritte, dont Prosper ne parle qu'avec une tendresse enthousiaste
[70].
A Sedan, le chasseur d'Afrique pleure devant
son cheval épuisé par la faim [178], ce vieux Zéphir
qu'il aime plus que tout au monde. Dans les marches et contremarches,
de vallons en vallons, autour du plateau d'Illy, où errent les
escadrons, précieux et inutiles, Prosper tombe de sommeil ; c'est
la grande souffrance, les nuits mauvaises, la fatigue amassée,
une somnolence invincible au bercement du cheval; pendant des minutes,
malgré l'effroyable fracas de la bataille, il s'endort réellement
sur sa selle, il n'est plus qu'une chose en marche, emportée
au hasard du trot [318]. Puis, voici l'heure héroïque. Le
général Margueritte est blessé à mort en
allant reconnaître le terrain, ses cinq régiments vont
s'élancer furieusement pour le venger [320]. Prosper se trouve
au premier rang, presque à l'extrémité de l'aile
droite. Après plusieurs charges, il tombe sous son cheval, sa
hanche droite est comme écrasée, il perd connaissance.
Revenu à lui vers la fin du jour, il
réussit à se dégager, gagne les bois, atteint péniblement
la frontière belge, puis, ayant troqué son uniforme contre
des vêtements de paysan, bien déterminé à
ne plus combattre, puisque la cavalerie ne sert absolument à
rien et que son pauvre Zéphir est mort, il décide de se
remettre à la terre et rentre à Remilly où le père
Fouchard l'accepte comme garçon de ferme [411]. (La Débâcle.)
Sandorff (Baron).
Conseiller à l'ambassade d'Autriche. A épousé
mademoiselle de Ladricourt, qui a trente-cinq ans de moins que lui et
qui l'a positivement rendu fou, avec ses regards de feu [22]. Il est
très ladre [24]. (L'Argent.)
Sandorff (Baronne).
Fille du comte de Ladricourt. Celui-ci étant mort ruiné,
elle a dû se résoudre à épouser le vieux
baron Sandorff. La baronne a une tète brune très étrange,
des yeux noirs brûlants sous des paupières meurtries, un
visage de passion à la bouche saignante et que gâte seulement
un nez trop long. Elle semble fort jolie, d'une maturité précoce
pour ses vingt-cinq ans, avec son air de bacchante habillée par
les grands couturiers. Elle joue à la Bourse, c'est une joueuse
âpre, enragée. Aux jours de crise, on la voit, dans sa
voiture, guettant les cours, prenant fiévreusement des notes
sur son carnet, donnant des ordres [22]. Apre au jeu, elle soulève
toutes sortes de chicanes lorsqu'elle vient payer ses différences
à la charge Mazaud [89].
L'avarice de son mari l'a amenée à
prendre un amant, le procureur général Delcambre; cette
liaison est pour elle une corvée abominable. Son indifférence
sensuelle, le mépris secret où elle tient l'homme, se
montrent parfois en une lassitude blême, sur son visage de fausse
passionnée, que l'espoir du gain enflamme seul [128]. Et cette
fille de sang noble, cette femme de diplomate, saluée très
bas par la colonie étrangère de Paris, se promène
en solliciteuse louche chez tous les gens de finance. Il y a, dans la
passion du jeu, un tel ferment désorganisateur que cette créature
de belle race deviendra une loque humaine, un déchet balayé
au ruisseau. Elle cède à Saccard, ainsi qu'une fille,
voulant pour salaire des renseignements de Bourse; elle lui donne des
caresses dépravées, le traitant comme un fétiche,
un objet qu'on baise, même malpropre, pour la chance qu'il vous
porte [229] ; elle va ensuite s'offrir au vieux Gundermann et, roulant
toujours de plus en plus bas, par les lois mêmes de la chute,
elle tombe jusqu'à Jantrou, cet ancien laquais, perdu d'alcool
et de vices, sur qui elle compte pour rattraper son argent perdu dans
l'Universelle, et qui la bat avec une brutalité de cocher [390].
(L'Argent.)
Sandoz père.
Un Espagnol réfugié en France à la suite
d'une bagarre politique. A installé près de Plassans une
papeterie où fonctionnaient des engins de son invention. Est
mort, abreuvé d'amertume, traqué par la méchanceté
locale, en laissant à sa veuve une situation si compliquée,
toute une série de procès si obscurs, que la fortune entière
a coulé dans le désastre [35]. (L'uvre.)
Sandoz mère (Madame).
Une Bourguignonne. Cédant à sa rancune contre les
Provençaux qui ont fait mourir son mari, souffrant d'une paralysie
lente dont elle les accuse aussi d'être la cause, elle s'est réfugiée
à Paris avec Pierre, son fils, qui la fait vivre, grâce
à un maigre emploi [35]. Rue d'Enfer, clouée par la souffrance,
elle habite une chambre sur le même palier que lui, et se cloître
là en une solitude chagrine et volontaire [75], entourée
de tendres soins. Plus tard, Pierre Sandoz, marié, gagnant plus
largement sa vie, s'est installé dans un petit pavillon de la
rue Nollet et c'est là, dans la douce intimité d'une existence
à trois, que madame Sandoz a vécu ses dernières
années [415]. (L'0Euvre.)
Sandoz (Pierre).
Un grand romancier, dont la jeunesse s'est écoulée à
Plassans. Au collège, Claude Lantier, Dubuche et lui étaient
les trois inséparables; ils ont usé ensemble, en huitième,
leur première culotte. Hors du collège, Dubuche, qui était
pensionnaire, ne se joignait aux deux autres que les jours de vacances.
Claude et Pierre, eux, ont été sauvés de l'engourdissement
du milieu par leur amour des grandes marches à des lieues de
Plassans, par la fringale de lecture qui les a entraînés
vers la passion et les larmes de Musset après le décor
énorme d'Hugo, par leur dédain des joies provinciales,
de la partie de dominos sans cesse recommencée, de la même
promenade à la même heure sur la même avenue; ils
ont même banni la femme, érigeant leurs timidités
en une austérité de gamins supérieurs [42]. A Paris,
Sandoz, employé à la mairie du cinquième arrondissement,
bureau des naissances, gagne cent cinquante francs par mois; il est
cloué là par la nécessité de nourrir sa
mère, qu'il aime tendrement.
A vingt-deux ans, il est très brun,
il a la tète ronde et volontaire, le nez carré, les yeux
doux, dans un masque énergique encadré d'un collier de
barbe naissante [31]. Hanté de gloire littéraire, il publie
un premier livre, suite d'esquisses aimables, rapportées de Plassans,
parmi lesquelles, ça et là, quelques notes plus rudes
indiquent le révolté, le passionné de vérité
et de puissance. Il habite, rue d'Enfer, un petit logement du quatrième,
dont les fenêtres donnent sur le vaste jardin des Sourds-Muets,
dominé par la tète arrondie d'un grand arbre et le clocher
carré de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. C'est là qu'il reçoit
chaque jeudi ses condisciples de Plassans, Claude, Dubuche et avec eux
Fagerolles, Mahoudeau, Jory, Gagnière, retrouvés à
Paris, tous animés de la même passion de l'art; le grand
peintre Bongrand vient parfois se réchauffer à cette jeunesse.
Même aux heures de misère, Sandoz a toujours un pot-au-feu
à partager avec les camarades; ce sont des dîners simples,
de longues soirées, arrosées de thé ; cela l'enchante
d'être en bande, tous amis, tous vivant de la même idée.
Bien qu'il soit de leur âge, une paternité l'épanouit,
une bonhomie heureuse, quand il les voit chez lui, autour de lui, la
main dans la main, ivres d'espoir [99]. À cette heure de leur
Nie, la sève fermente en eux ils débordent de dévouement,
ils recommencent l'éternel rêve de s'enrégimenter
pour la conquête de la terre, chacun donnant son effort, celui-ci
poussant celui-là, la bande arrivant d'un bloc, sur le même
rang; c'est la belle folie des vingt ans, le dédain du monde
entier, la seule passion de l'uvre, dégagée des
infirmités humaines [108].
Ayant soif de besognes géantes, Sandoz
conçoit le projet d'une genèse de l'univers, en trois
phases, dont la dernière, l'avenir, le refroidit par ses hypothèses
hasardeuses. Il cherche un cadre plus resserré, plus humain,
où il fera tenir pourtant sa vaste ambition; né au confluent
d'Hugo et de Balzac, s'efforçant d'échapper à l'influence
romantique, il rêve d'étudier l'homme tel qu'il est, l'homme
physiologique déterminé par le milieu, agissant sous le
jeu de tous ses organes; les métaphysiciens le révoltent,
il n'admet pas qu'on se cantonne dans J'étude continue et exclusive
de la fonction du cerveau, sous le prétexte que le cerveau est
l'organe noble, comme si la pensée n'était pas le produit
du corps entier; puisque le mécanisme de l'homme aboutit à
la somme totale de ses fonctions, puisque la physiologie et la psychologie
se sont pénétrées, ces idées nouvelles aboutissent
nécessairement à un nouvel art, à une littérature
neuve qui doit germer dans le prochain siècle de science et de
démocratie. Et Sandoz trouve le coin cherché : il prend
une famille, il en étudie les membres, un à un, d'où
ils viennent, où ils vont, comment ils réagissent les
uns sur les autres; enfin une humanité en petit, la façon
dont l'humanité pousse et se comporte ; d'autre part, il met
ses bonshommes dans une période historique déterminée,
ce qui lui donne le milieu et les circonstances, un morceau d'histoire;,
ce sera une série de bouquins, quinze, vingt bouquins, des épisodes
qui se tiendront, tout en avant chacun un cadre à part, une suite
de romans à se bâtir une maison pour ses vieux jours, s'ils
ne l'écrasent pas. Et la force première de son uvre,
le moyen et le but, ce sera la terre, mère commune, unique source
de la vie, 'l'éternelle terre où circule l'âme du
monde, où toutes les choses s'animent du souffle de tous les
êtres [211].
Il a donné sa démission d'employé,
il se lance dans le journalisme et organise bourgeoisement sa vie. Pour
lui, le mariage est la condition même du bon travail, de la besogne
réglée et solide, pour les grands producteurs modernes;
tout dépend du choix, et il a trouvé dans Henriette celle
qu'il cherchait. Il veut l'existence à trois, entre sa femme
et sa mère, il se sent les reins assez forts pour nourrir tout
son monde. Le ménage s'est installé rue Nollet, au fond
des Batignolles, dans un petit pavillon en contre-bas, au delà
de trois cours, une petite maison de travail et d'espoir, égayée
déjà d'un commencement de bien-être et de luxe.
Le premier roman de la série a paru, il a été accueilli
par un hurlement de la critique; et Sandoz s'étonne seulement
de la profonde inintelligence de ces gaillards, dont les articles bâclés
sur des coins de bureau le couvrent de boue, sans paraître soupçonner
la moindre de ses intentions; au lieu de comprendre ses audaces, on
lui prête des saletés imbéciles, tout se trouve
jeté dans le baquet aux injures : son étude nouvelle de
l'homme physiologique, le rôle tout-puissant rendu aux milieux,
la vaste nature éternellement en création, la vie enfin,
la vie totale, universelle, qui va d'un bout de J'animalité à
l'autre, sans haut ni bas, sans beauté ni laideur; et les audaces
de langage, la conviction que tout doit se dire, qu'il v a des mots
abominables nécessaires comme des fers rouges, qu'une langue
sort enrichie de ces bains de force; et surtout l'acte sexuel, l'origine
et l'achèvement continu du monde, tiré de la honte où
on le cache, remis dans sa gloire, sous le soleil. Dans cette meute
aboyante, il y a plus de niais que de méchants; leur meilleure
invention est d'accuser Sandoz d'orgueil, alors qu'il écrit dans
le tourment, que l'imperfection de son uvre le poursuit jusque
dans le sommeil et qu'il ne relit jamais ses pages de la veille, craignant
de les trouver trop exécrables pour trouver ensuite la force
de travailler [250].
Il a gardé ses jeudis, qui datent de
la sortie du collège, au temps des premières pipes; Henriette
est un camarade de plus; si les humbles menus de la rue d'Enfer ont
fait place à de la bonne cuisine, ce sont bien toujours les mêmes
amis, autour de la table. Mais on les sent transformés, Mahoudeau
aigri de misère, Jory enfoncé dans sa jouissance, Gagnière
plus lointain qu'autrefois, détaché ailleurs, Fagerolles
dégageant du froid malgré sa cordialité, Dubuche
plein de sa nouvelle importance, Claude enfin, le chef accepté
du début, ravagé aujourd'hui d'incertitude. Des vides
paraissent se faire entre eux, la bataille commence, chaque affamé
donne son coup de dent. Et Sandoz seul n'a pas bougé, aussi entêté
dans ses habitudes de cur que dans ses habitudes de travail, immobilisé
par un rêve d'éternelle amitié, des jeudis pareils
se succédant à l'infini, jusqu'aux derniers lointains
de l'âge tous éternellement ensemble, tous partis à
la même heure et arrivés à la même victoire
[254].
Dans la lente rupture qui s'aggrave entre
Claude et ses amis, Sandoz reste fidèle au peintre, tombé
dans la misère et la désespérance; il vient rue
Tourlaque pour le petit Jacques-Louis, son filleul, pour la triste Christine
aussi, dont le visage de passion le remue profondément, comme
une de ces visions de grandes amoureuses qu'il voudrait faire passer
dans ses livres; et surtout, sa fraternité d'artiste augmente,
depuis qu'il voit Claude perdre pied, sombrer au fond de la folie héroïque
de l'art [343]. Lui connaît la lutte, il supporte gaillardement
les attaques et ignore le besoin peu fier de se créer des sympathies;
l'insulte lui paraît saine, c'est une mâle école
que l'impopularité, rien ne vaut, pour vous entretenir en souplesse
et en force, la buée des imbéciles. Il suffit de se dire
qu'on a donné sa vie à une uvre, qu'on n'attend
ni justice immédiate, ni même examen sérieux, qu'on
travaille enfin sans espoir d'aucune sorte, uniquement parce que le
travail bat sous votre peau comme le cur, en dehors de la volonté,
et l'on arrive très bien à en mourir, avec l'illusion
consolante qu'on sera aimé un jour [352].
Un brusque succès se déclare
dans la vente jusque-là pénible de ses livres; le ménage,
comblé de cette richesse s'installe dans un vaste appartement
de la rue de Londres, où le romancier contente d'anciens désirs
de jeunesse, des ambitions romantiques, nées jadis de ses premières
lectures, si bien que cet écrivain, si farouchement moderne se
loge dans un moyen age vermoulu [436]. Sa mère est morte, toute
son existence a été bouleversée, seules les réunions
d'autrefois continuent, moins régulières, toujours fermées
les Sandoz ne racolant pas de clients littéraires et ne muselant
pas la presse à coups d'invitations. Ce sont maintenant des dîners
fins, agrémentés de curiosités gastronomiques.
Mais les vieilles amitiés de la bande n'en sont plus à
la fissure, à la fente à peine sensible que Sandoz n'apercevait
pas, dans ses jeudis de la rue Nollet; ce n'est plus l'ennui vague,
la satiété somnolente qui attristait parfois les anciennes
soirées; c'est maintenant la férocité dans la lutte,
un besoin de détruire. Maboudeau et Gagnière dévorent
Fagerolles, celui-ci a depuis longtemps tiré un égoïste
profit de la haine qu inspire la bande, le lamentable Dubuche a raté
sa vie, Jory arrivé ne donne jamais un coup de main aux camarades,
et ils ne sont tous d'accord que contre Claude, contre ce grand enfant
d'artiste qu'ils accusent de les avoir exploités. C'est le sauve-qui-peut,
les derniers liens qui se rompent, dans la stupeur de se voir tout d'un
coup étrangers et ennemis, après une longue jeunesse de
fraternité. La vie les a débandés en chemin, les
profondes dissemblances apparaissent, il ne leur reste à la gorge
que J'amertume de leur ancien rêve enthousiaste, cet espoir de
bataille et do, victoire côte à côte, qui maintenant
aggrave leur rancune [449].
Et Sandoz voit fuir sa chimère d'éternelle
amitié [451]. C'est la fin de la longue illusion qui lui a fait
mettre le bonheur dans quelques amitiés choisies dès l'enfance,
puis goûtées jusqu'à l'extrême vieillesse.
Et devant l'inconsistance des hommes, des doutes lui viennent sur l'enquête
des siècles à venir; on se console d'être injurié,
nié, on compte sur la justice de la postérité,
on est comme le fidèle qui supporte l'abomination de celte terre,
dans la ferme croyance à une autre vie, où chacun sera
traité selon ses mérites; mais peut-être n'y aura-t-il
pas plus de paradis pour l'artiste que pour le catholique, les générations
futures se tromperont comme la nôtre, continuant le malentendu,
préférant aux uvres puissantes les petites bêtises
aimables [432].
Ce qui le réconforte, c'est de croire
que nous marchons à la raison et à la solidité
de la science. On ne s'est jamais tant querellé, on n'y a jamais
vu moins net, et c'était fatal ; ce siècle qui a fait
déjà tant de clarté, devait s'achever sous la menace
d'un nouveau flot de ténèbres, cet excès d'activité
et d'orgueil devait nous rejeter au doute; on a trop promis, on a trop
espéré, on a attendu la conquête et l'explication
de tout, et l'impatience gronde, le pessimisme lord les entrailles,
le mysticisme embrume les cervelles; c'est une faillite du siècle,
une convulsion dernière du vieil effarement religieux, l'impuissante
révolte du surnaturel sous les grands coups de lumière
de l'analyse, une courte halte de fatigue et d'angoisse. Et devant la
tombe de Claude Lantier, creusée dans la froide banlieue de Saint-Ouen,
en ce plat cimetière de Cayenne où pas une tombe ne parle
d'orgueil ni d'éternité, Pierre Sandoz, encore aveuglé
par les larmes, secoue son désespoir, et, n'attendant ni bonne
foi ni justice, retourne au travail, unique source d'énergie
et de joie. (L'uvre.)
Sandoz (Madame Pierre).
Une orpheline, la simple fille de petits commerçants sans
un sou, mais belle, intelligente [208]. Porte le prénom d'Henriette.
Grands, le visage calme et gai, avec de beaux cheveux bruns. S'occupe
de la cuisine, est fière de certains de ses plats [249]. C'est
elle qui, maintenant, les soirs de réception, va faire sans bruit
des visites discrètes et souriantes à la mère du
romancier [260]. Lorsque, plus tard, le ménage s'installe dans
un vaste appartement delà rue de Londres, Henriette a tout un
petit personnel à diriger, et, si elle ne fait plus les plats
elle-même, elle continue à tenir la maison sur un pied
de chère très délicate, par tendresse pour son
mari, dont la gourmandise est le seul vice [435]. (L'uvre.)
Sanquirino (Duchesse).
Dame de l'aristocratie italienne, installée à Pans.
Elle a fourni au ministre Rougonles plus déplorables renseignements
sur la comtesse Balbi et sa fille Clorinde [63]. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Sans-Pouce.
L'un des chauffeurs de la bande du Beau-François [67]. (La Terre.)
Sapin.
Sergent au 106e; de ligne (compagnie Beaudoin). Homme menu et pincé,
aux grands yeux vagues, à la voix grêle. Fils de petits
épiciers de Lyon. Gâté par sa mère qu'il
a perdue, n'ayant pu s'entendre avec son père, il est resté
au régiment, dégoûté de tout, sans vouloir
se laisser racheter. Puis, pendant un congé, il s'est mis d'accord
avec une de ses cousines, se reprenant à l'existence, faisant
l'heureux projet de tenir un commerce, grâce aux quelques sous
que la demoiselle doit apporter. Il a de l'instruction, l'écriture,
l'orthographe, le calcul; depuis un an, il ne vit plus que pour la joie
de cet avenir. Mais, dès l'arrivée à Sedan, il
a lu son malheur à l'horizon de cette ville inconnue [179], il
est sûr d'être tué le lendemain. Et le 1er septembre,
sur le plateau de l'Algérie, plein de son idée fixe, répétant
d'un air calme qu'il va être tué, le sergent Sapin a le
ventre ouvert par un obus qu'il a vu venir trop tard, pour l'éviter;
il dit simplement : « Ah voilà ! » et sa petite figure,
aux grands yeux bleus, n'est que profondément triste, sans terreur
[248]. (La Débâcle.)
Sapin (La).
Vieille sorcière de Magnolles. Pratique l'avortement et enseigne
des moyens magiques pour supprimer les grossesses [442]. (La Terre.)
Sarriet (Madame).
Sur de madame Lecur et de madame Gavard. Mère
de la Sarriette. Elle a envoyé un jour sa fille à madame
Lecur, sans plus s'en occuper [76]. (Le Ventre de Paris.)
Sarriette (La).
Nièce de madame Lecur et de feue madame Gavard.
Marchande de fruits aux Halles. Adorable petite femme brune, à
voix douée et lente, riant toujours, montrant ses dents; elle
a un fichu rouge mal attaché qui laisse voir une ligne blanche
de sa gorge au milieu [16]. Envoyée de la campagne par sa mère,
madame Sarriet, elle a grandi près de sa tante Lecur, au
milieu des Halles [76]. Populacière, avec son visage pâle
de vierge brune, elle a dédaigné les messieurs qui venaient
acheter des fromages uniquement pour la voir, et elle a choisi le beau
Jules, un porteur des Halles, qui, avant ainsi la chance de posséder
une petite femme qui travaille pour deux, se livre aux douceurs de l'oisiveté.
Us habitent ensemble rue Vauvilliers. Les aventures de Gavard font cesser
une brouille survenue entre la nièce et, la tante, mais pendant
que celle-ci prend la vie au tragique, l'amie de Jules reste amusée
de tout, ravie devant les affolants potins de la Saget [280]. Pris dans
une souricière de police, sous les yeux de sa nièce qui
pourrait le sauver d'un mot, Gavard lui a remis une clé de son
appartement, l'autorisant à prendre l'or si elle brûle
les papiers politiques. L'insouciante Sarriette, dominée par
sa tante, partage avec elle les dix mille francs de l'armoire et néglige
de faire disparaître les pamphlets et caricatures, qui vont être
contre Gavard une charge écrasante [345]. (Le Ventre de Paris.)
Sarteur.
Ouvrier chapelier à Plassans. Petit, très brun, le front
fuyant, la face en bec d'oiseau, avec un grand nez et un menton très
court, la joue gauche sensiblement plus grosse que la droite. C'est
un impulsif, enfermé à l'Asile d'aliénés
des Tulettes, où lui-même était venu supplier qu'on
l'internât pour lui éviter un crime [78]. Soigné
par !e docteur Pascal, qui lui fait îles piqûres de substance
nerveuse, Sarteur sort guéri de l'Asile, il est maintenant d'une
raison et d'une douceur parfaites [214]. Mais quelques mois après,
repris par un accès et gardant assez de lucidité pour
lutter encore contre la folie homicide, Sarteur se pend, changeant ainsi
son besoin de meurtre en suicide [320]. (Le Docteur Pascal.)
Satin.
Une amie d'enfance de Nana; allait avec elle à la pension de
mademoiselle Josse, rue Polonceau. A dix-huit ans, c'est une rouleuse
de boulevard. Sous les frisures naturelles de ses beaux cheveux cendrés,
elle a une figure de vierge, aux yeux de velours, doux et candides [30].
Satin a débuté au quartier latin et habite maintenant
rue La Rochefoucauld. Elle est si voyou qu'on s'amuse à la faire
causer. L'argent la laisse indifférente; quand elle a un béguin,
elle s'en fait crever [273]. Les gens chics la dégoûtent;
aux avances du marquis de Chouard, elle répond en allant rejoindre
un ancien à elle, un pâtissier, qui lui a déjà
donné toute une semaine d'amour et de gifles [177]. Longtemps,
elle a couché avec un inspecteur des murs pour que la police
la laissât tranquille; à deux reprises, il avait empêché
qu'on ne la mit eu carte. Elle Finit par se laisser surprendre dans
un petit hôtel meublé de la rue de Laval et Nana, qui était
avec elle, réussit à se sauver [303]. Satin fréquente
la table d'hôte de LaurePiédefer; c'est elle qui initie
Nana aux plaisirs des habituées et dés lors, Nana y prend
goût, Satin devient son vice. s'installant chez elle, lâchant
en sa faveur madame Robert et peu à peu régentant toute
la maison. Disparue dans une foucade, elle va mourir à Lariboisière
[500]. (Nana.)
Saucisse (Le Père).
Vieux paysan de Rognes. On dit que c'est un des anciens amoureux
do la Grande [391]. Il ne possède qu'un arpent de terre et a
su se faire une rente viagère de quinze sous par jour en vendant
son bien au père Fouan. Pour duper le vieux, il a feint d'être
très malade [336]. Plus tard, terrorisé par Buteau, il
consent à rompre l'engagement et rembourse même la moitié
des sommes acquises. Et il se tait, par une vanité de gueux,
qui ne veut pas avoir été roulé à son tour
[426]. (La Terre.)
Sauvagnat.
Un ami de Pluchart. Habite Marchiennes [273]. (Germinal. )
Sauvagnat.
Chef de dépôt à la gare du Havre. Occupe près
du dépôt des machines une petite maison que sa sur
tient fort salement. Auvergnat, têtu, très sévère
sur la discipline, très estimé de ses chefs, il a eu les
plus gros ennuis au sujet de Philomène, jusqu'au point d'être
menacé de renvoi. Si, maintenant, on la tolère à
cause de lui, il ne s'obstine lui-même à la garder que
par esprit de famille, ce qui ne l'empêche pas, lorsqu'il la surprend
avec un homme, de la rouer de coups, si rudement qu'il la laisse sur
le carreau [81]. (La Bête humaine.)
Sauvagnat (Philomène).
Sur du chef de dépôt. C'est une grande
femme sèche, encore jeune pour ses trente-deux ans, anguleuse,
la poitrine plaie, la chair brûlée de continuels désirs:
elle a la tête longue, aux yeux flambants, d'une cavale maigre
et hennissante. On l'accuse de boire. Tous les hommes de la gare ont
défilé chez elle. Puis, il y a eu entre Philomène
et le chauffeur Pecqueux une vraie rencontre : elle, assouvie enfin,
au bras de ce grand diable rigoleur; lui, changé de sa femme
trop grasse [81]. Longtemps, elle a été en mauvais termes
avec Séverine Roubaud, contre qui elle soutenait lus prétentions
de madame Lebleu. Mais Pecqueux, pour être agréable à
son mécanicien, a fait cesser la brouille; Philomène,
mêlée à l'amour de Séverine et de Jacques
Lantier, s'est éprise de celui-ci, elle s'est frottée
à lui comme une maigre chatte amoureuse et a fini par l'avoir
[379], excitant en Pecqueux une jalousie sanguinaire [413]. (La Bête
humaine.)
Sauveur (Madame).
grande couturière qui habille madame Desforges. Elle guette les
occasions du Bonheur des Dames, fait des provisions considérables
à chaque exposition, et les écoule en doublant et en triplant
les prix [96]. (Au Bonheur des Dames.)
Sauvigny (de).
Juge au Grand Prix de Paris [409]. (Nana.)
Schlosser.
Spéculateur affiché a la Bourse. Etait secrètement
associé avec Sabatani, tous deux jouant le jeu connu, l'un a
la hausse, l'autre à la baisse sur une même valeur, celui
qui perd en étant quille pour disparaître après
avoir reçu sa part du bénéfice de l'autre [10].
(L'Argent.)
Sédille.
Fabricant de soieries, rue des Jeûneurs. A des ateliers
à Lyon. Face grasse, gros favoris blonds. Vient enfin de faire
de son commerce de soies un des plus connus et des plus solides de Paris,
lorsqu'à la suite d'un incident de hasard, la passion du jeu
se déclare et se propage en lui, avec la violence destructive
d'un incendie. Il regrette d'avoir donné trente ans de sa vie
pour gagner un pauvre million, lorsque, en une heure, par une simple
opération do Bourse, on peut conquérir la fortune. Il
s'est peu à peu désintéressé de sa maison
qui marche par la force acquise, il ne vit plus que dans l'espoir d'un
coup d'agio triomphant. Puis, lorsqu'après deux gains considérables,
la déveine est venue, persistante, il engloutit là tous
les bénéfices de son commerce. C'est, un joueur sans flegme,
sans philosophie, vivant dans le remords, toujours espérant,
toujours abattu, malade d'incertitude, et cela parce qu'il reste honnête
au fond [108]. Daigremont le met dans la Banque Universelle, il fait
partie du conseil d'administration, son sort est bientôt lié
à celui de Saccard et, au jour de la catastrophe, Sédille
foudroyé, déchu, incapable et indigne de reprendre les
affaires, est déclaré en faillite.[394]. (L'Argent.)
Sédille (Gustave).
Fils du fabricant. Grand garçon élégant,
très lancé, pourvu d'argent. Il a été placé
chez l'agent de change Mazaud, pour étudier le mécanisme
des affaires financières, et il prend à l'aise son emploi,
en simple amateur qu'on ne paye pas, résigné à
passer là un an ou deux pour faire plaisir à son père
[84.]. Distingué par la petite madame Conin [1121, amant de Germaine
Cur qui lui coûte cher [346], Gustave Sédille est
une âme de joie et de fête, apportant, les dents blanches
des Fils de parvenus, bonnes seulement à croquer les fortunes
faites [108]. A la débâcle paternelle, il se trouve compromis
dans une vilaine histoire de billets ; la misère fera peut-être
de lui un escroc [394]. (L'Argent.)
Sicardot.
Père d'Angèle Sicardot, beau-père d'Aristide Rougon.
C'est un vieux capitaine retraité, qu'on appelle le commandant
Sicardot. Taillé en hercule, le visage rouge brique, couturé,
planté de bouquets gris, il compte parmi les plus glorieuses
ganaches de la grande armée [93]. Il s'est retiré à
Plassans et a marié, en 1836, sa fille Angèle avec Aristide
Rougon, en lui donnant une dot de dix mille francs, toutes ses économies
[76], Ce vieux soldat de Napoléon, plein de droiture et d'énergie,
toujours prêt à foncer sur les perturbateurs, est l'un
des familiers du salon de Pierre Rougon ; il y représente l'élément
bonapartiste. Devenu chef de la Garde nationale, il se charge de maintenir
l'ordre [120]. Mais au coup d'Etat, chef sans troupe, il est pris par
les insurgés et emmené avec les autres autorités
de la ville [187] ; quand il revient à Plassans, il trouve Pierre
en pleine apothéose. D'abord ennuyé de n'être plus
le seul homme décoré de la bande, il s'échauffe
sur le courage déployé par Rougon, le décore de
ses mains loyales et, réconcilié du même coup avec
son gendre Aristide, il fournit à cet ancien démagogue
les fonds nécessaires pour aller chercher fortune à Paris
[372]. (La Fortune des Rougon.)
Sicardot.
A son arrivée à Paris, en 1851, Aristide Rougon a pris
d'abord ce nom, qui est celui de sa femme. Il a habité une huitaine
de jours, rue de la Harpe, dans une chambre que sous-louait une dame,
et ce n'est qu'après ce court séjour qu'il est allé
rue Saint-Jacques. Aristide a signé du nom de Sicardot les six
cents francs de billets souscrits à la mère de Rosalie
Chavaille [31]. (L'Argent.)
Sicardot (Angèle)
(l). Femme d'Aristide Rougon, dit Saccard. Mère de Maxime
et de Clotilde. Mariée en 1836, c'est une blonde molle et placide,
avec un goût prononcé pour les toilettes voyantes; elle
a un appétit formidable, très curieux chez une créature
aussi frêle [76]. Elle adore les romans, raffole des histoires
de nourrice, se fait faire les caries et consulte volontiers les somnambules.
Dominée par son mari, Angèle vil très effacée
et meurt presque de faim pendant quelque temps [78]. Après le
coup d'état, Aristide l'emmène à Paris [372]. (La
Fortune des Rougon.)
Son mari l'installe dans un étroit
logement de la rue Saint-Jacques. comme un meuble gênant dont
il a hâte de se débarrasser. Elle vit là, entre
sa chère fillette Clotilde et son mari, acceptant la misère
avec la mollesse d'une femme chlorotique [59]. Au moment où elle
va devenir une gêne insurmontable pour Aristide, elle est emportée
par un chaud et froid. Pendant qu'elle râle, Sidonie Rougon, pressée
d'agir, maquignonne déjà avec Aristide un second mariage;
leur honteuse négociation, surprise par Angèle, emplit
d'épouvanté cette nature inoffensive, qui entrevoit à
la dernière heure les infamies de ce monde et n'a d'ailleurs
que des pensées de pardon [75]. (La Curée)
Simon (La Mère).
Vieille femme de ménage des Roubaud (173). (La Bête
humaine.)
Simonnot.
Epicier à Raucourt. Après la bataille de Beaumont, les
Bavarois, en marche vers le nord, traversent Raucourt où il ne
reste rien à manger, depuis quarante-huit heures que passent
les troupes de Mac-Mahon. Et comme les envahisseurs crèvent de
faim, les yeux hors de la tête, à moitié fous, ils
enfoncent les portes et les fenêtres, s'acharnent à tout
démolir, parce qu'ils croient qu'on leur refuse la nourriture.
Chez Simonnot, ils puisent avec leur casque dans un tonneau de mélasse,
d'autres mordent dans des morceaux de lard cru, d'autres mâchent
de la farine [167]. (La Débâcle.)
Simpson.
Attaché à l'ambassade américaine. A remplacé
le duc de Rozan comme amant de Renée Saccard, a failli battre
celle-ci et doit à cela d'être resté plus d'un an
avec elle [130]. C'est un froid humoriste, plein d'imaginations fantasques
et malicieuses [303]. (La Curée.) (l) Angèle Sicardot,
calme et rêveuse, fille d'un commandant, mariée en 1836
à Aristide Rougon, dit Saccard. (Arbre généalogique
des Rougon-Macquart.)
Sivry (Blanche de).
De son vrai nom Jacqueline Baudu. Originaire d'un village
près d'Amiens. C'est une grosse fille blonde dont le joli visage
s'empâte [9], une magnifique personne, bête et menteuse,
qui se dit petite-fille d'un général et n'avoue pas ses
trente-deux ans. Elle est très goûtée des Russes,
A cause de son embonpoint [111]. Blanche de Sivry est indignée
au moment de la guerre, parce qu'on a expulsé son petit Prussien,
un garçon 1res riche, très doux, incapable de faire du
mal à personne. Elle crie à la ruine. Si on l'embête,
elle ira le retrouver en Allemagne [519]. (Nana.)
Smelten.
Boulanger à Montsou. Fait crédit pendant quelque temps
aux grévistes, pour tâcher de reconquérir la clientèle
attirée par Maigrat [284]. (Germinal.)
Smithson (Mademoiselle).
Gouvernante anglaise chez les Deberle [26]. (Une Page d'Amour.)
Sonneville.
Usinier à Marchiennes. Forte crise pendant la grève des
mineurs de Montsou [425]. (Germinal.)
Sophie.
Ouvrière fleuriste chez Titreville. Petite personne grasse [463].
(L'Assommoir.)
Sophie.
Ancienne femme de chambre de la duchesse de Combeville. A élevé
la princesse d'Orviedo et est restée seule avec elle, lorsque
la princesse a quitté le monde [48]. Se retire plus tard dans
son pays, du côté d'Angoulême, avec une rente de
deux mille francs [4.05]. (L'Argent.)
Sophie.
Fille de Guiraude. Prédestinée à la phtisie par
hérédité, elle est sauvée, grâce au
docteur Pascal, qui l'envoie chez une tante à la campagne, la
faisant pousser en plein soleil [51]. Pendant que son frère Valentin
s'étiole et meurt dans le logis maternel, à Plassans,
Sophie, loin de la contagion du milieu, a pris de la chair; elle est
d'aplomb sur ses jambes, elle a les joues remplies, les cheveux abondants
[53]. A dix-sept ans, on la marie avec un garçon meunier des
environs [213]. (Le Docteur Pascal.)
Sophie Tourne de l'il.
La dernière bonne amie des pochards [548]. (L'Assommoir.)
Soulas.
Le vieux berger de la Borderie, où il sert depuis un demi-siècle.
Très grand, très maigre, visage long coupé de plis,
comme taillé à la serpe dans un nud de chêne
[96], sous l'emmêlement de ses cheveux déteints, couleur
île terre [285]. A soixante-cinq ans, il n'a rien amassé,
mangé par sa femme, ivrognesse et catin, qu'il vient enfin d'avoir
la joie de porter en terre. Toujours droit, résistant et noueux
ainsi qu'un bâton d'épine, n'ayant que deux camarades,
ses chiens Empereur et Massacre, il s'est tait une ennemie de Jacqueline
Cornet, qu'il exècre, d'une haine d'ancien serviteur jaloux,
révolté par la rapide fortune de cette dernière
venue. Il évite tout conflit, et se tait dans la peur d'être
jeté dehors comme une vieille bête infirme [287]. Mais
la Cognette, lasse de le voir toujours entre elle et ses amants, finit
par le faire congédier et alors il dit tout au maître Alexandre
Hourdequin [483]. (La Terre.)
Sourdeau.
Un rebouteur de Bazoches-le-Doyen, bon étalement pour les blessures.
Il dît des paroles et referme les plaies, rien qu'en soufflant
dessus [455]. (La Terre.)
Souvarine.
Machineur à la fosse du Voreux, logé chez Rasseneur. Il
est Russe. C'est le dernier-né d'une famille noble du gouvernement
de Toula. A Saint-Pétersbourg, où il faisait sa médecine,
la passion socialiste l'a décidé à apprendre un
métier manuel, celui de mécanicien, pour se mêler
au peuple, le connaître et l'aider en frère. C'est de ce
métier qu'il vit maintenant, après s'être enfui
à la suite d'un attentat contre la vie de l'empereur ; pendant
un mois, il a vécu dans la cave d'un fruitier, creusant une mine
au travers de la rue, chargeant des bombes sons la continuelle menace
de sauter avec la maison [156]. Une fois déjà, il avait
failli être pris dans une autre affaire, une explosion sous la
voie ferrée; plusieurs conjurés et sa maîtresse
Annouchka avaient été pendus sous ses yeux [509]. Renié
par sa famille, sans argent, mis comme étranger à l'index
des ateliers Français qui voient en lui un espion, il allait
mourir de faim lorsque la Compagnie de Montsou l'a embauché,
dans une heure de presse. Depuis un an, il travaille là en bon
ouvrier, sobre, silencieux, faisant une semaine le service de jour et
une semaine le service de nuit, si exact que les chefs le citent en
exemple [156].
Agé d'une trentaine d'années,
il est élancé, blond, avec une figure fine encadrée
de grands cheveux et d'une barbe légère; ses dents blanches
et pointues, sa bouche et son nez minces, le rose de son teint, lui
donnent un air de fille, un air de douceur entêtée, que
le reflet gris de ses yeux d'acier ensauvage par éclairs. Dans
sa chambre d'ouvrier pauvre, il n'y a qu'une caisse de papiers et de
livres. Pour lui, la femme est un garçon, un camarade, quand
elle a la fraternité et le courage d'un homme; autrement, à
quoi bon se mettre au cur une lâcheté possible? Ni
femme, ni ami, il ne veut aucun lien, il est libre de son sang et du
sang des autres. Il ne boit jamais, il fume d'éternelles cigarettes,
il vit dans l'estaminet de Rasseneur, aimant avoir sur ses genoux un
lapin familier, grosse mère toujours pleine, qu'il appelle Pologne;
et chaque jour, sans se lasser, d'un geste inconscient, il caresse celte
bête, il passe la main sur la soie grise de son poil, l'air calmé
par la douceur tiède et vivante qui s'en dégage.
La théorie politique et sociale de
Souvarine est celle de la destruction, le feu aux quatre coins des villes,
les nations fauchées, ce monde anéanti pour qu'il en repousse
un meilleur; il faut qu'une série d'effroyables attentats épouvante
les puissants et réveille le peuple [272] ; tous les raisonnements
sur l'avenir sont criminels, parce qu'ils empêchent la destruction
pure et entravent la marche de la révolution [273]. C'est avec
un air de ferveur religieuse qu'il parle de Bakounine l'exterminateur,
qui va prendre en main l'Internationale et, avant trois ans, écrasera
le vieux monde. En attendant, il hausse les épaules devant les
palliatifs du socialisme : bêtise la croyance en l'amélioration
possible des salaires, bêtises les sociétés coopératives,
bêtises les grèves [198], bêtise aussi l'action des
masses se jetant vers les puits pour arrêter le travail; deux
gaillards résolus font plus de besogne qu'une foule [357]. Il
a le mépris des beaux parleurs, des gaillards qui entrent dans
la politique comme on entre au barreau, pour y gagner des rentes, à
coups de phrases; il s'irrite contre ces ouvriers dont la haine des
bourgeois vient uniquement du besoin enragé d'être des
bourgeois à leur place; il voudrait anéantir celle race
de poltrons et de jouisseurs [453].
Et quand le troupeau vaincu reprend le chemin
de la fosse, ce Souvarine qui avait eu de grosses larmes devant sa lapine
Pologne mise en ragoût, décide froidement de supprimer
le Voreux et tout ce qu'il contient, choses, bêtes et hommes,
en y précipitant les eaux d'une mer souterraine. Il accomplit
cette uvre de témérité folle, dans une fureur
de destruction où il risque vingt fois sa vie. Et lorsque le
torrent envahit la mine, lorsque tout s'effondre sur la poignée
de misérables agonisant au fond, Souvarine jette sa dernière
cigarette et s'éloigne sans un regard en arrière, allant,
de son air tranquille, à l'extermination, vers l'inconnu [536].
(Germinal.)
Spirit.
Cheval anglais, monté par Burne. Court dans le Grand Prix de
Paris. C'est un grand bai brun superbe, dont les couleurs dures, citron
et noir, ont une tristesse britannique [409]. Pendant la course, quand
Spirit tient la tête, un sentiment d'angoisse patriotique semble
étrangler tout ce inonde entassé; une ardeur de vu
extraordinaire, presque religieuse, monte pour le favori français
[442]. (Nana.)
Spontini.
Un maître répétiteur du collège de Plassans.
Un pion, originaire de Corse. Montre son couteau rouillé du sang
de trois cousins [37]. (L'uvre.)
Squelette-Externe (Le).
Voir MIMI-LA-MORT.
Staderino.
Réfugié politique vénitien. Fréquente avec
Brambilla et Viscardi chez la comtesse Balbi [66]. (Son Excellence
Eugène Rougon.)
Steinberg (Goliath).
Engagé en 1867, comme garçon de ferme, chez le
père Fouchard, à Remilly. C'est un grand bon enfant, aux
petits cheveux blonds, à la large face rose toujours souriante.
Il est le camarade d'Honoré Fouchard. Quand celui-ci, désespéré
de ne pouvoir épouser Silvine Morange, s'engage et part pour
l'Afrique, Goliath devient l'amant de Silvine, sans la forcer d'ailleurs,
mettant seulement à profit une minute d'inconscience. Silvine
enceinte, il a promis le mariage, reculant la formalité jusqu'à
la naissance du petit, puis, brusquement, au septième mois de
la grossesse, il a disparu, un raconte qu'il est allé servir
dans d'autres fermes, du côté de Beaumont et de Baucourt.
C'est un de ces espions dont l'Allemagne a peuplé nos provinces
de l'Est [96].
Au début de la campagne, rôdant
autour du 7e corps, près de Mulhouse, il est simplement expulsé
du camp, ses papiers se trouvant sans doute en règle [7]. Pendant
la marche vers Montmédy, se disant Alsacien emporté dans
la débâcle de Frschwilter, il est entré au
service d'un fermier, à Contreuve, et il écoute les imprudents
commentaires du général Bourgain-Desfeuilles[89]; Goliath
est un des émissaires qui liront connaître au grand état-major
allemand la marche exacte de l'armée de Châlons et suggérèrent
ainsi le changement de front de la IIIe armée [98] ; quelques
jours plus tard, dans les bois de Dieulet, il guide les Bavarois qui
vont surprendre le 5e corps [522]. Enfin, pendant l'occupation, il possède,
à la commandature de Sedan, une situation indéterminée,
parcourant de nouveau 1es villages, comme chargé de dénoncer
les uns, de taxer les autres, de veiller an bon fonctionnement des réquisitions
dont on écrase les habitants [517].
Grand, large, le visage toujours gai, avec
ses gros yeux bleus qui luisent d'un éclat de faïence, l'ancien
garçon de ferme est velu d'une sorte de capote en gros drap bleu,
coiffé d'une casquette de même étoffe, l'air cossu
et coulent de lui; il parle sans accent, avec la lourdeur empâtée
des gens du pays [523]. Très raisonnable, très conciliant,
il s'étonne de la haine sourde, du mépris épouvanté
qu'on lui témoigne a Remilly; il trouve tout simple que chacun
serve sa pairie comme il l'entend. Et comme Goliath aime toujours Silvine
et veut la posséder encore, il croit vaincre sa résistance
en la menaçant d'emmener le petit Chariot en Allemagne; il parle
de représailles [528]. Cette imprudence le livre aux francs-tireurs,
à Guillaume Sambuc, Cabasse et Ducat; les trois hommes le prennent
au piège et, après un simulacre de jugement, sous l'il
terrifié de Silvine complice, le saignent comme un porc, dans
la ferme du père Fouchard [538]. (La Débâcle.)
Steiner.
Banquier à Paris. Un terrible juif allemand, un brasseur d'affaires
dont les mains fondent des millions. Tout petit, le ventre déjà
fort, la face ronde et encadrée d'un collier de barbe grisonnante
[7], les oreilles velues. Steiner devient imbécile quand il se
toque d'une femme, les voulant toutes, ne pouvant en voir une paraître
au théâtre sans l'acheter, si chère qu'elle soit.
A deux reprises, ce furieux appétit l'a ruiné; les filles
vengent la morale en nettoyant sa caisse [116]. Rose Mignon et Nana
se sont succédé pour manger ses bénéfices
sur les Salines des Landes. Tombé dans le gâchis, mis aussitôt
dehors par Nana, il s'est refait avec un projet de tunnel sous le Bosphore,
et alors Nana le nettoie définitivement [483]. (Nana.)
Sternich (Duchesse de).
Célèbre mondaine du second Empire, dominant toutes
ses galantes amies par la gloire d'avoir passé une nuit dans
le lit impérial. Laide, vieillie, lassée, elle garde l'auréole
du vice officiel [240]. Elle a enlevé un amant à Renée
Saccard, le comte de Chibray [115]. (La Curée.)
Stewart (Lucy).
Une femme galante, la plus chic de toutes ces dames; elle a eu
trois princes et un duc [110]. C'est la fille d'un graisseur d'origine
anglaise, employé à la gare du Nord. A trente-neuf ans,
Lucy est une petite femme maigre, mais si vive, si gracieuse, qu'elle
a un grand charme [8]. Le cou trop long, la face maigre, tirée,
avec une bouche épaisse, elle est phtisique et. ne meurt jamais.
Très méchante langue, Lucy est parfois d'un esprit féroce
[116J. Laure Piédefer la compte au nombre de ses clientes [281].
Lucy a un fils, Ollivier, et se fait passer à ses yeux pour une
actrice; quand ils sont ensemble, elle prend des airs de distinction
[386]. Gomme elle a couché avec un prince du sang, elle défend
l'Empire au moment de la guerre ; c'est comme une affaire de famille,
quoique le prince ait été d'un rat extraordinaire : le
soir, en se couchant, il cachait ses louis dans ses bottes [520]. (Nana.)
Stewart (Ollivier).
Fils de Lucy. Aspirant de marine. Il est très gentil en
uniforme et ne se doute pas du métier de sa mère; elle
lui trouvera une héritière en province [387]. (Nana.)
Surin (Abbé).
Secrétaire de monseigneur Rousselot, archevêque
de Plassans. Grand, jeune, élégant, fort aimable [42],
longs cheveux blonds. L'abbé fréquente chez les Rastoil,
empressé auprès des dames, se plaisant aux futilités,
organisant avec les demoiselles des parties de « torchon brûlé
» et se distinguant surtout à la raquette par un jeu raffiné,
par une façon superbe de renvoyer le volant [207]. Monseigneur
l'aime comme un fils et se fait lire par lui les odes d'Horace. (La
Conquête de Plassans.)
Sylvia.
Petite actrice très appréciée des hommes du monde.
Fille d'un honnête papetier, horriblement bourgeoise au fond;
c'est un cur d'usurier [145]. Elle est la maîtresse de Maxime
Saccard, et celui-ci se fait aider par Renée pour payer le bijoutier
de l'actrice [235]. (La Curée.)
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