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Un esprit qui
marche de lueur en lueur
et qui s'arrête éperdu - au bord de l'infini
Victor Hugo
1802 - 1885
Les chants du Crépuscule
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LES
CHANTS DU CRÉPUSCULE
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Il ne croit pas que
son individualité, comme on dit aujourd'hui en assez mauvais style,
vaille la peine d'être autrement étudiée. Aussi, quelque
idée qu'on veuille bien s'en faire, n'est-elle que très
peu clairement entrevue dans ses livres. L'auteur est fort loin de croire
que toutes les parties de celui-ci en particulier puissent jamais être
considérées comme matériaux positifs pour l'histoire
d'un cur humain quelconque. Il y a dans ce volume beaucoup de choses
rêvées. Ce qui est peut-être exprimé parfois dans ce recueil, ce qui a été la principale préoccupation de l'auteur en jetant çà et là les vers qu'on va lire, c'est cet étrange état crépusculaire de l'âme et de la société dans le siècle où nous vivons; c'est cette brume au dehors, cette incertitude au dedans; c'est ce je ne sais quoi d'à demi éclairé qui nous environne. De là, dans ce livre, ces cris d'espoir mêlés d'hésitation, ces chants d'amour coupés de plaintes, cette sérénité pénétrée de tristesse, ces abattements qui se réjouissent tout à coup, ces défaillances relevées soudain, cette tranquillité qui souffre, ces troubles intérieurs qui remuent à peine la surface du vers au dehors, ces tumultes politiques contemplés avec calme, ces retours religieux de la place publique à la famille, cette crainte que tout n'aille s'obscurcissant, et par moments cette foi joyeuse et bruyante à l'épanouissement possible de l'humanité. Dans ce livre, bien petit cependant en présence d'objets si grands, il y a tous les contraires, le doute et le dogme, le jour et la nuit, le coin sombre et le point lumineux, comme dans tout ce que nous voyons, comme dans tout ce que nous pensons en ce siècle; comme dans nos théories politiques, comme dans nos opinions religieuses, comme dans notre existence domestique; comme dans l'histoire qu'on nous fait, comme dans la vie que nous nous faisons. Le dernier mot que doit ajouter ici l'auteur, c'est que dans cette époque livrée à l'attente et à la transition, dans cette époque ou la discussion est si acharnée, si tranchée, si absolument arrivée à l'extrême, qu'il n'y a guère aujourd'hui d'écoutés, de compris et d'applaudis que deux mots, le Oui et le Non, il n'est pourtant, lui, ni de ceux qui nient, ni de ceux qui affirment. Il est de ceux qui espèrent. 25 octobre 1835. |