Flaubert sur
Sade
Le plus grand élément de grotesque
« Ah ! Duplan, comme je taime, mon bon, pour comprendre
ainsi le grand Homme [Sade]. Tu es le seul mortel de la création
qui le sente comme moi. Cet « affreux livre, cet abominable
ouvrage », etc., a été le plus grand élément
de grotesque dans ma vie. Jai maintes fois cuydé en crever
de rire ! [...] Moi, je pense, parfois, que lexistence de ce
pauvre vieux a été uniquement faite pour me divertir.
Quelles créations ! quels types ! et quelle observation des
murs ! Comme cest vrai ! Quelle élévation
de caractères (dans les vits !), que de lyrisme et quelles
bonnes intentions ! » (Lettre à Jules Duplan, vers le
20 octobre 1857)
La bêtise
la plus amusante
Flaubert, une intelligence hantée par M. de Sade, auquel il
revient toujours, comme à un mystère qui laffriole.
Friand de la turpitude au fond, la cherchant, heureux de voir un vidangeur
manger de la merde, et sécriant, toujours à propos
de Sade : « Cest la bêtise la plus amusante que
jai rencontrée ! » (Paroles rapportées par
Edmond et Jules de Goncourt dans Journal. Mémoires de la vie
littéraire, novembre 1858)
Le dernier mot
du catholicisme, l'horreur de la nature
Puis causerie sur de Sade, auquel revient toujours, comme fasciné,
lesprit de Flaubert : « Cest le dernier mot du catholicisme,
dit-il. Je mexplique : cest lesprit de lInquisition,
lesprit de torture, lesprit de lÉglise du
Moyen Âge, lhorreur de la nature. Il ny a pas un
arbre dans de Sade, ni un animal. » (Paroles rapportées
par Edmond et Jules de Goncourt dans Journal. Mémoires de la
vie littéraire, 29 janvier 1860)
Lincarnation
de lAntiphysis, la haine du corps
Il y a vraiment chez Flaubert une obsession de de Sade. Il se creuse
la cervelle pour trouver un sens à ce fou. Il en fait lincarnation
de lAntiphysis et va jusquà dire, dans ses plus
beaux paradoxes, quil est le dernier mot du catholicisme, la
haine du corps. (Paroles rapportées par Edmond et Jules de
Goncourt dans Journal. Mémoires de la vie littéraire,
9 avril 1861)
Note : LAntiphysis
est lensemble des pratiques érotiques condamnées
par lÉglise catholique comme « contre nature »,
et plus précisément, selon les occurrences du mot «
antiphysique » dans les uvres de Sade, la coprophagie
(dans La Philosophie dans le boudoir), lhomosexualité
masculine (dans La nouvelle Justine et Histoire de Juliette) et la
sodomie (dans Histoire de Juliette), qui, dans la perspective sadienne,
participe toujours de lhomosexualité masculine, même
quand le « patient » est de sexe féminin.