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Jabouille.
Herboriste rue du Cherche-Midi. Un petit homme pâlot, en
train de cracher ses poumons [77]. Étant veuf, il s'est remarié
avec Mathilde, et son herboristerie, autrefois prospère, grâce
à la clientèle pieuse du quartier, s'est mise à
péricliter en même temps que lui [83]. Mahoudeau et Chaîne
le tuent sans le vouloir : un soir que ce cocu phtisique a une syncope,
sa femme les appelle et les deux hommes se mettent à le frictionner
si dur, qu'il leur reste dans les mains [213]. (L'uvre.)
Jabouille
(Mathilde). Femme de l'herboriste.
On la nomme familièrement Mathilde. Elle a trente ans, elle est
brune, la figure plate, ravagée de maigreur, avec des yeux de
passion, aux paupières violâtres et meurtries. Sou rire
montre les trous noirs de sa bouche, où manquent plusieurs dents,
et elle est ainsi laide à inquiéter, dévastée
déjà, la peau cuite, collée sur les os. Une senteur
forte s'exhale d'elle, la senteur des simples dont sa robe se trouve
imprégnée et qu'elle apporte dans sa chevelure grasse,
défrisée toujours; il semble que son baleine souffle la
flamme de la menthe poivrée. Ce sont les prêtres, dit-on,
qui l'ont mariée au petit Jabouille. On aperçoit parfois
de vagues ombres de soutanes, traversant le mystère de la boutique;
il y règne une discrétion de cloître, une onction
de sacristie, dans la vente des canules ; et les dévotes chuchotent
là comme au confessionnal, glissent des injecteurs au fond de
leur sac, puis s'en vont, les yeux baissés. Par malheur, des
bruits d'avortement ont couru. Bien que Mathilde ait de la religion,
la clientèle pieuse l'abandonne peu à peu, trouvent qu'elle
s'affiche trop avec des jeunes gens, maintenant que Jabouille tousse
à rendre l'âme, réduit à rien, la chair finie
[84].
Cette femme ardente
se partage entre Mahoudeau et Chaîne; on la rencontre souvent
dans leur atelier, où elle s'offre à tous les hommes.
C'est là que Jory la tente pour la première fois, avec
sa fraîcheur de poulet gras et son grand nez rose qui promet.
Après la mort de Jabouille, elle retombe à la dévotion,
ce qui ne l'empêche pas de scandaliser le quartier. L'herboristerie
glisse alors à un abandon de ruines; Mathilde ne paye plus personne,
elle en arrive à s'économiser les frais d'un ouvrier,
en confiant à Chaîne la réparation des injecteurs
et des seringues que les dévotes lui rapportent, soigneusement
dissimulés dans des journaux. Elle a maigri encore, la face éclaboussée
de sang sous la peau, avec ses yeux de flamme, la bouche élargie
par la perte de deux autres dents; ses odeurs d'aromates ont ranci.
Ce n'est plus seulement Chaîne et Mahoudeau, c'est Jory, Gagnière,
toute la bande qui défile chez elle, chacun à son tour,
plusieurs même à la fois si l'on trouve ça plus
drôle et, derrière le rempart des bandages et des clysopompes,
sous les fleurs à tisane qui tombent du plafond. de vrais horreurs
se passent, des choses épatantes, renouvelées des Romains
[227].
Mathilde s'envoie brusquement,
enlevée par Jory, cachée par lui au fond d'un logement
discret. Elle le nourrit a crever de petits plats, l'abêtit de
caresses amoureuses, le gorge de tout ce qu'il aime et finit parle tenir
cloîtré, despotiquement [342]. Réduit à une
obéissance peureuse de petit garçon, Jory devenu riche
la supplie de se laisser épouser, elle refuse fièrement
pendant six mois et condescend enfin à lui donner sa main. Dès
lors, une épouse autoritaire, affamée de respect, dévorée
d'ambition et de lucre, se dégage de l'ancienne gode impudique;
elle ne le trompe même pas, d'une vertu aigre de femme honnête,
oublieuse des pratiques d'autrefois, qu'elle a gardées avec lui
seul, pour en faire l'instrument conjugal de sa puissance [408]. Et
Jory la produit dans le monde.
Elle est devenue très
grasse, ronde et blonde, de maigre et brûlée qu'elle était.
Sa laideur inquiétante de fille se fond dans une enflure bourgeoise
de la face, sa bouche aux trous noirs montre maintenant des dents trop
blanches, quand elle veut bien sourire, d'un retroussement dédaigneux
des lèvres. Et les amis de jadis ricanent en regardant cette
bouche si bien meublée aujourd'hui, et qui jadis ne pouvait pas
mordre, heureusement [440]. Mathilde est respectable avec exagération,
ses quarante-cinq ans lui donnent du poids, à côté
de son mari plus jeune, qui semble être son neveu. La seule chose
qu'elle garde est une violence de parfums, elle se noie des essences
les plus fortes, comme si elle tentait d'arracher de sa peau les odeurs
dont l'herboristerie l'avait imprégnée [438]. Elle affecte
une familiarité mondaine avec Henriette Sandoz, salue d'un petit
geste sec Christine Lantier dont le passé lui paraît douteux,
dîne sans sourciller à côté des anciens habitués
de son arrière-boutique, et cette farceuse sur le retour, cette
vieille gaupe engraissée, parle musique avec langueur, roucoulant
et se chatouillant avec du Beethoven et du Schumann [453]. (L'uvre.)
Jacoby.
Agent de change, beau-frère de son collègue Delarocque.
C'est un juif de Bordeaux, un grand gaillard de soixante ans, à
large figure gaie, dont la voix mugissante est célèbre,
et qui, en vieillissant, devient lourd, empâté. Ancien
fondé de pouvoir, à qui des commanditaires ont enfin permis
d'acheter la charge de son patron, il est d'une pratique et d'une ruse
extraordinaires, mais se perd malheureusement par sa passion du jeu,
toujours à la veille d'une catastrophe, malgré des gains
considérables. Germaine Cur, qu'il entretient au mois et
qu'il remplacera plus tard par une écuyère de l'Hippodrome,
ne lui coûte que quelques billets de mille francs. On ne voit
jamais sa femme [89]. A la Bourse où une rivalité s'est
posée entre lui et Mazaud, il est l'agent des baissiers contre
la Banque Universelle [337]. (L'Argent.)
Jalaguier
(Madame). Protégée
de madame Correur. Grâce à l'appui de celle-ci auprès
du ministre Rougon, la pension de madame Jalaguier est portée
à dix-huit cents francs [280]. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Jalaguier
fils. Madame Correur le protège
auprès d'Eugène Rougon et sollicite pour lui une bourse
d'études [242]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Jantrou.
Rédacteur en chef de l'Espérance. C'est un ancien
professeur, venu de Bordeaux à Paris, obligé de quitter
l'Université, à la suite d'une histoire louche. Beau garçon,
avec sa large barbe noire et sa calvitie précoce, d'ailleurs
intelligent et aimable, il est débarqué à la Bourse
vers vingt-huit ans, s'y est traîné et sali pendant dix
ans comme remisier, n'y gagnant guère que l'argent nécessaire
à ses vices, essuyant les rebuffades des clients, traité
à coups de pied par le comte de Ladricourt. Plus tard, tout à
fait chauve, se désolant ainsi qu'une fille dont les rides menacent
le gagne-pain, attendant toujours l'occasion qui doit le lancer au succès,
à la fortune, Jantrou répète qu'il faut être
un coquin pour réussir à la Bourse et il met dans celte
parole la rancune d'un homme qui n'a pas eu la coquinerie chanceuse
[21].
Il porte beau malgré
tout, la barbe en éventail, cynique et lettré, lâchant
de temps à autre une phrase fleurie d'ancien universitaire [124].
C'est lui qui donne à Saccard l'idée d'acheter l'Espérance,
feuille catholique dont les bureaux sont situés rue Saint-Joseph
et que Jantrou dirigera pour le compte de la Banque Universelle. Il
y écrit des articles politiques d'une forme soignée que
ses adversaires eux-mêmes reconnaissent du plus pur atticisme,
mais au fond, il ne s'intéresse qu'aux annonces financières.
Dans le journal et hors du journal, il organise toute une vaste publicité
autour de l'Universelle, il est fécond en idées de réclames,
on le rencontre maintenant tout flambant neuf, serré dans une
élégante redingote ornée d'une rosette aux couleurs
vives, soignant surtout sa coiffure, portant des chapeaux irréprochables
et, malgré tout, laissant la vague impression d'une malpropreté
persistante en dessous. Il gagne cent mille francs par an et en mange
le double, on ne sait à quoi. L'absinthe continue à le
dévorer, fauchant ses derniers cheveux, lui plombant le crâne
et la face [189].
Après la débâcle
de la Banque et du journal, Jantrou est fini, trois années de
prospérité l'ont dévoré, dans un monstrueux
abus de tout ce qui s'achète, pareil à ces meurt-de-faim
qui crèvent d'indigestion le jour où ils s'attablent.
Et il entraîne dans sa déchéance la baronne Sandorff
tombée jusqu'à lui [389]. (L'Argent.)
Jeanbernat. Intendant
du Paradou, où l'ont installé jadis les héritiers
du comte de Corbière, son frère de lait. Depuis vingt
années, le vieux Jeanbernat vit loin de tout, fumant tranquillement
sa pipe et regardant pousser ses légumes. C'est un solitaire
coulure de rides, à la face de brique cuite, aux membres séchés
et tordus comme des paquets de cordes; il semble porter ses quatre-vingts
ans avec un dédain ironique de la vie [51]. Des milliers de livres
sauvés jadis de l'incendie du château, un tas de bouquins
sur ta religion, tous les philosophes du dix-huitième siècle
lus et médités à loisir, ont fait de lui un matérialiste
qui nie tranquillement Dieu, se désintéresse de tout et
limite l'univers à ses carrés de salade.
Il a recueilli une jeune
nièce, Albine, qui vit, librement lâchée à
travers l'immense Paradou, et Jeanbernat laisse agir la nature, disant
qu'il ne faut pas empêcher les arbres de pousser à leur
gré [58]. Sa haine contre la soutane s'exaspère au contact
de frère Archangias, qui poursuit de ses anathèmes furibonds
les habitants du Paradou. Le jour même où l'on enterre
Albine, Jeanbernat vient exprès au cimetière pour couper
une oreille à frère Archangias [426]. (La Faute de l'abbé
Mouret).
Jenard.
De la société Cornille
et Jenard, qui exploitait au dix-huitième siècle la concession
minière de Joiselle [83]. (Germinal.)
Jésus-Christ.
Fils aîné du père
Fouan et de Rose Maliverne. Frère de Buteau et de Fanny Delhomme.
Père d'Olympe Fouan, dite la Trouille. Un ancien soldat qui a
fait les campagnes d'Afrique et qui, paresseux et ivrogne, s'est mis,
dès son retour, à battre les champs, refusant tout travail
régulier, vivant de braconnage et de maraude, comme s'il rançonnait
encore un peuple tremblant de Bédouins. A quarante ans, c'est
un grand gaillard, d'une belle force musculaire, les cheveux bouclés,
la barbe en pointe, longue et inculte, avec une face de Christ ravagé,
un Christ soûlard, violeur de filles, détrousseur de grandes
routes. Au fond de ses beaux yeux noyés d'une perpétuelle
ivresse, il y a de la goguenardise pas méchante, le cur
ouvert d'une bonne crapule [16]. Il habite le château, coin rocheux
qui appartient à la commune de Rognes et où il s'est réfugié
à la suite d'une querelle avec son père [40].
Terrible chenapan à
jeun, il s'attendrit davantage à chaque verre de vin, il devient
d'une douceur et d'une bonhomie d'apôtre intempérant. Très
venteux, répudiant les bruits timides, étouffés
entre deux cuirs, il n'a que des détonations franches, d'une
solidité et d'une ampleur de coups de canon [314]; il bat au
jeu de la chandelle, Sabot, le vigneron de Brinqueville, qui a moins
de souffle que lui [332]. En politique, Jésus-Christ est un rouge,
il se vante d'avoir à Cloyes, en février, fait danser
le rigodon aux bourgeoises ; dans son pêle-mêle baroque
d'opinions, idées d'ancien troupier d'Algérie, de rouleur
de villes, du politique de marchand de vin, ce qui surnage, c'est l'homme
de 48, le communiste humanitaire, resté à genoux devant
la formule liberté, égalité, fraternité,
qui excite les railleries de son ami Leroi, dit Canon.
Il n'est sévère
que sur un point, la morale; il ne veut pas que sa fille le déshonore
et il la corrige à coups de fouet [218]. Quant au reste, il n'a
aucun préjugé. Lorsque le père Fouan a partagé
ses terres, Jésus-Christ n'a brûlé que d'un désir,
avoir sa part pour battre monnaie [23], il a bu son bien en l'hypothéquant
morceau à morceau [133], il n'a jamais versé un sou de
la rente, trouvant même le moyen de carotter des pièces
de cent sous à ses parents, jouant le grand jeu, beuglant à
rendre son père fou, se traînant par terre, menaçant
de se percer le cur d'un coutelas et, dès qu'il a obtenu
de l'argent, courant le boire avec son vieux frère d'armes, le
garde champêtre Bécu, dont il possède la femme tout
en la traitant de vieille peau [332]. Il a chambré le père
Fouan pour s'emparer du magot, il a eu les titres en mains, mais n'a
pas osé s'en emparer, car il manque d'envergure, n'ayant ni la
froide rapacité de sa sur Fanny, ni les instincts meurtriers
de son frère Buteau. Ce n'est, au fond, qu'un simple jeannot
dans sa gueuserie [511]. (La Terre.)
Jeamont
(De). Homme correct, qui n'a d'autre
rôle que d'être le mari de sa femme. L'empereur l'a décoré,
après une nuit passée avec madame de Jeumont [281]. (L'
Argent.)
Jeumont
(Madame De). sa grande réputation
mondaine vient de ce que l'empereur lui a payé une nuit cent
mille francs, sans compter la Légion d'honneur pour son mari.
Elle est encore fort belle à trente-six ans, d'une beauté
régulière et grave de Junon. Les deux époux vivent
largement, vont partout, dans les ministères, à la cour,
alimentés par des marchés rares et choisis ; trois ou
quatre nuits par an leur suffisent. On sait dans le monde que ça
coûte horriblement cher, aussi est-ce tout ce qu'il y a de plus
distingué. Les Jeumont ont d'abord fait la moue devant Aristide
Saccard, le trouvant trop mince personnage et d'une immoralité
compromettante. Mais l'offre de deux cent mille francs supprime toute
difficulté [282]. (L'Argent.)
Jobelin
(Colonel). Porte une redingote bleu
foncé, qu'il a adoptée comme uniforme civil, depuis sa
retraite [4]. Il appartient à la bande du ministre Rougon, qu'il
a connu chez sou cousin Bouchard [51]. Jobelin postule pour la cravate
de commandeur et pousse en même temps son fils, sollicitant constamment
les faveurs ministérielles, devenant orléaniste lorsqu'elles
se font attendre, affectant alors de raconter le combat de la Mouzaïa
où il a fait le coup de feu à côté du duc
d'Aumale [164]. Comme toute la bande, il travaille à la rentrée
de Rougon, tire de lui tout ce qu'il peut et, au jour de la défaite,
passe comme les autres à l'ennemi [371], comptant sur Clorinde
et Delestang pour de nouveaux avantages. (Son Excellence Eugène
Rougon.)
Jobelin
(Auguste). Fils du colonel. Jeune
cancre qui s'est fait refuser à tous les examens et qui, au sortir
du lycée Louis-le-Grand, obtient par Eugène Rougon un
emploi au ministère, quoiqu'il ne soit pas bachelier. Son père
assure que, s'il a échoué au baccalauréat, c'est
parce qu'il a une intelligence trop vive, allant toujours au delà
des questions des professeurs, ce qui mécontente ces messieurs
[249]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Joire
(Abbé). Curé de Montsou.
Doux, affectant de ne s'occuper de rien, pour ne fâcher ni les
ouvriers ni les patrons, il passe sur les routes en retroussant sa soutane,
avec des délicatesses de gros chat bien nourri, qui craint de
souiller sa robe [99]. Pendant la grève, l'abbé fait ses
courses à la nuit, pour ne pas se compromettre au milieu des
mineurs [295]. Il obtient de l'avancement et est remplacé par
l'abbé Ranvier. (Germinal.)
Joncquier.
Un monsieur sérieux. Etant
avec Rose Mignon, des Variétés, il a eu un béguin
pour la grande Laure. Le mari de Rosé a procuré Laure
à Joncquier, qu'il a ensuite ramené bras dessus bras dessous
chez Rosé, comme un époux auquel on vient de permettre
une fredaine [117]. (Nana.)
Joncquoy
(Madame Du). Une vieille amie des
Muffat. A dû être très bien autrefois. En musique,
elle n'aime que Weber [84]. Un de ses frères est diplomate en
Orient. II y a longtemps, elle a déjeuné avec lui chez
le comte de Bismarck, dont elle ne comprend guère les derniers
succès; il a l'air brutal et mal élevé. Elle le
trouve stupide [71]. (Nana.)
Jordan
(Paul). Journaliste et homme de
lettres. Mari de Marcelle Maugendre. Fils d'un banquier de Marseille
qui s'est autrefois suicidé à la suite d'opérations
désastreuses, il a battu dix ans le pavé de Paris, enragé
de littérature, dans une lutte brave contre la misère
noire. Il s'est marié avec une petite amie d'enfance, dont la
famille, riche pourtant, a coupé tout subside pour ne pas aider
un sans-le-sou; leur petit ménage est installé à
au cinquième de l'avenue de Clichy, ils s'adorent. Jordan a un
projet de roman, ne trouve pas le temps de l'écrire et est entré
forcément dans le journalisme, où il bâcle tout
ce qui concerne son état, depuis des chroniques jusqu'à
des comptes rendus de tribunaux et même des faits divers [19].
Recommandé à
Saccard par un cousin installé à Plassans, il devient
rédacteur de l'Espérance, feuille catholique et financière
où tout le monde, du directeur au garçon de bureau, le
personnel entier, excepté Jordan, spécule à la
Bourse, il reste dans une gêne atroce, ses appointements sont
frappés d'arrêts à cause d'anciennes dettes, l'usurier
Busch le persécute pour des billets souscrits à un tailleur,
aux jours de misère ; c'est une lutte noire où Jordan,
incapable de lutter contre les huissiers, est soutenu par la vaillance
de sa jeune femme. Après la débâcle de la Banque
Universelle, la chance tourne pour l'écrivain. Son premier roman,
publié d'abord dans un journal, lancé ensuite par un éditeur,
prend brusquement l'allure d'un gros succès, il se trouve riche
de quelques milliers de francs, toutes les portes ouvertes devant lui
désormais, et il brûle de se remettre au travail, certain
de la fortune et de la gloire [387].
Il donne à Marcelle
la joie de secourir ses parents, tombés dans la misère
grâce aux folles opérations de Saccard, ce Saccard que
le jeune ménage persiste à aimer, pour t'aide apportée
aux jours mauvais [390]. (L'Argent.)
Jordan
(Madame). Voir MAUGENDRE (Marcelle.)
Jory
(Edouard). Critique d'art. C'est
un beau garçon blond, avec un grand nez rose et de gros yeux
bleus de myope. Fils d'un magistrat de Plassans, qu'il désespérait
par ses aventures de beau mâle, il a comblé la mesure de
ses débordements, en se sauvant avec une chanteuse de café-concert,
sous le prétexte d'aller à Paris faire de la littérature.
Pendant six mois, ils ont campé ensemble dans un hôtel
borgne du quartier Latin, cette fille l'écorchant vif, chaque
fois qu'il la trahissait pour le premier jupon crotté, suivi
sur un trottoir. Il a retrouvé la bande de Plassans, Claude Lantier,
Sandoz, Dubuclie, Mahoudeau, et il s'est fait critique d'art, donnant
pour vivre des articles à vingt francs, dans un petit journal
tapageur, le Tambour. Du premier coup, il a soulevé un scandale
énorme, en sacrifiant à Claude les peintres « aimés
du public » et en le posant comme chef d'une école nouvelle,
l'école du plein air. Au fond, très pratique, il se moque
de tout ce qui n'est pas sa jouissance, il répète simplement
les théories entendues dans le groupe.
Jory montre une hérédité
d'avarice, dont on s'amuse fort; il ne paye pas les femmes, il arrive
à mener sa vie désordonnée, sans argent et sans
dettes; et cette science innée de jouir pour rien s'allie en
lui à une duplicité continuelle, à une habitude
de mensonge qu'il a contractée dans le milieu dévot de
sa famille, où le souci de cacher ses vices le faisait mentir
sur tout, à toute heure, môme inutilement [83]. Après
sa rupture avec la chanteuse qui lui dépouillait la face à
coups d'ongle, c'est un furieux galop de femmes traversant son existence,
les femmes les plus extravagantes, les plus inattendues: la cuisinière
d'une maison bourgeoise où il dîne; l'épouse légitime
d'un sergent de ville dont il doit guetter les heures de faction; la
jeune employée d'un dentiste, qui gagne soixante francs par mois
à se laisser endormir, puis réveiller, devant chaque client,
pour donner confiance ; d'autres, toutes celles qui veulent bien, les
jolies, les laides, les jeunes, les vieilles, sans choix, uniquement
pour la satisfaction de ses gros appétits de mâle, sacrifiant
la qualité à la quantité.
Il est enchanté
de la vie. Il a fini par faire son trou comme chroniqueur et comme critique
d'art, il collabore à des journaux très lus, gagne sept
ou huit mille francs par an et, travaillé de sa ladrerie héréditaire,
place déjà de l'argent chaque mois; les matins de grande
largesse, il ne paye qu'une tasse de chocolat aux femmes dont il est
très content [230]. Tout en restant au fond le jouisseur sceptique,
l'adorateur du succès quand même, il prend une importance
bourgeoise et commence à rendre des arrêts. Sa prétention
est d'avoir fait Fagerolles par ses articles, comme il prétendait
jadis avoir fait Claude [256]. D'ailleurs, il n'écrit rien sur
ses anciens amis, les révolutionnaires de l'art, qui se font
exécrer, il se plaint de n'avoir pas à lui un journal
où il pourrait les défendre [259]; mais devenu directeur
d'une grande revue d'art, gagnant trente mille francs, sans compter
tout un obscur trafic dans les ventes de collections, il garde le même
silence, sous le prétexte de ne pas perdre ses abonnés;
il pousse même le lâchage jusqu'à faire passer sournoisement
un éreintement de Sandoz [439]. Jory est maintenant un terrible
monsieur saignant à blanc les artistes et les amateurs qui lui
tombent sous la main.
Mais ce journaliste
qui traite les autres de ratés, ce bâcleur d'articles,
tombé dans l'exploitation de la bêtise publique, sera mangé
à son tour par Mathilde Jabouille. Quand il l'a rencontrée
chez Mahoudeau, il a affirmé qu'elle était affreuse, qu'elle
pourrait être leur mère à tous, que sa gueule de
vieille chienne n'avait plus de crocs, qu'elle empoisonnait la pharmacie
[86]. Plus tard, pris par son vice, il l'a déclarée ensorcelante,
une de ces femmes qu'on affecte de ne pas ramasser avec des pincettes
et pour qui on fait des bêtises à en crever [228]. Ensuite,
rompant avec toutes ses habitudes de prudence et d'avarice, souffrant
du partage de Mathilde avec ses amis, il l'a enlevée de l'herboristerie,
il a glissé au ménage avec celte goule [301], et lui qui,
pour ne pas payer, vivait autrefois des raccrocs de la rue, il s'est
ravalé à une domesticité de chien fidèle,
donnant les clefs de son argent, n'ayant en poche de quoi acheter un
cigare que les jours seulement où elle consentait à lui
laisser vingt sous ; elle le jette même dans la religion ; elle
lui parle de la mort, dont il a une peur atroce [343]. Plein de sérénité,
il finit par se marier légitimement avec elle [407]. (L'uvre.)
Jory
(Madame). Voir JABOUILLE (Mathilde).
Joseph.
Maître d'hôtel de Nana,
à la Mignotte. A servi l'évêque d'Orléans
[205]. (Nana.)
Joseph.
Garçon de magasin au Bonheur des Dames. Appartient à
la dynastie des Lhomme, car il est le frère de lait d'Albert
et doit sa place à madame Aurélie. Il porte une barbiche
qui allonge son visage couturé d'ancien soldat [52]. Joseph s'est,
épris peu à peu d'une employée a l'échantillonnage,
mademoiselle de Fontenailles ; à la rencontrer l'air triste,
vêtue pauvrement, son cur de tempérament tendre a
fini par être louché [337]. Il se marie avec elle, au grand
scandale de madame Desforges, qui accuse Octave Mouret d'unir ses hommes
de peine avec des filles nobles, uniquement pour écraser les
gens du monde [477]. (Au Bonheur des Dames.)
Joseph
(Madame). Concierge de Claude Lantier,
au quai Bourbon [5]. Fait le ménage du peintre, sans que celui-ci
lui permette de balayer, de peur que la poussière ne couvre ses
toiles fraîches [123]. (L'uvre.)
Josse
(Mademoiselle). tient une petite
pension de jeunes enfants rue Polonceau. Anna Coupeau est son élève
et se rend si intolérable que, deux fois, mademoiselle Josse
la met à la porte, puis la reprend pour ne pas perdre les six
francs mensuels [195]. (L'Assommoir.)
Nana, devenue femme
galante, échange ses souvenirs sur la mère Josse avec
Satin, ancienne élève comme elle du pensionnat de la rue
Polonceau [364]. (Nana.)
Josserand
père. Grand-père de
Léon, Saturnin, Hortense et Berthe Josserand. A été
avoué à Clermont. Après avoir vendu son étude,
il s'est laissé ruiner par une bonne. Courait encore la gueuse
à soixante-dix ans passés [36]. Une de ses filles, fixée
maintenant, aux Andelys, s'est sauvée jadis avec un officier
qui, plus tard, l'a épousée [37]. (Pot-Bouille.)
Josserand.
Mari d'Eléonore Bachelard. Père de Léon,
Saturnin, Hortense et Berthe. Gros yeux bleus aux regards éteints,
boucles de cheveux grisonnants, voix lente et fatiguée, visage
comme trempé et effacé par trente-cinq ans de bureau.
Josserand est un vieil honnête homme qui s'impose une vie de martyre
pour satisfaire aux exigences dépensières de sa femme.
Caissier des frères Bernheim, à la cristallerie Saint-Joseph,
avec appointements de huit mille francs par an, il passe les nuits à
faire des bandes à trois francs le mille, pendant que sa femme
et ses filles battent les salons avec des fleurs dans les cheveux [31].
Eléonore le domine, il subit le chapitre intarissable de ses
espoirs brisés, consent par faiblesse à des capitulations
de conscience qui l'emplissent d'angoisse, marie sa fille Berthe sous
la promesse illusoire d'une dot inexistante et subit ensuite le déchirement
de voir le ménage de la jeune femme gâché comme
le sien. Une décomposition du sang l'emporte bientôt, il
agonise devant les âpres querelles de sa femme et de ses filles,
étranglé par la tranquille inconscience des seules créatures
qu'il ait aimées [452]. (Pot-Bouille.)
Josserand
(Madame). Voir BACHELARD (Eléonore).
Josserand (Berthe).
La dernière fille des Josserand. Elle garde à vingt
et un ans toute une grâce d'enfance, avec les mêmes traits
que sa sur, mais plus fins, éclatants de blancheur. Mine
chiffonnée, cheveux châtains dorés de reflets blonds,
menacée seulement vers la cinquantaine du masque épais
de sa mère ; elle a une grâce hardie et un charme facile
de Parisienne, avec quelques talents de musicienne et de peintre qui
constituent toute sa dot. Pour la marier, c'est pendant trois hivers
une véritable chasse à l'homme, des garçons de
tous poils aux bras de qui on la jette, une offre continue de son corps
sur les trottoirs autorisés des salons bourgeois; puis, ce que
les mères enseignent aux filles sans fortune, tout un cours de
prostitution décente et permise, les attouchements de la danse,
les mains abandonnées derrière une porte, les impudeurs
spéculant sur les appétits des niais ; enfin, le mari
levé un beau soir, comme un homme est fait par une gueuse, le
mari raccroché sous un rideau, excité et tombant au piège,
dans la fièvre de son désir [429].
Stylée ainsi,
Berthe a trouvé un époux dans la personne du chétif
Auguste Vabre, qu'elle a su habilement compromettre. Et dès le
mariage, cette jeune fille poussée dans la serre chaude du faux
luxe parisien, corrompue par une éducation de poupée,
s'affirme en enfant égoïste et gâcheur qui saccagera
l'existence pour en mieux jouir. Se désintéressant du
commerce entrepris par son mari, elle vit dans un perpétuel besoin
de mouvement, avec le goût des riches toilettes cl le dédain
du linge qu'on ne voit pas ; elle a vite conquis la carrure de sa mère,
dont elle répète les phrases, recommençant pour
son compte les querelles qui ont bercé sa jeunesse ; elle éprouve
un désir grandissant de liberté et de plaisir, un amour
de l'argent, toute celte religion de l'argent dont elle a appris le
culte dans la famille [311]. Et, entravée par l'avarice de Vabre,
elle fait des dettes, accepte les dons d'Octave Mouret et glisse, sans
même y penser, à un adultère sans plaisir, dont
elle sera bientôt lasse, car c'est une nature froide, d'un égoïsme
rebelle aux tracas de la passion. Elle a subi Octave sans bonheur, le
trouvant trop exigeant pour ce qu'il donne et arrivant très vite
à faire à son amant l'éternelle querelle d'argent
dont elle poursuit son mari. Chassée par celui-ci, puis reprise,
restée inconsciente de sa faute, elle a rompu avec Octave, mais
elle est au mieux avec le nouvel associé de Vabre, un petit blond
très coquet qui la comble de cadeaux [489]. (Pot-Bouille.)
La concurrence du Bonheur
des Dames a fini par tuer le magasin de Vabre. Les dépenses de
Berthe ont précipité cette débâcle [20].
(Au Bonheur des Dames.)
Josserand
(Hortense). De deux ans plus âgée
que Berthe, elle a vingt-trois ans, mais en paraît vingt-huit.
Hortense a le teint jaune, son visage est gâté par le nez
de sa mère, qui lui donne un air d'obstination dédaigneuse
[29].
Pourvue du brevet de
capacité, elle se montre fille de tête, prétendant
se marier sans le concours de ses parents, faisant ses affaires toute
seule, ayant jeté son dévolu sur Verdier, un avocat de
quarante ans qui vit avec une vieille maîtresse et dont la liaison
s'éternise. Hortense, bien tranquille pour son compte, a aidé
sa sur à conquérir Auguste Vabre, elle attend que
Verdier soit libre et vit, indépendante, sans plier devant sa
mère qui la craint. Et lorsque Berthe, chassée pour adultère,
revient à la maison, Hortense la pousse presque aussitôt
à implorer le pardon de son mari, ayant assez d'elle déjà
et craignant de lui donner asile trop longtemps [424]. (Pot-Bouille.)
Josserand
(Léon). Fils aîné
des Josserand. A fait son droit et a quitté jeune la maison paternelle,
s'effaçant devant ses surs, ne comptant que sur lui-même
[38]. Pendant deux ans, il a promené sur les trottoirs du quartier
latin une démagogie féroce ; il est devenu secrétaire
d'un avocat célèbre, député de la gauche,
puis très décidé à parvenir, il s'est poussé
auprès de la vieille madame Dambreville, bien placée pour
l'aider. Elle est sa maîtresse. Léon Josserand est un jeune
homme correct, à l'air sérieux. Ses opinions se sont calmées,
il a tourné au républicain doctrinaire, gardant seulement
dans les discussions une voix rogue de jeune démocrate. Ses convictions
se refroidissent à mesure que madame Dambreville le répand
davantage, il devient auditeur au Conseil d'Etat, puis maître
des requêtes et se rallie définitivement à l'Empire.
Entre temps, il a su tirer parti de la passion de la vieille daine en
se faisant marier avec une riche et jolie créole, nièce
de Dambreville, ce qui ne l'empêchera pas de revenir aux bras
de la tante, dont il a encore besoin [478]. La jeune madame Josserand
garde la maison, Léon continue à aller dans le monde avec
madame Dambreville et l'accompagne même chaque dimanche à
la messe de neuf heures [481]. (Pot-Bouille.)
Josserand
(Saturnin). Second fils des Josserand.
Grand garçon de vingt-cinq ans, dégingandé, aux
yeux étranges, resté enfant à la suite d'une fièvre
cérébrale. Sans être fou, il terrifie la maison
par des crises de violence aveugle, lorsqu'on le contrarie. Seule, Berthe
le dompte, il s'est pris pour elle d'une adoration où il entre
de tous les amours [46] ; sa sur est une idole qu'il entoure d'un
culte jaloux. Desfureurs l'agitent lorsqu'il comprend qu'on veut la
marier, on doit par prudence le mettre à l'Asile des Moulineaux
où il accepte de partir, tenant la main de Berthe et croyant
faire une partie do campagne. Avec la même docilité, il
s'est laissé dépouiller d'une somme de trois mille francs,
léguée par une tante et qui sert aux frais de la noce.
Renvoyé de l'Asile un peu plus tard parce que sa folie n'est
pas assez caractérisée, il a été recueilli
par Berthe, dont il devient le garde du corps, poursuivant le mari d'une
haine féroce d'amant contrarié [305], s'éprenant
d'Octave Mouret par hostilité pour Vabre, se fâchant contre
Octave qui semble tourner autour d'autres femmes, ne rêvant toujours
que le bonheur de Berthe et semblant goûter l'amour dans cette
chair de femme qu'il sent sienne, sous la poussée de l'instinct
[303]. (Pot-Bouille.)
Jouve
(Abbé). Vicaire à
Notre-Dame-de-Grâce à Passy. Petit homme sec avec une grosse
tête, les yeux pleins d'une belle lumière de tendresse
; il est d'une allure sans grâce, habillé à la diable,
très sobre. Sa charité fait de lui le prêtre le
plus aimé et le plus écouté du quartier. Avec Rambaud,
son frère d'un second lit, l'abbé Jouve est la seule relation
parisienne des Grandjean, qu'il a connus à Marseille. Les deux
frères ont installé Hélène à Passy
et dînent chez elle une fois par semaine. Plein de tolérance,
l'abbé ne parle jamais de religion, il intéresse seulement
madame Grandjean à ses pauvres. Il prévoit la crise passionnelle
dont elle est menacée, voudrait la marier à Rambaud, se
montre plein de tendresse et de pardon devant la chute et, quand la
mort de Jeanne laisse la malheureuse mère abandonnée,
écrasée de désespoir, il met simplement, sans parler,
la main d'Hélène dans celle de Rambaud. L'abbé
Jouve meurt quelques mois avant le mariage qu'il a préparé
[404-]. (Une Page d'Amour.)
Jouve.
Inspecteur au Bonheur des Dames. Un ancien capitaine, décoré
à Constantine, encore bel homme avec son grand nez sensuel, ses
grandes moustaches grises et sa calvitie majestueuse. Aux jours solennels
d'exposition, il se tient à l'une des portes, en redingote et
en cravate blanche, avec sa décoration, comme une enseigne de
vieille probité [104]. Certains vendeurs je traitent de «
vieux ramolli » et sont d'ailleurs congédiés immédiatement
[65]. Quant aux vendeuses timides, elles doivent acheter sa bienveillance
; au magasin, il se contente de petites privautés, claquant doucement
de ses doigts effilés les jolies des demoiselles complaisantes,
leur prenant les mains, puis les gardant, comme s'il les oubliait dans
les siennes; cela reste paternel. Ses appétits de taureau ne
se déchaînent que dehors, lorsqu'on veut bien accepter
des tartines débourre, chez lui, rue des Moineaux [208]. Denise
Baudu, qui a repoussé ses répugnantes avances, est congédiée
sur un faux rapport et plus tard, quand elle rentre dans la maison,
rappelée par Mouret, Jouve, embarrassé, plie l'échiné
devant elle [287]. (Au Bonheur des Dames.)
Juillerat.Vieux
médecin de quartier, homme médiocre, mais devenu à
la longue bon praticien. Est maigre et nerveux. S'occupe spécialement
des maladies de femmes, ce qui le fait, le soir, rechercher des maris
en quête d'une consultation gratuite, dans un coin de salon [64].
Lié aux Vabre, aux Duveyrier, aux Josserand, il a accouché
toutes ces dames et soigné toutes ces demoiselles. L'expérience
lui a fourni des vues très justes sur les dessous bourgeois et
il en parle quelquefois, mêlant à ses observations des
tendances humanitaires et républicaines que sa clientèle
tolère, parce qu'il s'est fait très heureusement une réputation
d'originalité. (Pot-Bouille.)
Jules.
Porteur aux Halles, né à Ménilmontant [76].
Devenu l'amant de la Sarriette et vivant avec elle rue Vauvilliers,
au troisième étage d'une grande maison, il se soigne les
mains, ne porte plus que des blouses propres et une casquette de velours
; pendant que la Sarriette travaille, il fait la grasse matinée
et finit bientôt par tourner au souteneur, avec, à la naissance
des favoris, deux mèches collées contre les joues en accroche-cur.
Il règne sur une bande de porteurs, de messieurs à blouse
blanche, auxquels il donne le ton. Jules aime l'Empire et voudrait flanquer
dans la Seine tous ceux qui en disent du mal. Son idéal est Morny,
comme il le nomme tout court [303]. Dans le dossier de police de Florent,
on trouve une dénonciation écrite sur papier glacé
orné d'une pensée jaune et couvert du griffonnage de la
Sarriette et de monsieur Jules [318]. (Le Ventre de. Paris.)
Jules.
Un des soldats envoyés à Montsou pendant la grève.
Étienne Lantier tente en vain d'endoctriner ce jeune fantassin
qui a encore, dans sa capote, l'embarras d'une recrue. Petit, très
blond, avec une douée figure pâle, criblée de taches
de rousseur, Jules est de Plogoff, en Bretagne, il n'en sait pas davantage.
Il a sa mère et sa sur qui l'attendent. Quand il est parti,
elles l'ont accompagné jusqu'à Pont-1'Abbé on avait
pris le cheval aux Lepalmec, il a failli se casser les jambes en bas
de la descente d'Audierne. Le cousin Charles les attendait avec des
saucisses, mais les femmes pleuraient trop, ça leur restait dans
la gorge. La lande déserte de Plogoff, cette sauvage pointe du
Raz battue des tempêtes, lui apparaît dans un éblouissement
de soleil, à la saison rose des bruyères. S'il n'a pas
de punition, on lui donnera peut-être une permission d'un mois
dans deux ans [431]. Il est assassiné par Jeanlin Maheu, une
nuit de faction ; Jeanlin et Etienne Lantier transportent son corps
dans une galerie de mine, sous une roche ébouleuse qui l'écrase
[469]. (Germinal.)
Jules
(Madame). L'habilleuse de Nana,
aux Variétés. Avec ses yeux vides et clairs, sou visage
parcheminé, ses traits immobiles de vieille fille que personne
n'a connue jeune, elle n'a plus d'âge. Elle s'est desséchée
dans l'air embrasé des loges, au milieu des cuisses et des gorges
les plus célèbres de Paris. Madame Jules porte une éternelle
robe noire déteinte et, sur son corsage plat et sans sexe, une
forêt d'épingles sont piquées à la place
du cur [154]. (Nana.)
Julie.
Cuisinière des Duveyrier. Grande Bourguignonne de quarante
ans, an large visage troué de petite vérole, mais qui,
au dire de Trublot, a un corps de femme superbe [130]. Devient la maîtresse
du jeune Gustave Duveyrier [336] et, tombée malade, se laisse
congédier sans récriminer, son genre n'étant pas
de se quereller avec les maîtres [487]. (Pot-Bouille.)
Julien.
Maître d'hôtel de Nana, lorsqu'elle s'est installée
avenue de Villiers. Un petit homme tout frisé, l'air souriant
[343]. Il quitte la maison avec une grosse somme, le comte Muffat ayant
voulu se débarrasser de lui par jalousie [479]. (Nana.)
Jusselin
(Pierre-François). Créature
de M. de Marsy. Rougon refuse de le nommer officier de la Légion
d'honneur et donne à Béjuin la rosette qui lui était
destinée [272]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Juzeur
(Madame). Locataire de l'immeuble
Vabre, rue de Choiseul. Habite un appartement au troisième sur
la cour. C'est une veuve de trente-deux ans, une dévote aux yeux
clairs, toute pleine de réticences et de sous-entendus; elle
sourit avec quittée après dix jours de mariage et, dans
son infortune, elle a la passion de travailler à la félicité
des autres femmes, s'occupant de toutes les histoires tendres de la
maison, rôdant autour des intrigues amoureuses en petite femme
discrète confessant les amants et se frôlant à eux.
Madame Juzeur, qui respecte les prescriptions de l'église, se
refuse toujours au seul acte défendu, mais elle permet les caresses
les plus vives et les plus secrètes, mettant l'honneur et l'estime
de soi-même en un seul point, ayant la coquetterie de tenir toujours
les hommes et ne les satisfaisant jamais, éprouvant une savante
jouissance personnelle à se faire manger de baisers partout,
sans le coup de bâton de l'assouvissement final [274]. Et le moment
venu, elle sait se dégager d'un brusque mouvement de vigueur
nerveuse, trouvant ça meilleur, s'y entêtant, prétendant
ainsi rester honnête, puisque pas un homme ne peut se flatter
de l'avoir eue, depuis le lâche abandon de son mari. C'est madame
Tout-ce-que-vous-voudrez-mais-pas-ça [273]. (Pot-Bouille.)
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