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Madame Bovary a nécessité au moins cinq ans dun travail acharné. Cest un fait divers paru dans les journaux qui en a fourni linspiration à Flaubert. Emma Bovary est une jeune femme mariée à Charles Bovary, un médecin médiocre installé dans un petit village de la région de Rouen. Emma, qui se nourrit de lectures romantiques, est vite prise par lennui et par un irrésistible désir de sortir de la monotonie de sa vie. Elle sattache des amants. Le premier est Léon, le jeune employé du notaire du village, qui ne lui fournit quune expérience platonique mais grâce à laquelle elle découvre lenchantement de se savoir désirée et la secrète satisfaction de résister. Laventure se termine avec le départ du jeune homme, laissant à Emma le goût amer de linaccompli. |
Gustave
Flaubert / 1821 - 1880
Salammbô
Salammbô
« D'un bout à l'autre, c'est couleur de sang ».
Las d'attendre d'être payés, les mercenaires qui ont combattu Rome pour le compte de Carthage se sont révoltés. L'un d'entre eux, Mâtho le Libyen, réussit à s'introduire dans le temple de la ville, et à voler le voile sacré de la déesse lunaire Tanit dont dépend, croit-on, le destin de la ville. Pour se sauver, Carthage fait appel à Hamilcar, mais après une première victoire au Macar, il est vaincu à son tour par les insurgés, rejoints par le Numide Narr'Havas. Sur les conseils du grand prêtre Schahabarim, Salammbô, la fille d'Hamilcar, se rend au camp des mercenaires et se donne à Mâtho, qui lui restitue le voile de Tanit. Dès ce moment le sort des armes tourne, mais la ville est maintenant privée d'eau, Mâtho ayant saboté l'aqueduc. La pluie ne tombera qu'après un sacrifice d'enfants, immolés au dieu Moloch. Hamilcar, appuyé par Narr'Havas, qui a rejoint le camp de Carthage et s'est vu promettre Salammbô, accule ses ennemis dans le défilé de la Hache, où ils mourront de faim. Mathô, capturé, est torturé et Salammbô meurt à la vue de son supplice.
« Je vais écrire un roman dont l'action se passera trois siècles avant Jésus-Christ, car j'éprouve le besoin de sortir du monde moderne, où ma plume s'est trop trempée et qui d'ailleurs me fatigue autant à reproduire qu'il me dégoûte à voir. » A Mlle Leroyer de Chantepie. 18 mars 1857. « J'ai bien du mal avec Carthage ! Ce qui m'inquiète le plus, c'est le fond, je veux dire la partie psychologique. » A Ernest Feydau. avril 1857. « Je crois enfin pouvoir tirer des effets neufs du tourlourou antique. Quant au paysage, c'est encore bien vague. Je ne sens pas encore le côté religieux. La psychologie se cuit tout doucement, mais c'est une lourde machine à monter. » A Jules Duplan. 28 mai 1857. « Si tu crois que tu m'amèneras
au culte du simple et du carré de choux, détrompe-toi,
mon vieux ! détrompe-toi ! Je sors d'Yonville, j'en ai assez
! Je demande d'autres guitares maintenant ! Chaussons le cothurne. -
Et entamons les grandes gueulades ! Ça fait du bien à
la santé. A Ernest Feydau. juillet 1857. « Savez-vous combien, maintenant,
je me suis ingurgité de volumes sur Carthage ? environ 100 !
et je viens, en quinze jours d'avaler les 18 tomes de La Bible de Cahen
! avec les notes et en prenant des notes. A Jules Duplan. 26 juillet 1857. « Quant à l'archéologie, elle sera "probable". Voilà tout. Pourvu qu'on ne puisse pas prouver que j'ai des des absurdités, c'est tout ce que je demande.» A Ernest Feydau. 26 juillet 1857. « Depuis six semaines, je recule comme un lâche devant Carthage. J'accumule notes sur notes, livres sur livres, car je ne me sens pas en train. Je ne vois pas nettement mon objectif. Pour qu'un livre "sue" la vérité, il faut être bourré de son sujet jusque par-dessus les oreilles. Alors la couleur vient tout naturellement, comme un résultat fatal et comme une floraison de l'idée même. » A Ernest Feydau. 6 août 1857. « Sache donc que depuis un mois je suis dans une impossibilité complète d'écrire. Je ne peux pas trouver un mot. (...) Je suis puni, de m'être mis comme un imbécile à vouloir tout de suite écrire un livre, avant de l'avoir suffisamment porté dans le ventre. » A Ernest Feydau. 20 novembre 1857. « La difficulté est de trouver la note juste. Cela s'obtient par une condensation excessive de l'idée, que ce soit naturellement, ou à force de volonté, mais il n'est pas aisé de s'imaginer une vérité constante, à savoir une série de détails saillants et probables dans un milieu qui est à deux mille ans d'ici. Pour être entendu, d'ailleurs, il faut faire une sorte de traduction permanente, et quel abîme cela creuse entre l'absolu et l'oeuvre ! » A Ernest Feydau. fin novembre 1857. « Il faut absolument que je fasse un voyage en Afrique.(...) Ce voyage du reste sera court. J'ai seulement besoin d'aller à Kheff (à trente lieues de Tunis) et de me promener aux environs de Carthage dans un rayon d'une vingtaine de lieues pour connaître à fond les paysages que je prétends décrire. » A Mlle Leroyer de Chantepie. 23 janvier 1858. « Je t'apprendrai que Carthage
est complètement à refaire, ou plutôt à faire.
Je démolis tout. C'était absurde ! impossible ! faux !. A Ernest Feydau. 20 juin 1858. « Je taille donc un morceau qui sera la description topographique et pittoresque de la susdite ville avec exposition du peuple qui l'habitait, y compris le costume, le gouvernement, la religion, les finances et le commerce etc. Je suis dans un dédale. » A Jules Duplan. 1er juillet 1858. « Me saura-t-on gré de tout ce que je mets là-dedans ? J'en doute, car le bouquin ne sera pas divertissant, et il faudra que le lecteur ait un fier tempérament pour subir 400 pages (au moins) d'une pareille architecture. (...) L'avenir ne me présente qu'une série indéfinie de ratures, horizon peu facétieux. » A Ernest Feydau. 28 août 1858. « Depuis que la littérature existe, on n'a pas entrepris quelque chose d'aussi insensé. C'est une oeuvre hérissée de difficultés. Donner aux gens un langage dans lequel ils n'ont pas pensé ! On ne sait rien de Carthage. (Mes conjectures sont je crois sensées, et j'en suis même sûr d'après deux ou trois choses que j'ai vues.) N'importe, il faudra que ça réponde à une certaine idée vague que l'on s'en fait. Il faut que je trouve le milieu entre la boursouflure et le réel. » A Ernest Feydau. octobre 1858. « A chaque ligne, à
chaque mot, la langue me manque et l'insuffisance du vocabulaire est
telle, que je suis forcé à changer des détails
très souvent. J'y crèverai, mon vieux j'y crèverai.
N'importe, ça commence à m'amuser bougrement. A Ernest Feydau. 19 décembre 1858. « Je ne pense plus qu'à Carthage et c'est ce qu'il faut. Un livre n'a jamais été pour moi qu'une manière de vivre dans un milieu quelconque. Voilà ce qui explique mes hésitations, mes angoisses et ma lenteur. » A Mlle Leroyer de Chantepie. 26 décembre 1858. « Je ne sais pas ce que sera ma Salammbô. C'est bien difficile. Je me fous un mal de chien. Mais je te garantis, ô Maître, que les intentions en sont vertueuses. Ça n'a pas une idée, ça ne prouve rien du tout. Mes personnages au lieu de parler, hurlent. D'un bout à l'autre c'est couleur de sang. » A Théophile Gautier. 27 janvier 1859. « Ma besogne va un peu mieux. Je suis en plein dans une bataille d'éléphants et je te prie de croire que je tue les hommes comme les mouches. Je verse le sang à flots. » A Ernest Feydau. fin septembre 1859. « Je me fiche une bosse d'antiquité comme d'autres se gorgent de vin. Carthage ne va pas trop mal, bien que lentement.. Mais au moins je vois, maintenant. Il me semble que je vais atteindre à la Réalité. Quant à l'exécution, c'est à en devenir fou ! » A Ernest Feydau. 12 novembre 1859. « Je suis présentement accablé de fatigue. Je porte sur les épaules deux armées entières, 30 mille hommes d'un côté, onze mille de l'autre, sans compter les éléphants avec leurs éléphantarques, les goujats et les bagages ! » A Amélie Bosquet. 11 juillet 1860. « Non ! mon vieux, ne va pas croire que les beaux sujets font les bons livres. J'ai peur, après la confection de Salammbô, d'être plus que jamais convaincu de cette vérité. » A Ernest Feydau. 5 août 1860. « L'action générale n'avance pas. Je retombe à chaque minute dans des effets déjà produits, bien que je tâche de les renforcer. - Ainsi pour le moment je peins un tourlourou qui dévore à belles dents le coeur d'un bourgeois. C'est beau d'intention ! Vois-tu, de là, les critiques ? On m'accusera "d'exalter l'anthropophagie". » A Louis Bouilhet. 1er octobre 1860. « Quant à la copie (puisque c'est là le terme), je n'en sais franchement quoi penser. J'ai peur de retomber dans des répétitions d'effets continuelles, de ressasser éternellement la même chose. Il me semble que mes phrases sont toutes coupées de la même façon et que cela est ennuyeux à crever. Ma volonté ne faiblit pas cependant, et comme fond ça devient coquet. On a déjà commencé à se manger. Mais juge de mon inquiétude, je prépare actuellement un coup, le coup du livre. Il faut que ce soit à la fois cochon, chaste, mystique et réaliste ! Une bave comme on n'en a jamais vu, et cependant qu'on la voie ! » A Ernest Feydau. 21 octobre 1860. « Je suis rentré ici vendredi soir et je retravaille avec plus d'acharnement que de succès, étant maintenant dans un passage atroce, un endroit de troisième plan et qui, même réussi dans la perfection, ne peut être que d'un médiocre effet. Et s'il est raté, c'est à jeter le livre par la fenêtre. Après quoi, j'aurai encore deux grands chapitres de la conclusion. » A Ernest Feydau. 19 juin 1861. « Carthage me fera crever
de rage. Je suis maintenant plein de doutes, sur l'ensemble, sur le
plan général ; je crois qu'il y a trop de troupiers ?
C'est l'histoire, je le sais bien. Mais si un roman est aussi embêtant
qu'un bouquin scientifique, bonsoir, il n'y a plus d'art. Bref, je passe
mon temps à me dire que je suis un idiot et j'ai le coeur plein
de tristesse et d'amertume. A Ernest Feydau. 15 juillet 1861. « A mesure que j'avance, je m'aperçois des répétitions, ce qui fait que je récris à neuf des passages situés cent ou deux cents pages plus haut, besogne très amusante. Je bûche comme un nègre, je ne lis rien, je ne vois personne, j'ai une existence de curé, monotone, piètre et décolorée. » A Ernest Feydau. 17 août 1861. « C'est long et l'écriture y devient de plus en plus impossible. Bref, je suis comme un crapaud écrasé par un pavé ; comme un chien étripé par une voiture de m..., comme un morviau sous la botte d'un gendarme, etc. L'art militaire des Anciens m'étourdit, m'emplit ; je vomis des catapultes, j'ai des tollénons dans le cul et je pisse des scorpions. (...) Tu n'imagines pas quel fardeau c'est à porter que toute cette masse de charogneries et d'horreurs ; j'en ai des fatigues réelles dans les muscles. » A Ernest Feydau. 15 septembre 1861. « L'empoisonnement de la Bovary m'avait fait dégueuler dans mon pot de chambre. L'assaut de Carthage me procure des courbatures dans les bras. - Et c'est pourtant ce que le métier offre de plus agréable ! - Et puis l'idée de toutes les inepties que je vais faire dire sur mon livre m'accable d'avance. Cette perspective quand j'étais au milieu m'égayait. A présent, elle m'écoeure. » A Jules Duplan. 25 septembre 1861. « A mesure que j'avance, mes doutes sur l'ensemble augmentent et je m'aperçois des défauts de l'oeuvre, défauts irrémédiables et que je n'enlèverai point, une verrue valant mieux qu'une cicatrice. » A Ernest Feydau. 7 octobre 1861. « Je suis à la moitié à peu près de mon dernier chapitre. Je me livre à des farces qui soulèveront le coeur des honnêtes gens. J'accumule horreurs sur horreurs. Vingt mille de mes bonshommes viennent de crever de faim et de s'entre-manger ; le reste finira sous la patte des éléphants et dans la gueule des lions. » A Edmond et Jules de Goncourt. 2 janvier 1862. « J'ai la tête pleine de ratures, je suis harassé, excédé, hhahhuri par Salammbô. Le dégoût de la publication s'ajoute aux nausées de l'oeuvre ; bref le nom seul de mon roman m'emmerde jusqu'au fond de l'âme. » A Jules Duplan. 18 juin 1862. « Je me moque de l'archéologie
! Si la couleur n'est pas une, si les détails détonnent,
si les moeurs ne dérivent pas de la religion et les faits des
passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes
ne sont pas appropriés aux usages et les architectures au climat,
s'il n'y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux. Sinon, non.
Tout se tient. A Sainte Beuve. 23 décembre 1862. « Ce livre-là aurait besoin d'être allégé de certaines inversions ; il y a trop d'alors, de mais et de et. On sent le travail. » A George Sand. 30 octobre 1867. une critique de Salammbô par George Sand |
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