CHAPITRE XI
HISTOIRE DE JÉRÔME
Les premières actions
de mon enfance annoncèrent, à ceux qui se connaissent
en hommes, que je devais être un des plus grands scélérats
qui eût encore existé sur le sol français. J'avais
reçu de la nature des inclinations si perverses ; cette nature
âpre s'exprimait en moi d'une manière si contraire à
tous les principes de la morale, qu'il fallait nécessairement
établir, en me voyant, ou que j'étais un monstre né
pour déshonorer cette mère commune du genre humain, ou
qu'elle avait eu quelque motif en me créant ainsi, puisque sa
main seule avait inculqué dans moi le malheureux penchant aux
vices infâmes dont je donnais journellement de si frappants exemples.
Nous sommes de Lyon. Mon père y exerçait le commerce avec
un succès assez grand pour nous laisser un jour une fortune plus
que suffisante à notre existence, lorsque la mort vint l'enlever,
pendant que j'étais encore au berceau. Ma mère, qui m'adorait,
et qui prenait de mon éducation des soins inimaginables, m'éleva
avec une sur, née un an après moi, dans la même
semaine de la mort de mon père : on la nommait Sophie ; et, quand
elle eut atteint l'âge de treize ans, époque où
je vais lui faire jouer un rôle sur la scène de mes aventures,
on pouvait dire, avec vérité, que c'était la plus
jolie fille de Lyon. Tant d'attraits ne tardèrent pas à
me faire sentir que tous les prétendus freins de la nature s'évanouissent
quand on bande, et qu'elle n'en connaît plus d'autres alors que
ceux qui, réunissant les deux sexes, les invitent à jouir
ensemble de tous les plaisirs de l'amour et de la débauche :
ces derniers, plus piquants sur mon cur que ceux d'un sentiment
qui ressemblait trop à une vertu pour que je l'adoptasse jamais,
furent les seuls qui se firent entendre en moi ; et j'avoue que dès
que j'eus démêlé les grâces et les attraits
de Sophie, ce fut son corps que je désirais, et nullement son
cur. C'est avec vérité que je puis dire n'avoir
jamais connu ce sentiment factice de la délicatesse qui, rapportant
tout au moral de la jouissance, paraît n'en admettre de vive que
celle dont il fait les frais. J'ai joui de beaucoup d'objets dans ma
vie ; mais je puis certifier que pas un ne fut cher à mon cur
; il m'est même impossible de comprendre qu'on puisse aimer l'objet
dont on jouit. Oh ! combien cette jouissance serait triste pour moi,
si quelqu'autre sentiment que le besoin de foutre en composait les éléments.
Je n'ai jamais foutu de ma vie que pour insulter l'objet de ma luxure,
et n'ai démêlé, dans cette action, d'autre charme
que l'outrage produit sur l'objet ; je le désire avant la jouissance,
je l'abhorre quand le foutre est à bas.
Ma mère élevait Sophie à la maison et, comme je
n'était qu'externe à la pension où l'on m'éduquait,
je passais presque toute ma journée avec cette charmante sur.
Sa délicieuse physionomie, ses cheveux superbes, sa taille enchanteresse,
me firent brûler, ainsi que je viens de vous confier, du désir
de voir, le plus tôt possible, quelle était la différence
de son corps au mien, et d'admirer ces différences, en lui faisant
observer celles que la nature devait également avoir placées
dans moi. Ne sachant trop comment expliquer tout ce que je sentais à
ma sur, je me déterminai à la surprendre plutôt
qu'à la séduire : il y avait, dans le premier de ces modes,
une sorte de trahison qui me divertissait. Je fis donc, pendant un an,
l'impossible pour y parvenir, sans jamais pouvoir en venir à
bout. Je sentis alors qu'il faudrait me résoudre à des
demandes ; mais j'y voulais toujours la teinte de la trahison ; je n'eus
jamais bandé sans cela. Voici donc comme je m'y pris. La chambre
de Sophie était assez éloignée de celle de ma mère,
pour me permettre d'y essayer une tentative ; et, prétextant
une incommodité qui me mit dans le cas de me retirer de bonne
heure, je fus lestement me cacher sous le lit du délicieux objet
de mes désirs, avec la ferme résolution de me fourrer
dedans aussitôt que je l'y sentirais établi. Je n'avais
pas pensé à l'extrême frayeur qu'une telle démarche
allait causer à Sophie. On raisonne mal quand on bande bien.
N'apercevant que mon seul objet, ce ne fut absolument que vers lui seul
que se dirigèrent toutes mes actions. Sophie rentra ; je l'entendis
qui priait Dieu. Je vous laisse à penser si je m'irrite de ces
délais ; j'en maudissais l'objet avec autant de sincérité
que je pourrais le faire aujourd'hui, ou, plus éclairé
sur ce chimérique Dieu, j'insulterais, je crois, celui que je
verrais le prier de bon cur.
Enfin, Sophie se couche : elle l'est à peine, que me voilà
près de son chevet. Sophie s'évanouit ; je la presse sur
mon sein ; et, plus occupé de l'examiner que de la secourir,
j'ai le temps d'inventorier tous ses charmes avant que sa prudence puisse
nuire à mes projets. Voilà donc ce qu'est une femme, dis-je
en maniant la motte de Sophie ; eh ! qu'y a-t-il donc de beau là
? Ceci, continuai-je en palpant les fesses, vaut infiniment mieux ;
mais rien n'est moins joli que ce devant ; et par quelle singulière
contrariété la nature n'a-t-elle donc point enrichi de
toutes ses grâces la partie du corps de la femme qui la différencie
de nous ? Car c'est là, sans doute, ce que les hommes recherchent
; et que peut-on désirer où l'on ne trouve rien ? Est-ce
cela qui les flatte ? poursuivais-je en maniant les plus jolis tétons.
Je ne devine pas trop ce que ces deux boules, aussi gauchement placées
sur la poitrine, peuvent avoir de bien piquant. Toutes réflexions
faites, je ne vois que cela, ajoutai-je en maniait le cul, qui soit
vraiment digne de notre hommage ; et, puisque nous en avons autant que
les femmes, je ne comprends pas qu'il soit nécessaire de les
rechercher avec autant de soin. Allons, c'est une chose très
ordinaire qu'une femme ; je suis fort aise de l'avoir parcouru sans
enthousiasme... Mon vit dresse pourtant en la considérant ; je
sens que je m'amuserais de tout cela : mais l'adorer, comme on prétend
que font les hommes... l'adorer... moi... ma foi, non. Sophie, dis-je
alors assez brusquement ; car voilà le ton qu'on emploie avec
les femmes, quand on sait les mettre à leur place ; réveille-toi
donc Sophie ; es-tu folle d'avoir ainsi peur de moi ? Et, comme elle
reprenait ses sens : Ma sur, continuai-je, je ne viens point ici
pour te faire du mal ; j'ai voulu regarder ton corps, je me suis satisfait
: vois l'état où il me met ; apaise mes feux : quand je
suis seul... tiens, regarde-moi, en deux tours de poignet... cela coule,
et je suis tranquille. Mais, puisque nous voilà réunis,
évite-moi cette peine, Sophie ; il me semble que j'aurai plus
de plaisir quand ta main fera la besogne. Et, sans autre forme de procès,
je place mon vit entre ses doigts ; Sophie le serre, elle m'embrasse.
Oh ! mon ami, me dit-elle, il est inutile de te le cacher, il y a longtemps
que je combine, comme toi, la différence qui peut exister dans
les sexes, et j'avais, sans oser te le dire, la plus grande envie de
t'examiner ; la pudeur m'en a empêchée ; ma mère
ne cesse de me recommander d'être sage... vertueuse... modeste
; et, pour établir toutes ces vertus dans mon âme, elle
vient de me mettre entre les mains du vicaire de la paroisse, homme
dur... revêche, qui ne parle jamais que de l'amour de Dieu, et
de la retenue qui convient aux filles ; et, d'après de tels sermons,
mon ami, si tu n'avais pas fait les avances, je n'aurais osé
te parler de rien.
- Sophie, dis-je alors à ma sur, en m'établissant
dans son lit, chair contre chair, je ne suis ni beaucoup plus âgé,
ni beaucoup plus instruit que toi, mais la nature m'en a dit assez,
pour me convaincre que tous les cultes, tous les mystères religieux
ne sont que d'exécrables absurdités. Va, mon ange, il
n'y a d'autre Dieu que le plaisir ; c'est à ses seuls autels
que nous devons sacrifier.
- Crois-tu, Jérôme ?
- Oh ! oui, oui, c'est mon cur qui me le dit, et c'est mon cur
qui te l'assure.
- Mais, comment faut-il s'y prendre pour connaître ce plaisir
?
- Se branler, tu le vois. Quand on a bien secoué cela, il en
sort une liqueur blanche, qui nous fait pâmer d'aise ; à
peine a-t-on fini, que l'on voudrait recommencer... Mais pour toi, dès
que tu n'as rien, je ne vois pas trop comment il faudrait s'y prendre.
- Tiens, Jérôme, répondit ma sur, en plaçant
une de mes mains sur son clitoris ; la nature m'a parlé comme
à toi, et si tu veux chatouiller cette petite crête que
tu vois se durcir et s'élever sous tes doigts ; si, dis-je, tu
veux la remuer légèrement ; pendant que je secouerai ce
que tu me fais empoigner ; ou je me trompe fort, mon ami, ou nous aurons
du plaisir tous deux.
A peine eus-je fait ce que désirait ma sur, que je la vis
s'étendre... soupirer ; et la petite friponne m'inonda les doigts
: je me pressai de répondre à cet élan de volupté
; et, me courbant sur elle en baisant sa bouche, et me branlant moi-même,
je la payai de la même monnaie. Ses cuisses, sa motte furent inondées
de cette liqueur enchanteresse, dont l'écoulement me faisait
goûter d'aussi doux plaisirs. Nous éprouvâmes, après,
cet instant de stupidité, suite nécessaire des crises
libidineuses, qui prouve par sa langueur à quel puissant degré
l'âme vient d'être fortement émue, et le besoin qu'elle
a de repos. Mais, à l'âge que nous avions alors, les désirs
sont bientôt rallumés.
- Ô Sophie ! dis-je à ma sur, je crois que nous sommes
encore bien ignorants ; sois sûre que ce n'est pas ainsi qu'il
faut goûter ce plaisir ; nous oublions quelques circonstances
apparemment méconnues de nous. Il faut être l'un sur l'autre
; et puisque tu es creuse, et que quelque chose s'allonge dans moi,
il faut absolument que ce qui s'élève entre dans ce qui
est profond ; il faut que tous deux s'agitent pendant cette jonction
; et voilà, sois-en bien certaine, tout le mécanisme de
la volupté.
- Je le crois comme toi, mon ami, me dit ma sur ; mais j'ignore
où est ce trou dans lequel il faut que tu pénètres.
- Si je ne me trompe, si je suis les inspirations que la nature me donne,
ce doit-être celui-là, répondis-je, en enfonçant
un de mes doigts dans le trou du cul de Sophie.
- Eh bien ! essaye, dit ma sur, je te laisserai faire si je n'en
éprouve pas une trop grande douleur.
A peine ai-je le consentement de Sophie, que je l'établis sur
le ventre au bord de son lit ; et, bien maître de son derrière,
me voilà promptement aux prises. Comme je n'étais pas
encore extrêmement bien pourvu, le déchirement fut médiocre
: et Sophie, qui brûlait d'envie d'en venir au fait, se prêta
avec tant de soumission qu'elle fut bientôt enculée.
- Oh ! que j'ai souffert, me dit-elle, quand l'opération fut
finie.
- Bon, répondis-je, c'est parce que c'est la première
fois, je parierais bien qu'à la seconde tu n'éprouverais
plus que du plaisir.
- Eh bien ! recommence, mon ami, je suis décidée à
tout.
Je la rencule, mon foutre coule, et Sophie décharge à
son tour.
- Je ne sais si nous nous sommes trompés, dit ma sur ;
je ne le puis croire à l'extrême plaisir que j'ai eu...
Qu'en penses-tu, Jérôme ?
Mais ici la tête commençait à se démonter
: il n'y avait aucun amour dans mon fait ; le désir purement
physique de jouir de ma sur était le seul mouvement qui
m'eût agité ; et ce désir venait d'être cruellement
refroidi par la jouissance. Il n'y avait plus d'enthousiasme dans l'examen
que je faisais du corps de Sophie. Faut-il l'avouer ? Ces appas qui
venaient de m'enflammer, ne m'inspiraient plus que du dégoût.
Je répondis donc froidement à ma petite putain, que je
n'imaginais pas que nous nous fussions trompés ; et que n'ayant
suivi l'un et l'autre que les inspirations de la nature, il était
impossible qu'elle eût voulu nous égarer ; que je croyais,
au reste, qu'il était prudent de nous quitter, qu'un plus long
séjour dans sa chambre nous compromettrait sûrement, et
que j'allais me remettre au lit. Sophie voulait me retenir.
- Tu me laisses en feu, me dit-elle ; je serai contrainte à m'apaiser
seule. Ô Jérôme ! ne m'abandonne point encore.
Mais l'inconstant Jérôme avait déchargé trois
fois et, quelque jolie que fut sa chère sur, il lui fallait
absolument un peu de repos, pour que l'illusion pût renaître.
L'engagement que j'ai pris de développer ici les plus secrets
replis de mon cur ne me permets pas de vous taire mes réflexions
; sitôt que je me vis seul, elles ne furent pas à l'avantage
de l'objet qui venait d'éteindre mes feux. Plus de prestige ;
le charme était dissipé ; et Sophie ne m'excitant plus
m'irritait dans un autre sens. Je rebandais ; mais ce n'était
plus pour fêter ses charmes, c'était pour les flétrir
: je dégradais Sophie dans mon imagination ; et, passant insensiblement
du mépris à la haine, j'en étais au point de lui
désirer du mal. Je suis fâché de ne lui avoir pas
cherché querelle, me disais-je, désespéré
de ne l'avoir pas battue ; il doit y avoir du plaisir à battre
une femme quand on en a joui... mais je puis me dédommager de
cette retenue... je puis lui faire de la peine, je n'ai qu'à
divulguer sa conduite ; elle sera perdue de réputation ; ne pouvant
jamais se marier, elle deviendra sans doute extrêmement malheureuse
; et cette affreuse idée, faut-il le dire ? fit aussitôt
jaillir mon foutre avec mille fois plus de volupté que lorsqu'il
s'écoulait dans le cul de Sophie.
Rempli de cet affreux projet, j'évitai ma sur le lendemain,
et fus confier toute mon aventure à un jeune cousin germain,
plus âgé que moi de deux ans, de la plus jolie figure du
monde, et qui, pour me prouver l'effet de ma confidence, me fit à
l'instant palper un vit très dur et très gros.
- Tu ne me dis rien que je n'aie éprouvé, me dit Alexandre
; j'ai, comme toi, foutu ma sur, et, comme toi, je déteste
aujourd'hui l'objet de mes luxures ; va, mon ami, ce sentiment est bien
naturel ; il est impossible d'aimer ce que l'on a foutu. Veux-tu me
croire : mêlons nos jouissances et nos haines. La plus grande
marque de mépris que l'on puisse donner à une femme est
de la prostituer à un autre. Je te livre Henriette, elle est
ta cousine germaine ; elle a quinze ans, tu sais comme elle est belle
; fais-en ce que tu voudras, je ne te demande que ta sur en retour
: et, quand nous serons tous deux bien las de ces putains, nous aviserons
aux moyens de leur faire pleurer longtemps leur coupable abandon et
leur imbécile complaisance.
Cette délicieuse coalition m'enchanta : je saisis le vit de mon
cousin ; je le branle.
- Non, non, tourne-toi, me dit Alexandre ; il faut que je te traite
comme tu as traité ta sur.
Je présente les fesses et me voilà foutu.
- Mon ami, me dit Alexandre, dès qu'il m'eut déchargé
dans le derrière, voilà comme il faut agir avec les hommes
; mais, si tu t'en es tenu là avec ma cousine, assurément
tu ne lui as pas fait tout ce que tu aurais pu lui faire ; non pas que
cette manière de jouir d'une femme ne soit assurément
la plus lubrique, et par conséquent la meilleure : mais il en
est une autre, et tu dois la connaître : mets-toi promptement
aux prises avec ta sur, et je perfectionnerai les leçons
dont il me semble que tu ne lui as donné que les premiers éléments.
Je savais que ma mère devait aller bientôt à une
foire célèbre ; qu'elle laisserait, pendant son voyage,
Sophie sous la garde d'une gouvernante facile à séduire
: je prévins Alexandre de faire tout ce qui dépendait
de lui pour pouvoir disposer de sa sur à la même
époque. Il réussit : Henriette parut avec son frère
; et Micheline, notre duègne, consentit à nous laisser
goûter tous quatre, pourvu qu'à notre tour nous ne révélions
pas qu'elle allait passer l'après-midi chez son amant.
Si mon cousin était l'un des plus beaux garçons qu'il
fût possible de voir, Henriette, sa sur, âgée,
comme je vous l'ai dit, de quinze ans, pouvait également passer
pour l'une des plus jolies filles de Lyon ; elle était blonde,
d'une blancheur éblouissante, la couleur de la rose embellissait
son teint, les plus belles dents ornaient sa bouche, et sa taille souple
et flexible était déjà fort au-dessus de son âge.
A peine avais-je parlé à Sophie, je l'évitais depuis
que j'en avais joui. Une fois déterminé, je lui déclarai
que mon intention était qu'elle fit avec mon cousin tout ce qu'elle
avait fait avec moi. Cette belle fille, continuai-je en montrant Henriette,
sera le prix de votre obéissance : jugez donc le chagrin que
me ferait éprouver vos refus.
- Mais, mon ami, dit Henriette à son frère, vous ne m'avez
point parlé de cet arrangement ; je ne serais point venue si
je l'eusse su.
- Allons donc, Henriette, tu veux faire la prude, dit Alexandre avec
humeur : quelle différence y a-t-il entre mon cousin et moi ?
et pourquoi ferais-tu des difficultés pour lui accorder ce que
j'ai reçu ?
- Ces demoiselles n'en feront point, dis-je, en lâchant moi-même
le cordon des jupes de Sophie ; tiens, mon ami, reçois ma sur
de ma main, livre-moi la tienne, et ne nous occupons plus que de plaisir.
Des larmes coulèrent des yeux de nos deux novices : elles s'approchent,
elles s'embrassent ; mais Alexandre et moi les ayant assurées
qu'il ne s'agit point ici de scènes de larmes, que c'est du foutre
et non pas des pleurs qu'il nous faut, nous les déshabillons
à l'instant, et nous nous les cédons mutuellement. Dieu
! comme Henriette était belle ! quelle peau ! quel embonpoint
! quelles ravissantes proportions ! Je ne concevais plus comment on
pouvait bander pour Sophie, après avoir vu ma cousine ; j'étais
dans le délire ; et certes Alexandre n'était pas moins
enthousiasmé que moi en parcourant les beautés de ma sur
: il la baisait, il la maniait partout ; et la pauvre Sophie, jetant
des yeux humides sur moi, semblait me reprocher ma perfidie. Henriette
se conduisait de même : il était facile de voir que ces
deux charmantes créatures n'avaient écouté que
la voix du plaisir, en se livrant à leurs amoureux respectifs
; mais que la pudeur combattait violemment en elles la prostitution
à laquelle on les forçait.
- Allons, trêve de pleurs, de regrets et de cérémonies,
dit Alexandre ; mettons-nous à l'ouvrage, et tâchons que
la plus lascive volupté préside aux jeux que nous allons
célébrer tous quatre.
Assurément ses vux furent remplis, et rien d'aussi luxurieux
que les orgies où nous nous livrâmes. Mon cousin foutit
ma sur deux fois en con et trois fois en cul. Il redressa mes
idées sur la jouissance des femmes : j'essayai ; et l'épreuve
ne servit qu'à me convaincre que, si la nature avait placé
là l'autel de la génération, elle n'y avait pas
réuni celle du plaisir. M'appesantissant peu sur l'inconséquence,
je ne pensai qu'à la venger par un hommage constant au dieu que
j'ai toujours servi, et que j'invoquerai sans cesse jusqu'au dernier
jour de ma vie. Henriette fut donc beaucoup plus sodomisée qu'enconnée
; et j'assurai mon instituteur que, si, comme il le disait, l'espèce
humaine ne se reproduisait que par le con, il fallait donc que la nature
n'eût pas grand besoin de production, puisqu'elle affectait à
ce travail celui de ses deux temples dont le mérite était
si médiocre.
Après nos inconstants hommages, Alexandre et moi revînmes
à nos premiers plaisirs. Il jouit de sa sur devant moi
; j'enculai la mienne à ses yeux ; nous nous fîmes branler
; nous nous sodomisâmes ; nous nous liâmes tous les quatre
; nous nous gamahuchâmes. Alexandre m'apprit mille épisodes
voluptueux, que j'étais trop jeune pour savoir encore, et nous
finîmes par un repas splendide. Nos jeunes maîtresses, parfaitement
remises, et maintenant très apprivoisées, se livrèrent
aux plaisirs de la bonne chair avec autant de délices qu'à
ceux de la luxure ; et nous ne nous quittâmes qu'avec les plus
certaines promesses de recommencer bientôt. Nous tînmes
si bien parole, et si souvent, que le ventre de nos donzelles gonfla.
Malgré mes précautions et mes infidélités
en faveur du cul de ma cousine, il fut démontré que l'enfant
dont Henriette accoucha m'appartenait : c'était une fille à
laquelle vous verrez jouer un rôle dans le cours de cette histoire.
Ce double accident, que nous ne parvînmes à cacher qu'avec
infiniment d'art, acheva de nous refroidir sur nos princesses.
- Eh bien ! me dit Alexandre, quelques mois après, penses-tu
toujours de même sur le compte de ta sur ?
- C'est plus cruellement que jamais, répondis-je, que je conçois
le ferme projet de me venger de l'illusion où mes attraits ont
pu me jeter ; je la vois comme un monstre en horreur à mes yeux
; mais, si tu l'aimes, cela va me retenir.
- Qui ? moi, dit Alexandre, moi, chérir une femme, après
l'avoir foutue ! ne t'ai-je donc pas dévoilé mon cur
? Sois sûr qu'il ressemble au tien ; convaincs-toi bien que ces
deux filles sont maintenant abhorrées par moi, et que, si tu
le veux, nous ne nous occuperons que de les perdre.
- Faisons-en le serment, répondis-je, et que rien ne l'enfreigne
jamais.
- Il est fait, me dit Alexandre ; mais quel moyen allons-nous employer
?
- Le mien est sûr, dis-je : laisse-toi surprendre avec ma sur
par ma mère ; je connais sa sévérité, elle
deviendra furieuse et Sophie est perdue.
- Comment perdue ?
- Elle la mettra au couvent.
- La belle punition ! oh ! je veux mieux que cela pour Henriette.
- Et jusqu'où veux-tu porter ta rage ?
- Je veux qu'elle soit déshonorée, flétrie, ruinée
sans ressource ; je veux qu'elle mendie son pain à ma porte ;
et jouir du plaisir de lui en refuser.
- Bon, dis-je à mon ami ; en ce cas, j'avais bien raison de penser
que je l'emporterais sur toi... Mais, silence, je ne puis rien expliquer
maintenant. Convenons d'agir chacun de notre côté, et nous
nous rendrons compte de nos opérations ; celui des deux qui l'emportera
recevra de l'autre une discrétion, le veux-tu ?
- J'accepte, me dit Alexandre ; mais il faut en jouir de nouveau, avant
que de les travailler.
Et comme ma mère était encore absente, nous arrangeâmes
la dernière entrevue où s'était passée la
première. Nous nous livrâmes cette fois à bien plus
de libertinage, que nous ne l'avions fait jusqu'alors, et nous finîmes
par insulter grièvement les anciennes idoles de nos cultes. Nous
les liâmes ventre contre ventre, et les fustigeâmes toutes
deux près d'un quart d'heure en cette posture ; nous les souffletâmes,
nous leur imposâmes des pénitences ; en un mot, nous les
avilîmes, au point de leur cracher au visage et de leur chier
sur la gorge, de leur pisser dans la bouche et dans le con, tout en
les accablant d'injures et de sarcasmes. Elles pleurèrent ; nous
en rîmes : nous ne voulûmes pas qu'elles mangeassent avec
nous cette fois ; elles nous servirent nues ; et, les ayant fait rhabiller,
nous prîmes congé d'elles, à grands coups de pieds
au cul. Ah ! combien les femmes deviendraient plus modestes, si elles
pouvaient sentir dans quelle dépendance leur libertinage les
met1.
Comme nous nous étions promis d'agir chacun de notre côté,
sans nous rien dire, je perdis Alexandre de vue pendant près
de six semaines, et profitai de cet intervalle pour dresser contre l'infortunée
Sophie les batteries dont vous allez voir les effets. Ma sur,
naturellement très ardente, céda avec autant de facilité
aux instigations d'un autre de mes amis qu'elle s'était rendue
à mon cousin, et ce fut avec cet ami que je la fis surprendre.
Je ne vous peins point la fureur de ma mère, elle fut extrême.
- Préviens cette sévérité, dis-je à
Sophie ; hâte-toi, tu es enfermée, si tu ne la devances
; débarrasse-toi de ce monstre ; ose attenter aux jours de cet
incommode argus, je t'en fournirai les moyens.
Sophie, troublée, hésite, et finit par céder. Je
prépare la fatale boisson ; ma sur la fait prendre à
sa mère, elle expire !
- Oh ! juste ciel ! m'écriai-je alors en accourant avec le plus
grand bruit... ma mère, que vous arrive-t-il ?... C'est Sophie,
c'est ce monstre que votre juste indignation menaça, et qui se
venge de vos équitables rigueurs ; je veux qu'elle porte la peine
de son crime... il m'est connu, il m'est dévoilé. Qu'on
arrête Sophie ; qu'on s'assure de ce lâche instrument d'un
parricide affreux ; il faut qu'elle périsse, il faut du sang
aux mânes de ma mère.
Et, en disant cela, je dépose, aux mains d'un commissaire accouru,
le poison trouvé dans la chambre de ma sur, et enveloppé
dans son propre linge.
- Peut-il y avoir du doute maintenant, monsieur ? continué-je
en m'adressant à l'homme de justice ? le crime n'est-il pas avéré
? Il est affreux pour moi de dénoncer ma sur ; mais je
préfère sa mort à son déshonneur, et ne
balance point entre la cessation de son existence et les suites dangereuses
de l'impunité. Faites votre devoir, monsieur ; je serai le plus
malheureux des hommes ; mais je n'aurai pas au moins à me reprocher
le crime de ce monstre.
Sophie, confondue, me lance d'affreux regards... elle veut parler, la
rage, la douleur et le désespoir rendent ses efforts inutiles
; elle s'évanouit, on l'emporte... La procédure eut son
cours ; je parus, j'appuyai, je démontrai mes déclarations.
Sophie voulut récriminer, m'indiquer comme auteur de ce fatal
projet. Ma mère, qui respirait encore, prit ma défense,
et devint elle-même l'accusatrice de Sophie ; elle dévoile
sa conduite, en faut-il davantage pour éclairer l'opinion des
juges ? Sophie est condamnée. Je vole chez Alexandre.
- Eh bien ! lui dis-je, où en es-tu ?
- Vous allez le voir, monsieur l'homme de bien, me répond Alexandre
; n'avez-vous pas entendu parler d'une fille qui doit être pendue
ce soir, pour avoir voulu empoisonner sa mère ?
- Oui : mais cette fille est ma sur ; c'est celle dont tu as joui
; et ces complots sont mon ouvrage.
- Tu te trompes, Jérôme, c'est la mienne.
- Scélérat, dis-je, en sautant au cou de mon ami, je vois
que, sans nous rien dire, nous avons agi par les mêmes moyens
; est-il rien au monde qui prouve mieux combien nous sommes faits l'un
pour l'autre ?... Volons ; la foule s'assemble ; nos surs vont
arriver au pied de l'échafaud ; allons jouir de leurs derniers
instants.
Nous louons une croisée ; à peine y sommes-nous que nos
victimes s'approchent.
- Ô Thémis ! m'écrié-je, que tu es aimable
de servir ainsi nos passions.
Alexandre bandait, je le branle, il me rend le même service ;
et nos lunettes, braquées sur le cou pris de nos deux putains,
nous nous arrosons mutuellement les cuisses de foutre, au même
instant où les tristes jouets de notre scélératesse
expirent par nos soins de la plus cruelle des morts.
- Voilà, me dit Alexandre, de véritables plaisirs ; je
n'en connais pas au monde de plus vifs.
- Oui, dis-je. Ah ! si pourtant il en faut de tels à notre âge,
qu'inventerons-nous donc, quand les passions éteintes rendront
les stimulants plus nécessaires ?
- Ce que nous pourrons, me dit Alexandre ; mais, dans l'incertain espoir
d'exister, n'ayons pas la folie de ménager nos plaisirs : ce
serait une extravagance.
- Et ta mère, vit-elle ? demandé-je à mon cousin.
- Non.
- Eh bien, dis-je ; tu es donc moins heureux que moi ; la mienne respire,
et je vais la finir. J'y cours, j'exécute ; c'est de mes propres
mains que j'achève le crime. Et ce double forfait me fit passer
la nuit dans un océan de lubricités solitaires, mille
fois supérieures à celles que le libertinage se permet
au sein des plus doux objets de son culte.
Notre commerce ayant assez mal tourné dans les dernières
années de la vie de ma mère, je résolus de réaliser
le peu que j'avais : ce fut l'affaire de trois ou quatre ans pour me
mettre absolument en règle. Je me déterminai ensuite à
voyager : je laissai en pension la fille que j'avais eue de ma cousine,
avec l'intention de la sacrifier un jour à mes plaisirs, et je
partis. L'éducation que j'avais reçue me mettant à
même de prendre le métier d'instituteur, quoique bien jeune
encore, j'entrai à Dijon avec cette qualité près
du fils et de la fille d'un conseiller au Parlement.
La profession que j'embrassai flattait beaucoup ma lubricité
; je ne voyais déjà pour moi que des victimes de cette
passion dans les sujets qui m'allaient être donnés. Oh,
quelles délices, me disais-je, d'abuser, comme je vais le faire,
et de la confiance des parents, et de la crédulité des
élèves. Quelle pâture pour ce sentiment interne
de méchanceté qui me dévore, et qui me porte à
me venger de la plus cruelle manière des faveurs que je dérobe
ou que j'obtiens volontairement. Pressons-nous d'endosser le manteau
de la philosophie ; il sera bientôt pour moi celui de tous les
vices. Et c'était à vingt ans que je raisonnais ainsi.
Moldane était le nom du robin chez lequel je me présentais
: il ne tarda pas à me donner toute sa confiance. Il s'agissait
d'élever ensemble un jeune homme de quinze ans, qui se nommait
Sulpice, et la sur de ce jeune homme, nommée Joséphine,
qui n'avait encore que treize ans. C'est sans exagération que
je puis vous assurer, mes amis, n'avoir vu de mes jours rien d'aussi
joli que ces enfants. D'abord la gouvernante de Joséphine présidait
aux leçons : peu après cette précaution parut inutile,
et les deux charmants objets de mes ardents désirs me furent
abandonnés sans réserve.
Le jeune Sulpice ; que j'étudiais avec attention, me laissa bientôt
apercevoir deux côtés faibles en lui : d'abord, un tempérament
de feu ; secondement, un amour excessif pour sa sur. Bon, me dis-je,
dès que j'eus découvert ces deux points, me voilà
bientôt sûr du succès. Ô doux jeune homme !
j'avais envie d'allumer en toi le flambeau des passions, et ton aimable
naïveté me découvre aussitôt la mèche.
Dès le commencement du second mois de mon séjour chez
M. de Moldane, je préparai mes premières attaques : un
baiser sur la bouche, une main dans la culotte décidèrent
aussitôt mon triomphe. Sulpice bandait comme un lutin, et au quatrième
mouvement de mes doigts le fripon m'arrosa de foutre. Je retourne aussitôt
la médaille. Dieu, quel cul ! c'était celui de l'Amour
même : que de blancheur !... quel étroit !... que de fermeté
! Je le dévore de caresses, et me remets à sucer son charmant
petit vit, afin de lui rendre les forces nécessaires à
soutenir de nouvelles attaques. Sulpice rebande ; je le couche à
plat-ventre, j'humecte avec ma bouche le trou que je veux enfiler ;
et, dans trois tours de reins, me voilà dans son cul ; quelques
contorsions m'apprennent mon triomphe, et des flots de semence, élancés
au fond du derrière de mon charmant élève, le couronnent
bientôt. Incroyablement électrisé par les ardents
baisers dont je couvre, en foutant, la bouche fraîche et délicieuse
de mon joli bardache, par le sperme dont il m'arrose les mains à
toutes minutes, je redouble, et, quatre fois de suite, mon vigoureux
engin laisse au fond de son cul les preuves non équivoques de
ma passion pour lui. Qui le croirait ! et quelles incroyables dispositions
! à l'exemple de l'écolier de Pergame, Sulpice se plaint
de ma faiblesse.
- Eh quoi ! dit-il, nous en restons là ?
- Pour le moment, répondis-je ; mais tranquillise-toi, mon amour,
je vais t'excéder cette nuit. Nous couchons dans la même
chambre ; personne ne nous surveille ; qu'un même lit nous reçoive
tous deux ; et là, je te donnerai, j'espère, des preuves
de ma vigueur, dont il sera difficile que tu te plaignes.
Elle arrive, cette nuit désirée : mais, ô Sulpice
! j'avais déjà joui de toi ; le bandeau s'arrachait ;
et je vous ai suffisamment dévoilé mon caractère,
pour vous faire comprendre qu'avec la chute de l'illusion s'allumait
dans mon cur un nouveau genre de désir que la méchanceté
seule pouvait assouvir. Je fis des efforts de vigueur ; Sulpice fut
foutu dix coups ; il me le rendit cinq, m'arrosa sept autres fois et
la bouche et le ventre de son voluptueux sperme, et me laissa le lendemain
matin dans des sentiments qui n'avaient pas, il s'en faut, sa félicité
pour objet.
Cependant, la prudence suspendait encore mes desseins, je ne possédais
que la moitié de ma conquête ; et, pour y joindre Joséphine,
j'avais besoin d'employer Sulpice. Quelques jours après nos orgies,
je lui parlai de ses affaires de cur.
- Hélas ! me répondit-il, je désire infiniment
la jouissance de cette charmante fille ; mais la timidité m'enchaîne
et je n'ose lui rien témoigner.
- Cette timidité, répondis-je, n'est qu'un enfantillage
; il n'y a pas plus de mal à désirer la jouissance de
votre sur que celle d'une autre femme ; au contraire, il y en
a moins, sans doute : plus nous avons de liens avec un objet, plus nous
devons le soumettre à nos passions ; il n'est de sacré
dans le monde que leur organe ; il n'est de crime qu'à leur résister.
Je suis persuadé que votre sur est pénétrée
par vous des mêmes sentiments dont vous brûlez pour elle
; déclarez hardiment les vôtres, et vous la verrez y répondre
: mais il faut précipiter l'aventure ; ce n'est qu'ainsi que
l'on réussit : qui ménage une femme, la manque ; qui la
brusque, est sûr de la vaincre : gardez-vous bien de leur donner
jamais le temps de la réflexion. Je ne crains pour vous qu'une
chose, c'est l'amour : quand on lui ressemble aussi bien, il est facile
de l'imiter. Vous êtes un homme perdu, si vous vous amusez à
la métaphysique. Souvenez-vous qu'une femme n'est pas faite pour
être aimée ; ce n'est pas avec autant de défauts
qu'elle aurait le droit d'y prétendre : uniquement créée
pour nos plaisirs, ce n'est que pour y satisfaire qu'elle respire. Voilà
le seul rapport sous lequel vous deviez envisager votre sur ;
foutez-la donc ; je vous y exhorte, et vous proteste de vous aider en
tout ce qui dépendra de moi : plus de retenue, plus d'enfance
; la vertu perd un joli homme, le vice seul l'embellit et lui sert.
Sulpice, enhardi par mes conseils, me promit de travailler sérieusement
; dès le même jour, je lui en fis naître l'occasion.
J'appris bientôt que rien n'avait été plus heureux
que ses premières tentatives, mais que, toujours timide, il n'en
avait pas su profiter. On l'aimait, c'est tout ce qu'il avait su ; et
quelques baisers sur la bouche en avaient été l'heureux
sceau. Je grondai vivement Sulpice de son impardonnable nonchalance.
- Mon ami, me dit-il, j'irais plus vite avec un individu de mon sexe
; mais ces maudits jupons m'en imposent.
- Apprécie-les donc mieux, mon enfant, dis-je à ce charmant
jeune homme ; cet emblème d'un sexe faux, faible et méprisable
n'est fait que pour constater encore mieux l'avilissement dans lequel
tout honnête homme doit le tenir. Trousse ces jupons qui t'effarouchent,
et, quand tu auras joui, tu apprécieras mieux ce qu'ils cachent
; mais ne te trompe pas, continué-je, envieux de me conserver
les roses sodomites du délicieux cul que je supposais à
Joséphine, souviens-toi que c'est entre les cuisses et non pas
dans les fesses que la nature a placé le temple où l'hommage
d'un homme doit être présenté chez les femmes. Tu
éprouveras d'abord un peu de résistance ; qu'elle ne serve
qu'à t'enflammer mieux : pousse, presse, déchire, et tu
triompheras bientôt.
Le lendemain, j'appris, avec une véritable satisfaction, que
l'opération était faite, et que dans les jolis bras de
son frère la plus belle des filles venait enfin d'être
mise au rang des femmes. Sulpice, loin d'éprouver cette satiété
dont les effets étaient si violents dans moi, n'était
devenu par la jouissance que mille fois plus amoureux ; et comme la
jalousie me parut s'en mêler, je vis qu'il ne me restait plus
d'autre moyen pour atteindre au but que celui de la ruse et de la perfidie
; je me pressai : mon élève pouvait recevoir de son imagination
les conseils d'une jouissance dont je voulais cueillir les prémices
; et je ne lui aurais jamais pardonné. Les rendez-vous avaient
lieu dans un cabinet assez près de ma chambre pour qu'au moyen
d'une ouverture pratiquée dans la cloison j'en pusse discerner
les détails : je me gardai bien de prévenir Sulpice ;
il se serait peut-être composé, et je voulais prendre la
nature sur le fait. Quelle ardeur ! quel tempérament d'une part
! que de grâces ! que de fraîcheur ! que de beautés
de l'autre ! Oh ! Michel-Ange, tels auraient dû être tes
modèles, quand ton pinceau savant nous peignit l'Amour et Psyché.
Vous jugez de ma situation ; je n'ai pas besoin de vous la détailler.
Ce n'était pas à mon âge que l'on pouvait voir un
tel spectacle de sang-froid. Mon vit était dans un tel état,
qu'il frappait seul contre la cloison, comme pour marquer le désespoir
où le mettaient les digues qu'on opposait à ses désirs
: ne voulant pas le laisser languir longtemps, je guette dès
le lendemain le moment le plus chaud d'une séance qui se renouvelait
tous les jours. J'entre précipitamment.
- Joséphine, dis-je à ma jeune élève presque
évanouie de frayeur, voilà une conduite qui vous perd
; il est de mon devoir d'en prévenir vos parents, et je le fais
à l'instant même, si vous ne consentez l'un et l'autre
à me mettre en tiers dans vos plaisirs.
- Méchant homme, me dit en courroux le pauvre Sulpice, tenant
à la main son vit tout inondé du sperme dont il venait
de faire jaillir les flots dans le con vierge de sa jolie maîtresse,
n'as-tu donc pas toi-même ourdi les pièges où tu
veux nous prendre aujourd'hui ? ce qui se passe n'est-il pas le résultat
de tes perfides séductions ?
- Ah ! dis-je effrontément, je vous défie de le prouver
; je serais indigne de la confiance de vos parents, si j'avais jamais
pu vous donner de tels conseils.
- Mais n'en es-tu pas indigne à présent, rien que par
la proposition que tu nous fais ?
- Sulpice, que j'aie des torts ou non, ceux que je découvre ici
n'en sont pas moins réels ; et l'extrême différence
qui se trouve entre ceux que vous me prêtez et les vôtres,
c'est que les faits constateront ceux dont vous vous souillez, et que
jamais vous ne pourrez prouver les miens. Mais, croyez-moi, terminons
une digression qui s'arrange mal avec la violence des désirs
que votre tête-à-tête vient d'allumer en moi ; donnons-nous
tous également des torts, et nous n'aurons plus rien à
nous reprocher. Vous voyez quels sont mes droits : je vous surprends,
je serai cru ; vous ne pouvez alléguer que des mots, j'aurai
des faits à présenter.
Et, sans attendre la réponse de Sulpice, je commence à
m'emparer de Joséphine, qui, après quelques résistances
vaincues par mes menaces, m'abandonne son charmant petit cul, et c'est
en vérité tout ce que j'en veux. J'étends cette
jolie petite fille sur le corps nu de son frère, qui, la saisissant
dans ses bras, lui introduit son petit engin dans le con, et glissant
le mien dans le cul de la pucelle parfaitement présenté
par l'attitude, je lui cause des douleurs si violentes qu'elle oublie
le plaisir où veut la plonger son amant : elle n'y tient pas,
je la déchire : elle se retourne et de la secousse fait sortir
mon engin du gîte. Elle saignait, rien ne m'épouvante :
ce n'est pas un vit comme le mien que la commisération désarme.
Je la reprends au vol, je la refixe sur l'outil de Sulpice toujours
prêt à la renclouer ; je lui redarde mon vit au derrière
; ma main, cette fois, fixe ses hanches ; je lui frappe les fesse à
grands coups de poing ; dans la colère où ses résistances
me mettent, je l'injurie, je la menace, je la méprise ; elle
est enculée jusqu'aux gardes ; je l'aurais assommée plutôt
que de lui faire grâce ; il me fallait son cul ou sa vie.
- Attends-moi, Sulpice, m'écriai-je ; ne déchargeons qu'ensemble,
mon ami ; inondons-la de toutes parts ; je voudrais, pendant qu'elle
fout ainsi, qu'elle en eût un autre dans la bouche, afin de se
mieux pénétrer du plaisir incroyable d'être inondée
de sperme dans toutes les parties de son corps. Mais Sulpice qui, malgré
les douleurs de Joséphine, la voit décharger dans ses
bras, Sulpice ne peut plus se tenir, il perd son foutre, je l'imite,
et nous voilà tous les trois heureux.
De nouvelles scènes recommencent bientôt : le pucelage
que je désire est pris ; je n'y attache plus de mérite
; j'abandonne à Sulpice la rose effeuillée ; je lui fais
enculer Joséphine, et conduis moi-même l'outil, afin qu'il
ne s'égare pas ; je lui rends ce qu'il fait à sa sur
; et nous voilà tous trois à foutre en cul comme de vrais
enfants de Sodome : nous déchargeons deux fois sans quitter la
posture, lorsqu'une manie ridicule de con vient s'emparer de mes sens.
Je supposais celui de Joséphine très étroit ; il
n'avait jamais été perforé que par un membre fort
inférieur au mien ; je l'enfile, et veux que mon élève
m'encule pendant ce temps-là. On n'a pas d'idée de la
manière énergique dont ma petite putain déchargeait
: je la sentis trois fois se pâmer dans mes bras, pendant que
je dévorais sa bouche. Je l'inonde, je reçois de la semence
; et, tous trois épuisés, nous retombons sans mouvement
sur un canapé, auprès duquel, par mes soins, une ample
collation nous restaure bientôt. Nous n'avions plus la force de
foutre ; mais il nous restait celle de nous sucer. J'exige ce service
de Joséphine ; et, pendant que sa jolie bouche me savoure, mes
lèvres pressent le vit énervé de Sulpice. Je maniais
les deux culs par la posture que j'avais choisie, mon élève
socratisait le mien, sa sur chatouillait les couilles ; j'obtiens
du foutre, j'en donne, Joséphine décharge encore une fois
; et, vivement pressés par l'heure, nous nous séparons,
en nous promettant bien de recommencer incessamment une scène
dont mes novices me pardonnent enfin l'invention.
Je fus assez heureux pour masquer un an cette double intrigue, pendant
laquelle il ne fut pas de jour où nous ne célébrassions
nos sacrifices. Enfin, le dégoût se fit sentir, et avec
lui le désir de toutes les perfidies, qui, chez moi, l'accompagnait
ordinairement. Je n'avais d'autre moyen de satisfaire à cet écart
de ma cruelle imagination que de dénoncer à M. de Moldane
la conduite secrète de ses enfants. Je prévoyais bien
les dangers d'une récrimination ; mais ma tête, fertile
en scélératesses, me fournirait, j'en étais sûr,
tous les moyens de la combattre. Je préviens Moldane : Dieu !
quelle est ma surprise de le voir sourire à cette nouvelle, au
lieu de s'en courroucer !
- Mon ami, me dit le Robin, je suis très philosophe sur toutes
ces fadaises-là ; sois bien certain que, si j'étais aussi
ferme en morale que tu m'as supposé, j'aurais pris sur toi des
informations un peu plus sévères que je ne l'ai fait ;
ton âge même, ainsi que tu dois facilement le concevoir,
t'aurait seul écarté du poste où tu prétendais.
Viens, Jérôme, poursuivit Moldane en m'attirant dans un
cabinet délicieusement orné de tout ce que la lubricité
peut inventer de plus luxurieux, viens te donner un échantillon
de mes murs.
Le coquin, en disant cela, lâche la ceinture de ma culotte, et,
prenant mon vit d'une main et mon cul de l'autre, le brave père
de mes deux élèves me persuade bientôt que ce n'est
pas à son tribunal que je dois porter mes plaintes sur l'immoralité
de ses enfants.
- Tu les as donc vu se foutre, mon ami, poursuit Moldane en me dardant
sa langue dans la bouche ; et ce spectacle t'a fait frémir d'horreur
! eh bien, je te jure qu'il m'inspirerait, à moi, un bien autre
sentiment ; et, pour t'en persuader, je te prie de me procurer ce délicieux
tableau, le plus tôt que tu pourras. Mais, en attendant, Jérôme,
il faut que je te prouve, d'une manière plus authentique encore,
que mon libertinage égale au moins celui de mes enfants.
Et l'aimable conseiller, me courbant sur un canapé, m'examine
longtemps le derrière, le baise avec luxure, et m'encule vigoureusement.
- A toi, Jérôme, me dit-il dès qu'il a fini ; tiens,
voilà mon cul, mets-le moi.
Je lui rends ce que je viens d'en recevoir ; et le paillard termine
la scène, en m'exhortant à laisser à mes élèves
toute la liberté qu'ils désirent ; pour satisfaire aux
intentions de la nature sur eux.
- Les gêner sur ce point, poursuit-il, serait une cruauté
dont nous devons être tous deux incapables ; ils ne font aucun
mal, pourquoi donc les contraindre ?
- Mais, dis-je alors à cet homme singulier, si j'avais les mêmes
penchants à la lubricité, vous excuseriez donc, dans moi,
les excès où je pourrais me livrer avec ces enfants ?
- N'en doute pas, me dit Moldane ; je n'aurais demandé que ta
confiance et les prémices ; je t'avoue même que je croyais
la chose faite ; je suis fâché que la rigueur de tes plaintes
me prouve le contraire. Plus de pédantisme, mon cher, je t'y
exhorte ; tu as du tempérament, je le vois ! livre-toi avec mes
enfants à tout ce qu'ils t'inspirent, et procure-moi, dès
demain, les moyens de les surprendre ensemble.
Je satisfais Moldane ; je le plaçai au trou que j'avais fait
pour moi, en lui faisant croire que je venais de le pratiquer pour lui
: le paillard s'y met pendant que je le fous. La scène fut délicieuse
; son imagination s'en alluma tellement, que le coquin déchargea
deux fois.
- Je n'ai rien vu d'aussi divin, me dit-il en se retirant ; je n'y peux
plus tenir, il faut absolument que je jouisse de ces deux beaux enfants.
Préviens-les, Jérôme, que demain je veux me mêler
à eux, afin d'exécuter tous quatre les plus voluptueuses
postures.
- En vérité, monsieur, dis-je, en affectant une légère
dose de pruderie que je crus nécessaire aux circonstances, je
n'aurais jamais pensé que l'instituteur de vos enfants devînt
l'individu chargé par vous de les flétrir et de les démoraliser.
- Voilà, me dit Moldane, comme tu saisis mal le véritable
sens du mot morale. La vraie morale, mon ami, ne saurait s'écarter
de la nature ; c'est dans la nature qu'est le seul principe de tous
les préceptes moraux : or, comme c'est elle qui nous inspire
tous nos écarts, il ne saurait y en avoir un seul d'immoral.
S'il y a des êtres dans le monde dont la jouissance et les prémices
me soient dévolus. je crois que ce sont bien ceux qui tiennent
l'existence de moi.
- Eh bien, monsieur, dis-je en variant tout de suite mes idées,
et ne renonçant momentanément à mes projets de
vengeance que pour les rendre plus délicieux, oui, vous serez
satisfait demain ; vos enfants seront prévenus, et nous pourrons
nous livrer tous dans leurs bras à tout ce que le libertinage
peut avoir de plus piquant au monde.
Je tins parole. Sulpice et Joséphine, un peu surpris de ce que
je leur annonçais, promirent néanmoins la condescendance
la plus entière aux fantaisies de leur papa, le plus profond
secret sur tout ce qui s'était passé entre nous ; et la
plus belle de toutes les journées vint éclairer la plus
délicieuse des scènes.
Le local était le cabinet voluptueux dans lequel Moldane m'avait
introduit déjà : une très jolie gouvernante de
dix-huit ans, attachée depuis trois semaines à Joséphine,
qui me parut dans la confiance et dans les bonnes grâces de Moldane,
devait faire le service des bacchanales projetées.
- Elle ne sera pas de trop, me dit le conseiller ; tu vois comme elle
est jolie, et je te la garantis aussi libertine qu'aimable. Tiens, poursuit
Moldane en troussant Victorine par derrière, vois, mon ami :
s'il est possible de trouver un plus divin cul !
- Il est beau, dis-je en le maniant ; mais je me flatte qu'après
avoir vu celui de vos deux jolis enfants, ce ne sera plus à celui-ci
que vous accorderez la préférence.
- Cela pourra bien être, me répondit Moldane ; mais, en
attendant, je t'avoue que j'aime beaucoup celui-là, et il le
baisait... le gamahuchait de tout son cur.
- Allons, Jérôme, me dit-il enfin, va chercher nos victimes
et amenez-les-moi nues. Suis Jérôme, Victoire ; va présider
à cette toilette ; je vais, en vous attendant, me pénétrer
des idées lubriques dont l'exécution doit embellir la
scène... Je vais faire des projets, et nous exécuterons.
Victoire et moi nous passâmes chez les enfants ; ils nous attendaient.
Des gazes, des rubans et des fleurs furent les seules parures dont nous
les couvrîmes. Victoire se chargea du garçon, moi de la
fille ; nous entrâmes. Moldane, sur un canapé entouré
de glaces, nous attendait en se branlant.
- Tenez, monsieur, lui dis-je, voilà des objets dignes de votre
luxure ; soumettez-les-y, sans pudeur ; qu'il ne soit pas une seule
recherche libertine que vous ne mettiez en usage avec eux ; songez qu'ils
sont trop heureux que vous les jugiez dignes de vous occuper un moment,
et que c'est par la soumission la plus complète, la plus profonde
résignation qu'ils se disposent à vous satisfaire.
Moldane n'y était plus ; sa respiration était pressée,
il balbutiait, il écumait de luxure.
- Faites-moi détailler tout cela, Jérôme, me dit-il
; et vous, Victoire, venez branler mon vit, et que vos fesses soient
toujours dans mes mains.
Je commence par Sulpice ; je l'approche de son père, qui ne peut
se rassasier de le baiser, de le manier, de le sucer, d'accabler son
vit et son cul des plus tendres caresses. Joséphine succède
; elle est reçue avec le même enthousiasme ; et les saturnales
commencent.
Moldane, au premier acte, voulut que son fils enconnât Joséphine
en levrette, étendu sur un canapé : sa fille, ainsi foutue,
devait lui sucer le vit : il branlait d'une main mon membre, de l'autre
l'anus de Victoire.
Au second, Sulpice encula sa sur, je foutis Sulpice, et Moldane
enconna sa fille, pendant que Victoire, accroupie sur lui, faisait baiser
son joli cul.
Au troisième, Moldane me fit enconner sa fille, il l'encula,
et Sulpice enculait Victoire sous nos yeux.
Dans le quatrième, j'enconnais Victoire, Moldane l'encula, son
fils le foutait, et Joséphine, élevée sur nos épaules,
faisait baiser et gamahucher à la fois, son con à moi,
son derrière à Moldane.
Au cinquième, Moldane encula son fils, en baisant les fesses
de Victoire ; je sodomisais sa fille sous ses yeux.
Au sixième, nous nous enchaînâmes tous ; Moldane
enculait sa fille, j'enculais Moldane, Sulpice me foutait, et Victoire,
armée d'un godemiché, sodomisait Sulpice.
N'ayant plus la force de bander au septième, nous nous suçâmes,
Moldane était sucé par son fils, je suçais le jeune
homme ; Joséphine me suçait ; de temps en temps je baisais
ses fesses, et Victoire gamahuchait la charmante fille de Moldane, qui,
par sa position, présentait son cul à baiser au maître
ingénieux de ces voluptueuses orgies. Nous déchargeâmes
encore tous pour la septième fois. Un goûter somptueux
fut servi ; et, nos forces rendues, nous essayâmes encore quelques
attitudes.
Moldane voulut nous réunir tous sur lui ; il encula sa fille,
son fils le foutit, il gamahuchait Victoire, je suçais ses couilles.
Des cris plus douloureux que lascifs annoncèrent sa défaite
; il déchargea le sang : on fut obligé de l'emporter.
- Mon ami, me dit-il en sortant, je te laisse maître de tout ;
si, plus heureux que moi, la nature t'accorde de nouvelles forces, achève
de les perdre avec ces trois charmantes créatures : tu me conteras
demain tes plaisirs.
Victoire me faisait encore bandailler ; j'étais moins rassasié
d'elle que des autres ; je l'enculai, foutu par Sulpice, et baisant
le trou du cul de Joséphine ; j'en restai là ! j'étais
excédé.
Dès que le foutre revînt bouillonner dans mes veines, je
cessai mes anciens projets. Pardieu, me dis-je, je ne me serais jamais
attendu à rencontrer un pareil père. De longtemps, avec
un tel homme, je ne réussirai à me venger des plaisirs
que ces deux enfants m'ont donnés. Je voulais les perdre, et,
loin de les entourer de cyprès, je les ai couronnés de
myrtes. Eh bien, continuai-je, essayons avec l'épouse de Moldane,
ce qui n'a pu me réussir près de lui, et ne renonçons
jamais surtout au rôle de traître qui me donne autant de
plaisir.
Mme de Moldane, âgée de quarante ans, est une femme honnête,
respectable ; pleine de religion et de vertus ; je lui dévoilerai
les odieux dérèglements de son époux et de ses
enfants ; j'en exige d'elle à la fois et le secret et la justice,
et je réussirai sans doute... Il est pourtant un de ces individus
que je ne voudrais pas perdre... Joséphine, non par amour, oh
non, ce sentiment n'est pas fait pour approcher d'un cur comme
le mien ; mais Joséphine peut m'être nécessaire
: je veux voyager ; je la mènerai avec moi ; je ferai des dupes
avec elle, et je m'enrichirai de nos communes friponneries. Bien vu,
Jérôme, bien vu ; la nature t'a gratifié, Dieu merci,
de tout ce qu'il faut pour être un excellent coquin : remplissons
ces vues, agissons.
Plein de ces idées, je vais trouver Mme de Moldane ; et, après
lui avoir demandé le plus profond silence sur les choses que
j'ai à lui dire, j'arrache le voile, et lui raconte tout.
- J'ai été contraint de prêter mon ministère
à toutes ces horreurs, madame, poursuivis-je, j'étais
menacé des peines les plus cruelles, si je n'obéissais
: votre époux abusait de son crédit pour me forger des
fers ; ma vie même était menacée, si je m'avisais
de vous prévenir. Oh ! madame, mettez ordre à cela ; l'honneur,
la nature, la religion et la vertu vous en font un devoir sacré.
Retirez vos enfants du précipice où les désordres
de leur père sont prêts à les plonger : vous le
devez au monde, à Dieu, à vous-même ; tout retard
deviendrait un crime.
Mme de Moldane, confondue, me supplie de la mettre à même
de se convaincre, par ses propres yeux, des infamies dont je lui fais
part : cela ne fut pas difficile. J'engage, quelques jours après,
M. de Moldane à mettre le lieu de la scène dans la chambre
de ses enfants ; je place son épouse au trou qui m'avait servi,
qui avait servi à Moldane même ; et cette malheureuse femme
put incessamment se convaincre de toutes vérités que je
lui avais dites. Une migraine m'avait dispensé d'être de
la partie. La sévérité de murs que j'affichais
fut donc conservée tout entière aux yeux de l'épouse
infortunée, qui ne vit de coupables que son mari et la gouvernante
de ses enfants.
- Voilà des horreurs, monsieur, me dit-elle dès qu'elle
eut vu le commencement... que je voudrais les avoir ignorées
!
Ces paroles, sans que Mme de Moldane s'en doutât, me dévoilèrent
la tournure de son esprit. Il ne m'en fallut pas davantage pour voir
que c'était une femme timide, incapable de servir à la
réussite de mes projets ; et ces réflexions me portèrent
à changer aussitôt de batteries.
- Un moment, madame, interrompis-je brusquement ; souffrez que j'aille
dire un mot à votre mari : il craint l'arrivée d'un importun,
je vais le rassurer sur cette visite ; et, libre de ses actions, vous
allez voir tout ce qu'il va se permettre.
Je sors.
- Mon ami, dis-je à Moldane en le tirant dans un cabinet voisin,
nous sommes découverts ; vengeons-nous promptement. Votre femme,
agitée de quelques soupçons sans doute, est entrée
furtivement dans ma chambre, dont j'avais pourtant la clef dans ma poche
: elle a écouté ; elle a aperçu la fente que vous
connaissez ; elle y avait les yeux lorsque j'ai paru. « - Jérôme,
m'a-t-elle dit, taisez-vous, ou je vous perds. » De grâce,
Moldane, ne faiblissez pas, et prenons un parti violent : cette femme
peut être dangereuse ; hâtons-nous de la prévenir.
Je ne m'apercevais pas à quel point mon récit enflammait
Moldane : il bandait quand j'étais venu le troubler ; l'irritation
du fluide nerval embrase aussitôt la bile ; l'incendie devient
général ; et c'est le vit en l'air que Moldane, furieux,
se précipite sur la cloison, l'enfonce, se jette sur sa femme
et, sous les yeux de ses enfants, lui enfonce vingt coups de couteau
dans le cur. Mais Moldane, qui n'avait que la colère du
scélérat, et non son énergie, s'effarouche de ce
qu'il vient de faire : les cris, les larmes des jeunes créatures
qui l'entourent achèvent de le troubler : je crus qu'il allait
devenir fou.
- Sortez, lui dis-je, vous êtes un lâche ; vous frémissez
de la seule action qui assure votre bonheur et votre tranquillité,
que vos enfants vous suivent, que vos valets ignorent tout : dites dans
la maison que votre femme vient de se retirer près d'une amie,
chez laquelle des soins l'appellent pour quelques jours ; Victoire et
moi, nous nous chargeons du reste. Moldane, égaré, sort
; ses enfants le suivent, et nous nous disposons à mettre ordre
à tout.
Faut-il vous l'avouer, mes amis ?... Oui, sans doute : c'est de mon
cur tout entier dont vous désirez le développement
; je ne dois vous en rien cacher. Un feu subtil s'alluma d'ans mes veines
à la vue de ce corps dont je venais de causer l'anéantissement
: l'étincelle d'un caprice inconcevable, où vous me verrez
bientôt livré plus amplement, s'alluma dans mon cur
en considérant cette malheureuse encore belle. Victoire m'offrait,
en la déshabillant, les plus belles chairs qu'il fut possible
de voir ; je bandai...
- Je veux la foutre, dis-je à la gouvernante de mes élèves.
- Mais elle n'éprouvera plus rien, monsieur.
- Que m'importe, sont-ce les sensations de l'objet qui me sert que je
désire ? Non, certes : l'inertie de ce cadavre ne rendra les
miennes que plus vive. N'est-ce pas d'ailleurs mon ouvrage ! En faut-il
plus pour rendre délicieuse la jouissance que je projette !...
Et je me disposais... Mais l'ardeur de mes désirs effrénés
trompa mes desseins ; trop d'impétuosité me perdit ; j'eus
promptement recours à la main de Victoire qui fit éjaculer
un sperme que je ne pouvais plus contenir ; elle en inonda les chairs
inanimées de la belle épouse de mon patron. Nous reprîmes
les soins qui nous occupaient ; à force d'eau, nous enlevâmes
les traces du sang dont la chambre était inondée, et nous
cachâmes le corps dans une banquette de fleurs qui régnait
le long d'une terrasse voisine de mon appartement. Le lendemain, Moldane
reçut une lettre supposée, par laquelle l'amie de sa femme
l'avertissait que cette digne épouse venait de tomber malade
chez elle, et qu'elle demandait Victoire pour la soigner ; celle-ci
disparut, bien payée, promit le secret et tint parole. Au bout
de huit à dix jours la prétendue maladie de Mme de Moldane
eut l'air de devenir si grave, qu'il paraissait impossible de pouvoir
la transporter chez elle. Victoire nous donnait des nouvelles ; Moldane
et ses enfants étaient sensés y aller passer des journées
presque entières ; enfin, la digne épouse expira ; nous
portâmes le deuil. Mais Moldane n'avait ni la fermeté qui
convient aux grands crimes, ni l'esprit nécessaire à calmer
les remords : en déplorant son forfait il en détesta la
cause ; il ne retoucha plus ses enfants, et me supplia de les faire
revenir des erreurs où nos égarements venaient de les
plonger. J'eus, comme vous l'imaginez bien, l'air d'approuver et de
me charger de tout.
Je vis alors que, pour en venir à mon but, je devais encore changer
mes moyens. Je m'emparai de l'esprit de Sulpice ; je lui représentai
toute l'horreur du crime de son père.
- Un pareil monstre, lui dis-je, est capable de tout : ô mon ami
! poursuivis-je avec chaleur, tes jours même ne sont pas en sûreté
; je sais que dans ce moment-ci, seulement occupé d'anéantir
les traces de son crime, il a fait enfermer Victoire... qu'il complote
contre ta propre liberté, et que, pour mieux tout étouffer
encore, quand il te tiendra dans quatre murs, il t'empoisonnera, ainsi
que ta sur... Fuyons, Sulpice, prévenons les nouveaux forfaits
de cet homme féroce ; mais qu'il tombe avant sous nos coups.
Si son action était découverte, il serait proscrit par
les lois ; leur glaive s'appesantirait sur lui : soyons aussi juste
qu'elles ; délivrons la terre de cet infâme coquin. Personne
ne le sert que toi ; devenu farouche et sauvage, tous autres soins que
les tiens lui deviennent suspects ; il croit voir le poignard de la
vengeance dans les mains de tous ceux qui l'approchent. Saisis toi-même
cette arme ; frappes-en le coupable ; satisfaits les mânes de
la mère ; elles sont là ; elles voltigent au-dessus de
ta tête ; et les cris déchirants de la victime se feront
entendre aussi longtemps que le sacrifice expiatoire ne sera pas présenté
par tes mains... Mon ami, je te regarde toi-même comme un monstre,
si tu balances une minute : celui qui n'ose punir le crime quand il
le peut, est aussi coupable, à mes yeux, que celui qui se le
permet. Dans l'impossibilité d'une dénonciation qui ne
serait pas reçue, il ne te reste d'autre part à prendre
que d'agir toi-même ; presse-toi donc, te dis-je, ou tu n'es pas
digne de vivre.
Quelques jours de pareilles insinuations enflammèrent bientôt
la tête de ce jeune homme : je lui présente des poisons,
il les saisit avec avidité ; et le nouveau Seïde se couvre
bientôt du plus affreux forfait, en croyant servir la vertu.
Ne restant plus que des collatéraux très éloignés,
on établit un conseil de tutelle, dont je sus tellement gagner
la confiance, que je fus nommé gardien des effets, et maintenu
dans l'éducation des enfants. Employé dans les affaires
de la maison, toutes les sommes me passèrent par les mains. Ce
fut alors que je conçus l'exécution du dénouement
de mon projet.
Je crus que, pour y réussir, je n'avais pas d'autre parti à
prendre, que d'employer sur l'esprit de Joséphine les mêmes
moyens qui m'avaient aussi bien servi pour décider Sulpice à
se débarrasser de son père.
- Vous n'avez plus, dis-je à cette jolie petite innocente...
non, il ne vous reste plus pour être heureuse, d'autre part à
prendre que de vous débarrasser de votre frère : je sais
que dans ce moment-ci il complote contre vous ; et, qu'à dessein
d'hériter seul de tout le bien, il propose de vous faire mettre
pour le reste de vos jours dans un couvent. Il est temps de dévoiler
à vos yeux, Joséphine, toute l'atrocité de ce personnage
: lui seul est la cause de la mort de votre père et de votre
mère ; lui seul a ourdi ces affreux complots ; lui seul en exécuta
une partie ; vous serez bientôt sa victime aussi, vous êtes
morte sous huit jours, s'il ne réussit pas à vous faire
enfermer pour la vie... Faut-il vous dire plus ? Il m'a déjà
demandé où se vendaient les venins qui peuvent abréger
les jours d'un individu quelconque. Vous sentez bien que je ne le lui
apprendrai pas ; mais il peut s'adresser à d'autres : prenons
les devants ; il faut se venger de ceux qui trament contre nous il n'est
certainement aucun mal à les prévenir. Ce poison que Sulpice
demande, je vous l'offre, Joséphine ; vous sentez-vous la force
d'en faire usage ?
- Oui, me dit mon élève, en déployant à
mes yeux infiniment plus de caractère que je ne lui en aurais
jamais supposé, je crois tout ce que tu me dis, Jérôme.
De certains propos de Sulpice me prouvent que tu as raison, quand tu
le crois l'auteur de la mort de mon père ; et je veux venger
cette mort. Mais, Jérôme, faut-il l'avouer ? je t'aime
et ne prendrai jamais d'autre époux que toi : tu as la confiance
de nos tuteurs, demande-moi en mariage, je t'appuierai ; si l'on te
refuse, emportons le plus d'argent que nous pourrons, et allons nous
marier en Suisse ; songe que ce n'est qu'à cette condition que
j'accepte le crime que tu me proposes.
Elle flattait trop mes progrès pour que je n'acceptasse pas sur-le-champ.
Dès que Joséphine fut sûre de moi, elle agit ; ce
fut l'histoire d'un déjeuner : elle servit elle-même du
chocolat à son frère, dans lequel elle eut soin de jeter
deux grains de napel que je lui avais donné. Sulpice creva le
lendemain au milieu d'affreuses convulsions que Joséphine observa
beaucoup plus courageusement que je ne l'aurais cru : la friponne ne
quitta le chevet du lit de son frère que quand elle l'eut vu
rendre l'âme.
Ô Jérôme ! m'écriai-je alors à part
moi, ton triomphe est donc sûr, et tes perfides séductions
viennent de porter enfin le trouble et la désolation dans la
famille entière de ton unique ami, ton seul protecteur. Du courage,
Jérôme ; ne restons pas en chemin quand il s'agit d'être
criminel : il est à jamais perdu celui qui ne parcourt pas jusqu'au
bout la carrière du vice, une fois qu'il y est entré.
Je passai toute la nuit avec Joséphine ; la scélératesse
dont elle venait de se couvrir, lui rendait à mes yeux tous les
attraits qu'une longue jouissance lui avait fait perdre. Deux jours
après je lui persuadai que je l'avais effectivement demandée
en mariage, mais que l'extrême disproportion de nos rangs et de
nos fortunes n'avait occasionné que des refus.
- Eh bien ! me dit Joséphine, partons ; car mes projets ne changeront
pas ; je ne veux que toi pour époux ; je ne veux vivre que pour
toi seul au monde.
- Ce que tu proposes est facile, dis-je à cette pauvre dupe ;
voici une remise de cent mille écus, dont le conseil de tutelle
vient de me charger pour acquérir une terre qui t'est destinée
; emportons cet argent et disparaissons.
- Je suis à toi, me dit Joséphine ; mais permets que je
t'impose une condition.
- Quelle est-elle ?
- Que tu n'oublieras jamais les sacrifices que je te fais... que de
tes jours tu ne m'abandonneras.
Et vous comprenez, mes amis, de quel ton de fausseté je dus prononcer
des serments que j'avais si peu d'envie de tenir.
Nous disparûmes. Le septième jour de notre voyage, nous
atteignîmes Bordeaux, où je crus que nous pouvions séjourner
quelque temps, avant que de passer en Espagne, pays que Joséphine
choisissait pour se mettre à couvert et consommer notre hymen.
La saison devenant mauvaise, et prévoyant que nous ne pourrions
guère franchir les monts avant le printemps, ma compagne me proposa
de la terminer où nous étions.
- Mon ange, répondis-je à la chère innocente, la
cérémonie que tu me proposes me paraît fort inutile
; il conviendrait, ce me semble, infiniment mieux à la prospérité
de nos affaires, que nous passions pour frère et pour sur
que pour époux : nous aimons tous deux la dépense, et
ce ne sera pas avec cent mille écus que nous pourrons subsister
longtemps ; il faut que je te prostitue, Joséphine ; il faut
que ce soient tes charmes qui nous fassent vivre.
- Oh ! mon ami, quel affreux projet.
- C'est le seul raisonnable à suivre ; c'est pour l'exécution
de ce seul projet que j'ai consenti à t'enlever : l'amour est
une chimère, mon enfant, il n'y a de réel que l'or ; il
en faut gagner à tel prix que ce puisse être.
- Et voilà donc les sentiments que tu m'avais jurés !
- Connais-moi, Joséphine, il est temps ; sache que celui de l'amour
n'approcha jamais de mon cur ; je jouis des femmes, mais je les
méprise ; je fais plus, je les déteste aussitôt
que ma passion est assouvie ; je les tolère dans ma société
quand elles sont utiles à ma fortune, jamais quand elles ne visent
qu'au sentiment. N'en exige donc pas davantage, et rapporte-t'en à
moi du soin de te nourrir : j'ai de la fausseté, du manège,
de l'intrigue ; je veux te faire voler d'aventures en aventures, et
te rendre, par mes conseils, la putain la plus célèbre
qu'on ait jamais vue dans le monde.
- Moi, devenir putain !
- N'as-tu pas été celle de ton père, de ton frère...
n'as-tu pas été la mienne ? En vérité, ta
pudeur serait ici bien déplacée. Mais de profonds soupirs
et des flots de larmes interceptèrent les douloureuses expressions
que voulait proférer Joséphine : son accès de désespoir
fut affreux ; et, quand elle me vit assez prononcé dans mon opinion
pour ne pouvoir plus se flatter de m'en faire revenir, la malheureuse
qui ne perdait pas au moins par cet arrangement l'espoir d'être
toujours auprès de moi... de moi qu'elle avait la folie d'aimer
encore, consentit à tout ; et nous nous établîmes
en raison de ce divin projet.
Oui, divin, j'ose le dire ; en existe-t-il d'aussi agréable que
celui d'assurer sa subsistance et son luxe sur la bonne foi et la crédulité
des autres ? Il n'y a ni ouragan, ni dévastation à craindre
dans des biens de cette nature ; et l'imbécillité des
hommes, en tous les temps la même, assure à celui qui compte
sur elle des trésors que ne lui rapporteraient même pas
les mines du Pérou. Je me sentais les meilleures dispositions
à bien conduire cette nouvelle barque ; Joséphine avait
tout ce qu'il fallait pour en tenir le gouvernail ; et nous nous lançâmes.
Une maison délicieuse, beaucoup de valets, de chevaux, un excellent
cuisinier, tout l'attirail, en un mot, de gens riches, nous amena bientôt
des dupes. Un vieux négociant juif, aussi connu par ses richesses
que par sa luxure, fut le premier qui se présenta : Joséphine
lui fit beau jeu, et le marché fut promptement conclu ; mais
le Crésus avait des fantaisies ; et, comme il donnait dix mille
francs par mois pour les satisfaire, il exigeait de la soumission.
Voici quelle était la manie du brave descendant de Saül.
Abraham Pexoto voulait que deux jolies filles, qu'il avait attachées
au service de Joséphine, la branlassent sous ses yeux dans un
boudoir de glace, en lui faisant prendre pendant la séance huit
ou dix attitudes différentes ; en face de l'opération,
Pexoto se faisait polluer par deux charmants bardaches : au bout d'une
heure de cette première scène, les gitons enculaient les
femmes de chambre et Pexoto enculait les gitons. Suffisamment excité
par ces préliminaires, sa maîtresse s'étendait tout
de son long par terre, comme si elle eût été morte
; on attachait le juif par les mains et par le vit ; les deux garçons
le promenaient ainsi deux ou trois fois tout autour du corps en criant
: « Elle est morte, la garce, elle est morte, c'est toi qui l'as
tuée » et les deux filles le suivaient à grands
coups de verges. Alors le cousin germain de Jésus-Christ s'arrêtait
un moment : « Eh bien, disait-il, relevez la donc puisqu'elle
est morte. » On posait le corps toujours immobile sur le bord
d'un canapé. Le juif enculait ; et, pendant qu'il travaillait
à perdre son sperme dans l'anus de la prétendue morte,
il fallait, pour hâter l'émission, que les deux petits
Ganymèdes, en faisant baiser leurs culs, ne cessent de crier
: « Eh, oui, oui ; elle est morte, il n'y a plus de secours »,
et que les deux suivants continuassent de déchirer, à
grands coups de verges, le maigrelet fessier du lépreux.
Sur l'exposé de la fantaisie de cet homme, Joséphine versa
quelques larmes ; mais, quand je lui eus représenté qu'elle
était bienheureuse d'en être quitte à si bon marché,
et que dans le métier qu'elle entreprenait il y avait souvent
bien d'autres assauts que celui-là, que 120 000 livres de rentes
annexées d'ailleurs à cette complaisance valaient bien
la peine de s'y prêter, elle se soumit à tout. Pexoto amena
lui-même les deux gitons et les deux soubrettes ; il en payait
le logement et la nourriture à part et, dès le lendemain,
le patron s'installa. Reconnu pour être le frère de Joséphine,
il n'eut aucune jalousie et, pendant plus d'un an nous menâmes,
au dépens d'Abraham, la vie du monde la moins israélite.
Au bout de cet intervalle, Joséphine crut s'apercevoir que son
amant n'avait plus pour elle le même enthousiasme.
- Prévenons la satiété, m'écriai-je aussitôt
; puisqu'on ne peut plus compter sur Pexoto, tirons-en au moins ce que
nous pourrons.
Je savais que le Juif, qui avait en moi une sorte de confiance, venait
de recevoir en billets de caisse un payement de 1 500 milles livres.
J'arrangeai les choses de manière qu'il ne trouva point Joséphine
à la maison au moment où il était accoutumé
de s'en servir.
- Où est ta sur, Jérôme ? me dit-il, en ne
la voyant pas.
- Monsieur, lui répondis-je, un gros sujet de chagrin vient de
la conduire à l'instant chez vous ; elle a recommandé
que si vous arriviez pendant ce temps-là, on vous servît
de même à souper, et qu'elle reviendrait à l'instant.
Mais, monsieur, la cause de son chagrin est bien vive ; elle était
bien pressée de vous voir et de vous parler ; ne vous rencontrant
pas, je crains bien qu'elle ne se porte à quelque action de désespoir.
- Voles-y, me dit Abraham, ne perds pas une minute ; si c'est de l'argent
qu'il lui faut, voilà un blanc-seing sur mon caissier ; fais-y
mettre la somme qui te sera nécessaire. 20, 30 000 francs, ne
te gêne pas, mon ami ; je sais que tu es raisonnable, et qu'il
te serait impossible d'abuser de ma confiance.
- Oh ! Monsieur.
- Pars, mon ami, dis-lui que je soupe et que je l'attends sans faute
au dessert.
Tout était préparé, sans que le cher homme s'en
doutât ; la maison louée, les meubles vendus, les valets
congédiés ; et le souper qu'on lui servait était
le dernier qu'il devait recevoir de nous. Une chaise de poste nous attendait
aux Chartrons2 ; Joséphine était dans cette voiture, et,
le coup une fois fait, nous disparaissions de Bordeaux. J'arrive chez
le Juif ; je parle aux commis dont je suis parfaitement connu.
- Le correspondant de M. Abraham, leur dis-je, est chez nous ; il demande
sur-le-champ les fonds qu'il remit hier à votre patron ; voilà
un blanc-seing, remettez-moi, je vous prie, le portefeuille sur-le-champ.
- Ah ! dit le premier commis, je sais ce que c'est : on m'avait prévenu
qu'il y aurait quelque changement dans cette affaire ; mais j'ignorais
que la conférence dût se passer chez vous. Tenez, voilà
ce qu'il demande ; je vais mettre seulement au-dessus de la signature
: « Remettez à M. Jérôme le portefeuille reçu
hier. » N'est-ce pas cela ?
- Assurément.
- Bien votre valet, monsieur Jérôme.
- Votre serviteur, monsieur Isaac ; et me voilà dans la voiture.
Nous marchâmes huit jours sans arrêter ; et ce ne fut que
sur les bords du Rhin que, nous croyant en sûreté, nous
descendîmes, excédés, dans une mauvaise auberge,
pour nous y reposer quelque temps.
- Eh bien ! mon ange, dis-je à Joséphine en venant de
vérifier la somme, tu vois comme nos coups d'essai réussissent
; du courage, de l'effronterie, et nous serons bientôt à
notre aise. Cette route est celle de Berlin ; c'est un bon pays que
la Prusse ; un roi philosophe y règne ; volons-y : il vaut autant
escroquer des barons allemands que des Juifs gascons ; et, de quelque
part que nous vienne l'argent, quand il est pris, on peut être
sûr qu'il porte bonheur.
- Ce ne sera pas, me dit Joséphine, quand tu le mangeras aussi
vite comme nous le gagnons. Qu'ai-je eu, moi, de tout ce profit ? A
peine quelques robes et quelques bijoux ; tu as dissipé le reste
avec des gueuses et des bardaches : tes luxures, tes désordres
en tous genres, ont été aussi énormes que tes escroqueries
; tu jouissais d'une telle réputation, qu'à supposer même
que cette aventure ne nous eût pas contraints à quitter
Bordeaux, la police nous en eût bientôt expulsés
: tu ne t'es pas contenté de prendre les filles de bonne volonté
; tu en as battu, violé, molesté, et peut-être pis...
- Pis ? Ma foi, je le croirai, dis-je à Joséphine poursuis,
mon cur ; continue mon panégyrique ; il est, ce me semble,
très parfaitement dans ta bouche.
- C'est qu'il est affreux...
- Ah ! grâce, je t'en supplie ; je ne t'ai pas pris pour me faire
des mercuriales, mais pour servir mon avarice, ma luxure et mes fantaisies
: ne perds jamais de vue l'autorité que tes crimes me donnent
sur toi ; songe qu'en dénonçant ces crimes, je puis te
faire pendre demain ; songe qu'en t'abandonnant à ton propre
sort, en ne t'éclairant plus de mes conseils, devenue une petite
raccrocheuse à vingt-quatre sous, tu périras bientôt
de misère. Continue donc, Joséphine, d'être, avec
soumission, et la complice et l'instrument de mes forfaits ; et souviens-toi
que j'ai toujours deux pistolets dans ma poche pour te brûler
la cervelle à la première désobéissance.
- Ô Jérôme ! je me croyais aimée de toi ;
est-ce là ce que tu m'avais promis en me séduisant ?
- Moi, de l'amour pour une femme ; je te l'ai déjà dit
mille fois, ma fille ; tu te tromperais, si tu me soupçonnais
une telle faiblesse. A l'égard des moyens que j'ai employés
pour te séduire, ce sont ceux de tous les suborneurs ; il faut
tromper la bête qu'on veut prendre, et ce n'est pas pour rien
qu'on graisse l'hameçon.
Joséphine pleura, et je ne la consolai point. Il n'y a personne
au monde qui soit endurci comme moi aux jérémiades des
femmes ; je m'en amuse souvent, et ne les partage jamais. Cependant,
comme je bandais très ferme, que la route m'avait prodigieusement
échauffé, et qu'il n'y avait rien là qui pût
apaiser mes feux, je fis faire volte-face à ma compagne de route,
et lui campai le vit dans le derrière, où je le promenai,
jusqu'à ce qu'il eût eu le temps d'y lancer deux ou trois
décharges.
Je déculais à peine, que nous entendîmes de grands
coups de fouet dans l'auberge, qui nous annoncèrent l'arrivée
d'un courrier : j'ouvre la porte. « Il est ici, il est ici, entends-je
crier ; nous en sommes sûrs ; nous le suivons depuis Bordeaux.
» A ce discours, Joséphine pensa s'évanouir ; pour
moi, calme, comme je le fus toute ma vie dans le crime, je me contentai
d'amorcer de frais ; puis, descendant, un de mes pistolets à
la main.
- L'ami, dis-je au courrier, est-ce moi, par hasard, que tu cherches
?
- Oui, scélérat, me répond aussitôt le même
Isaac qui m'avait remis le portefeuille de Pexoto ; oui, fripon, oui,
c'est toi... toi, que je vais faire arrêter à l'instant.
- Imposteur exécrable, répondis-je alors avec fermeté
; essaie de l'entreprendre : patron, poursuivis-je en m'adressant à
l'hôtelier, qu'on aille me chercher le juge du lieu, pour que
je lui porte, à mon tour, toutes les plaintes que j'ai à
faire contre ce drôle-là.
Isaac, interdit d'une contenance à laquelle il était loin
de s'attendre ; Isaac qui, se confiant en ses propres forces, parce
qu'il avait raison, et que j'avais tort, n'avait pris aucune précaution
pour me prouver mon crime ; point d'ordres, point de procédures,
point d'exempt ; Isaac, dis-je, changea de visage, et s'assit tranquillement
auprès du feu, en disant : « - Nous allons voir. »
Le juge arrive :
- Monsieur, dis-je, en prenant le premier la parole, voilà un
fripon qui me doit cent mille écus ; il est, comme moi, négociant
à Bordeaux. Lorsque j'ai été pour recevoir mes
fonds, en lui disant le besoin que j'en avais pour le voyage que j'entreprends,
il m'a refusé ; je l'ai poursuivi ; il s'est déclaré
banqueroutier. J'ai réuni mes autres fonds, je suis parti. A
peine ce scélérat m'a-t-il vu hors de la ville, qu'il
a publié que les fonds que j'emportais occasionnaient sa chute,
qu'une partie de ces fonds n'était même pas à moi,
que je les escroquais, et il lui a pris, en raison de cela, fantaisie
de me poursuivre : il arrive avec ce projet ; mais, ventredieu, je vous
le déclare, monsieur le juge, il aura ma vie avant mon argent.
- Qu'avez-vous à répondre à cela, monsieur ? dit
l'homme de loi à Isaac.
- Je réponds, dit le Juif, tout troublé de mon effronterie,
que vous avez affaire au plus adroit filou qu'il y ait en Europe : mais
j'ai tort : je suis parti comme un étourdi ; je n'ai pris nulles
précautions ; c'est ma faute ; je repars : n'importe, que le
coquin soit sûr de n'y rien gagner ; je vais me munir de ce qu'il
faut et, une fois en règle, qu'il se tienne pour bien certain
que je le poursuivrai jusqu'au fond des enfers ; adieu.
- Oh que non, double fils de putain, dis-je en saisissant Isaac au collet
; oh que non, tu ne repartiras pas ainsi ; puisque je te tiens, il faut
que je tire de toi mon argent, ou au moins ce que tu as sur toi.
- Cela est juste, dit le Salomon qui présidait à cette
scène : Monsieur dit que vous lui devez cent mille écus
: il faut le payer.
- L'infâme calomniateur ! dit Isaac, en se mordant les lèvres,
peut-on porter l'effronterie plus loin ?
- Petit neveu de Moïse, m'écriai-je, j'ai moins d'audace
que vous ; je ne demande que ce qui m'est dû et vous osez réclamer
ici ce qui ne vous appartint jamais.
Isaac fut généralement condamné. Obligé
de vider ses poches, j'en tirai cinquante mille francs, et des lettres
de change sur Berlin, pour les deux cent cinquante mille livres que
je réclamais encore. Je payai largement le juge, l'hôtelier,
les acolytes et, faisant mettre aussitôt les chevaux, nous nous
éloignâmes, Joséphine et moi, d'une auberge où
nous étions loin d'espérer une aussi lucrative aventure.
- Eh bien, me dit Joséphine, dès que nous commençâmes
à galoper, je gage que je n'aurai pas encore un sou de cette
prise-là : c'est pourtant mon cul qui t'a valu cette bonne fortune
; tu en sortais quand cet imbécile est venu se prendre au piège
qu'il essayait de te tendre.
- Eh ! répondis-je à ma prétendue sur, ne
t'ai-je pas toujours dit que le cul portait bonheur ? Si, malheureusement,
j'eusse enfilé ton con, j'étais pris.
- Enfin, qu'aurai-je ?
- Dix mille francs.
- Quelle somme ?
- Et quelle dépense as-tu donc à faire, Joséphine
? Des chiffons : moi, des culs, des vits : ah ! Joséphine, quelle
différence !
Ces propos, et quelques autres semblables, nous amenèrent à
Paderborn où nous parvînmes, sans avoir descendu nulle
part, depuis notre rencontre avec Isaac.
La foire de Leipzig attirant beaucoup de voyageurs sur ces routes, nous
trouvâmes les auberges si pleines à Paderborn, que nous
fûmes obligés de partager une chambre avec un riche négociant
de Hambourg, qui se rendait avec son épouse à la célèbre
foire dont je viens de parler. Kolmark était le nom de ce marchand,
dont la femme, âgée d'environ vingt ans, était la
plus jolie créature qu'il fût possible de rencontrer au
monde ; et, je l'avoue, cette délicieuse personne m'échauffa,
pour le moins autant la tête, qu'une cassette très volumineuse
que je leur vis enfermer avec soin dans une des armoires de notre chambre.
Le désir de m'approprier l'un et l'autre objet devint tellement
vif en moi, que je n'en fermai pas l'il de la nuit. A raison d'une
réparation à leur voiture, ces deux personnages devaient
séjourner dans l'auberge, et, pour les suivre un peu de près,
je prétextai quelques affaires, qui devaient également
me retenir un jour à Paderborn. De ce moment, il devenait clair
que, puisque nous avions trente-six heures à être réunis,
il fallait nécessairement faire connaissance. Joséphine,
prévenue par moi, devînt bientôt l'amie de sa compagne
; on déjeuna ensemble ; on y dîna, le soir on fut au spectacle
; et c'est au souper du retour que j'eus soin de préparer le
piège dans lequel je voulais faire tomber l'une et l'autre victime.
Kolmark avait fait les frais du dîner, il était juste que
ceux du souper nous regardassent : ce motif me fit quitter la comédie
de bonne heure, et j'arrivai seul à l'auberge, sous le prétexte
de tout ordonner.
- Obligé d'aller prendre, à l'extrémité
de la ville, un ami avec lequel je pars cette nuit pour Berlin, dis-je
aux gens de la maison, je vais faire charger ma voiture tout de suite,
et l'envoyer m'attendre chez mon compagnon de voyage.
Cette précaution paraît toute simple ; tous mes bagages
se portent à la voiture ; je n'oublie pas d'y faire mettre, bien
enveloppée, la cassette, qu'au moyen d'un passe-partout, je retire
facilement de l'armoire où elle était serrée.
- Va, dis-je au postillon, dès que tout est prêt ; va m'attendre
à la porte de Berlin ; j'y conduirai ma femme et mon ami, cela
sera plus simple que d'arrêter près de sa maison ; tu pourras
du moins boire en nous attendant ; un cabaret se trouve à cette
porte, et il n'en est point à la sienne.
Tout s'arrange ; et ma voiture quittait à peine l'hôtellerie,
quand Joséphine et nos deux dupes y rentraient. Le plus grand
souper fut servi ; mais j'avais eu le soin de mêler aux jattes
de fruits, déjà placées sur un buffet, une dose
de stramonium, assez forte pour plonger dans le plus profond sommeil
ceux qui goûteraient du mets où je l'avais amalgamé.
Tout réussit à miracle : à peine Kolmark et sa
femme ont-ils tâté de ce fruit fatal, qu'ils tombent dans
une telle léthargie, qu'on peut leur faire tout ce qu'on veut,
et les remuer de toute manière, sans qu'ils puissent s'en apercevoir.
- Tiens-toi prête, dis-je à Joséphine, dès
que je les vis dans cet état ; tout est dehors ; la voiture nous
attend ; j'ai la cassette ; prête-moi la main pour foutre cette
femme dont la tête me tourne ; achevons ensuite de leur voler
et portefeuilles et bijoux ; puis décampons avec autant de silence
que de mystère et de promptitude.
J'approche de la Kolmark ; j'ai beau la trousser, lui presser les tétons,
rien ne la réveille. Rassuré par cet état de stupeur,
plus violent que je ne l'aurais soupçonné, je deviens
très entreprenant ; Joséphine et moi nous la mettons nue.
Dieu ! quel corps ! c'était celui de Vénus même.
- Ô Joséphine, m'écrié-je, jamais un crime
ne me fit mieux bander que celui-là ! Mais il faut que je le
perfectionne : je ne suis pas assez sûr de ma drogue, pour ne
pas craindre leur réveil, il faut que je les foute tous les deux,
et que je les tue en les foutant.
Je commence par la femme ; je l'enconne d'abord, je l'encule ensuite...
pas un mouvement... pas l'ombre d'une sensation ; je lui remplis l'anus
de foutre, et passe au mari. Kolmark, qui n'avait que trente ans, m'offrit
un cul d'albâtre ; je le quitte, après quelques allées
et venues, pour me rengloutir dans celui de la femme et, pendant que
j'y suis, cette fois, je fais placer sur elle le corps de l'époux
et, sur ce corps, les trois matelas de l'un des lits. Joséphine
qui, par mon ordre, cabriole sur les matelas, les a bientôt étouffés
tous les deux ; et je jouissais, et j'éprouvais, dans le cul
de la femme, l'inconcevable volupté qui existe à procurer
une mort violente à l'objet qui sert nos plaisirs. On n'imagine
pas à quel point la contraction des nerfs de la victime sert
la lubricité de l'agent ! Ô mes amis ! taisons ce secret
; il ne serait pas un seul libertin, s'il était connu, qui n'assassinât
sa jouissance. L'opération terminée, nous plaçons
avec soin les corps chacun dans leur lit ; et, nous étant emparés
des montres, des portefeuilles et des bijoux, nous descendons, nous
traversons l'auberge, dont personne n'est surpris de nous voir partir,
parce que j'avais prévenu de tout.
- Vous laisserez dormir M. et Mme de Kolmark, disons-nous en passant
; ils vous prient de n'entrer chez eux qu'à midi : votre excellent
souper, votre bon vin, tout cela leur a porté à la tête,
et ils veulent se reposer longtemps ; nous en ferions sûrement
de même sans les affaires qui nous chassent.
Et, cela dit, les dépenses, les valets, largement payés,
nous nous retirons comblés des politesses de tout le monde, et
volons d'une traite à Berlin, sans nous arrêter davantage.
Ce ne fut que dans cette capitale de la Prusse, où nous reconnûmes
que la cassette, remplie de pierreries, et les autres effets dérobés,
s'élevaient à plus de deux millions.
- Oh Joséphine, m'écriai-je en vérifiant cette
agréable prise, ne t'ai-je pas toujours dit qu'un crime assurait
l'autre, et que le plus heureux des hommes sera toujours celui qui saura
le plus en commettre ? Nous prîmes à Berlin le même
établissement qu'à Bordeaux, et je m'y fis de même
passer pour le frère de Joséphine.
Cette créature qui devenait chaque jour plus belle, ne tarda
pas à faire des conquêtes ; et, comme elle était
pénétrée de la nécessité de ne se
fixer qu'à celles qui devaient rapporter beaucoup, le premier
homme qu'elle tâche de captiver fut le prince Henri, frère
du roi3. Il est bien peu de gens qui ne connaissent, au moins de réputation,
l'esprit, la gentillesse et le libertinage de cet aimable prince. Henri,
plus amateur des hommes que des femmes, ne se fixait jamais qu'à
celles dont il croyait pouvoir tirer des secours dans les égarements
qu'il chérissait.
- Bel ange, dit-il à Joséphine, il faut, avant de nous
lier, que je vous explique mes passions ; elles sont aussi vives que
singulières. Je dois vous prévenir d'abord que je fêterai
peu dans vous les attraits de votre sexe : jamais je ne me sers de femmes
; je les imite, mais je les déteste. Voici donc quelle sera votre
conduite pour servir ma lubricité : je vous ferai connaître
beaucoup d'hommes ; vous attaquerez tous ceux que je vous présenterai.
Voilà, poursuivit le prince en remettant à Justine un
godemiché de treize pouces de long, sur neuf de tour, voilà
la taille que j'emploie ; quand vous me découvrirez des vits
de cette tournure, vous me les fournirez. Une fois à l'opération,
vous serez revêtue d'une simarre, couleur de chair, qui ne laissera
paraître que votre cul, le reste sera impénétrable
à mes yeux ; vous préparerez les vits qui m'entreront
dans le derrière, vous les y insinuerez vous-même, vous
exciterez l'homme pendant qu'il agira, et, pour remerciements, lorsque
j'aurai été bien foutu, je vous ferai tenir par ces mêmes
hommes, et vous appliquerai quatre cents coups de fouet. Ce ne sera
pas tout, ma belle amie ; il faudra que vos féminins appas soient
soumis à de plus grandes profanations. Le fouet reçu,
vous vous mettrez absolument nue ; vous vous coucherez à terre,
les jambes écartées ; tout les hommes qui m'auront passé
sur le corps, vous chieront dans le con et sur la gorge. En revenant
de l'opération, ils me feront toucher le trou de leur cul ; ce
que j'exécuterai avec la langue. Cela fait, je m'accroupirai
sur votre bouche ; vous l'ouvrirez la plus grande possible, je chierai
dedans : un de mes hommes me branlera ; mon foutre partira en même
temps que mon étron ; c'est la seule façon dont je décharge.
- Et quels sont, dit Joséphine, les émoluments que monseigneur
accorde à d'aussi désagréables services ?
- Vingt-cinq mille francs par mois, dit le prince, et je paie tous les
accessoires.
- Ce n'est assurément pas trop, répondit Joséphine,
mais l'honneur de votre protection nous tiendra lieu du reste, et je
suis aux ordres de monseigneur.
- Quel est ce garçon que vous appelez votre frère ? poursuivit
le prince.
- Il l'est effectivement, répondit Joséphine, et la similitude
de ses goûts aux vôtres pourrait peut-être le rendre
utile à vos plaisirs.
- Ah ! il est bougre ?
- Oui, monseigneur.
- Vous encule-t-il ?
- Quelquefois.
- Ah ! parbleu, je veux voir cela.
Et Joséphine, m'ayant fait appeler, le prince, pour me mettre
sur le champ à mon aise, déboutonna ma culotte et me branla
le vit.
- Voilà, dit-il, un fort bel engin ; il n'est pas tout à
fait de la taille de ceux dont je me sers, mais il doit être beau
à voir en uvre ; sa décharge peut être brillante.
Et ayant fait coucher Joséphine à plat-ventre, il introduisit
mon vit dans le cul de cette fille le plus adroitement du monde. A peine
y fus-je, qu'il passa derrière moi et, rabattant mes culottes
sur mes talons, il mania mon cul, l'entrouvrit, le gamahucha, y fit
pénétrer son vit de quelques lignes ; se retirant ensuite,
il se remit à contempler mes fesses, en m'assurant qu'il les
trouvait fort de son goût.
- Pourriez-vous chier en foutant ? me dit-il ; c'est une chose délicieuse
pour moi, que de voir chier un homme pendant qu'il fout un cul, on n'imagine
pas combien cette petite infamie échauffe ma lubricité
; c'est qu'en général j'aime fort la merde, j'en mange
même, tel que vous me voyez : les sots ne conçoivent pas
cet écart ; il y a des passions qui ne sont faites que pour les
gens d'un certain ordre. Eh bien, chierez-vous ?
Ma réponse fut un des plus fameux étrons que j'eusse pondu
de ma vie. Henri le reçut en entier dans sa bouche ; et le sperme,
dont il m'arrosa les cuisses, devint le témoignage le plus certain
du plaisir que je venais de lui faire. Il en avait fait autant de son
côté : et, quand il me vit disposé à nettoyer
la place :
- Non, me dit-il en m'arrêtant, c'est l'ouvrage des femmes.
Et Joséphine fut obligée d'enlever cela avec ses mains
; il la regardait faire, et paraissait jouir de l'humiliation où
il la réduisait.
- Elle a un assez beau cul, disait-il en le lui claquant, je crois qu'elle
sera bonne à fouetter : je l'étrillerai très fort,
je vous en préviens, mais j'espère que cela vous sera
égal.
- Oh ! parfaitement, monseigneur, je vous jure ; Joséphine est
à vous et se trouvera toujours honorée de ce qu'il vous
plaira de lui faire.
- C'est qu'il ne faut pas ménager les femmes, en lubricité
; on gâte absolument ses plaisirs, quand on ne sait pas les mettre
à leur place, et, tant qu'on les élève, elles n'y
sont pas.
- Monseigneur, dis-je, au prince, une chose me surprend en vous : c'est
la manière dont vous soutenez l'esprit du libertinage, même
après que ce qui lui prête des forces est éteint.
- C'est que mes principes sont sûrs, me répondit cet homme
plein d'esprit ; c'est que je suis immoral par système ; et non
par tempérament : l'état de force ou de faiblesse dans
lequel je puis être, ne contribue nullement aux dispositions de
mon esprit ; et je me livre aussi bien aux derniers excès de
la luxure, en venant de décharger, qu'avec du sperme de six mois
dans les couilles.
Je voulus ensuite témoigner quelque surprise au prince, sur le
genre de plaisir crapuleux auquel je le voyais livré.
- Mon ami, me répondit-il, c'est qu'il n'y a que cela de bon
en libertinage ; plus le goût qu'on chérit est sale, plus
il doit naturellement exciter. A mesure que l'on se blase sur ses goûts,
on les raffine ; il est donc tout simple d'arriver ainsi au dernier
point de la corruption réfléchie. Tu trouves mes goûts
bizarres, et moi je les trouve trop simples ; je voudrais faire bien
pis. Je passe ma vie à me plaindre de la médiocrité
de mes moyens. Aucune passion n'est exigeante comme celle du libertinage,
parce qu'il n'en est aucune qui chatouille, qui pique, agace aussi vivement
le genre nerveux, aucune qui porte dans l'imagination un incendie plus
considérable ; mais il faut, en s'y livrant, oublier tout à
fait la qualité d'homme civilisé ; ce n'est que comme
les sauvages, et à la manière des sauvages, que l'on doit
se vautrer dans le bourbier de la luxure : si l'on se rappelle ses forces,
ou les faveurs de la fortune, ce ne doit être que pour en abuser.
- Oh ! monseigneur, voilà des maximes qui sentent furieusement
la tyrannie... la férocité.
- Mais le véritable libertinage, dit le prince, doit toujours
marcher entre ces deux vices ; rien n'est aussi despote que lui ; et
voilà pourquoi cette passion n'est vraiment délicieuse
que pour ceux qui, comme nous autres princes, sont revêtus de
quelque autorité.
- Vous concevrez donc du plaisir à abuser de cette autorité
?
- Je vais plus loin ; j'affirme qu'elle n'est agréable que par
l'abus qu'on a l'esprit d'en faire. Mon ami, tu me parais assez riche,
assez bien organisé, pour que je te révèle sur
cela les mystères du machiavélisme. Souviens-toi que la
nature même a voulu que le peuple ne fût, dans les mains
du monarque que la machine de son autorité ; qu'il n'est bon
qu'à cela ; qu'il n'est créé faible et bête
que pour cela ; et que tout prince qui ne l'enchaîne et ne l'humilie
pas pèche décidément contre les intentions de la
nature. Quel est alors le fruit de la nonchalance du souverain ? Un
déchaînement universel, tous les crimes hébétés
de l'insurrection populaire, l'avilissement des arts, le mépris
des sciences, la disparition du numéraire, le surhaussement excessif
des denrées, la peste, la guerre, la famine, et tous les fléaux
que ces malheurs entraînent. Voilà, Jérôme,
voilà ce qui attend un peuple qui secoue le joug ; et s'il existait
un être souverain au ciel, son premier soin serait de punir, sois-en
sûr, le chef assez imbécile pour avoir cédé
sa puissance.
- Mais cette puissance dis-je, n'est-elle pas dans la main du plus fort
? et le peuple en masse n'est-il pas le seul souverain ?
- Mon ami, le pouvoir de tous n'est qu'une chimère ; il ne résulte
aucun effet d'une multitude de forces discordantes : tout pouvoir disséminé
devient nul ; il n'a d'énergie qu'en le concentrant. La nature
n'a qu'un flambeau pour éclairer le monde ; chaque peuple, à
son exemple, ne doit avoir qu'un maître.
- Mais pourquoi le voulez-vous tyran ?
- Parce que l'autorité lui échappe s'il est débonnaire
; et je viens de te peindre tous les malheurs qui résultent de
l'autorité qui s'échappe. Un tyran vexe quelques hommes
; voilà de sa tyrannie des résultats bien médiocres
: un prince mou laisse changer l'autorité de mains ; et voilà
des malheurs affreux.
- Ah ! monseigneur, dis-je en baisant les mains de Henri, que j'estime
ces principes dans vous, chaque homme, en les admettant, peut se flatter
de despotiser dans sa classe ; il n'est qu'esclave et vil, s'il veut
usurper le pouvoir des grands.
Le prince de Prusse, singulièrement satisfait de moi, me laissa
vingt-cinq mille francs pour gages de sa bienveillance, et ne quitta
presque plus notre maison. J'aidais ma sur à lui trouver
des hommes ; et, pas tout à fait aussi difficile que lui, je
m'accommodais à merveille de ce dont il ne voulait pas : aussi
puis-je certifier avec raison que, pendant deux ans que dura notre séjour
dans cette ville, il me passa au moins plus de dix mille vits dans le
derrière. Il n'y a point de pays dans le monde où les
soldats soient aussi beaux et aussi complaisants ; et, pour peu qu'on
sache s'y prendre, on en a tant, qu'on est obligé d'en refuser.
Nous n'étions pas tellement gênés, que nous ne puissions
mystérieusement associer quelques seigneurs de la cour aux plaisirs
du prince Henri ; et le comte de Rhinberg partagea longtemps les faveurs
de la maîtresse du frère de son maître, sans que
qui que ce fût s'en doutât. Rhinberg, aussi libertin que
Henri, l'était pourtant dans un autre genre ; il foutait Joséphine
en con, pendant que deux femmes l'étrillaient à tour de
bras, et qu'une troisième lui pissait dans la bouche. Par une
suite de caprice fort extraordinaire, Rhinberg ne déchargeait
pas dans le con qu'il avait fêté ; celui qui lui avait
pissé dans la bouche était toujours sûr de recevoir
son hommage : et de même qu'il fallait que celui qui l'excitait
fût jeune et joli, raison qui lui avait fait choisir celui de
Joséphine ; de même, il était essentiel que celui
où il terminait sa besogne fût vieux, laid, et puant. Celui-là
changeait tous les jours ; il resta dix-huit mois attaché à
l'autre ; et peut-être l'aimerait-il encore sans l'événement
qui me fit quitter Berlin, et dont il est temps que je vous entretienne.
Je m'apercevais depuis quelque temps de deux choses qui me donnaient
des inquiétudes, et qui furent cause du parti que je pris de
m'éloigner de Berlin. Cependant, je balançais encore,
lorsque la proposition qui me fut faite acheva de me déterminer.
La première des choses que j'entrevis, fut le refroidissement
certain du prince de Prusse pour Joséphine : au lieu de venir
tous les jours, à peine le voyait-on deux fois la semaine. L'inconstance
est la suite des passions outrées ; comme on s'y abandonne avec
excès, on s'en lasse nécessairement plus vite.
La seconde chose qui redoubla mon inquiétude fut de voir que,
sans m'en douter, Joséphine m'échappait aussi. Elle aimait
un jeune valet de chambre de Henri, qui s'était souvent amusé
devant elle avec le prince, et je craignis qu'elle n'en vînt insensiblement
à secouer tout à fait mes chaînes. Voilà
où j'en étais, lorsque la proposition dont je viens de
parler me fut faite. Telles étaient les expressions du billet
qui la contenait :
« On vous propose cinq
cents mille francs pour livrer Joséphine, en vous prévenant
que c'est pour l'exécution d'un caprice qui lui ravira le jour.
L'autorité de celui qui vous parle ainsi est telle que, si vous
dites un mot, vous êtes un homme perdu ; si, au contraire, vous
acceptez, demain à midi la somme promise sera chez vous, et,
de plus, cinq cents florins pour votre voyage ; une des conditions du
marché étant que vous quitterez la Prusse dès le
jour même. »
Voici ma réponse :
« Si j'étais mieux
connu de celui qui me fait une telle proposition, il aurait évité
le ton de la menace. J'accepte tout sous une seule clause ; c'est d'être
témoin du supplice préparé pour ma sur, ou
de savoir au moins de quelle nature il doit être. Au reste, il
me paraît essentiel que l'on sache que Joséphine est grosse
de trois mois. »
On me répondit :
« Vous êtes un homme
charmant ; vous emportez de Berlin l'estime et la protection de celui
qui vous parle. Vous ne pouvez pas être témoin du supplice
; contentez-vous de savoir qu'il durera vingt heures ; et qu'il n'existe
aucun exemple dans le monde de la rigueur et de la violence du tourment,
aussi nouveau qu'extraordinaire, par lequel on lui ravira lentement
le jour. Un homme de l'art ira demain constater sa grossesse ; et, si
elle est vraie, vous aurez cent mille francs de plus. Adieu ; ne revenez
jamais à Berlin ; mais souvenez-vous que, telle part où
vous soyez, une main puissante vous protégera. »
Ce soir-là les portes
de la maison furent fermées de très bonne heure, et je
voulus me donner la barbare jouissance de souper et de coucher pour
la dernière fois avec Joséphine. Je ne l'avais jamais
foutue avec tant de plaisir. Oh ! le superbe corps, me disais-je ! quel
dommage que de tels attraits soient dans peu la pâture des vers
! et ce crime sera mon ouvrage ; il le sera sans doute, puisque, pouvant
la sauver, je la livre. Il faut avoir ma tête, mes amis, pour
comprendre à quel point de pareilles idées font dresser
le vit. Joséphine fut foutue de toutes les manières ;
et chacun des temples où je sacrifiais excitait en moi de nouvelles
réflexions, toutes néanmoins à peu près
de la même teinte. Oh ! mes amis, je puis le dire avec vérité,
non, il n'est aucune jouissance dans le monde qui soit comparable à
celle-là : mais, à qui le dis-je, grand Dieu ! et qui
doit le savoir mieux que vous !
Le lendemain, le médecin parut : je dis à Joséphine
qu'il venait de la part du prince, qui, ayant appris sa grossesse, lui
faisait offrir des secours, Joséphine commença par nier
le fait : mais convaincue par l'examen, elle avoua tout, en suppliant
l'homme de l'art de ne la compromettre en rien. Celui-ci promit tout
ce qu'on voulut, et n'en dressa pas moins un procès-verbal, par
lequel il déclarait qu'au moyen de son examen et des réponses
de Joséphine, elle devait être à la fin de son quatrième
mois. Me priant ensuite de l'écouter un moment en secret :
- Voilà, me dit-il, les six cent mille francs que je suis chargé
de vous remettre ; et les cinq cents florins pour votre route : je viendrai
moi-même chercher votre sur ce soir ; qu'elle soit prête
; et vous, monsieur, que le soleil levant ne vous retrouve pas dans
Berlin.
- Comptez sur ma parole, monsieur, répondis-je, en lui présentant
dix mille francs, qu'il refusa ; mais de grâce, expliquez-moi
tout ce que vous pourrez de cette circonstance singulière ; vous
savez sans doute ce qu'on veut faire de ma sur.
- La victime d'un meurtre de débauche, monsieur, je crois pouvoir
vous le révéler, parce qu'on m'a dit que vous étiez
au fait.
- Et sera-t-il bien cruel ?
- C'est une nouvelle expérience, dont les angoisses sont d'une
telle énergie que le sujet s'évanouit à chaque
reprise, et qu'il reprend nécessairement ses sens, dès
que l'on arrête.
- Et le sang coule-t-il ?
- Très en détail : c'est ce qu'on appelle une réunion
de douleurs ; toutes celles dont la nature afflige l'humanité
sont imitées dans ce supplice, tiré du manuel des inquisiteurs
de Goa.
- A en juger par les sommes que je reçois, l'acquéreur
est un homme riche.
- Je l'ignore, monsieur.
- Dites-moi seulement si vous croyez qu'il connaisse Joséphine.
- Je n'en saurais douter.
- Charnellement ?
- Je ne le crois pas. Et mon homme sortit sans vouloir proférer
une parole de plus.
Quelques instants avant, je fus prévenir Joséphine du
désir qu'on avait de la posséder seule. Elle frissonna
:
- Pourquoi donc ne m'accompagnes-tu pas ? me dit-elle en m'accablant
de caresses.
- Je ne le puis.
- Oh, mon ami, mes pressentiments sont affreux ; je ne te reverrai peut-être
jamais !
- Quelle extravagance ! Oh ! Joséphine, on vient ; du courage.
Et l'homme de l'art lui ayant présenté la main pour descendre,
je l'embarquai, de concert avec lui, dans une voiture anglaise qui la
fit bientôt disparaître à mes regards, non sans jeter
toute mon existence dans un trouble voluptueux qu'il est plus facile
de sentir que de peindre.
La première fois qu'on se trouve seul après avoir été
deux très longtemps, il semble qu'il manque quelque chose à
l'existence. Les sots prennent cela pour les effets de l'amour ; ils
se trompent. La douleur éprouvée par ce vide n'est que
l'effet de l'habitude, qu'une habitude contraire dissipe plus promptement
qu'on se l'imagine. Le second jour de ma route, je ne pensais déjà
plus à Joséphine, ou si son image se représentait
à mes yeux, c'était avec des symptômes d'une sorte
de plaisir cruel, bien plus voluptueux que ceux de l'amour ou de la
délicatesse. Elle est morte, me disais-je, morte dans d'affreux
tourments, et c'est moi qui l'ai livrée. Cette délicieuse
pensée excitait alors de tels mouvements de plaisir en moi, que
j'étais souvent obligé de faire arrêter pour enculer
mon postillon.
J'étais dans les environs de Trente, absolument seul dans ma
voiture, et dirigeant mes pas vers l'Italie, lorsqu'une de ces crises
de tempérament me prit, au même instant où j'entendis
des cris plaintifs dans la forêt que nous traversions. «
Arrête, dis-je au postillon ; je veux connaître la cause
de ce bruit ; ne t'écarte pas, et soigne ma voiture. »
Je m'enfonce, le pistolet à la main, et je découvre enfin
dans un taillis une fille de quinze ou seize ans, qui me parut d'une
rare beauté.
- Quel malheur vous afflige, ma belle demoiselle ? dis-je en l'abordant
; est-il possible d'y porter remède ?
- Oh ! non, non, monsieur, me répondit-on, il n'en fut jamais
aux flétrissures de l'honneur ; je suis une fille perdue ; je
n'attends que la mort, et je vous la demande.
- Mais, mademoiselle, si vous daignez me raconter...
- Le fait est aussi simple que cruel, monsieur. Un jeune homme devient
amoureux de moi ; cette liaison déplaît à mon frère
; le barbare abuse de l'autorité que la mort de nos parents lui
donne ; il m'enlève, et, après m'avoir horriblement maltraitée,
il me perd dans cette forêt en me défendant, sous peine
de la vie, de jamais reparaître à la maison : ce monstre
est capable de tout ; il me tuera si j'y rentre. Oh ! monsieur, je ne
sais que devenir. Cependant, vous m'offrez vos services... eh bien,
je les accepte. Daignez m'aller chercher mon amant ; faites cela, monsieur,
je vous en conjure. Je ne sais quel est votre état, ni votre
fortune ; mais mon amant est riche, et si des sommes vous étaient
nécessaires, je suis bien sûre qu'il les donnerait pour
me ravoir.
- Où est-il, cet amant, mademoiselle ? dis-je avec chaleur.
- A Trente, et vous n'en êtes pas à deux lieues.
- Se douterait-il de votre aventure ?
- Je ne crois pas qu'il la sache encore.
Et ici je vis bien que cette belle fille, actuellement sans aucune défense,
serait à moi quand je voudrais ; mais, aussi envieux d'argent
que de femmes, je me mis à combiner sur-le-champ comment je m'y
prendrais pour avoir à la fois l'un et l'autre. Croyez-vous,
dis-je d'abord à cette infortunée, qu'il y ait quelque
maison dans les environs de la partie du bois où nous sommes
?
- Non, monsieur, je ne le crois pas.
- Eh bien, enfoncez-vous encore plus dans le taillis ; n'y faites pas
le moindre mouvement ; transcrivez sur ces tablettes, avec mon crayon,
les trois lignes que je vais vous dicter, et dans peu d'heures je vous
amène votre amant.
Voici les mots que la belle aventurière écrivit sous ma
dictée :
« Un brave inconnu va
vous mettre à même de vous convaincre de mes malheurs ;
ils sont affreux. Suivez-le, il vous mènera où je vous
attends ; mais venez seul, absolument seul ; cette recommandation est
essentielle ; vous saurez bientôt ce qui la motive. Si deux mille
sequins ne vous paraissent pas une trop faible récompense pour
l'homme qui nous réunit, apportez-les pour les lui remettre devant
moi ; vous en apporterez davantage, si vous trouvez la récompense
trop médiocre. »
La belle opprimée, qui
se nommait Héloïse, signa le billet ; et moi, regagnant
promptement ma voiture, j'engage le postillon à faire diligence,
et le fais arrêter à la porte même du jeune Alberoni,
amant d'Héloïse. Je lui présente le billet.
- Deux mille sequins ! s'écrie-t-il en m'embrassant, deux mille
sequins pour savoir des nouvelles de tout ce que j'ai de plus cher au
monde ! oh ! non, non, monsieur, ce n'est point assez, voilà
le double. Partons, je vous en conjure. Je venais d'apprendre le départ
de celle que j'aime, la colère de son frère, et ne savais
où porter mes pas pour les rejoindre ; vous m'instruisez, que
ne vous dois-je pas ? Partons, monsieur, et partons seuls, puisqu'elle
l'exige.
Ici, j'arrêtai quelques moments la précipitation de ce
jeune homme, pour lui faire observer qu'après l'acharnement du
frère d'Héloïse, ce ne devait pas être à
Trente qu'il devait ramener cette belle fille. Prenez avec vous le plus
d'argent que vous pourrez, lui dis-je ; sortez du territoire de cette
ville, et liez-vous pour jamais à celle que vous aimez. Réfléchissez-y
bien, monsieur ; mais une conduite contraire vous la fait perdre pour
toujours.
Alberoni, pénétré de mes raisonnements, me remercie,
et, ouvrant son cabinet avec précipitation, il prend sur lui
tout ce qu'il a d'or et de bijoux.
- Partons, maintenant, me dit-il ; j'ai de quoi la faire vivre un an
avec éclat, dans telle ville d'Allemagne ou d'Italie que ce puisse
être ; et pendant l'intervalle d'un an on peut arranger bien des
affaires.
Content de cette sage résolution, je l'approuve ; je fais mettre
ma voiture à l'auberge, malgré les insistances d'Alberoni,
qui voulait absolument qu'elle restât chez lui. Nous volons.
Héloïse n'avait pas bougé. « Homme imprudent,
dis-je à Alberoni, en lui appliquant le bout d'un pistolet sur
la tempe, et sans lui donner le temps de prononcer un mot, comment as-tu
pu faire la bêtise de confier à la fois aux mains d'un
homme que tu ne connais pas, et ta maîtresse et ton argent ? Dépose
promptement celui dont tu es chargé, et va porter au sein des
enfers l'éternel remords de ton imprudence. » Alberoni
veut faire un mouvement ; je l'étends à mes pieds. Héloïse
tombe évanouie.
Oh ! sacredieu, me dis-je alors, me voilà donc, par le plus délicieux
des crimes, maître d'une fille charmante et d'une bonne somme
; amusons-nous maintenant. D'autres que moi eussent peut-être
profité de l'évanouissement de leur victime pour en jouir
avec plus de calme : je pensais bien différemment. J'eusse été
désolé que cette malheureuse n'eût pas eu la possession
de tous ses sens, afin de mieux goûter son infortune. Ma perfide
imagination lui préparait d'ailleurs quelques épisodes,
dont je voulais lui faire avaler le calice jusqu'à la lie. Quant
on fait tant que de commettre le mal, il faut que ce soit avec toute
l'extension, tout le raffinement dont il est susceptible.
Je fis respirer des sels à mon Héloïse ; je la souffletai
; je la pinçai. Rien ne parvenant à la réveiller,
je la troussai, je lui chatouillai le clitoris, et ce fut à cette
sensation voluptueuse que je dus son retour à la lumière.
- Allons, belle enfant, lui dis-je alors, en lui appliquant un baiser
de feu sur la bouche, un peu de courage ; il en faut pour soutenir la
fin de vos malheurs ; vous n'êtes pas au bout.
- Oh ! scélérat, me dit cette intéressante fille
en pleurant, que prétends-tu donc encore ? et quels nouveaux
supplices me sont préparés ? n'est-ce point assez d'avoir
abusé de ma confiance pour me priver de tout ce que j'aime ?
Ah ! si ce n'est que la mort dont tu me menaces, presse-toi de me la
donner ; hâte-toi de me réunir à l'objet adoré
de mon cur ; je te pardonne ton crime à ce prix.
- La mort que tu désires, mon ange, dis-je, en commençant
à palper ma belle, aura lieu très certainement ; mais
il faut qu'elle soit précédée de quelques humiliations,
de quelques cruautés, sans lesquelles j'aurai bien moins de plaisir
à te la donner.
Et comme, en disant cela, mes mains, qui fourrageaient toujours, offraient
à mes regards avides des cuisses d'une rondeur, d'une blancheur
éblouissantes, je fis trêve aux discours pour ne plus m'occuper
que des actions. La certitude où j'étais des prémices
d'une aussi belle fille, me fit penser à un genre d'attaque qui
peut-être sans cela ne me serait jamais venu dans l'esprit. Dieu
! que d'étroit, de difficultés, de chaleur, et que de
plaisir me donna cette victoire ! la manière dont je l'arrachai
y prêtait encore plus de sel. Une gorge d'albâtre se présente
à moi ; et, plus décidé aux insultes qu'aux caresses,
dans l'état où je suis, je la mords, je la pressure, au
lieu de la baiser. Ô merveilleux effet de la nature ! Héloïse,
singulièrement servie par elle, cède malgré sa
douleur aux impressions du plaisir que je la contrains d'éprouver
; elle décharge. Il n'est rien au monde qui allume plus fortement
en moi le sentiment de la colère lubrique, comme de sentir une
femme partager mes plaisirs.
- Infâme putain ! m'écriai-je, tu vas être punie
de ton audace. Et, la retournant avec précipitation, je me rends
maître du plus charmant derrière qu'il fût possible
de voir. Une main écarte des fesses, l'autre conduit mon vit,
et je sodomise à l'instant. Dieux ! quel plaisir elle me donna
! Je lui faisais mal ; elle voulut crier, je lui mis un mouchoir sur
la bouche. Cette précaution dérangea l'entreprise, mon
engin glissa. Je conçus qu'il fallait relever ma victime, et
l'appuyer sur quelque chose. Je la couche sur le cadavre de son amant,
et les réunis si bien par l'attitude que je leur fais prendre,
que leurs bouches se trouvent, pour ainsi dire collées l'une
sur l'autre. On ne se peint point d'effroi, l'horreur, le désespoir
où ce nouvel épisode plonge ma victime. Peu touché
des différents mouvements qui la déchirent, je fais une
corde de mes jarretières et de mon mouchoir ; je la fixe dans
cette position, et me remets tranquillement à l'ouvrage. Dieux
! quelles fesses ! quel embonpoint ! que de blancheur ! Mille et mille
baisers se collent sur elles ; il semble que je veuille dévorer
ce beau cul avant que de le foutre. Je le perfore enfin, mais avec une
telle rapidité, si peu de précaution, que le sang coule
sur les cuisses. Rien ne m'arrête ; je suis au fond ; je voudrais
qu'elle fût plus étroite, et moi bien plus gros pour la
tourmenter davantage. « Eh bien ! petite garce, dis-je en la limant
de toutes mes forces, cette seconde jouissance te fera-t-elle décharger
comme l'autre ? » Et je claquais vigoureusement ses fesses, en
disant cela ; je les égratignais ; mes mains repassaient par
devant, et lui arrachaient barbarement le poil follet dont l'avait ornée
la nature. Mille cruelles idées viennent ici troubler mon imagination.
Je me détermine à retarder ma décharge, afin que
rien ne puisse ralentir le feu qui les inspire. Je me rappelle l'affreux
projet formé sur le cadavre de madame de Moldane... Je me ressouviens
de tout ce qui m'a été dit sur les délices de la
jouissance d'un cadavre fraîchement assassiné, et du désespoir
où m'a mis l'impétuosité de mes désirs,
en m'empêchant jadis de consommer ce crime. Je décide,
je jette des yeux hagards sur le corps sanglant d'Alberoni ; je le déculotte.
Il était encore chaud ; j'aperçois de superbes fesses,
je les baise ; c'est avec ma langue que je prépare les voies
; je m'introduis, et me trouve si bien de l'expérience, que c'est
dans le cul de l'amant assassiné par moi, qu'en baisant celui
de la maîtresse que j'assassinerai bientôt de même,
que c'est là, dis-je, qu'avec d'indicibles frémissements
de plaisir, mon foutre s'élance à grands flots.
Les attraits d'Héloïse, son désespoir, ses larmes,
l'état d'anxiété où je plongeais son âme
par les menaces dont je l'accablais ; la réunion de tant d'effets
si puissants sur mon cur de fer, me firent bientôt rebander.
Mais, plein de rage, écumant de cette colère lubrique
qui plonge nos sens dans une si violente agitation, ce n'est plus maintenant
que par des insultes que je peux m'exciter au plaisir. Je cueille des
branches dans le taillis qui nous environne ; j'en forme des verges
; je déshabille totalement cette jeune personne, et l'étrille
sur tout le corps, sans excepter la gorge, d'une si cruelle manière,
que son sang se mêle bientôt à celui des plaies de
son amant. Rassasié de cette barbarie, j'en invente de nouvelles
; je la force à sucer les plaies d'Alberoni. La voyant m'obéir
avec une sorte de délicatesse, j'arrache des épines, et
l'en frotte sur les parties les plus délicates ; j'en introduis
dans son vagin, je lui en déchire les tétons. J'incise
enfin le cadavre du jeune homme ; j'en extirpe le cur, pour en
barbouiller le visage de ma victime ; je la contrains à en mordre
quelques parcelles. Je n'en pouvais plus. Et le fier Jérôme,
qui venait de faire la loi à deux individus, la recevait en ce
moment de son vit : on ne banda jamais de cette violence là.
Pressé du besoin de perdre mon foutre, j'oblige ma victime à
prendre dans la bouche le vit de son amant, et je l'encule en cet état.
J'avais un poignard à la main ; je lui réservais la mort
à l'instant de ma décharge... Elle approche ; je fais
devancer mes coups ; ce n'est qu'avec lenteur que je veux lui faire
recevoir le dernier. Je caresse en attendant, avec délices, la
voluptueuse idée de mêler aux divins élans de ma
décharge les derniers soupirs de celle que je fous. Elle va sentir,
pensai-je en la limant à tour de reins, elle va éprouver
les plus cruels moments de l'homme, lorsque j'en goûterai les
plus doux. Le délire s'empare de mes sens ; je la saisis par
les cheveux, d'une main, et de l'autre, je lui plonge, à quinze
reprises différentes, un poignard dans le sein, dans le bas-ventre
et dans le cur. Elle expire, et mon foutre n'est pas encore répandu.
Ce fut alors, mes amis, que j'éprouvais bien de quel merveilleux
effet est d'égorger l'objet qu'on fout. L'anus de ma victime
se resserrait, se comprimait, en raison de la violence des coups que
je lui appuyais ; et, lorsque je perçai le cur, la compression
fut si vive que mon vit en fut déchiré. Ô délicieuse
jouissance ! vous étiez la première que je goûtai
en ce genre ; mais que je vous ai d'obligation de la leçon que
vous me donnâtes, et combien j'en ai profité depuis ! Un
moment de repos succède à de si vives agitations ; mais,
dans une âme aussi scélérate que la mienne, le spectacle
du crime doit bientôt rallumer le désir. J'ai foutu le
cadavre de l'amant, me dis-je, pourquoi ne foutrais-je pas celui de
la maîtresse ? Héloïse était encore belle ;
la pâleur de son teint, le désordre de ses beaux cheveux,
l'intérêt puissant qui régnait sur les traits renversés
de sa physionomie enchanteresse, tout me fait rebander ; j'encule et
décharge une dernière fois, en dévorant sa chair.
L'illusion dissipée, je ramasse les bijoux, l'argent, et m'éloigne,
non pas en détestant mon crime. Ah ! si je m'en fusse repenti,
m'eût-il fait bander tant de fois depuis ?... Non, je ne le détestais
pas, ce crime délicieux ; mais je regrettais bien de ne pas lui
avoir donné une plus violente extension.
Je rejoignis ma voiture, et partis sur le champ pour Venise. Le climat
du pays de Trente et le caractère de ses habitants ne m'ayant
point plu, je me déterminai pour la Sicile. Là, dis-je
est le berceau de la tyrannie et de la cruauté ; ce que les poètes
et les écrivains racontent de la férocité des anciens
indigènes de cette île me fait croire que je retrouverai
quelques traces de leurs vices dans les descendants des Lestrygons,
des Cyclopes et des Lotophages4. Vous allez voir si je me trompais,
et si les prêtres, les nobles et les riches négociants
de cette île délicieuse n'ont pas tout ce qu'il faut pour
nous donner une suffisante idée de la dépravation et de
la férocité de leurs ancêtres. Plein de ce projet,
je traversai toute l'Italie ; et, à cela près de quelques
scènes luxurieuses, de quelques crimes sourds et secrets auxquels
je me livrai pour me tenir en haleine, il ne m'arriva rien qui, comparable
à ce qui me reste à vous dire, mérite de suspendre
ici votre attention.
Je m'embarquai à Naples, au milieu du mois de septembre, sur
un joli petit bâtiment marchand qui faisait voile vers Messine,
et dans lequel le hasard me fit rencontrer l'occasion d'un crime gratuit,
aussi singulier que piquant. Nous avions avec nous une négociante
de Naples, que ses affaires conduisaient en Sicile, et qui menait avec
elle deux petites filles charmantes, dont elle était mère,
qu'elle avait nourries, et qu'elle aimait au point de ne pouvoir jamais
s'en séparer. L'aînée pouvait avoir quatorze ans,
une figure romantique, les plus beaux cheveux blonds, et la taille la
plus agréable. Les charmes de sa sur, moins âgée
de dix-huit mois, étaient dans un genre tout à fait différent
; des traits plus piquants que l'autre, moins d'intérêt,
si l'on veut, mais infiniment plus de stimulant ; tout ce qu'il fallait
en un mot, non pour séduire doucement comme sa sur, mais
pour emporter d'assaut le cur le plus récalcitrant en amour.
A peine eus-je aperçu ces deux filles, que je résolus
de les sacrifier. En jouir était difficile. Idoles de leur mère,
et perpétuellement sous ses yeux, le moment de l'attaque ne fût
pas devenu facile à prendre. Il me restait le moyen de les victimer
; et le plaisir d'arrêter le cours de l'existence de deux aussi
jolies créatures valait encore mieux que celui de la leur rendre
agréable par la connaissance des plaisirs. Ma poche, toujours
remplie de cinq ou six sortes de poisons, m'offrait différentes
manières de leur ravir le jour. Mais le coup, selon moi, n'eût
pas été assez sensible pour une mère tendre et
idolâtre de ses filles ; je voulais une mort plus frappante, infiniment
plus prompte ; le sein des vagues sur lequel nous flottions me présentait
pour elles un sépulcre où j'aimais mieux les engloutir.
Ces deux jeunes personnes avaient l'imprudence (et j'étais bien
étonné qu'on ne les en eut pas encore empêchées)
d'aller s'asseoir sur le bord du tillac, pendant que l'équipage
faisait la méridienne. Le troisième jour de notre traversée,
je saisis l'instant ; je les approche ; et, les enlevant toutes deux
à brasse-corps, en empêchant leurs mains de s'attacher
à moi, je les culbute d'un bras vigoureux dans l'élément
salé qui doit les ensevelir à jamais. La sensation fut
si vive, que j'en déchargeai dans mes culottes. On se réveille
au bruit ; j'ai l'air de me frotter les yeux et d'apercevoir le premier
quelles sont les victimes de cet accident ; je me précipite vers
la mère :
- Oh ! madame, lui dis-je, vos filles sont perdues.
- Que dites-vous ?
- Une imprudence... elles étaient sur le tillac... un coup de
vent... elles sont perdues, madame ! elles sont perdues !
On ne se peint pas la douleur qu'éprouva cette malheureuse ;
jamais, je crois, la nature ne fut plus éloquente ni plus pathétique
; et, réversiblement, jamais plus voluptueuses impressions n'ébranlèrent
mes organes. Revenue à elle, cette femme me donna toute sa confiance.
On la débarqua dans un état affreux. Je me logeai dans
la même auberge. Sentant sa fin approcher, elle me remit son portefeuille,
en me priant de le faire passer à sa famille ; je promis tout,
et ne tins rien. Six cent mille francs que contenait ce portefeuille
étaient un objet assez considérable pour qu'avec mes principes
je ne les laissasse pas échapper ; et la malheureuse Napolitaine,
qui mourut le surlendemain de notre arrivée à Messine,
m'en laissa bientôt jouir tranquillement. Je n'eus qu'un regret,
je l'avoue ; ce fut de ne l'avoir pas foutue avant sa mort. Belle encore,
et très malheureuse, elle m'en avait inspiré le plus violent
désir ; mais j'eus peur de perdre sa confiance ; et, dans cette
occasion, je l'avoue, où il ne s'agissait que d'une femme, l'avarice
l'emporta sur la luxure.
Je n'avais d'autres recommandations, à Messine, que les lettres
de change dont je m'étais muni à Venise, où j'avais
pris la sage précaution, à cause de la différence
des monnaies, d'échanger mon numéraire contre du papier
sur la Sicile. Le banquier qui m'escompta me fit plus de politesses
que n'en reçoivent les Siciliens, quand ils se présentent
pour le même objet, chez les banquiers de Paris ; et c'est une
justice que je dois rendre à la parfaite urbanité de tous
les négociants étrangers à qui j'ai eu affaire.
Une lettre de change sur eux devient une lettre de recommandation ;
et les offres les plus sincères, les plus multipliées
accompagnent toujours au moral les obligations que leurs correspondants
prennent au matériel avec eux.
Je témoignai à mon banquier le désir que j'avais
d'acheter une terre seigneuriale avec les fonds considérables
dont je me trouvais possesseur.
- Le régime féodal est ici dans toute sa vigueur, dis-je
à ce brave homme ; cela seul me détermine à m'y
établir ; je veux à la fois commander aux hommes et cultiver
la terre, dominer également sur mon champ et sur mes vassaux.
- En ce cas, vous ne pouvez être mieux qu'en Sicile, me dit mon
correspondant ; il est telle terre ici où le seigneur a droit
de vie et de mort sur ses habitants.
- Voilà celle qu'il me faut, répondis-je. Et, pour ne
plus m'appesantir sur ces détails, vous saurez, mes amis, qu'au
bout d'un mois je me trouvai seigneur de dix paroisses, en possession
de la plus belle terre et du plus beau château, dans la vallée
des ruines de Syracuse, tout près du golfe de Catane, c'est-à-dire,
dans le plus beau pays de la Sicile.
Je ne tardai pas à me former un domestique nombreux et composé
d'après mes goûts. Mes valets, mes femmes, tous avaient
le service immédiat de mes lubricités pour clause spéciale
de leurs devoirs. Ma gouvernante, nommée dona Clementia, femme
d'environ trente-six ans, et l'une des plus belles créatures
de l'île, avait indépendamment de ses soins libidineux
près de moi, la charge de me découvrir des sujets de l'un
et de l'autre sexe ; et, tout le temps qu'elle l'exerça près
de ma personne, je vous réponds qu'elle ne m'en laissa pas manquer.
Avant que de m'établir, je parcourus les villes célèbres
de cette intéressante contrée ; et, comme vous l'imaginez
bien, Messine eut droit à mes premières recherches. Les
descriptions de Théocrite sur les plaisirs de la Sicile n'avaient
pas peu contribué à faire naître en moi le désir
d'habiter un si beau pays. Je trouvai tout ce qu'il dit sur la douceur
du climat, sur la beauté de ses habitants, et particulièrement
sur leur libertinage. C'est là, sans doute, c'est sous ce climat
délicieux que la bienfaisante nature inspire à l'homme
tous les goûts, toutes les passions qui peuvent contribuer à
lui rendre son existence agréable ; et c'est là où
l'on doit en jouir, si l'on veut connaître la vrai dose du bonheur
que cette tendre mère réserve à ses enfants. Après
avoir visité de même Catane et Palerme, je revins prendre
possession de mon château. Assis sur une montagne élevée,
j'y jouissais à la fois de l'air le plus pur et de la vue la
plus agréable. Cette apparence de forteresse flattait d'ailleurs
infiniment la sévérité de mes goûts. Les
objets que je leur immolerai, me disais-je, seront là comme dans
une prison. A la fois leur maître, leur juge et leur bourreau,
où trouveront-ils des défenseurs ? Oh ! que les jouissances
sont divines, quand le despotisme et la tyrannie les aiguillonnent ainsi
!
Clementia avait eu soin de remplir mon sérail pendant mon absence
; et, à mon retour, je le trouvai garni, par ses soins, de douze
jeunes garçons de dix à dix-huit ans, de la plus jolie
figure du monde, et d'un nombre égal de filles, à peu
près de même âge. On me les renouvelait tous les
mois ; et je vous laisse à penser, mes amis, dans quels débordements
luxurieux je me plongeai. On ne se figure pas les recherches que je
mis en usage ; les férocités dont je les assaisonnais
; mon aventure de Trente m'avait si fort apprivoisé avec les
voluptés sanguinaires, que je ne pouvais plus m'en passer. Cruel
par goût, par tempérament, par besoin, je ne pouvais me
livrer à aucune volupté qui ne portât l'empreinte
de la brutale passion qui me dévorait. Je ne faisais d'abord
tomber mes atrocités que sur les femmes ; la faiblesse de ce
sexe, sa douceur, son aménité, sa délicatesse me
paraissaient autant de titres certains aux élans de ma barbarie.
Je m'aperçus bientôt de mon erreur ; je sentis qu'il était
infiniment plus voluptueux de moissonner les épis qui résistent,
que l'herbe tendre se courbant sous la faux, et que si cette réflexion
ne m'était pas venue jusqu alors, c'était plutôt
par une fausse retenue, que par raffinement. J'essayai. Le premier bardache
que j'assassinai, âgé de quinze ans, et beau comme l'amour,
me procura de si violents plaisirs, que mes coups se dirigèrent
à l'avenir bien plutôt dans cette classe-là que
dans l'autre. Il semblait que je méprisasse trop les femmes pour
m'en composer des victimes, et qu'ainsi les jeunes garçons devaient,
par leurs appas, me procurer des voluptés plus sensuelles ; ils
devaient être de même plus délicieux à supplicier.
D'après cette hypothèse, confirmée par des faits,
il n'y avait pas de semaine où je n'en immolasse trois ou quatre,
et toujours par de nouveaux tourments. Quelquefois j'en lâchais
un couple dans un grand parc, environné de hauts murs, et duquel
il était impossible de s'échapper. Là, je les traquais
comme des lièvres ; je les cherchais, parcourant mon parc à
cheval ; et quand je les avais pris, je les suspendais à des
arbres par des colliers de fer ; on établissait au-dessous un
grand feu qui les consumait en détail. D'autres fois je les faisais
courir devant mon cheval, et les piquais à grands coups de fouet
dans les reins ; s'ils tombaient, je leur faisais passer mon coursier
sur le ventre, ou je leur brûlais la cervelle à coups de
pistolet. Souvent j'employais des supplices plus raffinés encore,
et dont l'exécution n'était bonne que dans l'ombre et
le silence du cabinet ; et toujours, pendant ces expéditions,
la fidèle Clementia m'excitait, ou dirigeait des scènes
de lubricité, dont ses plus folies filles devenaient les premières
actrices. J'avais heureusement trouvé, dans cette Clementia,
toutes les qualités nécessaires au genre de vie féroce
et crapuleux que j'adoptai.
La coquine était méchante, luxurieuse, intempérante,
athée ; elle avait, en un mot, tous mes vices, et nulle autre
vertu que celle de m'être incroyablement attachée, et de
me servir à merveille. Je menais donc dans ce château,
par les soins de cette charmante fille, la vie du monde la plus délicieuse
et la plus analogue à mes goûts, lorsque l'inconstance,
à la fois le fléau et l'âme de tous les plaisirs,
vint m'arracher à ce séjour paisible, pour me replacer
sur le grand théâtre des aventures de ce monde.
On se blase quand les difficultés n'irritent plus les jouissances
; on veut les augmenter par des peines ; ce n'est vraiment que par elles
que l'on parvient aux grands plaisirs. Je laissai Clementia dans mon
château et revins m'établir à Messine. Le bruit
qu'un riche garçon venait habiter cette capitale se répandit
bientôt, et m'ouvrit les portes de tous les palais où il
y avait des filles à marier : je découvris promptement
l'intention, et résolus de m'en amuser.
De toutes ces maisons, dans lesquelles on affectait de me recevoir avec
bienveillance, celle du cavalier Rocupero me fixa plus particulièrement.
Ce vieux noble et sa femme pouvaient à peu près former
un siècle à eux deux. La médiocrité de leur
fortune leur faisait élever et nourrir avec une beaucoup trop
grande économie, les trois plus belles filles qu'eût jamais
créées la nature. La première se nommait Camille
; elle avait vingt ans, brune, la peau d'un blanc à éblouir,
les yeux les plus expressifs, la bouche la plus agréable, et
la taille d'Hébé même. La seconde, plus intéressante,
mais moins belle, n'avait que dix-huit ans, ses cheveux étaient
châtains ; ses grands yeux bleus, là de langueur, respiraient
à la fois l'amour et la volupté ; sa taille, ronde et
bien remplie, promettait la meilleure jouissance ; on la nommait Véronique
; et, certes, je l'eusse préférée, non pas uniquement
à Camille, mais à toute la terre, sans les attraits célestes
de Laurence, qui, quoique à peine âgée de quinze
ans, surpassait en beauté, et ses surs, et les plus belles
personnes de toute la Sicile.
A peine fus-je introduit chez ce bon gentilhomme, que je résolus
d'y porter à la fois le trouble, la désolation, l'impudicité,
le déshonneur, et tous les fléaux du crime et du désespoir.
La probité régnait dans cette maison ; la beauté,
la vertu semblaient de même y avoir établi leur empire
; en fallait-il plus pour échauffer en moi le désir de
la souiller par tous les forfaits imaginables ! Je commençai
par des largesses, que l'on n'accepta qu'avec peine ; mais les vues
d'alliance que je manifestai bientôt ne permirent plus aucun refus.
On me pria d'expliquer ces vues. Comment voulez-vous, répondis-je,
que je me prononce entre les trois Grâces ; donnez-moi donc le
temps de mieux connaître vos charmantes filles, et je pourrai
vous dire alors laquelle doit fixer mon cur. Les choses en cette
position, vous imaginez facilement que je profitai des délais
pour les suborner toutes trois. Comme je leur avais recommandé
le plus profond mystère, elles n'eurent garde de s'avouer réciproquement
ce que je leur communiquais, de manière qu'aucune d'elles ne
savait à quel point j'en étais avec sa compagne. De ce
moment, voilà comme je me conduisis.
Camille fut celle que je séduisis la première ; et, l'ayant
trompée sous les plus belles espérances de mariage, au
bout d'un mois j'en tirai tout ce que je voulus. Qu'elle était
belle ! et quels charmes n'éprouvai-je pas à sa jouissance
! A peine fut-elle foutue de toutes manières, que j'attaquai
Véronique ; et, réveillant la jalousie de Camille, je
l'armai si bien contre sa sur, qu'elle résolut de la poignarder.
L'ardeur du tempérament des Siciliennes admet tous les moyens
sanglants ; là, l'on ne connaît que deux passions, la vengeance
et l'amour. Dès que je crus être bien certain des intentions
criminelles de Camille, j'en fis prévenir Véronique ;
je parvins à la faire éclairer, au point de ne pas même
lui laisser la consolante idée du doute. Cette belle fille, au
désespoir, mais plus craintive qu'entreprenante, me supplie de
l'enlever, si je l'aime, afin de la soustraire à la rage effrénée
d'une sur qu'elle connaît capable de tout entreprendre.
- Mon ange, dis-je alors, ne vaudrait-il pas mieux remonter à
la source de tout ceci, en reconnaître les auteurs, et nous venger
directement !
- Il n'y a point d'autre cause, me répondit Véronique,
que l'extrême amour que Camille a pour toi ; elle s'aperçoit
des préférences que tu me donnes, et l'infernale créature
complote contre mes jours.
- Je ne vois pas tout à fait comme vous dans cette affaire-là,
répondis-je ; ne doutez pas, ma chère âme, que vos
parents ne donnent à Camille toute préférence sur
vous. Je ne sais si cette fille m'aime ; ce qu'il y a de bien sûr,
c'est que je ne lui ai jamais donné nul espoir. Mais vos parents
se sont ouverts plus directement à moi ; ne doutez point que
Camille ne soit l'objet de leur unique attachement ; je manifesterais
près d'eux mon goût pour vous, qu'à coup sûr
j'en serais refusé. Vous me proposez la fuite ; ce moyen serait
dangereux ; nous nous donnerions avec vos parents des torts, dont eux
ou la justice prendraient connaissance, et dont la punition serait bientôt
la perte ou de nos fortunes ou de nos vies. Il est, ce me semble, un
parti plus avantageux et plus simple : vengeons-nous à la fois
et de Camille qui complote contre vos jours, et de vos parents qui l'y
excitent.
- Et quel est le moyen ?
- Celui que la nature offre à tous les pas dans l'heureux pays
où nous sommes.
- Du poison ?
- Sans doute.
- Empoisonner mon père, ma mère et ma sur ?
- Ne conjurent-ils pas contre vous ?
- Je n'en ai que le soupçon.
- La preuve sera votre mort.
Puis Véronique reprenant avec un peu de réflexion :
- Je sais que d'autres femmes ont agi de même, dona Capraria vient
d'empoisonner son époux.
- Qui vous arrête donc, ma chère ?
- La crainte de votre mépris ; vous serez plus de sang-froid
après la vengeance ; vous me mésestimerez.
- Ne le craignez point ; je reconnaîtrai dans vous alors une fille
ardente, courageuse, aimante, passionnée, une fille à
caractère, en un mot et que, par cela seul, j'adorerai mille
fois plus ardemment. Ne balance plus, Véronique, ou tu perds
à jamais mon cur.
- Ô mon ami, mais le ciel !
- Frivoles craintes ; le ciel ne se mêla jamais des affaires du
monde ; et ce ressort n'est plus dans les mains de l'homme, que l'arme
émoussée du mensonge et de la superstition. Il n'y a point
de Dieu ; et les peines ou les récompenses, basées sur
cet odieux fantôme, sont aussi méprisables que lui. Ah
! s'il était un Dieu que le crime offensât, donnerait-il
à l'homme tous les moyens de le commettre ? Que dis-je ! si le
crime offensait cet auteur prétendu de la nature, le crime serait-il
essentiel aux lois de la nature ? Songe donc que cette nature dépravée
ne s'alimente, ne se soutient que par des crimes ; et que si les crimes
sont nécessaires, ils ne peuvent outrager ni la nature ni l'être
imaginaire que tu supposes en être le moteur. Ce que l'homme a
osé nommer crime, n'est que l'action qui trouble les lois de
la société ; mais qu'importe à la nature les lois
de la société ! est-ce elle qui les a dictées ?
et ces lois ne varient-elles pas de climats en climats ? Telle affreuse
que vous puissiez supposer une action, le crime dont vous la croyez
revêtue ne peut donc être que local ; de ce moment il ne
saurait outrager la nature, dont les lois sont universelles. Le parricide,
regardé comme un crime en Europe, est en honneur dans plusieurs
contrées de l'Asie ; il en est de même de toutes les autres
actions humaines ; je défie qu'on m'en cite une seule universellement
vicieuse. Réfléchissez au reste qu'il ne s'agit ici que
de vous défendre, et qu'alors tous les moyens que vous allez
mettre en usage pour y parvenir, non seulement ne sauraient être
criminels, mais deviennent même vertueux, puisque la première
loi que nous inspira la nature, fut de nous conserver à tel prix
et à tels dépens que ce puisse être. Agissez, Véronique,
agissez, ou vous êtes perdue vous-même.
Le feu que je vis briller dans les yeux de cette charmante fille m'apprit
bientôt le succès de mes discours.
- Eh bien, me dit-elle au bout de quelques minutes d'une violente agitation,
eh bien, Jérôme, je ferai ce que tu dis. Je connais les
drogues nécessaires ; toutes ces plantes nous sont familières
ici ; je te jure qu'il n'existera pas dans trois jours un seul des individus
qui machinent notre perte. Éloigne-toi pendant ce temps ; je
ne veux pas que l'on te soupçonne.
J'y consentis d'autant plus volontiers que j'avais besoin de ce délai
pour séduire la troisième sur. Cette opération
fut l'ouvrage de Clementia. Je la fis venir à Messine ; je lui
fis connaître Laurence ; et, dès le lendemain, elle fut
conduite à mon château. Il n'y avait pas deux heures qu'elle
était partie, quand les foudres préparées par Véronique
éclatèrent. Elle avait employé le suc de thora,
espèce d'aconit fort dangereux, qui se trouve en abondance dans
les montagnes de Sicile ; et les trois victimes étaient mortes
dans d'épouvantables convulsions. Le coup fait, elle s'empara
de tout ce qu'elle put : bijoux, portefeuille, cassette, tout fut enlevé
; et elle vint me trouver avec ces médiocres richesses, dans
une maison de campagne, près de la ville, où je lui avais
donné rendez-vous. Ce fut elle qui m'apprit la disparition de
sa sur dont elle ne pouvait comprendre le motif.
- Tu la reverras bientôt, lui dis-je ; j'ai cru qu'il était
prudent de la mettre à couvert ; partons, elle nous attend à
ma campagne.
Cette précaution parut d'abord inquiéter Véronique
; je la calmai. Mais je vous laisse à penser ce qu'elle devint,
lorsqu'elle apprit, en arrivant, par la bouche même de Laurence,
la manière dont elle avait été enlevée,
et tous les propos que lui tenait Clementia depuis qu'elle était
dans mon château.
- Ô scélérat ! tu m'as trompée, me dit-elle.
- Non, en vérité, lui dis-je, je ne t'ai jamais rien promis.
Ta sur m'a inspiré le même désir que toi ;
et je veux vous foutre toutes les deux, ou plutôt toutes les trois,
mon ange ; car il est maintenant inutile de te laisser ignorer que Camille
fut aussi ma proie.
- Et tu as pu m'ordonner de la sacrifier... ô monstre !
On pleure, on se désespère ; mais, bravant toutes ces
larmes, je ne m'occupe plus qu'à jouir. Ces deux charmantes filles
satisfirent à la fois toutes mes luxures ; toutes deux assouvirent
mes passions, sans aucune réserve ; cul, con, bouche, tétons,
aisselles, tout fut foutu, tout fut fourragé ; et je ne découvris
pas moins de charme dans ces deux-ci, que je n'en avais trouvé
dans leur sur. Les fesses de Véronique principalement surpassaient
tout ce que j'avais vu de plus sublime dans ce genre ; on n'eut jamais
un plus beau cul, jamais un plus beau sein ! Malheureusement, tout cela
ne m'occupa que trois jours. A peine fus-je rassasié de ces deux
charmantes filles, que je ne pensai plus qu'à les perdre. Mais
il fallait que la façon fût cruelle ; plus elles m'avaient
donné de plaisir, plus je désirais accumuler sur leurs
corps la somme des douleurs physiques, et plus je voulais que le genre
en devint exécrable. Qu'imaginer ? J'avais tout fait, tout exécuté,
et j'en étais au point de défier les plus célèbres
bourreaux de l'univers de me conseiller une torture dont je n'eusse
pas déjà fait usage. A force de rêver, voici ce
que me fournit enfin ma scélérate imagination. J'employai
les cinquante mille francs dérobés par Véronique
à ses malheureux parents, pour faire exécuter la machine
que je vais vous détailler.
Les deux surs, toutes nues, étaient enveloppées
dans une espèce de cotte de mailles à ressorts, qui les
captivait entièrement chacune sur un petit tabouret de bois garni
de pointes, qui, ainsi que celles dont je vais parler, n'agissaient
qu'au besoin. Elles étaient à huit pieds de distance l'une
de l'autre ; entre elles était une table garnie des mets les
plus succulents et les plus délicats : aucune autre espèce
de nourriture ne leur était présentée. Or, pour
y toucher, il fallait étendre le bras : en l'allongeant, d'abord
le premier supplice qu'elles éprouvaient par cette action était
l'impossibilité d'y atteindre. Un bien plus violent ne tardait
pas à se faire ressentir. Par ce mouvement de tension du bras,
celle qui le faisait armait aussitôt contre elle et contre sa
voisine plus de quatre mille pointes ou ciseaux d'acier, qui, dans l'instant,
déchiraient, piquaient, ensanglantaient et l'une et l'autre victime.
De sorte que ces infortunées ne pouvaient penser à soulager
le besoin qui les consumait, qu'en s'assassinant mutuellement toutes
deux. Elles vécurent une semaine dans cet odieux supplice, pendant
laquelle je passai huit heures par jour à les contempler, soit
en me faisant foutre, soit en sodomisant, également sous leur
yeux, les plus jolis objets de mon sérail. Je n'ai de ma vie
goûté de plaisir plus violent ; il est impossible de rendre
tout ce que ce spectacle me fit éprouver de sensuel ; j'y perdis
régulièrement mon foutre quatre ou cinq fois par séance.
- Parbleu, je le crois, dit Sévérino, en interrompant
ici la narration par les cris d'une décharge élancée
dans le cul d'une des plus jolies filles du souper, oui, foutre, je
le crois, car voilà bien le détail d'une des scènes
les plus singulières qu'il soit possible d'entendre ; et le plaisir
reçu par notre confrère Jérôme, en l'exécutant,
doit avoir été diablement vif, si j'en juge par celui
que j'éprouve en la lui entendant raconter.
- Il nous faut une machine comme celle-là, dit Ambroise, qui
se faisait branler par Justine ; et je vous réponds que si nous
la possédons jamais, voilà bien sûrement la première
que j'y placerai.
- Poursuis, poursuis, Jérôme, dit Sylvestre, en montrant
son vit dur comme une barre de fer ; car tu nous ferais tous décharger
les uns sur les autres, si tu nous arrêtais longtemps à
cette délicieuse idée.
- J'avais eu l'occasion, reprit Jérôme, dans les différents
voyages que j'avais fait à Messine, de connaître nos aimables
confrères les bénédictins, de la fameuse abbaye
de Saint-Nicolas-d'Assena ; ils avaient eu la complaisance de me faire
visiter leur maison, leur jardin, de m'admettre à leur table,
et j'avais distingué plus particulièrement, parmi eux,
le Père Bonifacio de Bologne, l'un des plus charmants libertins
que j'eusse connu de ma vie. La conformité de mon caractère
avec celui de ce moine m'avait assez intimement lié avec lui,
pour nous confier un million de choses.
- Croyez-vous donc, Jérôme, me dit-il un jour, que nous
chômions ici de tous les plaisirs dont les gens du monde se rassasient
! oh ! mon ami ne l'imaginez pas ; il faudrait que vous fussiez dans
notre ordre pour que je vous révélasse ces secrets ; et,
riche comme vous l'êtes, rien de plus facile que d'y entrer.
- Mais, dis-je, et la qualité de seigneur terrien que j'ai acquise
en achetant du bien dans votre île ?...
- Ne serait qu'un motif de plus d'adoption, me dit Bonifacio ; vous
conserverez votre bien, vous serez reçu à bras ouverts,
et initié dès le moment même dans tous les mystères
de l'ordre.
On ne se figure pas combien cette idée m'embrasa. La certitude
de couvrir et d'augmenter mes vices sous le masque imposant de la religion,
l'espoir dont me flattait également Bonifacio de me trouver très
promptement érigé en médiateur céleste entre
l'homme et son prétendu Dieu, celui bien plus doux encore d'abuser
de l'infâme confession pour voler impunément à mon
aise l'argent des vieilles et le pucelage des jeunes ; tout cela m'électrisait
à un point indicible ; et, huit jours après cette pressante
invitation de Bonifacio, j'eus l'honneur d'endosser le harnais monacal,
et de me trouver sur le champ associé à tous les projets
d'iniquité de ces scélérats. Le croirez-vous, mes
amis ? il est vrai que le respect et la soumission du peuple envers
le sacerdoce sont bien autres dans ce pays-là qu'en France, mais
il n'était pas une seule famille dans Messine dont ces coquins
là n'eussent le secret et la confiance ; et je vous laisse à
deviner comme ils profitaient de l'un et de l'autre. A l'égard
de leurs précautions intérieures, certes, si les vôtres
sont bien prises, celles des bénédictins de Saint-Nicolas-d'Assena
le sont pour le moins aussi bien.
Là, dans de vastes souterrains, connus seulement des gros bonnets
de l'ordre, existe avec profusion tout ce que l'Italie, la Grèce
et la Sicile peuvent produire de plus délicieux, soit en jeunes
garçons, soit en filles ; là, l'inceste triomphe comme
ici, et j'en ai vu qui foutaient leur cinquième génération,
après avoir foutu les quatre autres. La seule différence
qu'il y ait entre ces cénobites et vous, c'est que ceux-ci ne
se donnent pas la peine de cacher leurs débordements au sein
de ce vaste tombeau : jamais ils n'y descendent. Les portraits de ce
que leurs richesses y rassemblent à grands frais sont placés
en miniature dans un cabinet secret de leur appartement ; et ils font
venir à l'instant chez eux l'objet convoité par leur vit
: de manière qu'il n'est guère de moment dans la journée
où vous ne les trouviez se livrant tour à tour, soit à
la plus excellente chère, soit aux divins objets qui meublent
avec profusion leur sérail. A l'égard de leurs caprices
obscènes, vous imaginez facilement qu'ils sont aussi dépravés
que les vôtres ; et les individus passés de cette maison
là dans celle-ci vous ont suffisamment persuadés que partout
on la religion étaie le libertinage, ses effets sont toujours
bien vifs.
La plus extraordinaire de toutes les passions que j'observai parmi ces
aimables célibataires, fut celle de dom Chrysostome, supérieur
de la maison. Il ne jouissait jamais que d'une fille empoisonnée
: il l'enculait dans les convulsions de la douleur, pendant que deux
hommes le sodomisaient et le fouettaient alternativement. Si la fille
n'expirait pas pendant l'opération, il la poignardait dès
qu'il avait fini. Si elle tournait à la mort, il attendait l'instant
des derniers soupirs pour lui remplir le cul de foutre.
J'achevai de me corrompre et de me blaser avec ces bons pères
; et j'en étais au point que rien au monde ne parvenait plus
à me faire bander.
- Mon ami, dis-je un jour à Bonifacio, après deux ans
de cette vie épicurienne, tout ce que nous faisons est délicieux
; mais c'est la force qui nous soumet les objets dont nous jouissons,
et j'avoue que sous ce rapport ils me font moins bander que ceux qu'offrirait
à mes désirs l'artifice ou la ruse. Revêtu de l'habit
que tu m'as fait prendre, je n'ai plus pour travailler, d'après
mes plans, que le saint et sacré tribunal de la confession. Je
te conjure de me mettre à même d'y siéger bientôt,
ainsi que tu m'en as flatté. Il est inouï combien cette
idée m'excite ; incroyable à quel degré je compte
profiter de tout ce que ce nouvel emploi va m'offrir, pour amuser à
la fois mon avarice et ma luxure.
- Eh bien ! dit Bonifacio, rien de plus simple. Et me remettant, huit
jours après, la clef du confessionnal de la chapelle de la Vierge
: Allez, me dit-il, heureux mortel, allez ; voilà le voluptueux
boudoir que vous avez désiré, usez-en avec profusion ;
grugez-y autant de jolis objets que j'en dévorai dans le même
en huit ans, et je ne me repentirai pas de vous l'avoir fait obtenir...
L'enthousiasme dans lequel me mettait ce nouveau grade, fut tel, que
je n'en dormis pas de la nuit. Le lendemain, dès la pointe du
jour, j'étais à mon poste ; et, comme nous étions
dans la quinzaine de Pâques, ma matinée ne fut pas mauvaise.
Je ne vous ennuierai pas de toutes les balivernes dont il me fallut
essuyer le déluge ; je ne fixerai votre attention que sur une
jeune fille de quatorze ans, nommée Frosine, noble, et d'une
si délicieuse figure, qu'elle ne pouvait se montrer que voilée,
pour éviter la foule dont elle était pressée chaque
fois qu'elle s'offrait à découvert. Frosine se livra à
moi avec toute la candeur et l'aménité de son âge.
Son cur n'avait encore rien dit, quoique aucune fille à
Messine ne fût environnée de tant d'adorateurs ; mais son
tempérament commençait à se faire entendre. Très
jeune et très neuve encore, je fis si bien par mes questions,
que je lui appris tout ce qu'elle ignorait.
- Vous souffrez, ma belle enfant, lui dis-je avec componction, je le
vois ; mais c'est votre faute ; la pudeur n'est pas si exigeante qu'il
faille lui sacrifier la nature ; vos parents vous trompent sur la pratique
de cette vertu sévère. Le tableau qu'ils vous en font,
est aussi cruel qu'injuste. Créée par la nature, n'ayant
reçu que d'elle les impressions de volupté qu'elle vous
inspire, comment en y cédant, voudriez-vous donc l'outrager ?
Tout dépend du choix que l'on fait ; qu'il soit bon, et vous
n'aurez jamais à vous en repentir. Je vous offre à la
fois mes conseils et mes soins ; mais il faut du mystère : je
n'accorde pas cette faveur à toutes mes pénitentes ; et
la jalousie que leur inspirerait cette préférence vous
perdrait infailliblement. Venez demain à midi précis me
demander dans cette chapelle ; je vous introduirai dans ma chambre,
et je vous réponds que le calme, le bonheur et la tranquillité
deviendront bientôt le fruit de mes démarches. Débarrassez-vous
surtout de cette duègne incommode qui suit partout vos pas ;
soyez absolument seule ; dites que je vous attends pour une conférence
pieuse, et que l'on revienne vous prendre à deux heures.
Frosine accepta tout ce que je lui proposais, et m'en jura l'exécution.
Elle tint parole ; et voici, moi, de mon côté, les moyens
que j'avais pris, et pour m'assurer la conquête de cette jeune
personne, et pour l'empêcher de retourner jamais dans sa famille.
Aussitôt après cette conversation, j'avais quitté
Messine ; j'étais venu dans mon château en annonçant
au couvent que d'indispensables affaires m'empêcheraient de revenir
de quelques jours. Clementia me remplaçait : c'était elle
qui devait répondre, lorsque Frosine me demanderait ; elle devait,
en continuant toujours de séduire notre jeune innocente, l'amener
insensiblement à consentir à me venir trouver à
la campagne. Cela fait, par les soins de Bonifacio que je servais également
dans ses aventures, afin d'obtenir son secours dans les miennes, par
les soins de cet ami, dis-je, le bruit de l'enlèvement de Frosine
allait se répandre dans toute la ville. Une lettre de l'écriture
contrefaite de cette jeune fille devait être remise à ses
parents : elle leur mandait, par cette missive, qu'un très grand
seigneur de Florence, qui la guettait depuis longtemps, venait de la
faire monter malgré elle dans une felouque génoise qui
s'éloignait avec rapidité ; que ce seigneur faisait sa
fortune en l'épousant, et que puisqu'il n'y avait rien dans ce
projet qui blessait son honneur, elle l'acceptait, en priant ses parents
de n'y porter aucun obstacle ; que d'ailleurs ils fussent extrêmement
tranquilles, et qu'elle leur écrirait dès qu'elle serait
arrivée.
Il est un Dieu pour les ruses lubriques ; la nature les aime, elle les
protège ; aussi en voit-on rarement échouer : mais de
toutes celles qui avaient été imaginées, depuis
bien longtemps, aucune, j'ose le dire, n'avait aussi complètement
réussi. Frosine arriva dans ma terre le lendemain du jour où
je lui avais donné rendez-vous dans la chapelle indiquée
et dès le même soir elle fut soumise à mon libertinage.
Mais quel fut mon étonnement lorsque j'aperçus qu'avec
la plus jolie figure qu'il fût possible voir, Frosine était
douée des plus minces attraits ! Je ne vis de mes jours un cul
plus sec, une peau plus brune, pas un soupçon de gorge, et le
con le plus baveux et le plus mal placé. Séduit par de
jolis traits, je foutis néanmoins toujours, mais en la traitant
mal ; on n'aime pas être dupe. Frosine reconnut sa faute, et la
pleura amèrement, lorsque obligé de partir pour parer
à tout par ma présence, elle se vit jetée par Clementia
dans un obscur cachot, autant pour la dérober à toutes
perquisitions, que parce qu'en ayant beaucoup trop joui, je n'étais
pas fâché, d'après mon usage, de la rendre un peu
malheureuse.
Je trouvai Bonifacio très content du succès de nos ruses,
mais fort empressé de jouir à son tour du bonheur de leur
entreprise. J'eus beau lui dire que le sujet n'en valait guère
la peine ; séduit par la naissance et la figure de Frosine, il
voulut absolument vérifier ; et vous imaginez bien que je n'y
mis aucune opposition.
- Ce serait, me dit Bonifacio, l'occasion de faire une politesse à
Chrysostome, notre supérieur ; plein d'amitié et de confiance
en lui, je lui ai fait part de ta bonne fortune ; je suis certain du
plaisir qu'il aurait à la partager.
- Volontiers, répondis-je ; les murs, l'esprit, les goûts
et le caractère de Chrysostome me conviennent, et je saisirai
chaudement toutes les occasions qui me rapprocheront de lui.
Nous partîmes ; mon sérail, toujours en activité,
me fournit amplement de quoi satisfaire à l'avide luxure de mes
compagnons ; et nous exécutâmes des atrocités.
Vous savez la passion de Chrysostome, celle de Bonifacio portait également
un grand caractère de singularité ; il aimait à
arracher des dents ; quelquefois il enculait sa victime pendant que
nous opérions ; d'autre fois Bonifacio arrachait, et nous sodomisions.
Tous deux assouvirent amplement leur luxure avec Frosine ; et quand
nous l'eûmes dépouillée des trente-deux belles dents
que lui avait données la nature, le supérieur voulut l'immoler
à sa manière. Vous vous rappelez sa passion. On fit avaler
à cette malheureuse deux gros de sublimé corrosif dans
de l'eau-forte ; et ses douleurs, ses crispations furent si violentes,
qu'il devenait impossible de la fixer pour en jouir. Chrysostome en
vint cependant à bout ; et ses jouissances furent marquées
au coin de l'ivresse la plus extraordinaire, et du délire le
plus inconcevable. Nous voulûmes l'imiter, et nous éprouvâmes
bientôt qu'il n'existait rien en luxure d'aussi piquant que cette
manière de jouir dont Chrysostome faisait ses délices.
Cela est facile à concevoir, sans doute ; tout se rétrécit
alors dans une femme ; ses sensations d'ailleurs, sont dans un degré
d'irritation si violent, qu'il est impossible de n'être pas électrisé
soi-même.
- Ô Justine ! dit Clément en interrompant ici son confrère,
vous le voyez Chrysostome raisonnait comme moi. On n'irrite jamais mieux
ses sens que lorsqu'on a produit dans l'objet qui nous sert la plus
grande impression possible, n'importe par quelle voie5.
- Et qui doute de cette vérité ? dit Sévérino,
était-ce la peine d'interrompre Jérôme pour y rappeler
?
- Ce qu'il y a de bien sûr, poursuivit le narrateur, c'est que
personne au monde n'en était convaincu comme Chrysostome, et
qui que ce soit ne la mettait aussi souvent et aussi délicieusement
en pratique. Frosine expira dans une de ces angoisses, ayant Bonifacio
au cul, Chrysostome au con, et moi sous les aisselles. Ce ne fut pas
la seule victime que nous immolâmes en ce genre. Nous en vînmes
au point d'en sacrifier six à la fois de cette manière
; trois palpitaient sous nos yeux, pendant que nous en foutions chacun
une en con, en cul et en bouche. Après les filles, nous essayâmes
des garçons ; et nos lubricités redoublèrent.
Nos orgies s'entremêlaient de discussions philosophiques ; nous
n'avions pas plutôt commis une horreur, que nous cherchions à
la légitimer ; personne n'y réussissait comme Chrysostome.
- Il est bien étonnant, nous disait-il un jour, que les hommes
soient assez fous pour attacher quelque prix à la morale ; j'avoue
que je n'ai jamais conçu de quelle nécessité elle
pouvait leur être : la corruption n'est dangereuse que parce qu'elle
n'est pas universelle. On n'aime point le voisinage d'un malade qui
a la fièvre maligne, parce qu'on redoute la contagion, mais si
l'on en est attaqué soi-même, on ne craint plus rien. Il
ne saurait exister aucun inconvénient parmi les membres d'une
société totalement vicieuse : que toutes acquièrent
le même degré de corruption, et toutes se fréquenteront
sans péril. Il n'y aura plus alors que la vertu qui sera dangereuse
; n'étant plus le mode habituel de l'homme. il deviendra nuisible
de l'adopter. Le changement seul d'un état à l'autre peut
avoir des inconvénients : tout le monde se ressemble-t-il, tous
les individus restent à la même place, il ne peut plus
y avoir de dangers. Il est absolument égal d'être bon ou
méchant, dès que tout le monde est l'un ou l'autre ; mais
si le ton de la société est vertueux, il devient dangereux
d'être méchant ; tout comme il le deviendrait d'être
bon si tous les hommes étaient pervertis. Si donc l'état
dans lequel on se trouve est nul, ou indifférent par lui-même,
pourquoi craindre d'adopter plutôt l'un que l'autre ? et pourquoi
s'étonner, s'affliger, je le suppose, du parti que l'on prend
d'être méchant, quand tout nous y porte, et quand cela
se trouve foncièrement égal ? Quel est l'être qui
pourra me prouver qu'il est mieux de rendre les autres heureux que de
les tourmenter ? Mettons, pour un moment, à part le plaisir que
je puis prendre à me conduire de l'une ou de l'autre manière,
est-il essentiellement utile que les autres soient heureux ? et si cela
ne l'est pas, pourquoi me gênerais-je en les accablant d'infortunes
? Il me semble qu'il ne s'agit dans tout cela que de ce que je dois
éprouver à l'une ou l'autre action ; car, étant,
par nature, spécialement chargé de mon bonheur, et nullement
de celui des autres, je n'aurai tort vis-à-vis d'elle que dans
le cas où j'aurai négligé de me délecter
d'après ses vues et d'après ses plans. Ce même être,
que mes goûts ou mes violences rendent malheureux, parce qu'il
est le plus faible avec moi, jouira de sa force avec un autre, et tout
deviendra égal. Le chat détruit la souris, et est lui-même
dévoré par d'autres animaux. Ce n'est absolument que pour
cette destruction relative et générale que nous a créés
la nature. Gardons-nous donc bien de jamais résister à
la sorte de corruption, au genre d'immoralité où nous
entraînent nos penchants ; il n'y a pas le plus petit mal à
s'y livrer. Il résulte donc des principes que j'établis,
que l'état le plus malheureux sera toujours celui où la
dépravation des murs sera la plus universelle, parce que
le bonheur étant bien visiblement dans le mal, celui qui s'y
livrera le plus ardemment sera nécessairement le plus heureux.
On s'est bien lourdement trompé, quand on a dit qu'il y avait
une sorte de justice naturelle, toujours gravée dans le cur
de l'homme, et que le résultat de cette loi se trouvait être
le précepte absurde de ne pas faire aux autres ce que nous ne
voudrions pas qui nous fût fait. Cette loi ridicule, fruit de
la faiblesse de l'être inerte, ne put jamais éclore dans
le cur de l'individu doué de quelque énergie ; et,
si j'avais quelques principes moraux à établir, ce ne
serait pas dans l'âme de l'être faible que j'irais chercher
des préceptes. Celui qui craint de recevoir du mal, dira toujours
qu'il n'en faut point faire ; tandis que celui qui se moque des dieux,
des hommes et des lois, ne cessera jamais d'en commettre. Ce qu'il faut,
c'est de savoir lequel des deux fait bien ou mal ; or, il me semble
qu'une telle chose ne saurait se mettre en question. Je défie
que l'homme vertueux puisse me soutenir de bonne foi qu'il a ressenti
en se livrant à une bonne action, seulement le quart du plaisir
éprouvé par celui qui vient d'en commettre une mauvaise.
D'où vient donc, libre de choisir, que j'irais préférer
le mode qui ne remue point à celui d'où naît perpétuellement
l'agitation la plus tumultueuse et la plus agréable que puisse
jamais éprouver l'homme ? Étendons nos idées ;
jugeons la société entière ; et nous nous convaincrons
aisément que la plus heureuse de toutes sera nécessairement
celle qui sera la plus gangrenée, et cela, généralement
dans tous les points. Je suis loin de me borner à quelques dépravations
partielles ; je ne veux pas que l'on soit simplement libertin, ivrogne,
voleur, impie, etc. ; j'exige qu'on essaie de tout, qu'on se livre à
tout, et toujours préférablement aux écarts qui
paraissent les plus monstrueux, parce que ce n'est pas en étendant
la sphère de ses désordres que l'on doit nécessairement
parvenir plus tôt à la dose de félicité promise
dans le désordre. Les fausses idées que nous avons des
créatures qui nous environnent, sont encore la source d'une infinité
de jugements erronés en morale ; nous nous forgeons des devoirs
chimériques envers ces créatures ; et cela, parce qu'elles
s'en croient vis-à-vis de nous. Ayons la force de renoncer à
ce que nous attendons des autres, et nos devoirs vis-à-vis d'eux
s'anéantiront aussitôt. Que sont, je vous le demande, toutes
les créatures de la terre vis-à-vis d'un seul de nos désirs
? et par quelle raison me priverai-je du plus léger de ces désirs
pour plaire à une créature qui ne m'est rien et qui ne
m'intéresse en rien ? Si j'en redoute quelque chose, assurément
je dois la ménager, non pour elle, mais pour moi, parce qu'en
général ce ne doit jamais être que pour moi que
je dois agir dans le monde ; mais si je n'ai rien à en appréhender
: je dois bien certainement en tirer tout ce que je puis pour améliorer
mes plaisirs, et ne les considérer toutes que comme des êtres
purement créés pour les servir6.
La morale, je le répète, est donc inutile au bonheur ;
je dis plus, elle y nuit ; et ce ne sera jamais qu'au sein de la corruption
la plus étendue et la plus générale, que les individus,
comme les sociétés, trouveront la plus forte dose possible
de félicité sur la terre.
Mettant bientôt ces systèmes en pratique, nous nous livrions,
mes amis et moi, à tout ce que la débauche et la dépravation,
à tout ce que le despotisme et la cruauté peuvent avoir
de plus piquant et de plus raffiné.
Telle était la situation de nos esprits, lorsqu'on vint amener
à mon tribunal de justice un jeune garçon de seize ans,
joli comme l'Amour, accusé d'avoir voulu empoisonner sa mère.
Rien n'était plus réel ; toutes les preuves étaient
contre lui. Il périssait infailliblement, lorsque mes amis et
moi, nous consultant sur les moyens de tirer d'affaire un jeune homme
dont nous brûlions tous trois de jouir, ma perfide imagination
m'en suggéra un qui, non seulement sauvait le coupable, mais
qui même faisait périr l'innocent.
- Où est maintenant, dis-je à l'accusé, le poison
dont on t'accuse d'avoir voulu te servir ?
- Il est entre les mains de ma mère.
- Eh bien ! affirme dans le dernier interrogatoire que tu vas subir
que c'est elle qui voulait au contraire attenter à tes jours
; tu veux qu'elle périsse, elle périra ; es-tu content
?
- Enchanté ! monseigneur, enchanté ! je déteste
cette femme, et mourrais plutôt que de ne la pas perdre.
- Donne pour preuve le poison qu'elle a dans les mains.
- Oui ; mais on sait que je me le suis procuré chez l'apothicaire
de ce bourg ; on sait la difficulté qu'il me fit, et la manière
dont je la levai, en lui disant que je n'achetais cette drogue que par
ordre de ma mère, et pour détruire les rats de sa maison.
- N'y a-t-il que cela contre toi ?
- Non.
- Eh bien ! je te réponds à la fois de ta vie et de la
mort de ta mère. J'envoie chercher le pharmacien. Gardez-vous,
lui dis-je, de vouloir charger cet enfant ; c'est bien effectivement
par ordre de sa mère qu'il acheta chez vous, l'autre jour, l'arsenic
qui fait la matière de son procès ; et c'est bien entre
les mains de sa mère que se trouve aujourd'hui ce poison ; elle
voulait le faire périr, nous en sommes sûrs : une déposition
contraire vous perdrait.
- Mais, dit le droguiste, n'aurai-je pas tort dans tous les cas ?
- Non ; rien de plus simple que d'avoir rempli les intentions d'une
mère de famille, propriétaire d'une maison ; vous ne pouviez
prévoir ses vues. Mais vous vous perdriez, si vous n'eussiez
rempli que celles de l'enfant.
Le botaniste, pénétré de ces raisons, parla comme
je l'avais instruit ; le jeune homme soutint ce que je lui avais suggéré
; et sa malheureuse mère, abattue de ces calomnies, ne trouvant
rien pour y répondre, périt sur l'échafaud, pendant
que mes amis et moi, en face de son supplice, nous nous livrions, avec
son fils, aux plus voluptueuses recherches de la sodomie. Je n'oublierai
jamais qu'enculé par Bonifacio, je déchargeai dans le
cul du jeune homme, au moment où sa mère expirait. La
manière dont ce charmant jeune homme se prêta à
nos plaisirs, la joie qui partit sur son front, en voyant les apprêts
de la mort de celle qui lui avait donné la vie, tout nous donna
de si hautes idées de ses dispositions, que nous nous cotisâmes
pour lui faire un sort, et pour l'envoyer à Naples, ou l'âge,
en mûrissant, en perfectionnant ses principes, en aura fait sans
doute un des plus hardis scélérats de l'Europe.
Quel crime ! nous eût ici crié la sottise ? vous avez rendu
à la société un monstre, dont les forfaits perfectionnés
coûteront peut-être des milliers de victimes ! Quelle excellente
action ! répondrons-nous à la bêtise environnée
des préjugés gothiques de la morale et de la vertu. Nous
avons servi la nature, en lui aiguisant un des ressorts par lesquels
elle opère le mal nécessaire dont elle est toujours affamée.
Nous passâmes encore trois mois à ma terre, noyés
dans la luxure et dans la débauche, lorsque des raisons de prudence
nous contraignirent enfin de reparaître ou nous plaçait
notre devoir. La première aventure que me valut mon poste de
confesseur, en revenant de là, fut celle d'une dévote
de trente ans, encore assez jolie ; elle était au lit de la mort
lorsqu'elle m'envoya chercher.
- Mon père, me dit-elle, il est temps que je répare la
plus odieuse des injustices. Regardez le million en or que voilà
déposé sur cette table, et fixez cette jeune fille, poursuivit-elle
en me montrant une enfant de douze ans, d'une assez jolie figure ; rien
de tout cela ne m'appartient, et j'avais la mauvaise foi de tout garder...
Hélas ! qui sait ! j'aurais peut-être fait pis. Une de
mes amies me remit en mourant à Naples, il y a deux ans, et cette
fille et cet argent, en me faisant jurer de remettre l'un et l'autre
au duc de Spinosa, à Milan. Séduite par l'or, j'ai tout
gardé, mais le voile se déchire à l'instant où
je touche, et le cri de ma conscience me trouble tellement, que je ne
puis tenir à l'aveu de mes fautes et à vous en prescrire
la plus prompte réparation. Quelque confiance que j'aie en vous,
mon père, je me crois obligée de laisser un écrit
à mes héritiers, qui les instruise de cette démarche.
- Cette précaution, interrompis-je aussitôt, en divulguant
inutilement vos torts, madame, prouverait en même temps votre
défiance envers moi, et de ce moment je ne dois plus me mêler
en rien de cette affaire.
- Oh ! monsieur, monsieur, ne parlons plus de cet écrit, puisqu'il
vous formalise ; vous seul satisferez à mon devoir ; vous seul
apaiserez le cri de ma conscience, sans que personne en soit instruit.
- Ce que vous faisiez, madame, répondis-je alors plus tranquillement,
était affreux, sans doute ; et je ne sais si la simple restitution
que vous vous proposez suffira pour apaiser le ciel. Puis reprenant
avec sévérité : A quel point vous vous étiez
permis de tromper à la fois l'amitié, la religion, l'honneur
et la nature ! oh ! non, ne l'imaginez point, jamais cette simple restitution
ne suffira. Vous êtes riche, madame, vous connaissez les besoins
du pauvre ; joignez indispensablement à la somme restituée
celle de la moitié de votre bien, pour vous réconcilier
avec la justice céleste... Vous le savez, madame, vos fautes
sont bien grandes, et ce sont les pauvres qui sont nos meilleurs avocats
près de Dieu ; ne marchandez point avec votre conscience ; une
fois devenue la proie des démons qui vous attendent, vous ne
serez plus à même d'implorer l'Être suprême,
et d'obtenir pour vos crimes la miséricorde dont ils ont un si
grand besoin.
- Vous m'effrayez, mon père !
- Je le dois, madame ; en ma qualité de médiateur entre
le ciel et vous, je dois vous montrer les fléaux suspendus sur
votre tête ; et quand vous en préviens-je ? au moment où
vous pouvez encore les détourner : vous êtes perdue, si
vous balancez.
Étourdie du ton dont je prononçai ces dernières
paroles, ma dévote se fit apporter sur le champ une cassette,
dont les richesses qu'elle en sortit, s'élevant à 800
mille livres, équivalaient du reste à la valeur que j'exigeais,
en lui demandant la moitié de son bien.
- Tenez, me dit-elle en répandant des flots de larmes ; tenez,
mon père, voilà ma dette acquittée ; priez pour
ma pauvre âme, et rassurez-moi, je vous prie.
- Je le voudrais, madame, répondis-je en faisant enlever l'or
et la petite fille par Clementia, vêtue en duègne, et que
j'avais amenée comme ma sur ; oui, je désirerais
de tout mon cur pouvoir entièrement dissiper vos craintes
; mais le puis-je, sans vous tromper ? Vous devez, je le sens, compter
sur la miséricorde de Dieu ; mais votre réparation peut-elle
égaler l'offense ? cette réparation, qui ne porte que
sur le tort que vous avez fait aux hommes, apaisera-t-elle un Dieu irrité
? Quand on réfléchit à la grandeur, à l'immensité
de cet Être suprême, peut-on se flatter de l'adoucir, une
fois qu'on a eu le malheur de l'offenser ? Connaissez le caractère
de ce Dieu terrible dans l'histoire de son peuple ; voyez-le partout
jaloux, vindicatif, implacable, et ces différents modes, qui
seraient des vices dans l'homme, ne devenir que des vertus dans lui.
Et en effet, perpétuellement outragé par ses créatures,
sans cesse envié par le démon, comment, sans une étonnante
sévérité, parviendrait-il à manifester son
pouvoir ? La marque distinctive de l'autorité est nécessairement
la rigueur ; la tolérance est la vertu du faible. Toujours le
despotisme indiqua la puissance ; on a beau m'assurer que Dieu est bon,
moi je dis qu'il est juste ; et la vraie justice ne s'accorda jamais
avec la bonté, qui, prise dans sa véritable acception,
n'est qu'un des effets de la faiblesse et de la bêtise. Vous avez
cruellement outragé votre Créateur, madame ; la réparation
est au-dessous de vos fautes ; et je ne saurais vous dissimuler qu'il
n'est pas en mon pouvoir de vous garantir des équitables châtiments
que vous méritez ; je ne puis qu'implorer l'Éternel pour
le repos de votre âme. Je le ferai sans doute ; mais, faible et
chétive créature comme vous, puis-je me flatter de réussir
? Les peines que vous avez à craindre sont épouvantables.
Éternellement brûlée dans les foyers de l'enfer
est, je le sens, une peine horrible, que l'imagination n'entrevoit qu'en
frémissant ; tel est pourtant votre sort, et je ne vois aucun
moyen de vous en préserver. Ici, je l'avoue, le désordre
de mes sens, proportionné à celui que j'occasionnais dans
ma bigote, se trouvait au-dessus de toute expression : je bandais à
rompre ma culotte ; il y eut un moment même où je ne pus
m'empêcher de me branler.
- Oh ! mon père, dit alors la bénigne créature,
sans s'apercevoir de mes mouvements, me donnerez-vous au moins l'absolution
?
- Dieu m'en garde, répondis-je d'un ton ferme et sévère
; je ne compromettrai point jusque-là la médiation que
j'ai reçue du ciel ; je n'assimilerai point, par cette sainte
bénédiction, le coupable à l'homme de bien. L'exiger,
oser me le demander même est un nouveau crime, dont le ciel doit
inévitablement vous punir. Adieu, madame, vos forces faiblissent,
je le vois ; rappelez toutes celles qui vous restent pour soutenir le
moment cruel de votre apparition devant Dieu ; moment bien terrible
sans doute, quand on n'y arrive que pour écouter la sentence
céleste qui doit vous plonger aux enfers !
Ici la malheureuse s'évanouit ; et moi, ivre de luxure, de crime
et de méchanceté, je donnai l'essor à mon vit furieux,
et l'enfonçai dans le cul de ma dévote, qui, ne mourant
que d'une maladie de langueur, avait su conserver assez de charmes pour
inspirer encore des désirs. Il y avait longtemps, je l'avoue,
que je n'avais fait une meilleure décharge. Mon opération
faite, je disparus en emportant tous les bijoux que je pus trouver dans
la chambre ; et j'appris, dès le même soir, que ma pauvre
pénitente avait rendu son âme timorée au travers
des flots de foutre dont j'avais inondé le passage. Je fis présent
de la petite fille au couvent, et ne réservai pour moi que les
richesses, que je commençais à préférer
à tout.
Cependant, au faîte du bonheur et du calme paisible dont ma philosophie
me faisait jouir, j'éprouvais cette sorte d'inconstance, fléau
de l'âme et trop funeste apanage de notre triste humanité
; blasé sur tout, il n'était plus aucune jouissance qui
parvînt à me réveiller. J'inventais des horreurs,
et je les exécutais de sang-froid ; en état de ne me rien
refuser, quelque dispendieux que pussent être mes projets de débauche,
je les entreprenais à l'instant. J'envoyais chercher les victimes
de ma luxure jusque dans les îles de l'Archipel ; et mes émissaires
se trouvant un jour en concurrence avec ceux du grand seigneur, j'eus
la gloire et la satisfaction d'apprendre qu'ils l'avaient emporté
sur ceux du sultan.
Mais ce n'était plus tout cela qu'il me fallait ; une jouissance
simple ne me faisait plus éprouver la moindre sensation ; j'avais
besoin de crimes, et je n'en pouvais trouver d'assez forts.
Un jour, examinant l'Etna, dont le sein vomissait des flammes, je désirais
être ce célèbre volcan. Bouche des enfers, m'écriai-je
en le considérant, si comme toi je pouvais engloutir toutes les
villes qui m'environnent, que de larmes je ferais couler ! A peine mon
invocation est-elle prononcée, que j'entends du bruit près
de moi : un homme m'écoutait.
- Vous venez, me dit ce personnage, de former un étrange désir.
- Dans l'état où je suis, répondis-je avec humeur,
on en forme de plus extraordinaires encore.
- Soit, me répond mon homme ; mais tenons-nous-en à celui
que vous venez de prononcer, et apprenez de moi qu'il est possible.
Je suis chimiste ; j'ai passé ma vie à étudier
la nature, à lui dérober ses secrets ; et, l'immoralité
nourrissant mes études, ce n'est, depuis vingt ans, qu'au malheur
des hommes que je consacre mes découvertes. Vous voyez comme
je vous parle ; votre singulier désir m'a convaincu de la confiance
que je pouvais avoir en vous ; apprenez donc qu'on peut contrefaire
les terribles éruptions de cette montagne ; si vous voulez, nous
l'essaierons ensemble.
- Monsieur, dis-je à cet homme en l'invitant de s'asseoir avec
moi près d'un arbre, causons, je vous supplie. Est-il bien vrai
que vous puissiez imiter un volcan ?
- Rien de plus aisé.
- Et nous produirons par l'effervescence de ce volcan factice les mêmes
effets qu'un tremblement de terre ?
- Absolument.
- Nous détruirons des villes ?
- Nous les abîmerons, nous bouleverserons l'île entière.
- Agissons, monsieur, agissons ; je vous couvre d'or si vous réussissez.
- Je ne vous demande rien, me répondit mon homme ; le mal m'amuse,
et, lorsque je m'y livre, jamais je ne m'en fais payer. Je ne vends
que les recettes qui sont utiles aux hommes ; je distribue pour rien
toutes celles qui leur nuisent. Je ne pouvais me lasser de considérer
ce personnage. Qu'on est heureux, monsieur, lui dis-je avec enthousiasme,
lorsqu'on rencontre des gens qui pensent comme nous ! Et dites-moi,
homme céleste ! quel est le motif qui vous fait faire le mal
? et qu'éprouvez-vous en le faisant ?
- Écoutez-moi, me dit Almani (c'était le nom de ce chimiste),
je vais répondre à vos deux questions. Le motif qui m'engage
à me livrer au mal est né chez moi de la profonde étude
que j'ai faite de la nature. Plus j'ai cherché à surprendre
ses secrets, plus je l'ai vue uniquement occupée à nuire
aux hommes. Suivez-la dans toutes ses opérations : vous ne la
trouverez jamais que vorace, destructive et méchante, jamais
qu'inconséquente, contrariante et dévastatrice. Jetez
un instant les yeux sur l'immensité des maux que sa main infernale
répand sur nous en ce monde. A quoi servait-il de nous créer
pour nous rendre aussi malheureux ? pourquoi notre triste individu,
ainsi que tous ceux qu'elle produit sortent-ils de son laboratoire aussi
remplis d'imperfections ? Ne dirait-on pas que son art meurtrier n'ait
voulu former que des victimes, que le mal ne soit son unique élément,
et que ce ne soit que pour couvrir la terre de sang, de larmes et de
deuil qu'elle soit douée de la faculté créatrice...
que ce ne soit que pour déployer ses fléaux qu'elle use
de son énergie ? Un de vos philosophes modernes se disait l'amant
de la nature ; eh bien, mon ami, je m'en déclare le bourreau.
Étudiez-la, suivez-la, cette nature atroce, vous ne la verrez
jamais créer que pour détruire, n'arriver à ses
fins que par des meurtres, et ne s'engraisser comme le Minotaure, que
du malheur et de la destruction des hommes. Quelle estime, quel amour
pourriez-vous donc avoir pour une force semblable, dont les effets sont
toujours dirigés contre vous ? Lui voyez-vous jamais dispenser
un don sans qu'une peine grave l'accompagne ? Si elle vous éclaire
douze heures, c'est pour vous plonger douze autres dans les ténèbres
; vous laisse-t-elle jouir des douceurs de l'été, ce n'est
qu'en les accompagnant des horreurs de la foudre ; près de l'herbe
la plus salutaire, sa main traîtresse fait germer les poisons
; elle hérisse le plus beau pays du monde de volcans qui le mettent
en cendres ; se pare-t-elle un instant à vos yeux, c'est pour
se couvrir de frimas l'autre partie de l'année ; nous donne-t-elle
quelque vigueur pendant les premiers temps de notre vie, c'est pour
nous accabler pendant la vieillesse et de tourments et de douleurs ;
vous laisse-t-elle un moment jouir du bizarre tableau de ce monde, c'est
pour qu'en parcourant la funeste carrière qui le présente
à vos yeux, vous soyez à chaque pas effrayé des
affreux malheurs qui la couvrent. Voyez avec quel art méchant
elle entremêle vos jours d'un peu de plaisir et de beaucoup de
peines ; examinez de sang-froid, s'il vous est possible, les maladies
dont elle vous accable, les divisions qu'elle fait naître parmi
vous, les suites effroyables dont elle veut que vos plus douces passions
soient entremêlées : près de l'amour est la fureur
; près du courage, la férocité ; près de
l'ambition, le meurtre ; près de la sensibilité, les larmes
; près de la sagesse, toutes les maladies de la conscience. Dans
quelle situation affreuse vous met-elle, en un mot, puisque le dégoût
de la vie devient tel en votre âme, qu'il n'est pas un seul homme
qui voulût recommencer à vivre, si on le lui offrait le
jour de sa mort ? Oui, mon ami, oui, j'abhorre la nature ; et c'est
parce que je la connais bien, que je la déteste : instruit de
ses affreux secrets, je me suis replié sur moi-même, et
j'ai senti (voilà ma réponse à votre seconde question),
j'ai éprouvé une sorte de plaisir indicible à copier
ses noirceurs. Eh bien, ai-je continué de me dire, est-ce un
être assez méprisable, assez odieux, que celui qui ne me
donna le jour que pour me faire trouver du plaisir à tout ce
qui nuit à ses semblables ! Eh quoi ! (j'avais seize ans alors)
à peine suis-je sorti du berceau de ce monstre, qu'elle m'entraîne
aux mêmes horreurs que celles qui la délectent elle-même
! Ce n'est plus corruption ici : à peine suis-je né, c'est
inclination, c'est penchant. Sa main barbare ne sait donc pétrir
que le mal ; le mal la divertit donc ? et j'aimerais une mère
semblable ! Non ; je l'imiterai, mais en la détestant ; je la
copierai, elle le veut, mais ce ne sera qu'en la maudissant ; et, furieux
de voir que mes passions la servent, je vais si bien démêler
ses secrets, que je puisse, si cela m'est possible, devenir encore plus
méchant, pour la mieux heurter toute ma vie. Ses filets meurtriers
sont tendus sur nous seuls ; essayons de l'y envelopper elle-même
en la masturbant, si je peux : barrons-la dans ses uvres pour
l'insulter plus vivement ; et troublons-la, s'il est possible, pour
l'outrager plus sûrement. Mais la putain s'est moquée de
moi, ses ressources l'emportent sur les miennes : nous luttions trop
inégalement. En ne m'offrant que ses effets, elle me voilait
toutes ses causes. Je me suis donc restreint à l'imitation des
premiers ; ne pouvant deviner le motif qui plaçait le poignard
en ses mains, j'ai su lui ravir l'arme, et m'en suis servi tout comme
elle.
- Oh ! mon ami, m'écriai-je dans l'enthousiasme, je ne vis jamais
une imagination plus ardente que la vôtre... Quelle énergie
!... quelle vigueur ! et que de mal vous avez dû faire dans le
monde avec une tête aussi vive.
- Je n'existe que par le mal et pour le mal, me répondit Almani
; le mal seul m'émeut ; je ne respire qu'en le commettant ; mon
organisation n'est délectée que par lui seul.
- Almani, interrompis-je avec chaleur, vous bandez sans doute, en vous
y livrant.
- Jugez-en, me dit le chimiste, en me mettant à la main un vit
gros comme le bras, et dont les veines violettes et gonflées
semblaient prêtes à s'ouvrir sous la violence du sang qui
y circulait.
- Et vos goûts, mon cher, quels sont-ils ?
- J'aime à voir périr une créature dans quelques-unes
de mes expériences ; je fous une chèvre pendant ce temps-là,
et le décharge quand la créature expire.
- Et des hommes, vous n'en foutez point ?
- Jamais ; je suis bestialitaire et meurtrier, je ne sors pas de là.
Almani finissait à peine de me répondre, qu'une lave s'ouvrit
à nos pieds. Je me lève, effrayé ; et lui, sans
s'émouvoir, ballottant toujours son vit à pleine main,
me demande flegmatiquement où je vais.
- Ne bougez donc pas, me dit-il ; vous voulez connaître mes passions
; venez-en voir une ; venez, poursuivit-il en se branlant, venez voir
jaillir les flots de mon foutre dans ceux de bitume et de soufre dont
l'aimable nature entoure ici nos pas ; il me semble que je suis aux
enfers, que je décharge dans ses feux ; cette idée m'amuse
; je n'étais ici que pour y satisfaire.
Il jure, il blasphème, il tempête, et son sperme élancé
vole éteindre la lave.
- Almani, suivez-moi, lui dis-je ; je désire infiniment vous
connaître plus à fond ; j'ai des victimes à vous
offrir ; je veux d'ailleurs apprendre vos secrets. Nous retournâmes
chez moi. Le chimiste admira mon habitation, loua mes goûts, s'amusa
de mon sérail. Je lui donnai des chèvres, et je les lui
fis foutre avec plaisir, pendant qu'avec un fil il attirait la foudre
sur la tête d'une jolie Napolitaine de seize ans, qui mourut dans
l'opération ; il en frappa une autre par l'électricité,
qui expira dans d'horribles douleurs ; il accumula tellement le poids
de l'air sur les poumons d'une troisième, qu'elle fut étouffée
dans une demi-seconde. Il examinait toute nue la victime de ses opérations,
lui maniait et baisait fort longtemps les fesses, gamahuchait le trou
du cul, et trouvait, disait-il, dans ce seul épisode, toute la
dose d'irritation nécessaire à condamner le sujet à
la mort. Ses expériences se portèrent aussi sur de jeunes
garçons qu'il traita de même. Il m'apprit ensuite plusieurs
de ses secrets, et nous procédâmes à la grande expérience
qui avait fait l'objet du voyage. Le procédé était
simple. Il ne s'agissait que de former des pains de dix à douze
livres, pétris avec de l'eau, de la limaille et du soufre ; on
plaçait ces pains à trois ou quatre pieds en terre, dans
une distance de plusieurs lieues, à vingt pouces environ l'un
de l'autre ; dès que ces masses étaient échauffées,
l'éruption se faisait d'elle-même. Nous multipliâmes
tellement ces dépôts, que l'île entière éprouva
l'un des plus furieux bouleversements qui l'eût encore agitée
depuis plusieurs siècles. Dix mille maisons furent renversées
dans Messine, cinq édifices publics écrasés, et
vingt-cinq mille âmes devinrent la proie de notre insigne méchanceté.
- Mon cher, dis-je au chimiste dès que notre opération
fut terminée, quand on a fait tant de mal ensemble, le plus sûr
est de se séparer ; prends ces cinquante mille francs, et ne
parlons jamais l'un de l'autre...
- Le silence, oui, je le promets, répondit Almani ; l'argent,
je le refuse. Ne vous souvient-il plus que je vous ai dit que je ne
me faisais jamais payer du mal que j'opérais ? Si j'avais fait
du bien chez vous, l'accepterais une récompense ; mais je n'y
ai fait que du mal... du mal qui m'a fait plaisir ; nous sommes quittes.
Adieu.
Mon dégoût pour la Sicile redoubla quand j'y eus produit
ce terrible événement ; et, sentant qu'il n'était
plus rien au monde qui pût m'y fixer à l'avenir, je mis
mon bien en vente, après avoir égorgé tous les
sujets de mon sérail, et Clementia elle-même, malgré
son extrême attachement pour moi. Frappée de ma barbarie
et de mon ingratitude, surprise de me voir lui réserver avec
recherche un plus affreux supplice qu'aux autres, elle osa m'adresser
des reproches.
- Ô Clementia, lui dis-je, que tu connais mal le cur d'un
libertin tel que moi, dès que tu ne t'es pas défiée
du sort que je préparais ! ne sais-tu donc pas que la reconnaissance
dont tu crois surcharger mon âme ne devient sur ses ressorts usés
qu'un véhicule de plus pour les diriger vers le crime ; et que
si j'éprouve, en t'immolant, quelque chagrin ou quelque remords,
c'est de ne t'en pouvoir faire assez. Elle mourut sous mes yeux, et
je déchargeai violemment.
Je m'embarquai pour l'Afrique avec le projet de m'associer aux barbares
de ces affreux cantons, pour devenir, si je le pouvais, mille fois encore
plus féroce qu'eux.
Mais, c'est ici où l'inconstance de sort voulut me convaincre,
en me faisant éprouver ses revers, que si la main favorise presque
toujours les forfaits, ceux qui ont été bourreaux doivent
néanmoins devenir victimes à leur tour, quand de nouveaux
persécuteurs se présentent... Vérité qui
pourtant ne prouve rien pour la vertu, puisqu'on la voit, dans les récits
que je vous fais, presque à tout moment tourmentée ; mais
qui doit seulement nous apprendre que l'homme, jouet par sa faiblesse
de tous les caprices de la fortune, ne doit leur opposer, s'il est raisonnable,
que la patience et le courage.
Je m'étais embarqué à Palerme sur un petit bâtiment
léger que j'avais frété pour moi seul. A peine
fûmes-nous à la hauteur des roches de Quels, que nous aperçûmes
les côtes de l'Afrique. Parvenus là, un corsaire barbaresque
nous attaque, et nous prend sans aucune résistance. En un moment,
mes amis, je me vois privé de ma fortune et de ma liberté
; je perds en une minute tout ce que les hommes ont de plus cher. Hélas
! me dis-je, dès que je fus enchaîné, si cet argent
mal acquis tombait en de meilleures mains, peut-être croirais-je
en l'équité de la fortune ; mais sera-t-il mieux placé
dans la bourse de ces scélérats qui ne croisent ces parages,
que pour peupler le sérail du bey de Tunis ? sera-t-il mieux
là, dis-je, que chez moi qui formais aussi des sérails
? Où donc est-elle cette sublime justice du sort ? Patience,
ce n'est ici qu'un de ses caprices : celui-ci me ruine aujourd'hui,
un second me relèvera.
En peu d'heures nous arrivâmes à Tunis. Mon patron me présenta
au bey, qui donna ordre à son bostangi de m'employer sur-le-champ
aux jardins ; et mes richesses furent confisquées. Je voulus
faire quelques représentations ; on m'objecta que j'étais
prêtre d'une religion en horreur à Mahomet, et que jamais
on ne rendait ces biens-là. Il fallut se taire et travailler.
Ayant à peine trente-deux ans, j'étais au moins dans l'âge
de la force, et quoique énervé par mes débauches,
je me sentais encore toute l'énergie nécessaire à
souffrir patiemment mon sort. Mal nourri, mal couché, travaillant
beaucoup, si mon physique éprouvait quelque altération,
mon moral, j'ose l'affirmer, n'en ressentait aucune, et je me sentais
toujours dans l'esprit la même luxure et la même méchanceté7
; quelquefois j'envisageais les murs du sérail, au pied desquels
je travaillais, et je me disais : Ô Jérôme ! et toi
aussi tu as eu un sérail, et de délicieuses victimes qui
le peuplaient ; et te voilà, par ta faute, réduit à
servir ceux avec lesquels tu rivalisais.
Un soir que je me livrais à ces tristes réflexions, je
vois un billet tomber à mes pieds ; je me hâte de le ramasser.
Dieu ! quelle est ma surprise, en y reconnaissant l'écriture
et le nom de Joséphine... de cette infortunée que j'avais
vendue à Berlin, avec la certitude qu'elle ne m'était
achetée que pour devenir la victime d'un meurtre de débauche.
« Il est délicieux
de rendre le bien pour le mal (me disait Joséphine dans ce billet).
Vous m'avez crue victime de la rage d'un scélérat ; et
vous m'avez livrée, pour que je le devinsse ; mon étoile
m'a préservée du sort affreux que vous me destiniez. Mais
si vraiment je la crois heureuse, c'est au moment où elle me
met à même de briser vos fers. Demain à la même
heure vous recevrez, pour gage de mes sentiments éternels, une
bourse de trois cents sequins de Venise et le portrait de celle que
vous aimâtes autrefois... Une lettre y sera jointe ; elle vous
apprendra les moyens de nous sauver tous deux. Adieu, monstre... que
j'aime toujours malgré moi ; si tu ne me payes pas de retour,
respecte au moins celle... qui ne se venge de toi que par des bienfaits.
»
JOSÉPHINE.
Inconcevables effets du plus
affreux de tous les caractères ! mon premier mouvement fut d'être
désolé de voir échappée au supplice une
victime que j'y avais envoyée ; mon second fut de me trouver
piqué de devoir un service à celle... que je n'avais jamais
voulu que maîtriser. N'importe, me dis-je, acceptons ; l'important
est de se tirer d'ici. Elle éprouvera, quand je me serai servi
d'elle, quels sont, dans un cur comme le mien, les résultats
de la reconnaissance.
Le second billet, l'argent, le portrait, tout arriva à l'heure
indiquée. Je baisai l'argent, crachai sur le portrait, et lus
le billet avec avidité. On m'y apprenait qu'on était devenue
maîtresse d'une fortune considérable que je serais le maître
de partager, si je le voulais, et surtout si je le méritais ;
que j'eusse à aller parler sur-le-champ, dans l'endroit qui m'était
indiqué, au maître d'un navire qui m'attendait, et que
je convinsse avec lui, et du prix qu'il nous demandait pour nous conduire
à Marseille, et des moyens à prendre pour nous esquiver
l'un et l'autre.
Je vole chez l'homme dont on me parle, et j'en reçois toute sorte
de satisfactions. Delmas était un vieux renégat repentant,
qui brûlait de revoir sa patrie, et d'arracher aux Turcs le plus
de victimes qu'il lui serait possible.
- Tenez, me dit-il, voici d'abord une échelle de soie que vous
ferez passer à votre protectrice ; joignez-y cette eau dont elle
coupera ses grilles, rien qu'en les frottant avec. Une fois dans les
jardins, où, comme vous croyez bien, elle ne doit arriver même
de nuit, elle se transportera chez moi par le même chemin que
vous venez de prendre ; je la cacherai dans mon bâtiment où
vous viendrez vous jeter dès que le bagne sera ouvert.
Tout joyeux de ces bonnes nouvelles, je retourne au pied du sérail.
Je fais le signal convenu ; on y répond. Une ficelle m'arrive
; j'y attache l'échelle, la liqueur, et un mot de réponse
où je fais éclater des sentiments de tendresse et de reconnaissance...
exprimés du mieux qu'il m'était possible. La jalousie
se referme, et, le lendemain un dernier billet m'annonce que l'exécution
du projet sera pour la nuit suivante ; on m'invite à ne pas l'oublier,
afin d'être sûr de trouver Joséphine, son cur
et ses trésors, le lendemain de bonne heure, à fond de
cale du bâtiment de Delmas.
Je fus exact. Je ne vous parlerai point de la scène de reconnaissance
; elle fut tendre du côté de Joséphine, arrosée
même de ses larmes ; du mien, sévère et toujours
accompagnée de ce sentiment intérieur de méchanceté
qui ne me permettait pas qu'un individu tombât dans mes mains,
sans que j'éprouvasse à l'instant le plus vif désir
d'exercer sur lui mon empire. Joséphine avait atteint l'âge
où les traits, en se développant, changent en beauté
leur finesse : c'était véritablement une très belle
femme. En attendant que le patron mit à la voile, nous bûmes
une bouteille de vin de Syracuse ; et la chère fille me raconta
ses aventures.
L'homme qui l'achetait à moi, était Frédéric,
roi de Prusse, qui, sur le récit de son frère, avait vivement
désiré l'immolation de cette créature. Assez heureuse
pour échapper au supplice effrayant qui lui était destiné,
par l'entremise de ce valet de chambre qui l'avait engrossée,
elle s'était évadée de Berlin dès la même
nuit, et avait passé comme moi à Venise. Différentes
aventures galantes l'avaient soutenue dans cette ville, jusqu'à
ce qu'un pirate tunisien l'eût enlevée et vendue au bey
dont elle était devenue la favorite. Ce qu'elle m'apportait,
quoique très considérable, n'était pourtant que
le tiers au plus des richesses dont ce souverain l'avait comblée
; mais elle n'avait pu emporter que cela ; il y en avait à peu
près pour cinq cent mille francs.
- Allons, ma chère, dis-je à Joséphine, voilà
de quoi nous établir à Marseille ; nous sommes l'un et
l'autre assez jeunes pour nous flatter de faire fructifier cet argent,
et pour espérer d'être riches un jour. Ma main, continuai-je
faussement, deviendra, dès en arrivant, la récompense
de tes soins, s'il est vrai que tu puisses réellement me pardonner
le crime affreux dont je suis coupable envers toi.
Mille tendres baisers de Joséphine furent sa réponse.
Nous étions cachés à tous les yeux ; le calme régnait
encore dans le bâtiment ; les douceurs de la liberté, les
fumées de Bacchus, tout nous enflamma, au point que les sacs
sur lesquels nous étions servirent de trône à la
volupté. Il y avait longtemps que je n'avais déchargé.
Je retrouvais une femme sur laquelle ma perfide imagination me faisait
concevoir déjà d'affreux projets de méchanceté.
Joséphine fut troussée par derrière ; la supériorité
de ses fesses me tenta ; elles étaient étonnamment bien
conservées ; je l'enculai.
- Ranime-moi, lui dis-je, dès que j'eus fini ; détaille
à ma lubricité les tableaux de celle du bey. Comment se
conduit-il avec une femme ?
- Ses goût sont singuliers, me répondit Joséphine
; il faut, avant que de l'aborder, qu'une femme soit toute nue, prosternée
à plat ventre, trois grandes heures, sur un tapis. Deux icoglans8
le branlent pendant ce temps là. Quand leur maître bande,
ils vont relever la femme, et la lui conduisent. Elle s'incline ; alors
les icoglans lui attachent les pieds et les mains. De ce moment il faut
qu'elle tourne avec une rapidité prodigieuse jusqu'à ce
qu'elle tombe. Sitôt qu'elle est à bas, il se jette sur
elle, et l'encule. C'est la seule manière dont il jouisse des
femmes ; et son amour pour elles se règle sur le plus ou moins
de vitesse avec laquelle elles tournent. Je ne lui avais plu que par
mon talent en ce genre ; et tous les présents que j'en ai reçus,
n'en sont que la récompense.
Échauffé de ce récit, je sodomisai Joséphine
une seconde fois, et j'éprouvai, je l'avoue, une sorte de volupté
à me sentir dans le même cul qui faisait décharger
un empereur turc, lorsque Delmas, entrant tout à coup, pensa
nous prendre sur le fait. Il venait nous avertir qu'il allait mettre
à la voile, et que libres, dans une heure ou deux, nous pourrions
aller le trouver dans la chambre du capitaine. Nous y fûmes. Joséphine
ayant confié au renégat le projet qu'elle avait de s'établir
avec moi dans une maison de commerce à Marseille, je démêlai
promptement, par les réponses du patron, qu'il avait assez d'argent
pour se mettre en tiers avec nous. De ce moment je conçus le
dessein de le voler, d'égorger même mes deux bienfaiteurs
; et, m'emparant de leurs richesses et de leur vaisseau, de cingler
vers Livourne, au lieu de Marseille, afin de me dérober aux poursuites.
Dans cette intention j'échauffai la tête de Delmas pour
Joséphine, et j'engageai en même temps celle-ci à
ne pas se montrer trop récalcitrante aux intentions du renégat
sur elle, afin de tirer de lui une infinité d'éclaircissements
et de facilités à la conclusion d'un projet que je ne
pouvais conduire seul, vu mon peu d'aptitude en cette partie.
Ces premières tentatives eurent tout le succès que je
pouvais en attendre ; et dès la seconde nuit Delmas coucha avec
Joséphine. C'était tout ce que je désirais. A peine
les crois-je ensemble, que je force la sentinelle, le poignard à
la main, en réunissant autour de moi le plus que je peux des
gens de l'équipage.
- Mes amis, leur dis-je, voyez à quel point ce scélérat
me trahit ; je lui confie ma femme, voilà l'usage qu'il en fait.
Et tombant sur le couple endormi, je veux le percer de mille coups.
Mais Delmas éveillé avait l'air de s'attendre à
tout ; il tire sur moi, me manque. Je me précipite sur lui ;
je le poignarde avec l'indigne objet de sa couche, et les laisse baignés
dans leur sang. Remontant alors sur le tillac, je réunis l'équipage
autour de moi ; je le harangue.
- Mes camarades, leur dis-je, l'horreur dont la plupart de vous ont
été les témoins, m'a seule contraint à ce
que je viens de faire. J'ai puni un scélérat qui n'était
pas fait pour vous commander, puisqu'il portait à ce point la
dépravation et l'impudeur. Delmas était de moitié
avec moi dans les frais de cet embarquement ; et, quoique vous m'ayez
vu sous l'habit d'esclave, je n'en possède pas moins une fortune
égale à la sienne : je lui succède donc de droit.
Comptez sur ma probité et sur mes talents ; je vous guiderai
mieux que lui. Le voyage sera à peu près le même
; je n'y change que la destination. Pilote, dirige-nous vers Livourne
; mes relations commerciales me déterminent à préférer
ce port à celui de Marseille ; et, quant à vous, mes amis,
d'aujourd'hui je double votre paye.
Ce discours me valut d'universels applaudissements. On jeta les morts
à la mer ; je m'emparai de toutes leurs richesses ; et nous cinglâmes.
Ô fortune ! m'écriai-je dès que je fus tranquille,
tu répares donc tes torts envers moi. Ce sera sans doute ici
la dernière de tes secousses, et tu finiras par me convaincre,
ainsi que tous ceux qui sauront mon histoire, que si tu nous jettes
quelquefois d'écueils en écueils, c'est pour nous mieux
faire sentir tous les délices dont ta main nous couronne au port.
Mon compte fait, ma capture, sans comprendre le vaisseau que je vendais
en arrivant à Livourne, pouvait se monter à douze cent
mille livres ; et je nageais délicieusement dans les plaisirs
que l'espoir fait si bien goûter à l'esprit, lorsque la
sentinelle de quart avertit qu'un corsaire court sus. Reconnaissant
la supériorité de mes forces, j'ordonne l'abordage ; je
m'élance sur le pont, mon équipage me suit. La mort vole
sous nos coups ; nous nous baignons déjà dans le sang
; je pénètre, le sabre à la main, dans la chambre
du capitaine. Ciel ! quel objet frappe mes yeux !... Juste ciel ! quelle
est ma surprise !... C'est Joséphine... Joséphine, que
je croyais avoir poignardée sur le vaisseau de Delmas. D'un revers
affreux j'abats l'homme qui veut la défendre ; puis m'adressant
à elle :
- Par quelle fatalité, m'écriai-je, ton détestable
individu s'offre-t-il sans cesse à mes yeux ?
- Déchire-le, cet individu qui t'excède, dit Joséphine
en ouvrant son sein ; oui, presse-toi de l'anéantir cette fois-ci.
Je suis coupable ; je te poursuivais, avec le dessein de t'arracher
la vie : tu triomphe, perfide, rends-toi maître de la mienne ;
et sache avant, si tu le veux, par quelle fatalité tu me revois,
quand tu te réjouissais déjà de ma mort.
Je te connaissais, Jérôme ; tes ruses ne m'en imposèrent
pas ; je les dévoilai toutes à Delmas. Te soupçonnant
un violent parti parmi les matelots, nous préférâmes
l'adresse à la force. Le renégat me fit évader
le soir, dans la chaloupe du vaisseau, seulement escortée de
deux rameurs ; et, pour mieux découvrir tes projets, passa la
nuit avec une des servantes de l'équipage, que tu as prise pour
moi, et que tu as sans doute égorgée avec lui, puisque
c'est toi qui commande ici. Je devais, moi, fuir lestement vers un petit
bâtiment que nous savions peu loin de nous, semblable à
celui de Delmas, et monté par un renégat comme lui...
le voilà, tu viens de l'étendre à tes pieds. Ce
capitaine, prévenu par la lettre que je lui portais, devait avoir
l'air d'attaquer Delmas, de le vaincre, de te mettre aux fers. N'était-il
pas temps que je me vengeasse de tes perfides complots ? Tu l'emportes,
Jérôme ; voilà mon défenseur sans vie ; je
te le répète, hâte-toi de prendre la mienne. Si
le ciel me rendait l'avantage, sois sûr que tu ne m'échapperais
pas. Tu es un ingrat, dès que tu as pu faire taire en toi l'organe
sacré de la reconnaissance ; et je ne veux plus être l'amie
d'un monstre.
Ici la fureur se réunissant dans mon âme à tous
les sentiments de dégoût et de rage qui m'avaient déjà
fait proscrire cette infernale créature, je la fis aussitôt
couvrir de fers et jeter dans les cales de mon bâtiment. Puis,
faisant remorquer le sien par le mien, nous continuâmes de voguer
vers Livourne. Mais le soir, un peu délassé de mes fatigues,
venant de boire quelques bouteilles de vin grec, mon infernal vit me
rappela bientôt que j'avais une délicieuse victime à
lui offrir. J'avais soupé avec un petit mousse, que j'aimais
beaucoup, et qui me branlottait sur mes idées. Le plus délicieux
projet de vengeance enflamme aussitôt mon imagination. Je fais
monter la victime dans ma chambre ; je la livre, en détail, à
tous les matelots de l'équipage. Je branlais leurs engins, et
les introduisais alternativement ainsi, tantôt au con, tantôt
au cul. Aussitôt qu'un d'eux avait fini, je l'obligeai à
distribuer cent coups de corde, tant sur les reins que sur les fesses
de sa jouissance, et à lui frotter le visage de son cul. Soixante-quatre
hommes lui passèrent ainsi sur le corps ; et elle reçut
six mille quatre cents coups d'étrivière. J'étais
le seul qui n'eût pas déchargé. Je me branlais en
considérant Joséphine évanouie, à terre,
au milieu de ma chambre ; j'aimais à voir là celle qui
venait de tout risquer pour moi, et qui, si elle se vengeait enfin,
en avait, il faut en convenir, obtenu de bien puissants droits. Jamais
encore une telle irritation ne s'était emparée de mes
sens ; mon foutre échappait malgré moi. Je désirais
une mort horrible à cette créature ; vingt projets s'offraient
à mon esprit, qui les rejetait aussitôt, comme trop faibles.
Je voulais réunir sur son individu toutes les douleurs de l'humanité,
et nulle ne me paraissait assez forte dès que je la détaillais.
- Ô Jérôme, s'écria-t-elle en revenant à
la vie et devinant mes pensées, je pourrais vivre encore, et
vivre pour t'aimer ; tu sais ce que j'ai fait pour toi ; qui de nous
deux eut tort le premier ?
Mais loin de m'attendrir, la gueuse m'électrisait de plus en
plus. Je la foulais aux pieds, je lui frappais le sein, je lui mordais
les fesses ; je ressemblais au tigre, maître enfin de sa proie,
et qui n'amuse sa fureur que pour l'irriter davantage. J'étais
ivre, en un mot, de luxure et de frénésie, lorsque mes
gens vinrent m'avertir que le bâtiment que nous traînions
gênait infiniment la manuvre. Ce fut alors que je me déterminai
enfin au singulier projet que vous allez voir.
Je fis garrotter Joséphine, nue, au mât de ce vaisseau
; je le chargeais de poudre ; je fis couper les câbles qui l'attachaient
au mien ; puis, allumant une mèche de communication, seul lien
qui restât entre ce navire et nous, je le fis éclater dans
les airs, et me donnai, tout en foutant mon petit mousse, le délicieux
plaisir de voir retomber pour jamais dans les flots les membres déchirés
de celle qui m'avait tant aimé jadis, et qui tout récemment
encore venait de me rendre à la fois une fortune et la liberté...
Oh ! quelle décharge, mes amis ! je n'en avais jamais fait de
meilleure.
Nous arrivâmes enfin à Livourne, où j'eus l'avantage
de prendre terre dans le meilleur état du monde. Je congédiai
mes gens ; je vendis mon vaisseau ; et, réalisant aussitôt
mes effets en traites sur Marseille, après m'être reposé
quelques jours, je gagnai cette ville par terre, ne voulant plus m'exposer
aux dangereux hasards d'un élément dont j'avais aussi
bien éprouvé l'inconstance.
Marseille est une ville délicieuse, où l'on trouve à
la fois tout ce qui peut flatter les passions du libertinage, dans l'un
et l'autre genre. Chère excellente, climat divin, abondance d'objets
de luxure ; en fallait-il plus pour y fixer un débauché
tel que moi ! Je n'avais point repris le costume ecclésiastique
; sûr d'en recouvrer les droits dès que je le voudrais,
j'étais bien aise de jouir quelque temps des libertés
de l'habit du monde. Je louai une jolie maison sur le port, un excellent
cuisinier, deux filles pour me servir, et deux excellents maquereaux,
à l'un desquels je distribuai la classe des gitons, tandis que
je chargeai l'autre de la partie des femmes : tous deux me servirent
si bien, que, dans ma première année, j'avais déjà
vu plus de mille fiançons et près de douze cents jeunes
filles. Il existe à Marseille une caste de ces créatures,
connue sous le nom de Chaffrecane, absolument composée d'enfants
de douze à quinze ans, travaillant aux manufactures ou dans les
ateliers, qui fournit aux paillards de cette ville les plus jolis objets
qu'il soit possible de trouver. J'épuisai promptement cette classe,
et ne fus pas longtemps à me blaser sur cela, comme je l'avais
fait sur le reste. Toutes les fois que le crime n'accompagnait pas ma
jouissance, il me devenait impossible de la trouver bonne. Je recherchai
bientôt, d'après ces principes, les moyens de mettre à
la fois en circulation mes heureux talents et mes goûts.
Tels étaient mes projets lorsqu'un de mes émissaires m'amena
un jour une fille de dix-huit à vingt ans, de la plus délicieuse
figure qu'il fût possible de voir, et sage, m'assura-t-on, comme
Minerve elle-même. L'extrême misère dans laquelle
elle se trouvait la déterminait seule à cette affreuse
démarche ; et l'on me suppliait de la placer, si je le pouvais,
sans abuser de sa détresse. Cette jeune fille n'eût-elle
pas été belle comme le jour, il suffisait de l'état
dans lequel on me la présentait pour m'échauffer la tête.
M'en divertir et l'escroquer fut la première rouerie que mon
imagination me suggéra ; et ce fut pour accomplir ce pieux projet
que j'ordonnai à mon homme de se retirer, après avoir
fait entrer sa proie dans mon boudoir. Frappé des traits de cette
fille, il me devint impossible de pouvoir rien entreprendre, avant de
l'avoir interrogée sur sa naissance.
- Hélas, monsieur, répondit-elle, je suis née à
Lyon ; ma mère s'appelait Henriette ; on me nomme Hélène.
Victime de la scélératesse d'un frère qui avait
abusé d'elle, ma malheureuse mère périt, dit-on,
sur l'échafaud. Je suis le fruit de cet horrible inceste ; et
les terribles revers de ma naissance ont été cause de
tous ceux de ma vie. Jusqu'à onze ans, je n'ai vécu que
de charités. Une dame me prit à cet âge, m'apprit
à travailler ; et je ne serais pas dans l'affreuse position où
vous me voyez, si je n'avais eu le malheur de la perdre. L'ouvrage m'a
manqué depuis, et j'ai mieux aimé demander mon pain, que
de me jeter dans le libertinage. Soyez généreux, monsieur
; soulagez-moi, sans abuser de mon état, et vous serez couvert
des bénédictions du ciel et des miennes.
Hélène baissa les yeux après ce discours, sans
se douter du désordre étonnant qu'elle venait de porter
dans toutes les parties de mon organisation. Il m'était impossible
de ne pas reconnaître, dans cette charmante créature, l'enfant
que j'avais eue de ma cousine Henriette... de cette victime infortunée
de la scélératesse de mon cousin Alexandre, et de mon
affreuse méchanceté... Jamais aucune fille ne ressembla
davantage à sa mère ; Hélène n'eût
pas dit un mot, qu'il ne m'en eût pas moins été
facile de me rappeler sa naissance, rien qu'en l'examinant.
- Mon enfant, dis-je, vos récits sont pleins d'intérêt
; peut-être doivent-ils me toucher plus qu'un autre ; mais il
n'en est pas moins certain que vous n'obtiendrez rien de moi, sans la
plus aveugle soumission à tout ce qui va vous être prescrit.
Commencez par vous mettre nue.
- Oh ! monsieur !
- Point de résistance, mon cur, je ne les aime pas ; et
vous n'avez rien à attendre de moi, si vous ne vous prêtez
avec la plus entière résignation à toute l'étendue
de mes caprices.
Des larmes furent la réponse d'Hélène ; et, quand
elle crut s'apercevoir, à la brutalité de mes actions,
que j'avais peu envie d'écouter ses prières, elle céda,
en couvrant mon sein de ses pleurs. Hélène avait trop
de charmes et trop de titres sur l'âme d'un libertin tel que moi,
pour que je pusse seulement concevoir l'idée de la ménager.
On n'eut jamais une plus belle peau, jamais un cul si frais et si potelé,
jamais un pucelage plus certain. Mon vit, furieux, le pourfendit bientôt
; j'atteins le fond, j'y darde un foutre écumeux ; et ma triste
fille devient bientôt mère à son tour. Telle fut,
mes amis, l'origine de la naissance d'Olympe, que vous me voyez foutre
encore tous les jours dans votre sérail, et qui réunit,
comme vous le voyez, le triple honneur d'être à la fois
ma fille, ma petite-fille et ma nièce.
Je passai bientôt, avec Hélène, de l'inceste à
la sodomie. J'encule ce délicieux résultat de ma couille.
Du cul je passe à la bouche : elle eût eu mille jouissances
à me présenter, que mes fougueux désirs n'eussent
pas encore été satisfaits. Las de foutre, je la fustigeai,
je la souffletai, je la fis chier. Il n'y eut pas une seule lubricité
dont je ne la rendisse victime, pendant plus de quatre heures que dura
cette première séance. Rassasié de luxure, je crus
devoir lui déclarer enfin à qui elle avait eu à
affaire.
- Hélène, lui dis-je en la tenant encore toute nue sur
mes genoux, aurais-tu quelque répugnance à retrouver ce
père incestueux qui fit pendre ta mère après l'avoir
foutue ?
- Vous me faites frémir.
- Et si ce monstre existait... s'il était dans tes bras, Hélène...
dans ton cul... Et je m'y enfonçais en disant cela. Hélène
s'évanouit. Mes violentes secousses au fond de son derrière
la rappelèrent bientôt à la vie. Je déchargeai.
Mon enfant, dis-je dès que j'eus fini,
Je t'en ai dit assez pour te
tirer d'erreur
Eh bien, connais ton père et toute sa fureur.
Oui, c'est à moi que tu dois la vie. Le frère de ta mère
et moi fûmes cause de la mort de cette mère infortunée
; mais tout est réparé par l'enfant que je viens de travailler
à te faire. Demeure avec moi ; j'ai besoin d'une femme qui serve
mes plaisirs, et qui veille à mes intérêts ; sois
cette femme ; et point de scrupules. Souviens-toi qu'il faut se prêter
à tout avec moi. Tantôt victime, et tantôt directrice,
il n'est pas un seul de mes désirs que tu ne doives servir ;
et, à la plus petite résistance, je ne m'en tiendrais
peut-être pas à te replonger dans l'affreux état
où tu t'es offerte à mes yeux : l'un des conspirateurs
des jours de ta mère, pourrait bien devenir ton bourreau.
Hélène se jette à mes pieds ; elle me supplie de
ne plus penser aux torts de celle qui lui a donné le jour et
me promet de me les faire oublier par une soumission sans bornes. De
ce moment, je l'installai dans ma maison, à titre de gouvernante
; et la douce Hélène, dans Marseille, remplaça
ma Clementia de Messine.
Ce fut quelques temps après cette rencontre que je devins éperdument
amoureux d'un jeune garçon de seize ans, beau comme Adonis, mais
dont la froideur, occasionnée par l'amour qu'il ressentait pour
une jeune fille de son âge, me désespérait chaque
jour. Imbert, c'était le nom du jeune homme, m'avait pourtant
accordé sa confiance, et bientôt même son amitié,
en raison des facilités que je lui procurais de voir sa maîtresse
chez moi. Euphémie était grande, faite à peindre,
d'une figure agréable, sans doute, mais infiniment inférieure
en attraits au délicieux jeune homme dont j'avais la tête
tournée. Ami du père et de la mère d'Euphémie,
avec lesquels je m'étais lié, uniquement par rapport au
dessein que j'avais de servir Imbert, il se passait peu de jours que
nous ne nous visitassions mutuellement. Ce fut au sein de cette intimité
que je conçus, pour jouir d'Imbert, le plus infernal projet qui
fût encore sorti de mon cerveau. Je commentai par noircir étonnamment
le jeune Imbert dans l'esprit des parents d'Euphémie ; et, à
force d'art et de ruses, je fis tomber le jeune homme dans de tels piéges,
que j'achevai de le rendre odieux aux auteurs des jours de sa maîtresse.
Les choses une fois en cet état, il ne me fut pas difficile d'aigrir
Imbert à son tour contre des gens dont il paraissait si mal vu
; et de l'aigreur au crime, dans une âme ardente il n'y a bien
souvent qu'un pas. Imbert comprit qu'aussi longtemps que les parents
d'Euphémie seraient au monde, il ne devait jamais compter sur
le bonheur. Cependant ceux-ci étaient jeunes et Imbert très
impatient. Je profite d'un moment d'ardeur. Par un discours insidieux,
j'offre à la fois le mal et le remède. Imbert, séduit,
n'est plus inquiet que d'une chose.
- Euphémie voudra-t-elle du meurtrier de ses parents ?
- Et pourquoi lui révéler cette action ?
- Elle s'en doutera.
- Jamais. D'ailleurs, j'agirai, moi ; ce n'est que votre consentement
que je demande.
- Oh ! ciel, doutez-vous que je ne vous le donne ?
- C'est par écrit que je le veux.
- J'y consens... Et voici l'écrit qu'Imbert me donna :
« Excédé
des persécutions que j'endure, je prie mon ami Jérôme
de m'acheter du réalgar, pour faire promptement périr
les parents d'Euphémie, qui s'obstinent à me refuser leur
fille. »
La débilité, la
confiance de la jeunesse, la fait, comme on le voit, tomber dans bien
des pièges. Quelque peu fardé que fût celui-ci,
le brave Imbert s'y prit sans réflexion ; et je ne fus pas plutôt
maître du billet, que j'empoisonnai dans un souper les ennemis
de mon amant. Euphémie n'eut aucun soupçon ; mais le grand
deuil et sa douleur l'obligèrent néanmoins à s'absenter
quelques semaines. Une vieille tante l'emmena à la campagne.
- Imbert, dis-je au jeune homme, voilà une manuvre que
je n'aime pas. L'absence peut refroidir votre maîtresse ; on peut
renouveler dans son âme les impressions de ses parents. Ne la
laissons point là ; donnez-moi de nouveaux pouvoirs et je cours
l'arracher.
Imbert signe une seconde fois tout ce que je veux.
A la tête d'une troupe de bandits que je paye au poids de l'or,
je m'introduis dans la campagne de la tante ; je la poignarde de ma
main ; mes gens, à qui j'abandonne le pillage de cette riche
métairie, se défont promptement de tous les domestiques.
Euphémie est conduite dans une campagne isolée, à
dessein louée par moi, près de Marseille ; j'y mène
Imbert et Hélène. Et là :
- Mon ami, dis-je au jeune homme, vous voyez tout ce que je fais pour
vous ; il est bien temps de m'en récompenser.
- Qu'exigez-vous ?
- Votre cul.
- Mon cul ?
- Vous ne posséderez pas Euphémie que je n'aie obtenu
ma demande.
- Oh ! Jérôme, vous savez combien j'ai ce crime en horreur
!
- Imbert, voilà votre maîtresse ; vous l'entendez, poursuivis-je
en l'engageant à prêter l'oreille à une conversation
que je faisais exprès tenir entre Hélène et Euphémie
; si vous ne vous laissez pas enculer, jamais vous ne la posséderez.
- Eh bien, satisfaites-vous donc, méchant homme ; mais qu'Euphémie
n'en sache rien... Elle me prendrait en horreur...
- Oh ! croyez que jamais... Et mon vit furieux pénétrait,
en disant ces mots, dans le plus délicieux derrière que
j'eusse foutu depuis longtemps. Je lime, je pourfends ce beau jeune
homme ; je lui remplis le cul de foutre, mais sans calmer la violente
agitation dans laquelle je suis. Ce sont des horreurs que j'ai conçues,
ce sont des horreurs, qu'il faut à mon âme pourrie. Un
moment, dis-je au jeune homme en me retirant de son derrière.
Et, après l'avoir enfermé dans ma chambre, je vole dans
celle où est Euphémie.
- Tenez-moi cette fille, dis-je à Hélène ; il faut
que je la foute.
Des cris se font entendre ; de barbares précautions les étouffent
bientôt, et me voilà dans le joli con vierge de la maîtresse,
encore tout palpitant des plaisirs que vient de me donner le cul de
l'amant.
- Allez me chercher le jeune homme que j'ai enfermé dans cette
chambre voisine, dis-je à Hélène, faites-vous aider
d'un de mes gens, et surtout contenez-le bien quand il entrera.
Imbert paraît. Si son étonnement est inexprimable, le plaisir
que j'éprouve au moment qu'il entre l'est bien autrement sans
doute.
- Scélérat ! me dit Imbert en voulant se jeter sur moi,
ô monstre infernal ! Mais il est bien tenu.
- Mon ami, répondis-je au jeune homme, sans m'effrayer de ses
menaces, tu vois ce poignard, j'en perce à l'instant le cur
de l'objet de tes vux, si tu ne viens pas me faire baiser ton
cul, pendant que je le fous.
Imbert tremble ; son amie, qui ne peut parler, l'encourage du doigt
; il se place. C'est pour moi le signal d'un changement de main ; je
passe lestement du con au cul, sans varier l'attitude de ma jouissance,
et je m'enivre du divin plaisir de baiser les fesses de l'amant, en
sodomisant la maîtresse. Mais le malheureux Imbert, qu'Hélène
contient à mes transports, ne sait pas jusqu'où j'ai porté
la perfidie au moment précieux de la crise... En ce moment terrible,
où le libertin sans principe se plonge avec tant de délices
aux derniers raffinements de l'infamie. Je le fais descendre ; je lui
montre sa maîtresse, noyée dans le sang, et traîtreusement
percée par moi de seize coups de poignard dans le cur et
dans les tétons. Il s'évanouit. Hélène le
rappelle au jour ; mais il ne reprend ses sens que pour voir expirer
Euphémie, et pour m'accabler d'invectives.
- Jeune imprudent, lui dis-je en jouissant délicieusement de
mon crime ; vois tes billets, et tous les droits que tu m'as donnés
sur toi... Si tu dis un mot, je te perds ; ce meurtre-ci, lui-même,
sera réputé ton ouvrage ; Hélène et moi
témoignerons de tes atrocités, et tu périras sur
un échafaud. Je bande encore ; voyons ton cul. Je foutis autrefois
une maîtresse sur le cadavre de son amant ; je veux aujourd'hui
foutre l'amant sur celui de sa maîtresse, afin de pouvoir prononcer
sur celle de ces deux actions qui procure le plus de plaisir. Jamais
égarement ne fut semblable. Hélène me faisait baiser
son beau cul ; pendant tout cela, le valet qui l'avait aidée,
m'enculait ; je foutis le cadavre d'Euphémie ; je le fis foutre
à son amant. Rassasié d'horreurs, j'envoie chercher l'officier
de justice. Hélène et moi nous déposons contre
Imbert ; les billets font foi. J'ajoute qu'ayant, malgré nous,
conduit sa maîtresse dans cette maison, voilà où
sa jalousie l'a porté. Imbert, malgré son jeune âge,
se trouve convaincu de crimes si atroces qu'il est exécuté.
Et je respire ! et moi, l'instrument, l'auteur de tous ces désordres,
je vis en paix ! Le ciel me réservait à en commettre d'autres
; j'y mis un peu d'intervalle. Hélène n'était pas
sûre ; elle bavardait. Je suivis le système de Machiavel
: « Ou il ne faut jamais de complices, dit ce grand homme, ou
il faut les égorger, après s'en être servi. »
Dans le même mois, dans la même campagne, dans la même
chambre, Hélène fut condamnée par moi au supplice
le plus violent que j'eusse encore fait endurer à aucune victime.
Je revins de là tranquillement à Marseille bénir
le sort du succès toujours assuré qu'il lui plaisait de
donner à mes crimes.
Je passai encore quelques années dans cette ville, sans qu'il
m'arrivât rien de fait pour vous intéresser : beaucoup
de libertinage, d'escroqueries, de petits meurtres secrets, mais rien
d'éclatant. Ce fut alors que j'entendis parler de votre célèbre
abbaye de Sainte-Marie-des-Bois. Le désir de m'associer avec
vous me fit naître celui d'une conversion simulée d'une
reprise d'habit. J'appris que cela était possible, moyennant
quelques sacrifices à la daterie de Rome. Je volai dans cette
capitale de la superstition chrétienne ; je fis au Saint Père
une espèce de confession générale ; je demandai
ma rentrée dans l'ordre ; je donnai la moitié de mon bien
à l'Église, et j'obtins, par cette généreuse
cession, la réintégration de tous mes droits, et la permission
d'habiter Sainte-Marie. Telle est l'époque qui m'a réuni
à vous, mes chers confrères. Dieu veuille m'y conserver
longtemps ! Car si le crime a quelques attraits ailleurs, il en a sans
doute bien plus ici, où, commis dans l'ombre et dans le silence,
il est exempt de toutes les craintes et de tous les dangers, qui ne
l'accompagnent que trop souvent dans le monde !
1 Qu'on ne vienne donc plus nous dire que cet ouvrage est immoral, dès
qu'il sert de preuve à cette assertion.
2 Superbe quai de Bordeaux, où demeurent tous les négociants.
3 Ce n'est qu'en 1760 que notre voyageur vit cette cour, et ce n'est
que de ce temps-là qu'il parle.
4 Partout (dit Bridoine, dans son intéressant Voyage de Sicile)
où l'air est fortement imprégné d'exhalaisons enflammées,
les habitants y sont extrêmement méchants et vicieux.
5 Voyez « L'émotion de la volupté n'est autre, etc.
» dans le chapitre X.
6 Ce ne sont ici que les bases de principes bien autrement développés
dans la suite de cet ouvrage.
7 Ces vices-là augmentent de force avec l'âge, mais ne
vieillissent jamais. On a moins d'énergie pour les mettre en
pratique, souvent moins de moyens ; mais leur indestructible germe est
toujours égal. Il accroît même au lieu de s'affaiblir.
8 Nom des ganymèdes des sérails d'Asie.
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