CHAPITRE X
DISSERTATION PHILOSOPHIQUE
- SUITE DES AVENTURES DU COUVENT
- La chose du monde la plus
ridicule, ma chère Justine, dit Clément, est de vouloir
disputer sur les goûts de l'homme, les contrarier, les blâmer,
ou les punir, s'ils ne sont pas conformes, soit aux lois du pays qu'on
habite, soit aux conventions sociales. Eh quoi ! les hommes ne comprendront
jamais qu'il n'est aucuns goûts, quelque bizarres, quelque criminels
même qu'on puisse les supposer, qui ne soient le résultat
de la sorte d'organisation que nous avons reçue de la nature.
Cela posé, je demande de quel droit un homme ose exiger d'un
autre, ou de réformer ses goûts, ou de les modérer
sur l'ordre social ? de quel droit même les lois, qui ne sont
faites que pour le bonheur de l'homme, oseront-elles sévir contre
celui qui ne peut se corriger ; ou qui n'y parviendrait qu'aux dépens
de ce bonheur que doivent lui conserver les lois ? Mais désirât-on
même de changer de goûts, le peut-on ? Est-il en nous de
nous refaire ? Pouvons-nous devenir autres que nous ne sommes ? L'exigeriez-vous
d'un individu contrefait ? Et cette inconformité de nos goûts
est-elle autre chose, au moral, que ne l'est au physique l'imperfection
de l'homme contrefait ? Entrons dans quelques détails ; l'esprit
que je te reconnais, Justine, te met à portée de les entendre.
Deux irrégularités, je le vois, t'ont déjà
frappée parmi nous : tu t'étonnes de, la sensation piquante,
éprouvée par quelques-uns de nos confrères pour
des choses vulgairement reconnues fétides ou impures ; et tu
te surprends de même que nos facultés voluptueuses puissent
être ébranlées par des actions qui, selon toi, ne
portent que l'emblème de la férocité. Analysons
l'un et l'autre de ces goûts ; et tâchons, s'il se peut,
de te convaincre qu'il n'est rien au monde de plus simple que les plaisirs
qui en résultent.
Il est, prétends-tu, singulier que des choses sales et crapuleuses
puissent produire dans nos sens l'irritation essentielle au complément
de leur délire ; mais, avant que de s'étonner de cela
il faudrait sentir, chère fille, que les objets n'ont de prix
à nos yeux que celui qu'y met notre imagination : il est donc
très possible, d'après cette vérité constante,
que non seulement les choses les plus bizarres, mais même les
plus viles et les plus affreuses, puissent nous affecter très
sensiblement. L'imagination de l'homme est une faculté de son
esprit, où, par l'organe de ses sens, vont se peindre, se modifier
les objets, et former ensuite ces pensées, en raison du premier
aperçu de ses objets ; mais cette imagination résultative
elle-même de l'espèce d'organisation dont est doué
l'homme, n'adopte les objets reçus que de telle ou telle manière,
et ne crée ensuite les pensées que d'après les
effets produits par le choc des objets aperçus. Qu'une comparaison
facilite à tes yeux ce que j'expose. N'as-tu pas vu, Justine,
des miroirs de formes différentes ; quelques-uns qui diminuent
les objets, d'autres qui les grossissent, ceux-ci qui les rendent affreux,
ceux-là qui leur prêtent des charmes ? T'imagines-tu maintenant
que si chacune de ces glaces unissait la faculté créatrice
à la faculté objective, elle ne donnerait pas du même
homme qui se serait regardé dans elle, un portrait tout à
fait différent ; et ce portrait ne serait-il pas en raison de
la manière dont elle aurait aperçu l'objet. Si aux deux
facultés que nous venons de prêter à cette glace,
elle joignait maintenant celle de la sensibilité, n'aurait-elle
pas pour cet homme, vu par elle de telle ou telle manière, l'espèce
de sentiment qu'il lui serait possible de concevoir pour la sorte d'être
qu'elle aurait aperçu ? La glace qui l'aurait vu affreux, le
haïrait ; celle qui l'aurait vu beau, l'aimerait ; et ce serait
pourtant toujours le même individu.
Telle est l'imagination de l'homme, Justine ; le même objet s'y
représente sous autant de formes qu'elle a de différents
modes ; et, d'après l'effet reçu de cette imagination
par l'objet, quel qu'il soit, elle se détermine à l'aimer
ou à le haïr : si le choc de l'objet aperçu la frappe
d'une manière agréable, elle l'aime, elle le préfère,
bien que cet objet n'ait en lui aucun agrément réel ;
et si cet objet, quoique d'un prix certain aux yeux d'un autre, n'a
frappé l'imagination dont il s'agit, que d'une manière
désagréable, elle s'en éloignera, parce qu'aucun
de nos sentiments ne se forme, ne se réalise qu'en raison du
produit des différents objets sur l'imagination. Rien d'étonnant,
d'après cela, que ce qui plaît vivement aux uns, puisse
déplaire aux autres ; et, réversiblement, que la chose
la plus extraordinaire et la plus monstrueuse trouve des sectateurs...
L'homme contrefait trouve aussi des miroirs qui le rendent beau.
Or, si nous avouons que la jouissance des sens soit toujours dépendante
de l'imagination, toujours réglée par l'imagination, il
ne faudra pas s'étonner des variations nombreuses que l'imagination
suggérera dans ces jouissances, de la multitude infinie des goûts
et de passions différentes qu'enfanteront les divers écarts
de cette imagination ; ces goûts, quoique luxurieux, ne devront
pas frapper davantage que ceux d'un genre simple. Il n'y a aucune raison
pour trouver une fantaisie de table moins extraordinaire qu'une fantaisie
de lit ; et, dans l'un et l'autre genre, il n'est pas plus étonnant
d'idolâtrer une chose que le commun des hommes trouve détestable,
qu'il ne l'est d'en aimer une généralement reconnue pour
bonne. L'humanité prouve de la conformité dans les organes,
mais rien en faveur de la chose aimée. Les trois quarts de l'univers
peuvent trouver délicieuse l'odeur d'une rose, sans que cela
puisse servir de preuve, ni pour condamner le quart qui pourrait la
trouver mauvaise, ni pour démontrer que cette odeur soit véritablement
agréable.
Si donc il existe des êtres dans le monde dont les goûts
choquent tous les préjugés admis, dont les fantaisies
blessent tous les principes de la société, dont les caprices
outragent les lois, et morales et religieuses ; des êtres qui
vous paraissent, en un mot, des scélérats et des monstres,
par le seul penchant qu'ils éprouvent au crime, bien qu'ils n'aient
à le commettre aucun autre intérêt que leur plaisir
; non seulement il ne faut pas s'étonner d'eux, non seulement
il ne faut ni les sermonner, ni les punir, mais il faut leur être
utile, il faut les contenter, anéantir tous les freins qui les
gênent, et leur donner, si vous voulez être juste, tous
les moyens de se satisfaire sans risque, parce qu'il n'a pas plus dépendu
d'eux d'avoir ce goût bizarre, qu'il n'a dépendu de vous
d'être spirituel ou bête, d'être bien fait ou d'être
bossu. C'est dans le sein de la mère que se fabriquent les organes,
qui doivent nous rendre susceptibles de telle ou telle fantaisie ; les
premiers objets présentés, les premiers discours entendus,
achèvent de déterminer le ressort : les goûts se
forment, les habitudes se prennent, et rien au monde ne peut plus les
détruire. L'éducation a beau faire, elle ne change plus
rien : et celui qui doit être un scélérat le devient
tout aussi sûrement, quelque bonne que soit l'éducation
qui lui a été donnée, que vole infailliblement
à la vertu celui dont les organes se trouvent disposés
au bien, quoique l'instituteur l'ait manqué : tous deux ont agi
d'après leur organisation, d'après les impressions qu'ils
avaient reçues de la nature ; et l'un n'est pas plus digne de
punition, que l'autre ne l'est de récompense.
Ce qu'il y a de bien singulier, c'est que tant qu'il n'est question
que de choses futiles, nous ne nous étonnons pas de la différence
des goûts ; mais sitôt qu'il s'agit de luxure, voilà
tout en rumeur. Les femmes, toujours surveillantes à leurs droits,
les femmes, que leur faiblesse et leur peu de valeur engagent à
ne rien perdre, frémissent à chaque instant qu'on ne leur
enlève quelque chose, et si malheureusement on met en usage,
en s'amusant d'elles, quelques procédés qui choquent leur
culte, voilà des crimes dignes de l'échafaud ! Quelle
inconséquence ! Quelle atrocité ! Le plaisir des sens
doit-il donc rendre un homme meilleur que les autres plaisirs de la
vie ! Le temple de la génération, en un mot, doit-il mieux
fixer nos penchants ; plus sûrement éveiller nos désirs,
que la partie du corps, ou la plus contraire, ou la plus éloignée
de lui, que l'émanation de ce corps la plus fétide ou
la plus dégoûtante ? Il ne doit pas, ce me semble, paraître
plus étonnant de voir un homme porter la singularité dans
les plaisirs du libertinage, qu'il ne doit l'être de la lui voir
employer dans les autres fonctions de la vie : encore une fois, dans
l'un ou dans l'autre cas, sa singularité est le résultat
de ses organes. Est-ce sa faute, si ce qui vous affecte est nul pour
lui, et s'il n'est ému que de ce qui vous répugne ? Quel
est l'homme qui ne réformerait pas à l'instant ses goûts,
ses affections, ses penchants, sur le plan général, et
qui n'aimerait pas mieux être comme tout le monde, que de se singulariser,
s'il en était le maître ? Il y a l'intolérance la
plus stupide et la plus barbare à vouloir sévir contre
un tel homme ; il n'est pas plus coupable envers la société,
quels que soient ses égarements, que ne l'est comme je viens
de le dire, celui qui serait venu au monde borgne ou boiteux ! Et il
est aussi injuste de le punir ou de se moquer de celui-ci, qu'il le
serait d'affliger l'autre ou de le persifler. L'homme doué de
goûts singuliers est un malade ; c'est, si vous le voulez, une
femme à vapeurs hystériques : nous est-il jamais venu
dans l'idée de punir ou de contrarier l'un ou l'autre ? Soyons
également justes pour l'homme dont les caprices nous surprennent
; parfaitement semblable au malade ou à la vaporeuse, il est
comme eux à plaindre et non pas à blâmer : tel est
au moral l'excuse des gens dont il s'agit ; on la trouverait au physique
avec la même facilité sans doute ; et quand l'anatomie
sera perfectionnée, on démontrera facilement par elle
le rapport de l'organisation de l'homme aux goûts qui l'auront
affecté ? Pédants, guichetiers, législateurs, racaille
tonsurée, bourreaux, que ferez-vous, quand nous en serons là
? Que deviendront vos lois, votre morale, votre religion, vos potences,
vos paradis, vos dieux et votre enfer, quand il sera démontré
que tel ou tel cours de liqueurs, telle sorte de fibres, tel degré
d'âcreté dans le sang ou dans les esprits animaux, suffisent
à faire d'un homme l'objet de vos peines ou de vos récompenses
?
Poursuivons : les goûts cruels t'étonnent.
Quel est l'objet de l'homme qui jouit ? N'est-il pas de donner à
ses sens toute l'irritation dont ils sont susceptibles, afin d'arriver
mieux et plus chaudement à la dernière crise ?... crise
précieuse qui caractérise la jouissance de bonne ou de
mauvaise, en raison du plus ou moins d'activité dont s'est trouvée
cette crise ? Or, n'est-ce pas un sophisme insoutenable que d'oser dire
qu'il est nécessaire pour l'améliorer qu'elle soit partagée
de la femme ? N'est-il donc pas visible que la femme ne peut rien partager
avec nous sans nous prendre, et que ce qu'elle dérobe doit nécessairement
être à nos dépens ? Et de quelle nécessité
est-il donc, je le demande, qu'une femme jouisse quand nous jouissons
? Y a-t-il dans ce procédé un autre sentiment que l'orgueil
qui puisse être flatté ? Eh ! ne trouvons-nous pas, d'une
manière bien plus piquante, la sensation de ce sentiment orgueilleux,
en forçant au contraire avec dureté cette femme à
s'abstenir de la jouissance, afin que nous jouissions seuls, afin qu'entièrement
à nous, rien ne l'empêche de s'occuper de nos seuls plaisirs
? La tyrannie ne flatte-t-elle pas l'orgueil d'une manière bien
plus vive que la bienfaisance ? Celui qui impose n'est-il pas bien plus
sûrement le maître que celui qui partage ? Mais, comment
put-il venir dans la tête d'un homme raisonnable que la délicatesse
eût quelque prix en jouissance ? Il est absurde de vouloir soutenir
qu'elle y soit nécessaire ; elle n'ajoute jamais rien au plaisir
des sens ; je dis plus, elle y nuit : c'est une chose très différente
que d'aimer ou que de jouir ; la preuve en est qu'on aime tous les jours
sans jouir, et qu'on jouit encore plus souvent sans aimer. Tout ce qu'on
mêle de délicatesse dans les voluptés dont il s'agit
ne peut être donné à la jouissance de la femme qu'aux
dépens de celle de l'homme, et tant que celui-ci s'occupe de
faire jouir ; assurément, il ne jouit pas, ou sa jouissance n'est
plus qu'intellectuelle, c'est-à-dire chimérique et bien
inférieure à celle des sens. Non, Justine, non, je ne
cesserai de le répéter, il est parfaitement inutile qu'une
jouissance soit partagée pour être vive et pour rendre
cette sorte de plaisir aussi piquante qu'elle est susceptible de l'être
: il est, au contraire, très essentiel que l'homme ne jouisse
qu'aux dépens de la femme ; qu'il prenne d'elle (quelque sensation
qu'elle en éprouve) tout ce qui peut donner de l'accroissement
à la volupté dont il veut jouir, sans le plus léger
égard aux effets qui peuvent en résulter pour la femme
; car ces égards le troubleront : ou il voudra que la femme partage,
alors, il ne jouit plus, ou il craindra qu'elle ne souffre, et le voilà
dérangé. Si l'égoïsme est la première
loi de la nature, c'est, bien sûrement, plus qu'ailleurs, dans
les plaisirs de la lubricité que cette céleste mère
désire qu'il soit notre unique mobile : c'est un très
petit malheur que, pour l'accroissement de la volupté de l'homme,
il lui faille ou négliger ou troubler celle de la femme ; car,
si ce trouble lui fait gagner quelque chose, ce que perd l'objet qui
le sert ne le touche en rien, il doit lui être indifférent
que cet objet soit heureux ou malheureux : pourvu que lui soit délecté
; il n'y a véritablement nulle sorte de rapports entre cet objet
et lui. Il serait donc fou de s'occuper des sensations de cet objet,
aux dépens des siennes : absolument imbécile, si pour
modifier ces sensations étrangères il renonçait
à l'amélioration des siennes : cela posé, si l'individu
dont il est question est malheureusement organisé, de manière
à n'être ému qu'en produisant, dans l'objet qui
lui sert, de douloureuses sensations, vous avouerez qu'il doit s'y livrer
sans remords, puisqu'il est là pour jouir, abstraction faite
de tout ce qui peut en résulter pour cet objet. Nous y reviendrons.
Continuons de marcher par ordre.
Les jouissances isolées ont donc des charmes ; elles peuvent
donc en avoir plus que toutes autres. Eh ! s'il n'en était pas
ainsi, comment jouiraient tant de vieillards, tant de gens ou contrefaits
ou pleins de défaut ? Ils sont bien sûrs qu'on ne les aime
pas, bien certains qu'il est impossible qu'on partage ce qu'ils éprouvent
; en ont-ils moins de voluptés ? Désirent-ils seulement
l'illusion ? Entièrement égoïstes dans leurs plaisirs,
vous ne les voyez occupés que d'en prendre, tout sacrifier pour
en recevoir, et ne soupçonner jamais, dans l'objet qui les sert,
d'autres propriétés que des propriétés passives.
Il n'est donc nullement nécessaire de donner des plaisirs pour
en recevoir : la situation heureuse ou malheureuse de la victime de
notre débauche est donc absolument égale à la satisfaction
de nos sens ; il n'est nullement question de l'état où
peut être son cur et son esprit : cet objet, absolument
passif, peut indifféremment se plaire ou souffrir à ce
que vous lui faites, vous aimer ou vous détester ; toutes ces
considérations sont nulles, dès qu'il ne s'agit que des
sens. Les femmes, j'en conviens, peuvent établir des maximes
contraires ; mais les femmes, qui ne sont que les machines de la volupté.
; qui ne doivent en être que les plastrons, sont récusables
toutes les fois qu'il faut établir un système réel
sur la nature des plaisirs que l'on peut goûter, en se servant
de leurs corps. Y a-t-il un seul homme raisonnable qui soit envieux
de faire partager sa jouissance à des putains publiques ? Et
n'y a-t-il pas des millions d'hommes qui prennent pourtant de grands
plaisirs avec ces créatures ? Ce sont donc autant d'individus
persuadés de ce que j'établis ; qui le mettent en pratique,
sans s'en douter, et qui blâment stupidement ceux qui légitiment
leurs actions par de bons principes ; et cela, parce que l'univers est
plein de statues organisées, qui vont, qui viennent, qui agissent,
qui mangent, qui digèrent, sans jamais se rendre compte de rien.
Les plaisirs isolés, démontrés aussi délicieux
que les autres, et beaucoup plus assurément, il devient donc
tout simple alors que cette jouissance, goûtée indépendamment
de l'objet qui nous sert, soit non seulement très éloignée
de ce qui peut lui être agréable, mais se trouve même
contraire à ses plaisirs. Je vais plus loin : elle peut devenir
une douleur imposée, une vexation, un supplice, sans qu'il y
ait rien d'extraordinaire, sans qu'il en résulte autre chose
qu'un accroissement de plaisir bien plus sûr pour le despote qui
tourmente ou qui vexe. Essayons de le démontrer.
L'émotion de la volupté, n'est autre, sur notre âme,
qu'une espèce de vibration produite au moyen des secousses que
l'imagination, enflammée par le souvenir d'un objet lubrique,
fait éprouver à nos sens, ou au moyen de la présence
de cet objet, ou mieux encore par l'irritation que ressent cet objet
dans le genre qui nous émeut le plus fortement ; ainsi notre
volupté, ce chatouillement inexprimable qui nous transporte au
plus haut point de bonheur physique où puisse arriver l'homme,
ne nous électrisera que par deux causes ; soit en apercevant
réellement ou fictivement, dans l'objet qui nous sert, l'espèce
de beauté qui nous flatte le plus, soit en voyant éprouver
à cet objet la plus forte sensation possible. Or, il n'est aucune
sorte de sensation qui soit plus active... plus incisive que celle de
la douleur : ses impressions sont sûres ; elles ne trompent point
comme celles du plaisir, perpétuellement jouées par les
femmes, et presque jamais ressenties par elles. Que d'amour-propre d'ailleurs,
que de jeunesse, de force, de santé, ne faut-il pas pour être
certain de produire dans une femme cette douteuse et peu satisfaisante
impression du plaisir ? Celle de la douleur, au contraire, n'exige pas
la moindre chose : plus un homme a de défauts, plus il est vieux,
moins il est aimable, mieux il réussira. A l'égard du
but, il sera bien plus sûrement atteint, puisque nous établissons
qu'on ne le touche, qu'on n'irrite jamais mieux ses sens, que lorsqu'on
a produit, dans l'objet qui nous sert, la plus grande impression possible,
n'importe par quelle voie. Celui qui fera donc naître dans une
femme l'impression la plus tumultueuse, celui qui l'effraiera davantage,
qui la tourmentera le plus rigoureusement, qui, en un mot, bouleversera
le mieux toute son organisation, aura donc décidément
réussi à se procurer la plus grande dose de volupté
possible ; parce que le choc résultatif des impressions étrangères
sur nous, devant être en raison de l'impression produite, sera
nécessairement plus actif, si cette impression des autres a été
pénible, que si elle n'a été que douce et moelleuse.
D'après cela, le voluptueux égoïste, persuadé
que ses plaisirs ne seront vifs qu'autant qu'ils seront entiers, imposera
donc, quand il en sera le maître, la plus forte dose possible
de douleur à l'objet qui lui sert, bien certain que ce qu'il
retirera de volupté ne sera qu'en raison de la plus vive impression
qu'il aura produite.
- Ces systèmes sont épouvantables, mon père, dit
Justine ; ils conduisent à des goûts cruels, à d'exécrables
fantaisies.
- Et qu'importe ! répondit le barbare ; encore une fois, sommes-nous
les maîtres de nos goûts ? Ne devons-nous pas céder
à l'empire de ceux que nous avons reçu de la nature, comme
la tête orgueilleuse du chêne plie sous l'orage qui le ballote
? Si la nature était offensée de ces goûts, elle
ne les inspirerait pas ; il est impossible que nous puissions recevoir
d'elle un sentiment fait pour l'outrager ; et, dans cette extrême
certitude, nous pouvons nous livrer à nos passions, de quelque
genre, de quelque violence qu'elle puisse être, bien assurés
que tous les inconvénients qu'entraîne leur choc, ne sont
que des desseins de la nature, dont nous sommes les organes involontaires
: et que nous font les suites de ces passions ! Lorsqu'on veut se délecter
par une action quelconque, il ne s'agit nullement des suites.
- Je ne vous parle pas des suites, interrompit vivement Justine ; il
est question des résultats : assurément, si vous êtes
le plus fort, et que, par d'atroces principes de cruauté, vous
n'aimiez à jouir que par la douleur, dans la vue d'augmenter
ses sensations, vous arriverez insensiblement à les produire,
sur l'objet qui vous sert, au degré de violence capable de lui
ravir le jour.
- Soit : c'est-à-dire que, par des goûts donnés
par la nature, j'aurai servi les desseins de la nature, qui, n'opérant
ses créations que par des destructions, ne m'inspire jamais l'idée
de celle-ci, que quand elle a besoin des autres ; c'est-à-dire
que, d'une portion de matière oblongue, j'en aurai formé
trois ou quatre mille rondes ou carrées. Voilà toute l'histoire
du meurtre : oh ! Justine, est-il donc un crime ? Peut-on nommer ainsi
ce qui sert autant la nature ? L'homme a-t-il le pouvoir de commettre
des crimes ? Et, lorsque, préférant son bonheur à
celui des autres, il renverse ou détruit tout ce qu'il trouve
dans son passage, a-t-il fait autre chose que servir la nature, dont
les premières et plus sûres inspirations lui dictent de
se rendre heureux, n'importe aux dépens de qui ? Le système
de l'amour du prochain est une chimère que nous devons au christianisme,
et non pas à la nature. Le sectateur du Nazaréen, tourmenté,
malheureux et, par conséquent, dans un état de faiblesse
qui devait faire crier à la tolérance... à l'humanité,
dut nécessairement établir ce rapport fabuleux d'un être
à un autre ; il préservait sa vie en le faisant réussir.
Mais le philosophe n'admet pas ces rapports gigantesques ; ne voyant,
ne considérant que lui seul dans l'univers, c'est à lui
seul qu'il rapporte tout ; s'il ménage ou caresse un instant
les autres, ce n'est jamais que relativement au profit qu'il croit en
tirer : n'a-t-il plus besoin d'eux, prédomine-t-il par sa force,
il abjure alors à jamais tous ces beaux systèmes d'humanité,
de bienfaisance, auxquels il ne se soumettait que par politique ; il
ne craint plus de ramener à lui tout ce qui l'entoure ; et, quelque
chose que puisse coûter ses jouissances aux autres ; il les assouvit
sans examen comme sans remords.
- Mais l'homme dont vous parlez est un monstre !
- L'homme que je peins est dans la nature.
- C'est une bête féroce.
- Eh bien ! le tigre, le léopard, dont cet homme est, si tu veux,
l'image, n'est-il pas comme lui créé par la nature et
créé pour remplir les intentions de la nature ? Le loup
qui dévore l'agneau accomplit les vues de cette mère commune,
comme le malfaiteur qui détruit l'objet de sa vengeance ou de
sa lubricité.
- Oh ! vous aurez beau dire, mon père, je n'admettrai jamais
cette lubricité destructive.
- Parce que tu crains d'en devenir l'objet : voilà l'égoïsme.
Changeons de rôle, et tu le concevras. Interroge l'agneau, il
n'entendra pas non plus que le loup puisse le dévorer ; demande
au loup à quoi sert l'agneau : A me nourrir, répondra-t-il.
Des loups qui mangent des agneaux, des agneaux dévorés
par des loups ; le fort qui sacrifie le faible, le faible la victime
du fort : voilà la nature, voilà ses vues, voilà
ses plans ; une action et une réaction perpétuelle, une
foule de vices et de vertus, un parfait équilibre, en un mot,
résultant de l'égalité du bien et du mal sur la
terre, équilibre essentiel au maintien des astres, à la
végétation, et sans lequel tout serait à l'instant
détruit. Ô Justine, elle serait bien étonnée
cette nature, si elle pouvait un instant raisonner avec nous, et que
nous lui disions que ces crimes qui la servent, que ces forfaits qu'elle
exige et qu'elle nous inspire, sont punis par des lois ; qu'on nous
assure être l'image des siennes. Imbécile, répondrait-elle
à celui qui lui parlerait ainsi, engendre, calomnie, détruis
; fous en cul, en con ; vole, pille, viole, incendie, martyrise ; assassine
ton père, ta mère, tes enfants ; commets sans peur tous
les crimes que bon te semblera : ces prétendues infamies me plaisent,
elles sont nécessaires à mes vues sur toi, et je les veux,
puisque je te les inspire. Tu ne pourrais pas les commettre, si elles
m'outrageaient. Il t'appartient bien de régler ce qui m'irrite
ou ce qui me délecte ! Apprends que tu n'as rien dans toi qui
ne m'appartienne, rien que je n'y aie placé, pour des raisons
qu'il ne te convient pas d'approfondir ; que la plus abominable de tes
actions n'est, comme la plus vertueuse d'un autre, qu'une des façons
de me servir ; que j'estime autant celui qui détruit que celui
qui procrée, et que tous les deux me servent, quoique par des
procédés différents. Ne te contiens donc point
; nargue tes lois, tes conventions sociales et tes dieux ; n'écoute
que moi seul ; et crois que, s'il existe un crime à mes regards,
c'est l'opposition que tu mets à ce que je t'inspire, par ta
résistance ou par tes sophismes.
- Oh ! juste ciel ! s'écria Justine, vous me faites frémir
: s'il n'y avait pas des crimes contre la nature, d'où nous viendrait
donc cette résistance invincible que nous éprouvons pour
certains délits ?
- Cette répugnance n'est pas dictée par la nature, répondit
vivement notre philosophe ; elle n'a sa source que dans le défaut
d'habitude. N'en est-il pas de même pour certains mets ! Quoique
excellents n'y répugnons-nous pas seulement par défaut
d'habitude ? Oserait-on dire, d'après cela, que ces mets ne sont
pas bons ? Tâchons de nous vaincre, et nous conviendrons bientôt
de leur saveur. Nous répugnons, aux médicaments, quoi
qu'ils nous soient pourtant salutaires. Accoutumons-nous de même
à ce qu'on appelle improprement le crime ; nous n'y trouverions
bientôt que des charmes. Cette répugnance momentanée
est bien plutôt une adresse, une coquetterie de la nature, qu'un
avertissement que la chose l'outrage ; elle nous prépare ainsi
les plaisirs du triomphe, elle en augmente ceux de l'action même.
Il y a mieux, Justine, il y a mieux ; c'est que plus l'action nous semble
épouvantable, plus elle contrarie nos usages et nos murs,
plus elle brise de freins, plus elle blesse ce que nous croyons être
des lois de la nature, et plus au contraire elle est utile à
cette nature. Ce n'est jamais que par des crimes qu'elle rentre dans
les droits que la vertu lui ravit sans cesse. Si le crime est léger,
en différant moins de la vertu, il établira plus lentement
l'équilibre indispensable à la nature ; mais, plus il
est capital, plus il semble effrayant, plus il a d'étendue, mieux
il égalise les poids, plus il balance l'empire de la vertu qui
détruirait tout sans cela. Qu'il cesse donc de s'effrayer celui
qui médite un forfait, ou celui qui vient de le commettre ; plus
son crime aura d'étendue, mieux il aura servi la nature. Ô
Justine ! Archimède travaillait à une machine qui pourrait
enlever le monde ; qu'un mécanicien en trouve une qui le pulvérise,
celui-là seul aura bien mérité de la nature, puisque
la main de la nature brûle de recommencer un ouvrage... manqué
par elle dès le premier jet.
- Oh ! mon père, avec de tels principes...
- On est un scélérat, n'est-il pas vrai, ma chère
? Mais le scélérat est toujours l'homme de la nature,
et le vertueux ne l'est que par circonstance.
- Hélas ! monsieur, poursuivit en pleurant notre infortunée,
je n'ai pas assez d'esprit pour combattre vos sophismes ; mais l'effet
qu'ils produisent sur mon cur... sur un cur neuf, ouvrage
aussi certainement formé par la nature que peut l'être
votre dépravation, cet effet, dis-je, suffit à me prouver
que votre philosophie est aussi mauvaise que dangereuse.
- Dangereuse, soit, répondit Clément ; mauvaise, non :
car tout ce qui est dangereux n'est point mauvais ; il y a des choses
très utiles qui sort dangereuses : les serpents, les venins,
la poudre à canon, tout cela est fort dangereux, et cependant
d'un très grand usage : traite ma morale de même, mais
ne l'avilis pas. L'abus des meilleures choses peut devenir dangereux
; mais ici l'abus même est un bien et plus un homme sage mettra
mes systèmes en pratique, plus je lui garantis le bonheur, parce
que le bonheur n'est que dans ce qui agite, et qu'il n'y a que le crime
qui agite : la vertu, qui n'est qu'un état d'inaction et de repos,
ne peut jamais conduire au bonheur.
A ces mots, Clément s'endormit.
- Il va bientôt se réveiller, dirent Armande et Lucinde
à Justine, et ce sera comme un furieux, la nature n'endort ses
sens que pour leur prêter, après un peu de repos, une bien
plus grande énergie. Encore une scène, et nous serons
tranquilles jusqu'à demain.
- Et pourquoi ne profiteriez-vous pas de ce temps pour dormir aussi
? dit Justine à ses compagnes.
- Tu le peux, toi, ma chère, répondit Armande tu n'es
point de garde : place-toi, nue, près de lui, les fesses le plus
près possible de son visage, et dors, il ne te dira mot : mais
notre devoir nous oblige, ma compagne et moi, de veiller ; il serait
homme à nous égorger, s'il nous surprenait endormies,
personne ne l'en blâmerait ; c'est la loi du sérail, ils
n'en connaissent point d'autres.
- Oh ciel ! dit Justine, comment, même au sein du sommeil, ce
scélérat veut que ce qui l'environne soit dans un état
de souffrance ?
- Oui, répondit Lucinde ; c'est la barbarie de cette idée
qui lui procure le réveil furieux que tu vas lui voir : il est,
sur cela, comme ces écrivains pervers, dont la corruption est
si pernicieuse, si active, qu'ils n'ont pour but, en imprimant leurs
affreux systèmes, que d'étendre au-delà de leur
vie la somme de leurs crimes : ils n'en peuvent plus faire ; mais leurs
maudits écrits en feront commettre ; et cette douce idée,
qu'ils emportent au tombeau, les console de l'obligation où les
met la mort de renoncer au mal.
Et les deux gardiennes de Clément se remirent à battre
doucement l'estrade autour du lit de leur patron. Justine s'endormit
dans un fauteuil, le plus loin qu'elle put de ce monstre.
Au bout de deux heures, il se réveilla effectivement dans une
agitation prodigieuse. Furieux de ne point trouver Justine près
de lui, il l'appelle et, la saisissant avec violence :
- Pourquoi n'es-tu point là, putain ? lui dit-il ; ne t'a-t-on
pas dit que c'était là, ta place ? Ne t'a-t-on pas dit
qu'à mon réveil, il me fallait un cul sous le nez ?
Ses yeux étincelaient, sa respiration était vive et pressée
; il prononçait des mots sans suite, qui n'étaient autres
que des blasphèmes ou des paroles consacrées au libertinage.
Il appelle ses gardiennes : il demande des verges et, attachant les
trois femmes ventre contre ventre, il les fouette ainsi toutes trois
jusqu'à ce qu'il en ait usé sur leurs corps une demi-douzaine
de poignées : il bande ; il les détache. Il s'agit maintenant
de le sucer : l'une, Armande, doit le faire décharger dans sa
bouche ; Lucinde doit mordiller sa langue et pomper sa salive ; et Justine
doit lui gamahucher l'anus. Vaincu par des sensations si voluptueuses,
le libertin s'égare, et perd, avec les flots embrasés
de sa semence, et son ardeur, et ses désirs. Mais les trois femmes
se ressentent de la crise ; il a l'air de les molester toutes trois
au moment de sa décharge : celle qui pompe a le téton
droit toute meurtri ; celle qui lui baise la bouche a la langue presque
coupée en deux ; et il s'est si vigoureusement appuyé
sur le visage de Justine, qui lui suce le cul, qu'il lui a presque écrasé
la figure ; des flots de sang lui sortent par le nez.
Tout fut calme le reste de la nuit. En se levant, le moine se contenta
de se faire flageller lui-même : les trois femmes y épuisèrent
leurs forces. Il les examina, vérifia soigneusement les vestiges
de sa cruauté ; et, comme il allait dire sa messe, elles rentrèrent
au sérail.
La directrice ne put s'empêcher de désirer Justine dans
l'état de souillure et d'irritation où elle la supposait
: elle lui fit dire de passer chez elle ; Justine ne peut s'en défendre.
On allait servir le déjeuner ; une fille de la classe des duègnes,
âgée de quarante ans, était avec la maîtresse
du logis : c'était la célèbre Honorine. On se rappelle
que cette femme énergique, aussi belle que vicieuse, avait commis
un meurtre dans la maison, sans qu'il en fût rien résulté
de fâcheux pour elle, les moines étant dans l'usage de
ne jamais punir les crimes dont ils faisaient eux-mêmes leurs
plus chères délices. Très amoureuse de notre héroïne,
elle désirait en jouir pour le moins avec autant d'ardeur que
la directrice, et toutes deux ne s'étaient réunies qu'à
dessein de se satisfaire. La plus aveugle soumission fut donc prescrite
à cette infortunée. Les deux tribades s'en emparent ;
et, en renchérissant l'une sur l'autre par leurs propos et par
leurs actions, elles mettent cette pauvre fille à même
de se convaincre que des femmes, à pareille époque, perdant
bientôt toute la retenue de leur sexe, ne peuvent, à l'exemple
de leurs tyrans, devenir qu'obscènes ou cruelles. Le croirait-on
? Honorine avait tous les goûts d'un homme, elle se faisait fouetter,
enculer ; elle aimait la merde et les pets ; et la douce Justine fut
obligée de se prêter à tous ces caprices avec la
même résignation que si elle eût été
dans la cellule d'un moine, ou à l'un de leurs soupers. On n'a
pas d'idée de la quantité des luxures qui se célébrèrent
dans ces secrètes orgies, dont Justine sortit plus fatiguée
que si elle eût tenu tête à dix libertins. Un peu
plus contente d'elle, la directrice la renvoya, moins en colère
; et Justine s'aperçut bientôt qu'il valait mieux se rendre
digne de l'estime de cette sultane favorite, que de mériter son
indignation.
Deux nuits après, elle coucha chez Jérôme. Elle
y était seule, avec les deux filles de garde, Olympe et Eléonore
; la première de neuf ans, l'autre de treize. Quatre gitons de
douze à quinze ans, et trois fouteurs de vingt à vingt-cinq
complétaient les sujets destinés à cette infâme
scène :
- Tu vois cette enfant, dit le vieux scélérat en montrant
Olympe à Justine ; eh bien, mon cur, tu ne saurais jamais
croire par combien de liens elle m'est attachée. J'ai fait un
enfant à ma cousine germaine ; j'ai foutu cet enfant, qui était
ma nièce, et de cette nièce j'ai eu celle-ci, qui se trouve
donc ma petite-nièce, ma fille et ma petite-fille, puisqu'elle
est fille de ma fille. Allons, Olympe, venez baiser le cul de votre
papa ; et le vilain expose le derrière le plus flétri,
les fesses les plus martyrisées qui pussent jamais se trouver
dans la culotte d'un libertin. La pauvre enfant obéit ; l'infâme
lui pète au nez, et la scène commence.
Jérôme s'étendait sur un banc très étroit
; à cheval sur lui s'établissaient, les fesses tournées
vers son visage, alternativement, un petit garçon et une petite
fille : un des grands garçons devait fouetter le jeune sujet
par-dessus le visage de Jérôme, en sorte que ses yeux fussent
absolument fixés sur le cul flagellé, et que les coups
dirigés sur ce cul lui passassent par-dessus le visage, sans
l'effleurer : Justine devait le sucer pendant ce temps-là et
il branlait un vit de chaque main sur les tétons de Justine.
C'était jusqu'au sang que devait s'administrer la fustigation,
il fallait que les gouttes arrosassent sa bouche : et c'était
de le lécher ainsi que s'enflammait sa lubricité. En moins
d'une heure son gosier fut inondé ; il se jette sur Justine,
et l'étrille alors de sa main avec tant de force et de rapidité,
qu'elle en fut marquée plus de huit jours. Échauffé
de ces préliminaires, il saisit sa petite fille, et l'encule
pendant qu'on le fout, et qu'il étrille un cul de chaque main.
Mais les passions usées de ce vieux faune ne se déterminaient
pas pour si peu ; il leur fallait indispensablement une secousse dont
la plus atroce méchanceté fût la base. L'histoire
de la vie de ce monstre, que nous entendrons bientôt de sa bouche
achèvera de nous convaincre que le physique, absolument soumis
au moral, chez lui, ne s'embrasait jamais qu'aux plus chatouilleuses
irritations de la tête.
- Éléonore, dit-il à la jolie petite fille de treize
ans, compagne de la sienne, il a été trouvé hier
au matin, par le régent de fonction, la preuve la plus certaine
d'un complot formé par vous et deux autres de vos compagnes,
dont l'objet était de mettre le feu aux salles du sérail
: ne m'attachant point à vous démontrer l'absurdité
de ce projet, mon enfant, à vous représenter que, tout
étant voûté dans cette maison, il vous deviendrait
impossible de réussir ; je me contenterai de vous annoncer que
ces preuves étant constantes, et maintenant déposées
chez le supérieur. la société s'en est rapportée
à moi du soin de punir un tel délit, et que j'ai décidé
que la mort la plus cruelle pouvait seule en purger les traces. On m'a
chargé de prescrire le supplice ; c'est cette nuit même
qu'il faut qu'il s'exécute. Et le libertin maniait, baisotait
sa petite-fille, tout en jetant ainsi dans son âme la plus effroyable
terreur : Justine le branlait ; et il bandait fort dur.
- Oh ! mon père, dit enfin Éléonore, en se précipitant
aux pieds du moine, je vous proteste qu'on vous en impose.
- Je ne vous demande pas si cela est vrai ; j'en suis au point de ne
pouvoir douter ; il ne s'agit nullement de vous défendre ici
sur des faits avérés ; il ne faut que donner le nom de
vos complices, ou je vais vous faire subir la question extraordinaire
; et je me flatte que nous obtiendrons de vous ; alors, dans les supplices,
ce que vous refusez de bonne grâce.
Et comme Éléonore persista dans la négative, Jérôme
lui annonça qu'il allait procéder à l'interrogatoire
suppliciaire. On passe, à cet effet, dans un cabinet où
tout ce qui peut servir à la plus affreuse torture est préparé
avec le plus grand soin. Toute la compagnie suit le moine : Justine
l'y conduit, en le menant par le vit. Il bande, il sacre, il blasphème
; ses yeux ressemblant à deux fournaises ; sa bouche écume
: il est effrayant. Éléonore est étendue par lui
sur un chevalet, dont les ressorts lui tendant les bras et les jambes,
au point de les lui disloquer : elle ne nomme personne. Le supplice
change. Tout son corps est frotté de lard : on l'expose ainsi
devant un feu terrible. Pendant qu'elle y grésille, Jérôme,
sodomisé par les trois fouteurs, ne cesse de tenir Justine enculée
: même silence ; et la malheureuse victime est retirée
à moitié rôtie.
- Allons, dit Jérôme, qu'aidaient avec délices les
trois fouteurs dans ses sanguinaires opérations, il faut essayer
autre chose.
La victime est placée, suspendue par des cordes, entre deux plaques
d'acier, garnies de pointes, qui se resserrent l'une sur l'autre, ou
s'écartent à volonté. Ce n'est d'abord qu'avec
la plus extrême modération que l'on use de ce terrible
moyen : mais quand Jérôme voit qu'il n'arrache rien à
l'accusée, les plaques se rapprochent avec une telle violence,
que la pauvre fille, transpercée à la fois dans mille
endroits de son corps, jette des cris qui s'entendraient d'une lieue.
- Je vais donc la condamner sur-le-champ, dit le moine barbare, puisqu'elle
ne veut rien avouer.
A ces mots, il quitte Justine, s'engloutit dans le cul de sa petite
fille. On le fout, on le patine, on l'entoure de culs : celui de notre
héroïque est sur sa bouche, il le dévore ; et, plaçant
la victime devant lui, il veut qu'elle soit sodomisée sous ses
yeux, et mise assez près de lui pour que de ses deux mains il
puisse lui pincer, lui molester les tétons à l'aise. Deux
jeunes gens, le poignard levé, menacent le cur d'Éléonore,
- Vous frapperez quand je le dirai, s'écrie le moine en fureur
; faites-la languir longtemps sous le glaive : c'est ainsi que j'aime
à tenir les femmes ; je voudrais les voir toutes sous le même
poignard, et que le ressort en fût dans mes mains.
Cet horrible propos détermine l'extase ; le foutre part ; et
le monstre, étourdi de toutes les voluptés dont on l'environne,
ne se souvient plus de donner l'ordre. Sa malheureuse victime se trouve
sauvée par l'art de ses compagnons d'infortune ; et Jérôme,
au sein du sommeil, dans les bras de Justine, ne pense plus qu'à
réparer des forces que l'habitude de les perdre diminueront bientôt
au point de ne les plus retrouver. Il se réveilla pourtant au
bout de trois heures ; et, se rappelant son heureux oubli, il accuse
Justine d'en être la cause ; il va, dit-il, lui faire subir le
supplice qu'il préparait à Éléonore. Il
l'encule en disant cela, un fouteur le pénètre ; il baise
le cul d'un des gitons ; il ordonne aux filles de garde de se fouetter
mutuellement sous ses yeux. Voyant qu'elles n'y vont pas avec assez
d'énergie, il leur lance un de ses fouteurs, qui les met en sang
; et le vilain décharge encore une fois, en disant qu'il va tout
tuer.
Peu après, Justine coucha chez Ambroise. On se rappelle le caractère
de ce moine féroce, et son effrayante tournure, ses goûts,
crapuleux et sodomites. On n'imagine pas à quel point notre aventurière
en fut la victime : le seul plaisir de ce scélérat fut
de la faire fouetter et sodomiser toute une nuit sous ses yeux ; et,
quand elle avait le foutre dans le cul, elle était obligée
de venir le lui rendre dans la bouche. Il enculait un garçon,
et on le fouettait pendant ce temps-là. Quand il fut près
du dénouement, il s'empara des fesses de Justine, puis, armé
d'une aiguille d'or, il les lui larda comme une pomme qu'on veut cuire,
jusqu'à ce qu'elles fussent couvertes de sang.
- Oh quelle école ! dit Justine, en rentrant ; où mon
triste sort m'a-t-il donc conduite ? Et comme je voudrais me voir dehors
de ce cloaque impur, quel que soit le destin qui m'attende.
- Il serait possible que tu fusses bientôt satisfaite, répondit
Omphale, à qui Justine adressait ses plaintes : nous touchons
à l'époque de la fête ; rarement cette circonstance
a lieu, sans qu'il n'en coûte des victimes, vu qu'il se fait alors
de grands remplacements : ou ils séduisent quelques jeunes filles
par le moyen de la confession, ou ils en escamotent, s'ils le peuvent,
ou enfin les recruteuses arrivent ; c'est l'époque où
elles affluent avec abondance. Tout autant de nouveaux sujets qui supposent
toujours des réformes.
Elle arriva cette fameuse fête. Pourra-t-on jamais croire à
quelle impiété monstrueuse se portèrent les moines
à cet événement ! Ils imaginèrent qu'un
miracle visible doublerait l'éclat de leur réputation
: en conséquence, ils revêtirent une jeune fille de douze
ans, nommée Florette, de tous les ornements de la vierge ; par
d'invisibles cordons, ils la lièrent au mur de la niche, et lui
ordonnèrent de lever tout d'un coup les bras avec componction
vers le ciel, quand on élevait l'hostie. Comme cette petite créature
était menacée des plus cruels châtiments, si elle
disait un seul mot, ou venait à manquer son rôle, elle
s'en acquitta à merveille, et la fraude eut tout le succès
qu'on pouvait en attendre. Le peuple cria au miracle, laissa de riches
offrandes à la vierge, et s'en retourna plus convaincu que jamais
de l'efficacité des grâces de cette putain céleste.
Nos libertins voulurent, pour doubler leurs impiétés,
que Florette parût aux orgies du soir dans les mêmes vêtements
qui lui avaient attiré tant d'hommages, et chacun d'eux enflamma
ses lubriques désirs à la soumettre sous ce costume aux
plus exécrables caprices. Irrités de ce premier crime,
les sacrilèges ne s'en tiennent pas là : ils font déshabiller
cette petite fille, la couchent à plat-ventre sur une grande
table, allument des cierges, placent un crucifix sur les reins de l'enfant,
et consomment sur ses fesses le plus absurde des mystères du
christianisme. La pieuse Justine s'évanouit à ce spectacle
; il lui fut impossible de le soutenir : Jérôme dit que
pour l'accoutumer à ces saintes orgies, il fallait aussi lui
dire une messe sur le derrière. L'avis passe à l'unanimité.
Justine remplace Florette. C'est Jérôme qui officie ; deux
bardaches nus lui servent d'acolytes, dix ou douze culs l'environnent,
la farce infâme s'accomplit ; et, dès que l'hostie est
devenue Dieu, Ambroise la saisit des mains de son confrère, la
place au fondement de Justine, et voilà nos moines tour à
tour pilant, enfonçant de leurs vits écumeux l'abominable
Dieu du christianisme, qu'ils blasphèment, qu'ils injurient,
et qu'ils couvrent de foutre au fond du plus joli des culs, en mourant
de plaisir1.
On retira Justine sans mouvement ; l'obligation de servir de tels désordres,
l'avait privée de sa raison, il fallut la porter dans cellule,
où elle pleura longtemps le crime, à ses yeux exécrable,
où on l'avait employée sans son consentement. Quel gré
ne sut-elle pas à la nature de l'avoir privée du pouvoir
d'assister plus longtemps à cette affreuse cérémonie,
lorsqu'elle apprit, le lendemain, que les têtes s'étant
échauffées on avait rhabillé Florette en vierge,
on l'avait conduite au couvent, et qu'après l'avoir replacée
dans sa niche, les six moines, nus et moitié ivres, s'étaient
divertis, avec plusieurs filles, à supplicier, sur l'autel même,
cette malheureuse créature, qui, leur donnant l'idée de
la mère d'un Dieu qu'ils détestaient, fut traitée
si cruellement, qu'il ne restait plus, vers le matin, le plus léger
vestige de ses membres.
Cependant, la fête avait effectivement amené bien des recrues.
Trois jeunes filles nouvelles, et jolies comme des anges, vinrent remplacer
celles qui manquaient ; et l'on pensait à de nouvelles réformes,
lorsque Sévérino entra un jour dans la salle, en qualité
de régent de fonction. Il paraissait très enflammé,
une sorte d'égarement se peignait dans ses yeux. On se met en
haie ; il examine, place une douzaine de femmes dans son attitude chérie,
et s'arrête particulièrement à Omphale, troussée
jusque au-dessus des reins, et penchée sur un canapé.
Il l'examine longtemps dans cette posture, en se faisant branler par
la directrice ; il baise le cul que lui présente cette charmante
créature, fait voir qu'il est en état de foutre, et ne
fout pas. La faisant ensuite relever, il lance sur elle des regards
où se peignent à la fois la luxure et la méchanceté,
puis, lui appliquant à tour de reins un vigoureux coup de pied
dans le derrière, il l'envoie tomber à vingt pas de lui.
- La société te réforme, putain, lui dit-il ; elle
est lasse de toi ; sois prête à l'entrée de la nuit,
et je viendrai moi-même te conduire au tombeau.
Omphale s'évanouit ; cette syncope allume sa fureur ; il ne peut
passer auprès d'elle sans se sentir vivement excité :
- Qu'on me la présente ! s'écrie-t-il.
La victime, aussitôt replacée, offre au perfide Sévérino
le plus beau des culs ; il s'y introduit en blasphémant ; douze
fessiers l'entourent aussitôt ; c'est à qui préviendra,
à qui flattera le mieux ses désirs ; on imagine pas ce
qu'on obtient de la crainte. Au milieu de sa course, le cruel moine
se rappelle que Justine est l'amie intime de celle qu'il tourmente ;
il exige qu'elle vienne se placer sur les épaules d'Omphale,
en lui présentant l'anus à lécher.
- Eh bien ! se plaisait-il de dire à notre malheureuse orpheline,
elle te devance ; elle va chez Pluton préparer ton logement ;
tranquillise-toi, Justine, sèche tes larmes, tu la suivras de
près, la privation sera courte : elle doit mourir écartelée
; eh bien, tu mourras de même, je te le promets ; vois quelle
est ma délicatesse... jusqu'où vont mes bontés
pour toi ! Et le coquin limait toujours ; mais il ne veut rien perdre,
on le voit ; et, après quelques claques sur les fesses de Justine
et d'Omphale, dont les empreintes se caractérisèrent en
trait d'un rouge foncé, il se retire en menaçant, en injuriant
toutes les femmes, et en les assurant toutes que leur tour n'est pas
éloigné et que la société délibère
aujourd'hui de les faire toutes à l'avenir périr au moins
par demi-douzaine. Il entre de là chez Victorine, où deux
petites filles de dix à douze ans l'attendent pour lui dérober,
à force d'art et de prévenances, un sperme dont les bouillonnements
intérieurs deviennent si nuisibles aux individus malheureux qui
peuplent cet asile.
Dès qu'il est dehors, Omphale ouvre les yeux ; elle se jette
en pleurs dans les bras de Justine :
- Oh ! chère amie, lui crie-t-elle en larmes, il faut donc nous
quitter pour jamais.
Et la scène de douleur que produisit cette cruelle séparation,
fut d'une telle énergie, que nous en supprimerons les détails
au lecteur, pour ménager sa sensibilité. L'heure sonne,
Sévérino paraît ; les deux amies s'embrassent encore,
elles s'arrachent ; et Justine se précipite sur son lit au désespoir.
Quelques jours après, Justine coucha chez Sylvestre. On se rappelle
que ce moine voulait qu'une femme lai chiât dans la main pendant
qu'il l'enconnait. Justine oublia la recommandation qui lui avait été
faite à cet égard ; et quand, au fort de son plaisir,
le paillard demanda de la merde, il devint impossible de le satisfaire.
Sylvestre, furieux, déconne ; il fait saisir Justine par ses
deux filles de garde, dont l'une était cette Honorine, que nous
venons de voir aux prises avec elle, et qui n'était point du
tout fâchée de trouver une occasion de tourmenter une créature
dont elle s'était rassasiée. Justine est condamnée
à la peine de quatre cents coups de fouet, portée par
le septième article du règlement ; et, quand il lui a
mis les fesses en sang, le moine la renconne. Honorine va chier, puisque
Justine ne le peut. L'autre fille de garde, jeune poulette de quinze
ans, est enfilée peu après : elle chie. Accoutumée
à ce saint devoir, elle n'a garde d'y manquer. Sylvestre les
fout ; les soufflette toutes trois ; mais ce n'est que dans le con de
Justine qu'il veut décharger : il est aisé de voir qu'elle
seule l'occupe avec le plus d'empire. La dernière fois qu'il
en jouit, c'est en levrette ; il examine, en l'enconnant ainsi, la marque
dont elle est flétrie.
- Que j'aime ce signe ! s'écrie-t-il : mais je l'aimerais mieux
l'ouvrage de la justice que celui du libertinage ; imprimé par
la main du bourreau, je banderais bien mieux en le baisant.
- Insigne fripon, lui dit Honorine qui connaissait mieux que personne
le ton et les propos qui pouvaient plaire à ce libertin, comment
se peut-il que l'infamie puisse délecter ?
- C'est que rien n'est délicieux comme l'infamie, dit Sylvestre
en se retirant, et s'asseyant pour pérorer entre la fille de
quinze ans et Justine. Si la luxure est par elle-même une chose
vilaine, conviendras-tu, Honorine, que tout ce qu'on pourra y ajouter
d'infâme, n'y sera adopté qu'en lui prêtant du sel,
non seulement alors il faudra que tous les épisodes deviennent
autant et plus infâmes que le principal, mais il faudra aussi
que l'acte infâme soit exercé sur une personne infâme,
souillée, perdue d'honneur... de réputation : et voilà
ce qui fait que les libertins préfèrent les gueuses aux
honnêtes femmes ; ils trouvent avec elle un piquant que la pudeur
et la vertu leur refusent.
- J'aurais cru qu'il était délicieux d'outrager l'un et
l'autre.
- Oui, quand on le peut parce qu'alors la teinte d'infamie qu'on imprime
devient votre ouvrage, et qu'il est délicieux d'avoir contribué
à l'avilissement d'un individu quelconque, mais, comme la vertu
et la pudeur se refusent aux outrages projetés contre elles,
et qu'à moins d'être le plus fort, il devient difficile
de les atteindre, l'homme dissolu se rejette avec délices sur
ce qui lui ressemble ; il aime à mesurer la corruption des autres
à la sienne, à l'y mêler, à l'y alimenter,
à doubler ses moyens de dégradation de la masse de ceux
des autres, et à se gangrener, à se putréfier,
pour ainsi dire, avec eux. Le plus grand chagrin qu'il pût m'arriver,
serait de voir justifier mes écarts. Si je perdais la certitude
de faire mal quand je me livre à mes excès, j'émousserais
la houppe nerveuse de mes sensations libertines, je serais la moitié
moins heureux ; que serait une jouissance que le vice n'accompagnerait
pas ?
- Ah ! dit Justine, ne comptez-vous donc pour rien celles de la nature,
et sont-elles souillées celles-là ?
- Mais toutes les jouissances sont dans la nature, reprit Sylvestre,
la plus simple comme la plus criminelle : sa voix nous indique de boire
quand nous avons soif, comme de foutre lorsque nous bandons ; de soulager
un malheureux, si notre organisation flexible et délicate nous
y porte ; comme de l'outrager, si plus d'énergie dans le caractère
nous conseille d'abuser de lui. Tout est à la nature, rien à
nous : elle nous suggère à la fois le penchant au crime
et l'amour des vertus ; mais, comme elle nous donne en même temps
des récits médiocres et d'autres d'une saveur exquise,
elle nous agite de même plus voluptueusement pour le crime que
pour la vertu, parce qu'elle a toujours un beaucoup plus grand besoin
de crime que de vertu ; et que l'homme unique agent de ses caprices
lui obéit perpétuellement sans qu'il s'en doute.
- D'après cela, dit Honorine, tous les moyens sont donc bons
pour améliorer une jouissance en sens pervers ou criminel ?
- Tous, assurément, tous ; il n'en est pas un seul qui doive
être négligé ; et c'est à l'homme vraiment
voluptueux, à rechercher avec soin tous les moyens de perversité
possible dont il puisse accroître sa jouissance ; il ne doit s'en
refuser aucun ; il est coupable envers la nature s'il s'impose sur cela
le moindre frein.
- Si tous les hommes pensaient comme cela, dit Justine, la société
deviendrait un bois où chacun n'aurait pour but que d'égorger
celui qui le gênerait.
- Et qui doute, reprit le moine, que le meurtre ne soit une des lois
la plus précieuse de la nature ? Quel est son but quand elle
crée ? N'est-ce pas de voir bientôt détruire son
ouvrage ? Si la destruction est une de ses lois, celui qui détruit
lui obéit donc ! Et tu vois quelle masse de crimes s'élève
de cet argument.
- Voilà, dit Honorine, qui justifie toutes vos méchancetés
envers nous.
- Assurément, ma chère, répondit Sylvestre, parce
que je regarde la méchanceté comme le ressort le plus
certain de tous les crimes. C'est par méchanceté qu'on
en invente, par elle qu'on en exécute : l'homme patient et bon
est une négation de la nature ; il n'y a d'actif que le méchant
; et il n'y a de délicieux dans le monde que les fruits de la
méchanceté : la vertu laisse l'âme en repos ; le
crime seul l'agace, l'irrite, la sort de son assiette, et le fait jouir.
- Ainsi la trahison et la calomnie, les deux plus violents, les deux
plus dangereux résultats de la méchanceté, deviendront
des délices pour vous ?
- Je regarderai toujours comme tel tout ce qui acheminera la ruine,
le déshonneur, l'avilissement ou la perte totale du prochain,
puisque ces outrages sont les seuls qui me délectent véritablement,
et que le mal que je fais ou que je vois arriver aux autres, est pour
moi le chemin le plus sûr d'arriver au bien.
- Ainsi donc, de sang-froid, vous trahiriez l'ami le plus fidèle,
vous calomnieriez le parent le plus cher ?
- Avec plus de plaisir que des individus qui ne me seraient liés
par aucune chaîne, parce que le mal alors serait plus grand, et
que plus il est capital, plus la sensation qui en résulte pour
nous devient délicate et fine. Mais il y a de l'art, des principes,
une sorte de théorie nécessaire dans la science de la
trahison, ainsi que dans celle de la calomnie, dont il est nécessaire
de ne point s'écarter, si l'on veut recueillir en paix leurs
fruits délicieux : trahir ou calomnier un homme, par exemple,
pour en servir un autre, ne doit rien apporter de plus à la félicité
du méchant ; et, s'il fait un heureux en immolant une victime,
il se trouve le soir absolument dans le même état que s'il
n'eut point agi du tout, et n'a, d'après cela, nullement servi
sa méchanceté. Il faut donc que ses coups, dirigés
avec une arme tranchante des deux côtés, portent également
sur plusieurs individus sans jamais en favoriser aucun : et voilà
les écueils de ces deux sciences, en voilà les difficultés
et les principes dont, en les pratiquant l'une et l'autre, je ne me
suis écarté de la vie.
- Mais, dit Justine, comment avec de telles maximes ne vous dévorez-vous
pas entre vous ?
- Parce que la solidité de notre association devient utile à
sa conservation, et que, pour son maintien, nous préférons
quelques sacrifices dont tous les moyens que nous avons ici de faire
le mal savent nous dédommager amplement. Ne t'imagine pas que
nous nous chérissions beaucoup pour cela ; nous nous voyons tous
les jours de trop près pour nous aimer : mais nous sommes obligés
d'être ensemble ; et nous nous y maintenons par politique, à
peu près comme les voleurs dont la sûreté de l'association
n'a d'autres bases que le vice et la nécessité de l'exercer.
- Eh bien ! mon père, dit Justine, j'oserais répondre
qu'au milieu de cette insigne dépravation, il vous serait impossible
de ne pas encore respecter la vertu.
- Je te proteste, mon enfant, dit le moine, que je la tins toute ma
vie dans le mépris le plus profond ; que de mes jours je n'en
exerçai le plus petit acte ; et que mes plus souveraines jouissances
ne consistèrent jamais que dans la multiplicité des outrages
que je lui portais. Mais je bande, il faut que je finisse de foutre
; rapporte à mes yeux ce dos qui m'échauffait si puissamment
tout à l'heure.
Et le paillard, renconnant Justine en levrette, se remit à baiser
la marque qui semblait lui faire autant de plaisir. De temps en temps,
il sentait et respirait les aisselles ; ce qui paraissait être
un des plus délicieux épisodes de ces sales lubricités
: quelquefois Honorine et sa compagne lui exposaient leurs cons bien
ouvert et le paillard, toujours enconnant Justine, y fourrait son nez
et sa langue, jusqu'à ce qu'il eût obtenu, de l'un ou de
l'autre, un peu de sperme ou de pissat ; mais rien n'avançait.
- Ce n'est pas tout cela qu'il me faut, dit Sylvestre ; je comptais
sur un vagin plein d'ordinaires, et je n'en ai pas. Honorine, vole m'en
chercher un sur-le-champ au sérail.
Et, pendant que l'ordre s'exécute, le moine, déconnant
Justine, se met à la gamahucher.
- Pisse-moi donc dans la bouche petite putain, s'écrie-t-il ;
ne vois-tu donc pas bien que c'est ce que je te demande depuis une heure
?
Justine obéit. On branlait fortement le moine ; et peut-être
allait-il décharger, lorsque Honorine rentra avec une femme de
trente ans, dont la chemise ensanglantée annonçait à
Sylvestre qu'elle était dans l'état désiré.
Hipolyte, c'était le nom de la sultane, est bientôt inventoriée
; ce ne sont pas des règles, c'est une perte.
- Oh ! foutre, dit le moine en feu, voilà bien ce qu'il me faut
; je vais te foutre, putain, mais tu chieras... de la merde et des règles
! Oh ! doubledieu, quelle affreuse décharge je vais faire !
Sylvestre enconne ; bientôt son vit ressemble au bras d'un boucher.
Satisfait, d'une part, il l'est bientôt de l'autre ; on lui remplit
les mains de merde, il s'en barbouille le visage ; et, déconnant
Hipolyte, il oblige Justine à sucer son vit plein de sang ; il
faut obéir : de la bouche de cette belle enfant il se replongea
bientôt dans sa matrice. Exposant alors sous ses yeux le con enluminé
d'Hipolyte, il le suce avec ardeur en foutant ; pendant qu'Honorine
place ses fesses à côté du vagin qui le délecte,
et que son autre fille de garde le fouette à tour de bras. La
crise le saisit ; il hurle comme un diable en la goûtant ; et
le vilain, ivre de luxure et d'infamie, s'endort enfin avec tranquillité.
Le lendemain, Justine se trouva du souper ; il s'agissait d'une réception.
Les seules classes des pucelles, des vestales et des sodomistes, avaient
fourni le douze superbes créatures qui avaient obtenu cet honneur.
Dès en entrant, Justine aperçut la récipiendaire.
- Voilà celle que la société vous donne pour camarade,
mesdemoiselles, dit Sévérino en arrachant du buste de
cette fille les voiles dont elle était couverte, et présentant
à l'assemblée une jeune personne de quinze ans, de la
figure la plus agréable et la plus intéressante. Ses beaux
yeux, humides de pleurs, étaient l'image de son âme sensible
; sa taille était souple et légère ; sa peau d'une
blancheur éblouissante ; les plus beaux cheveux du monde ; et
quelque chose de si séduisant dans l'ensemble, qu'il devenait
impossible de la voir sans se sentir invinciblement entraîné
vers elle. On la nommait Octavie. Fille de la plus grande naissance,
elle avait été enlevée dans sa voiture avec sa
gouvernante, deux femmes de chambre et trois laquais, lorsqu'elle allait
épouser à Paris l'un des plus grands seigneurs de France
: sa suite avait été massacrée par les agents des
moines de Sainte-Marie-des-Bois. On l'avait jetée dans un cabriolet,
simplement escortée d'un homme à cheval et de la femme
qui la présentait ; puis on l'avait conduite dans cet effrayant
repaire sans qu'il lui eût été possible d'en savoir
davantage.
Personne ne lui avait encore dit un mot ; nos six libertins, en extase
devant autant de charmes, n'avaient la force que de les admirer : l'empire
de la beauté contraint naturellement au respect ; le scélérat
le plus corrompu lui rend, malgré son cur, une espèce
de culte qu'il n'enfreint jamais sans remords ; mais des monstres tels
que ceux dont il s'agit ici ne languissent pas longtemps sous de tels
freins.
- Allons, sacredieu, lui dit insolemment le supérieur en l'attirant
vers le fauteuil sur lequel il était assis, allons, faites-nous
promptement voir si le reste de vos charmes répond à ceux
que la nature a placés avec tant de profusion sur votre physionomie.
Et, comme cette belle fille se troublait, comme elle rougissait et qu'elle
cherchait à fuir, Sévérino la saisissant à
travers le corps :
- Comprends donc, petite garce, lui dit-il avec impudence, que tu n'es
plus maîtresse ici, et que ton seul lot est la soumission ; allons,
nue.
Et le libertin, à ces mots, lui glisse une main sous ses jupes
en la contenant de l'autre. Clément s'approche ; il relève
jusqu'au-dessus des reins les vêtements d'Octavie, et fait voir,
au moyen de cette manuvre, le cul le plus frais, le plus blanc,
le plus arrondi que, depuis bien longtemps, eût frappé
les yeux de ces paillards. Tous s'approchent, tous entourent ce trône
de volupté, tous le comblent d'éloges, tous se pressent
pour le toucher et l'accabler de caresses, en convenant à l'unanimité
qu'ils ne virent jamais rien d'aussi régulier, d'aussi beau,
d'aussi parfaitement accompli.
Cependant la modeste Octavie peu faite à de tels outrages, répand
des larmes et se défend.
- Déshabillons donc, doubledieu, dit Antonin ; peut-on juger
une fille couverte de vêtements ?
Il aide à Sévérino : tous travaillent ; l'un arrache
un fichu, l'autre une jupe : Octavie ressemble à la jeune biche
qu'entoure une meute de chiens ; en un instant ses voluptueux attraits
paraissent nus à tous les yeux. Il n'y eut sans doute jamais
de grâces plus touchantes, jamais des formes plus heureuses. Oh
! juste ciel ! tant de beautés, tant de fraîcheur, tant
d'innocence et de délicatesse devaient-elles devenir la proie
de ces barbares ! Octavie, honteuse, ne sait où fuir pour dérober
ses charmes ; en quelque coin qu'elle se réfugie, elle trouve
des yeux libertins qui la dévorent, des mains brutales qui la
souillent. Le cercle se ferme ; on la ramène au centre ; et chaque
moine a près de lui quatre femmes qui l'excitent en sens différents.
Octavie se présente à chacun. Antonin n'a pas la force
de résister ; on le suçait, on lui branlait le cul ; il
tenait les fesses de Justine d'une main, le con d'une vestale de l'autre
: il baise Octavie sur la bouche, quitte le con qu'il tient pour empoigner
celui de la novice. Le mouvement est si brutal, que la jeune personne
jette un cri ; Antonin redouble de violence, et son foutre échappe
malgré lui ; c'est une charmante femme de vingt ans qui l'avale.
Octavie passe à Jérôme : on lui piquait les fesses
avec une aiguille ; deux jolies filles le branlaient, l'une par devant,
l'autre par derrière, pendant qu'une quatrième, âgée
de seize ans, lui pétait dans la bouche.
- Que de blancheur et que de grâces ! dit-il en touchant Octavie
; ô divin enfant ! quel beau cul !
Il le compare un moment à celui qui lui pète au nez, l'un
des plus délicieux du sérail.
- En vérité, dit-il, je suis incertain ; puis, imprimant
sa bouche sur les attraits que ses yeux confrontent : Octavie, s'écrie-t-il,
tu auras la pomme ; il ne tient qu'à toi ; donne-moi le fruit
précieux de cet arbre adoré de mon cur ; oh ! oui,
oui, chiez toutes deux, et j'assure à jamais le prix de la beauté
à qui m'aura servi le plus tôt.
Octavie, confondue, ne peut concevoir un tel ordre : sa pudeur motive
son refus, l'autre souscrit : Jérôme bande ; les fesses
d'Octavie sont vigoureusement mordues, et la novice passe à d'autres
outrages.
Ambroise enculait une pucelle de quinze ans, on lui chiait dans la bouche,
il maniait deux culs ; Octavie l'approche sans qu'il se dérange.
- Donne-moi ta langue putain, lui dit-il.
Cette bouche, souillée d'horreurs, ose s'imprimer sur celle d'Hébée
même.
- Oh ! foutre, s'écrie-t-il, en mordant cette langue fraîche
et voluptueuse, j'avais bien à faire que cette petite garce vint
ici pour me coûter du foutre.
Et le vilain l'élance, en jurant, dans le joli cul qu'il perfore.
Octavie vient au supérieur ; il était assis sur les tétons
d'une charmante fille de dix-huit ans, qui lui mordillait les reins,
et dont il épilait le con ; deux culs pétaient devant
son nez ; la quatrième femme, âgée de dix-sept ans
et belle comme le jour, lui piquait les couilles, en lui branlant le
vit. Le paillard saisit Octavie ; vingt claques sur les fesses lui sont
vigoureusement appliquées ; et la tournée se poursuit.
C'est devant Sylvestre que la jeune débutante arrive. Cette fois,
le libertin léchait trois cons placés devant lui ; la
quatrième femme le suçait ; le joli vagin d'Octavie s'élève
au-dessus des trois que parcourt sa langue ; et le moine, en fureur,
laisse, en perdant son foutre, la sanglante impression de ses dents
sur la motte à peine ombragée d'Octavie.
Clément sodomise une Agnès de douze ans, que l'énormité
de son vit fait pleurer ; on lui pince les fesses et l'on chie sur son
nez.
- Oh ! foutre, s'écrie-t-il, que j'aime la vertu près
du vice !
Il se précipite comme un furieux sur les jolies fesses qu'octavie
présente par son ordre.
- Chie, lui dit-il, ou je mords.
La tremblante Octavie voit bien que l'obéissance devient son
seul lot ; mais sa profonde soumission ne lui sauve pas la peine dont
elle est menacée : et, malgré le plus bel étron,
ses charmantes petites fesses sont mordues... pincées... mises
en sang.
- Allons, dit Sévérino, il est temps de passer à
des choses plus sérieuses ; moi, je n'ai point perdu de foutre,
je vous avertis, messieurs, que je ne peux plus attendre.
Il s'empare de cette infortunée, la couche à plat ventre
sur un sofa. Ne s'en remportant pas encore suffisamment à ses
forces, il appelle Clément à son aide : Octavie pleure
et n'est pas écoutée ; le feu brille dans les regards
du moine impudique : maître de la place, on dirait qu'il n'en
considère les avenues que pour l'attaquer plus sûrement
; aucunes ruses, aucuns préparatifs ne s'emploient ; cueillerait-il
les roses avec tant de charmes, s'il en écartait les épines
? Ce sont les fesses de Justine que le paillard veut pour perspective.
- Par ce moyen, dit-il, je vais jouir des deux plus beaux culs de la
salle.
Quelque énorme disproportion qui se trouve entre la conquête
et l'assaillant, celui-ci n'entreprend pas moins le combat : un cri
perçant annonce la victoire, mais rien n'apitoie l'ennemi ; plus
la captive implore sa grâce, plus on la presse avec vigueur ;
et la malheureuse a beau se débattre, elle est enculée
jusqu'aux couilles.
- Jamais victoire ne fut plus difficile, dit le moine en se retirant
; j'ai cru que, pour la première fois, j'allais échouer
près du port. Ah ! que d'étroit ! que de chaleur ! Sylvestre,
poursuit le supérieur, n'es-tu pas régent de fonction
?
- Oui.
- Tu marqueras Justine pour quatre cents coups de fouets ; elle n'a
pas pété quand je lui ai dit.
- Il faut que je ramène Octavie au sexe que tu viens de souiller,
dit Antonin, la saisissant dans la même posture ; il est plus
d'une brèche au rempart. Et, s'approchant, avec fierté,
en un instant le pucelage est pris ; de nouvelles clameurs se font entendre.
- Dieu soit loué, dit le malhonnête homme ; j'aurais douté
de mes succès sans les gémissements de la victime ; mais
mon triomphe est assuré, car voilà du sang et des pleurs.
- En vérité, dit Clément, s'avançant le
martinet au point, je ne dérangerai pas cette noble attitude,
elle favorise trop mes désirs.
Deux filles contiennent Octavie ; l'une d'elles, à califourchon
sur les reins, offre le plus beau derrière aux regards du flagellateur
! L'autre, un peu de côté, le présente de même.
Clément observe, il touche ; la novice, effrayée, l'implore,
et ne l'attendrit pas.
- Oh ! sacredieu, dit le moine exalté, que deux filles fouettent
déjà, pendant qu'il considère l'autel où
de pareils coups vont se porter ; oh ! mes amis, comment ne pas fouetter
l'écolière qui nous montre un aussi beau cul !
L'air retentit aussitôt du sifflement des cordes et du bruit sourd
de leurs cinglons et sur l'un et sur l'autre cul, les cris d'Octavie
s'y mêlent, les blasphèmes du moine y répondent.
Quelle scène pour ces libertins, livrés, au milieu de
treize filles, à mille obscénités différentes
! Ils applaudissent, ils encouragent. Cependant, la peau d'Octavie change
de couleur, les teintes de l'incarnat le plus vif se joignent à
l'éclat des lis ; mais ce qui divertirait peut-être un
instant l'Amour, si la modération dirigeait le sacrifice, devient,
à force de rigueur, un crime envers les lois. Cette idée,
qui n'échappe point à Clément, prête des
forces à ses perfidies ; plus la jeune élève se
plaint, plus éclate la sévérité du maître
; depuis le milieu des reins, jusqu'au bas des cuisses, tout est traité
de la même manière ; et c'est enfin sur les vestiges sanglants
de ces barbares plaisirs que des filles lui font dégorger son
foutre.
- Je serai moins sauvage que cela, dit Jérôme en prenant
la belle et s'adaptant à ses lèvres de corail ; voilà
le temple où je vais sacrifier, et dans cette bouche enchanteresse...
Taisons-nous ; c'est le reptile impur flétrissant une rose :
la comparaison a tout peint.
- Pour moi, j'enconne, dit Sylvestre, en levant en l'air les cuisses
de la jeune fille, et la fixant sur le croupion ; je veux que ce vit
mutin lui perce les entrailles ; j'aime assez un pucelage à moitié
pris ; cet air de désordre m'amuse ; je le préfère
à des prémices.
Deux jeunes cons s'offrent à ses baisers ; il veut qu'ils pissent
sur le nez de sa fouteuse, et qu'une petite fille de douze ans, sur
ses reins, pique ses fesses d'une épingle, en se donnant sur
lui des saccades qui concourent à ses mouvements. L'extase le
saisit ; le vilain entre en fureur, et dépose au con vierge de
la plus belle et de la plus innocente des filles, le sperme le plus
impur qu'on eût vu fermenter dans la braguette d'un moine.
- Et moi, j'encule, dit Ambroise ; mais là, oui, c'est de là,
c'est dans la même posture que je vais la prendre : qu'on me fustige,
et qu'on se rapporte à moi sur le dénouement. Hélas
! qu'on m'entoure le cul, je vous en supplie ; il est affreux.
Le visage de la victime, que le coquin a bien à sa portée,
est souffleté par lui, à l'instant de la crise, d'une
si vigoureuse manière, que le sang coule des deux narines ; et
c'est presque évanouie qu'on retire l'enfant de ses mains.
On se met à table : jamais repas n'avait été plus
gai ; jamais plus complètes orgies ; tout était nu autour
des moines ; on les branlait, on les baisait, on les suçait,
on les chatouillait, on les pinçait, lorsque Sévérino,
s'apercevant que les têtes allaient s'électriser outre
mesure, et que le but proposé des plaisirs s'éloignerait
peut-être au lieu de s'atteindre, proposa, pour tempérer
l'ardeur dans laquelle il voyait tout le monde, d'engager Jérôme
à raconter l'histoire de sa vie, dont il avait promis le récit
depuis si longtemps.
- Je le veux bien, dit le moine, qui, près de la débutante,
s'occupait, depuis un quart d'heure, à la langotter ; cela retardera
l'effusion de mon sperme, dont je ne pourrais bientôt plus restreindre
les écluses. Préparez-vous donc, mes amis, à entendre
l'un des récits les plus obscènes qui, depuis bien longtemps,
ait souillé vos oreilles.
1 S'il y a quelque chose de singulier dans le monde, c'est le monstrueux
abrutissement des hommes, qui ont persisté si longtemps, et qui
persistent encore à supposer qu'il soit possible que les paroles
magiques d'un prêtre puissent réussir à faire incorporer
l'Éternel dans un morceau de pâte ! Après tant de
siècles d'erreurs un rayon de philosophie paraît luire.
Une nation, qui se régénère, semble vouloir abjurer
à jamais ces stupidités : mais, incroyable puissance de
la superstition ! voilà les mêmes erreurs prêtes
à se repropager encore ; et le calme, la tranquillité,
la justice, ne peuvent reparaître sur notre horizon, qu'à
l'ombre des chimères papistes ! Est-il rien au monde qui prouve
mieux que l'homme n'est fait ni pour la liberté ni pour le bonheur,
puisqu'il ne flotte jamais entre ces deux situations, sans être
entouré des écueils qui doivent essentiellement détruire
l'une ou l'autre et qu'il ne peut jamais secouer un joug, sans s'enchaîner
dès le même instant sous un autre.
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