Les Quatre Évangiles
Les Quatre Évangiles
est le dernier cycle romanesque conçu par Émile Zola
de 1898 à sa mort en 1902. Il est inachevé puisque seuls
les trois premiers romans de la série, Fécondité,
Travail et Vérité ont été publiés.
Justice, le dernier projet du romancier, n'a été qu'ébauché.
Genèse
du cycle des Quatre Évangiles
Cette série fait immédiatement suite au cycle des Trois
Villes et en découle. Ses quatre romans sont en effet bâtis
autour de chacun des fils de Pierre et Marie Froment, héros
de Lourdes, Rome et Paris. Initialement prévu pour être
composée de trois romans (Fécondité, Travail,
Justice), soit le symétrique du cycle précédent,
Zola rajoute Vérité en cours d'écriture. Mais
la mort de l'écrivain prévient la réalisation
du dernier roman resté à l'état de simple projet.
Il écrit : « C'est la conclusion naturelle de toute mon
uvre, après la longue constatation de la réalité,
une prolongation dans demain, et d'une façon logique, mon amour
de la force et de la santé, de fécondité et du
travail, mon besoin latent de justice, éclatant enfin. Tout
cela basé sur la science, le rêve que la science autorise.
Je suis content surtout de pouvoir changer ma manière, de pouvoir
me livrer à tout mon lyrisme et à toute mon imagination[1].
» C'est un cycle ouvertement utopique, utopie clairement revendiquée
par Zola, dans lequel il peut donner libre cours à ses rêves.
Mais c'est aussi une conception du monde qui a très mal vieilli.
On n'est pas très loin d'un concept comme Travail - Famille
- Patrie[2], avec au surplus, un éloge marqué de la
colonisation, et on peut légitimement se demander où
cette conception du monde eût mené Zola sans l'affaire
Dreyfus ?
Fécondité
ou l'ode à la natalité
Raymond Tournon, affiche créée pour la parution de Fécondité
en feuilleton dans L'Aurore, en 1899Fécondité, le premier
opus du nouveau cycle, est un roman dans lequel Zola expose ses thèses
natalistes. L'ouvrage se lit difficilement de nos jours[3], tant ses
conceptions sont aujourd'hui dépassées. Zola avait exposé
ses thèses natalistes dans un article en 1896[4]. Il y évoquait
le projet d'un roman sur ce thème, provisoirement intitulé
Le Déchet dans lequel il se proposait de s'élever contre
la limitation volontaire des naissances qui provoquait selon lui «
une tragédie morale et sociale ». La natalité
était en effet à la veille de la Revanche, une problématique
nationale. Le roman est basé sur une opposition stricte et
rigoureuse entre le couple Froment et leur douze enfants, incarnant
le bonheur, et ceux qui se limitent volontairement à une petite
progéniture, voire ceux qui la refusent totalement. A ceux
là, la déchéance sociale et les malheurs de la
vie. Le récit laborieux[5] expose toute une série de
problématiques liées à la dénatalité
comme l'abandon des enfants et leur traitement par l'Assistance publique,
la contraception, l'avortement, l'infanticide, qu'il met en scène
dans des épisodes mélodramatiques. Le roman est publié
en feuilleton dans L'Aurore de mai à octobre 1899, puis en
volume le 12 octobre chez Fasquelle, en pleine tempête issue
du nouvel épisode de l'affaire Dreyfus après la nouvelle
condamnation du capitaine. C'est la valeur morale de l'uvre
qui est remarquée, plus que ses qualités littéraires,
bien que fortement critiqué par la droite nationaliste. Le
livre fut remarqué par Sigmund Freud, qui le rangea parmi les
dix ouvrages les plus intéressants qu'il ait lus[6].
Travail ou le
roman socialiste
Il s'agit d'un roman d'un nouveau genre pour Zola, puisque c'est une
uvre d'anticipation construite sur la volonté générale
de progrès social et sur les évolutions industrielles
de la fin du XIXe siècle. L'enquête préparatoire
est encore plus détaillée que pour Germinal. Alors que
les idéaux socialisants appellent à une lutte des classes
sanglante, Zola aspire à une entraide. Il écrit : «
je veux montrer toute cette vieille charpente sociale craquant sous
la poussée démocratique, la question de la réorganisation
du travail se posant comme la question-mère de la société
future pour une juste distribution des richesses. » L'Exposition
universelle de 1900, qui a passionné Zola, est incontestablement
en filigrane du roman. Les progrès techniques ont une place
centrale dans le récit, avec la Fée électricité,
de nature à résoudre tous les maux de l'humanité
ou la sidérurgie moderne, qu'il va observer près de
Saint-Étienne aux Aciéries et Forges d'Unieux. Il prône
aussi des idéaux comme « l'abolition du salariat »
en exaltant le travail « nécessaire et noble ».
La rédaction du roman débute en mars 1900 et s'achève
en février 1901. Il est publié en feuilleton dans L'Aurore
à partir de décembre 1900 et en volume chez Fasquelle
en mai 1901. L'uvre est reçue avec bienveillance à
gauche, avec des critiques enthousiates, de Jaurès notamment.
Les associations coopératives, disciples de Fourier, voient
en Zola un allié de poids et lui organisent un banquet le 9
juin 1901.
Vérité
ou la métaphore dreyfusienne
Vérité, le troisième roman du cycle[7], est l'adaptation
de l'affaire Dreyfus dans le monde de l'Instruction publique, principalement
illustrée par le combat entre laïcs et cléricaux.
L'uvre est conçue dans le contexte du projet de séparation
des Églises et de l'État. Marc Froment, instituteur,
tente de défendre son collègue, Simon, Juif, injustement
accusé, puis condamné, pour avoir violé et tué
un écolier. L'ensemble du clergé apparaît comme
la force motrice de l'accusation, truquant les preuves, influençant
la justice, protégeant le vrai coupable, un frère de
Écoles chrétiennes, dans le but de discréditer
toute l'école laïque au travers de l'accusé. L'engagement
de Marc dans son combat pour la vérité lui coûte
son ménage, puisque son épouse, pratiquante, le quitte
; mais il conserve le soutien de sa fille Louise et d'une bonne part
de son administration. C'est la description d'un cléricalisme
qui, envers et contre tout, cherche à conserver coûte
que coûte son emprise sur la société civile[8].
Zola veut faire « le poème de l'instituteur primaire.
L'exalter, le mettre à son rang, le premier, le semeur d'homme.
Puisque la nation, est devenue capable de vérité et
de justice par l'instruction intégrale de tous les citoyens.
» L'écriture de l'uvre s'étend de juillet
1901 à août 1902 et paraît en feulleton dans L'Aurore
de septembre 1902 à février 1903. La mort de l'écrivain,
le 29 septembre 1902, l'empêche d'apporter ses corrections à
une grande partie du roman. Le volume, qui paraît en mars 1903
chez Charpentier, est liseré de noir en signe de deuil. La
critique s'attache à élucider les messages relatifs
à l'affaire Dreyfus, en faisant remarquer que la transposition
de la trahison militaire à l'affaire de murs fait perdre
beaucoup au récit[9]. Mais la critique salue le traitement
de l'éducation laïque, Gustave Théry indiquant[10]
: « pour nous, maîtres de l'Université républicaine,
n'est-ce pas vraiment notre évangile, notre bréviaire
laïque ? »
Justice
Justice, le dernier roman de la série de Quatre Évangiles
ne fut jamais commencé. Bien que son titre fut prévu
dès 1897, Zola n'eut le temps que d'écrire quelques
pages de notes constituant un début de première ébauche.
En tout cas, c'est tout ce que l'on en retrouva après sa mort.
On sait que Jean Froment devait en être le héros, militaire
anti militariste, certain de la nécessité du désarmement
mondial pour assurer la paix des peuples et leur bonheur. Le but ultime
devait être la création d'une République universelle
par la victoire contre les nationalismes et le militarisme.
1.
Fécondité.
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2. Travail.
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3. Vérité.
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