Peintre et conventionnel
Dès août 1790, Charlotte David,
en désaccord avec les opinions de son mari, engage leur séparation
et se retire un temps dans un couvent. Le 17 juillet 1791 David fait
partie des signataires de la pétition demandant la déchéance
de Louis XVI réunis au Champ de Mars juste avant la fusillade,
il fait à cette occasion la connaissance de Roland[60]. En septembre
de la même année il tente sans succès de se faire
élire comme député à l'Assemblée
législative[61]. Son activité artistique se fait moins
présente : s' il trouve le temps de faire son deuxième
autoportrait dit Autoportrait aux trois collets (1791 Florence Galerie
des Offices), il laisse inachevés plusieurs portraits dont ceux
de Mme Pastoret et Mme Trudaine.
En 1792 ses positions politiques se radicalisent
: le 15 avril il organise sa première fête révolutionnaire
en l'honneur des gardes suisses de Chateauvieux qui s'étaient
mutinés dans la garnison de Nancy. Son soutien à cette
cause provoque la rupture définitive avec ses anciennes relations
libérales, notamment André Chénier et Mme de Genlis.
Le 17 septembre 1792 il est élu 20e
député de Paris à la Convention nationale avec
450 voix aux élections du second degré[62], et le soutien
de Jean-Paul Marat qui le classe parmi les «excellents patriotes»[63].
Il siège avec le parti de la Montagne.
Peu après le 13 octobre il est nommé
au Comité d'instruction publique et à ce titre, est chargé
de l'organisation des fêtes civiques et révolutionnaires,
ainsi que de la propagande. Au Comité, de 1792 à 1794,
il s'occupe de l'administration des arts, qui s'ajoute à son
combat contre l'Académie. Également membre de la Commission
des monuments, il propose l'établissement d'un inventaire de
tous les trésors nationaux et joue un rôle actif dans la
réorganisation du Muséum des Arts, offrant un poste à
Jean-Honoré Fragonard. Il conçoit au début de l'année
1794 un programme d'embellissement de Paris et fait installer les chevaux
de Marly de Guillaume Coustou à l'entrée des Champs Élysées[64].
Du 16 au 19 janvier 1793 (27 au 30 nivôse
an I) il vote pour la mort du roi Louis XVI, ce qui provoque la procédure
de divorce intentée par son épouse. Le 20 janvier le conventionnel
Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau est assassiné pour avoir
lui aussi voté la mort du roi. David est chargé par Barère
de la cérémonie funéraire et fait exposer le corps
place des Piques[65]. Il représente ensuite le député
sur son lit de mort dans un tableau exposé à la Convention,
puis récupéré par le peintre en 1795, probablement
détruit en 1826 par la fille du conventionnel assassiné[66].
Il reste connu par un dessin de son élève Anatole Desvoge,
et une gravure de Tardieu.
Pierre-Antoine Demachy Fête de lEtre suprême au Champ
de Mars (20 prairial an II - 8 juin 1794). Musée CarnavaletÀ
l'annonce de l'assassinat de Marat le 13 juillet 1793, la Convention,
par la voix de l'orateur François Élie Guirault porte-parole
de la Section du Contrat-Social, commande à David de faire pour
Marat ce qu'il avait fait pour Lepeletier. Proche relation du conventionnel,
David avait fait partie des derniers députés à
l'avoir vu vivant la veille de l'assassinat[67]. Il peint, avec Marat
assassiné (1793), un de ses tableaux les plus célèbres
et emblématiques de sa période révolutionnaire,
exposant le crime dans sa crudité. Il s'occupe aussi des funérailles
en organisant le 16 juillet une cérémonie quasi-religieuse
dans l'église des Cordeliers précédée par
un cortège funèbre[68]. En octobre 1793, David annonce
l'achèvement de sa toile. De novembre 1793, jusqu'à février
1795, les tableaux de Lepelletier et Marat vont sieger dans la salle
des séances de la Convention.
Avec La Mort du jeune Barra David fait son
troisième et dernier tableau sur le thème du martyr révolutionnaire,
en prenant cette fois comme exemple le cas d'un jeune tambour de treize
ans Joseph Barra, tué lors de la guerre de Vendée pour
avoir, selon la légende, refusé de crier « vive
le roi ». Il était aussi chargé d'une célébration
révolutionnaire pour sa panthéonisation, mais les évènements
du 9 thermidor date de la chute de Robespierre font abandonner le projet[69].
David avait aussi envisagé de célébrer
un autre héros, le général marquis de Dampierre,
dont il a fait quelques croquis préparatoires à une toile
qui ne sera pas réalisé, le projet fut peut être
interrompu à l'annonce de l'assassinat de Marat[70].
A partir de la seconde moitié de l'année
1793 David occupe plusieurs postes à responsabilité politique,
en juin il est nommé président du club des jacobins, le
mois suivant il est secrétaire de la Convention. Il prend une
part active dans la politique de la Terreur en devenant le 14 septembre
1793 membre du Comité de sûreté générale
et préside la section des interrogatoires[71]. À ce titre
il contresigne environ trois-cent mandats d'arrestation, et une cinquantaine
d'arrêtés traduisant les suspects devant le tribunal révolutionnaire.
Il intervient entre autres dans l'arrestation de Fabre d'Églantine,
ainsi que dans celle du général Alexandre de Beauharnais,
et dans le cadre du procès de Marie antoinette, il participe
comme témoin à l'interrogatoire du Dauphin. Il n'interviendra
pas pour empêcher l'execution d'anciens amis et commanditaire
comme les frères Trudaines, Lavoisier, la duchesse de Noaille
pour qui il avait peint un christ en croix ou André Chenier,
et Carle Vernet lui imputera la responsabilité de l'exécution
de sa sur Madame Chalgrin. Cependant il protégea Dominique
Vivant Denon en lui procurant un poste de graveur[72] et aida son élève
Antoine Jean Gros dont les opinions royalistes pouvaient en faire un
suspect, en lui donnant les moyens de s'expatrier en Italie. En 1794
David est nommé président de la Convention, fonction qu'il
occupe du 5 au 21 janvier (16 nivôse au 2 pluviôse an II).
Il organise la cérémonie de
la Fête de l'Être suprême.
Pendant le Directoire
Les SabinesAprès la chute de Robespierre, le 9 thermidor (27
juillet 1794), David est compris dans la proscription. Mais absent de
la convention ce jour-là, ayant été prévenu
par un ami, il échappe de justesse à l'échafaud.
Dénoncé par Lecointre comme robespierriste il est mis
en accusation et emprisonné à l'ancien Hôtel des
Fermes générales, puis au Luxembourg. Ses étudiants
se mobilisent et obtiennent sa libération le 8 nivôse an
III (28 décembre 1794). Il est à nouveau emprisonné
en 1795 avant d'être amnistié.
Durant son emprisonnement, David ne reste
pas inactif, il peint l' Autoportrait du Louvre et conçoit Les
Sabines. Ce tableau est une uvre capitale de David, de style néo-classique,
dans lequel il symbolise les rivalités fratricides des factions
révolutionnaires et les vertus de la concorde. Les Sabines attira
les critiques des Barbus, un groupe constitué de certains de
ses élèves par Pierre-Maurice Quays qui prônait
un retour au primitivisme. David dut se séparer de ces éléments
perturbateurs.
C'est à cette époque qu'il reprend
contact avec son ex-épouse Charlotte qui lui pardonne ses actes
et qui accepte de l'épouser à nouveau.
Époque napoléonienne
Le Premier Consul franchissant les Alpes au col du Grand-Saint-Bernard
(1800) château de MalmaisonDès les premiers succès
de Bonaparte en Italie, il fut séduit car il retrouvait en lui
ses héros légendaires . Vers la fin de l'an VI (1797),
sa rencontre avec le jeune général Bonaparte achève
de le convaincre et il fait son premier portrait qui demeure inachevé.
Il réalisa, pour le nouveau maître
de la France puis de l'Europe, plusieurs tableaux à des fins
de propagande et devint le peintre officiel du Premier Empire. Sa première
représentation majeure fut Bonaparte au Grand-Saint-Bernard monté
sur un cheval fougueux. David dont c'était la première
grande réalisation pour Bonaparte voulut en faire un tableau
symbolisant le conquérant dans la ligne d'Hannibal avec le nom
de Bonaparte gravé sur une pierre, en bas, à gauche du
tableau. Originellement la toile fut commandée par le roi d'Espagne.
Il existe quatre autres exemplaires de ce tableau qui furent exécutés
par l'atelier de David. Cette uvre majeure reproduite en France
dans tous les manuels d'histoire depuis Jules Ferry est un des rares
portraits équestres de Napoléon.
Le premier consul Bonaparte voulait nommer
David « peintre du gouvernement » mais ce dernier refuse
ce titre estimant mériter plus, et en 1804, le nouvel empereur
l'investit dans la fonction de « premier peintre », fonction
qu'avait occupé Charles Le Brun auprès du Roi Soleil.
Ainsi à l'occasion des cérémonies du Couronnement,
David reçoit commande de quatre tableaux dont il n'en exécutera
que deux, « Le Sacre de Napoléon » et La Distribution
des Aigles, à cause de difficultés de paiement.
Il réalisa Le Sacre de Napoléon
en trois ans et disposa pour ce faire d'une loge à Notre-Dame
d'où il put suivre, les épisodes et les détails
de la grandiose cérémonie. Il a relaté lui-même
comment il opéra : « J'y dessinai l'ensemble d'après
nature, et je fis séparément tous les groupes principaux.
Je fis des notes pour ce que je n'eus pas le temps de dessiner, ainsi
on peut croire, en voyant le tableau, avoir assisté à
la cérémonie. Chacun occupe la place qui lui convient,
il est revêtu des habillements de sa dignité. On s'empressa
de venir se faire peindre dans ce tableau, qui contient plus de deux
cents figures
». Cependant, le tableau n'est pas tout à
fait véridique sur au moins deux points : la mère de Napoléon
représentée dans la tribune la plus proche de l'autel,
selon le vu de l'empereur, n'assista pas à la cérémonie,
et le pape Pie VII, représenté bénissant le mariage,
n'a été en réalité que simple spectateur,
restant toute la cérémonie assis dans une attitude résignée.
Dans le tableau La Distribution des Aigles
il dut sur ordre de l'empereur réaliser deux modifications importantes
: il vida le ciel de la « Victoire qui jette des lauriers aux
officiers brandissant drapeaux et étendards » et après
1809 il fit disparaître de la scène Joséphine répudiée.
La première modification rendit sans objet le mouvement de tête
des maréchaux regardant désormais le vide à l'emplacement
où se trouvait l'allégorie.
Vers la fin de l'Empire, les commandes officielles
se raréfient et David achève son tableau Léonidas
aux Thermopyles un épisode de l'histoire de l'Antiquité
grecque qui va devenir à la mode. Ce tableau fut conçu
par David vers 1800, époque où la glorification des vertus
héroïques du sacrifice pour la nation était un modèle
à suivre. Le Roi Léonidas à la tête de trois
cents guerriers résolus, tient tête à plusieurs
centaines de milliers de soldats perses, donnant aux Grecs le temps
de se reprendre. Le tableau fut achevé en mai 1814, alors que
Napoléon venait d'abdiquer et de s'exiler sur l'île d'Elbe.
Lors des Cent-Jours, Napoléon de passage à Paris prit
le temps d'aller voir le tableau. Le peintre conserva sa fidélité
à l'Empereur en signant l' « Acte additionnel ».
Après la bataille de Waterloo, et le
retour du roi Louis XVIII sur le trône, David, pour avoir signé
l' « Acte additionnel », est définitivement proscrit
du royaume de France et doit partir en exil, après la loi du
12 janvier 1816.
Exil à Bruxelles
Portrait de David (1817) par François-Joseph NavezDans un premier
temps, il sollicite l'asile auprès de l'Italie qui le lui refuse.
La Belgique plus libérale le reçoit et il retrouve à
Bruxelles d'autres anciens conventionnels : Barrère, Pierre Joseph
Cambon, Merlin de Douai, Thibaudeau, Alquier et Sieyès.
Il exécute de nombreux portraits pour
vivre, mais ses capacités sont encore là, il n'a pas renoncé
à la « grande manière » et reprend ses sujets
liés à la mythologie grecque et romaine.
Refusant les généreuses interventions
tendant à obtenir son retour en France, il restera en Belgique
jusqu'à sa mort neuf ans plus tard malgré une amnistie.
Dans ce pays, il a enfin trouvé la quiétude et, presque
octogénaire, il exécute sans commanditaire en 1824, un
tableau de plus de trois mètres de haut, « Mars désarmé
par Vénus et les Grâces ». Ce fut sa dernière
grande uvre et David mourut l'année suivante, en 1825.
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