Numérisation : Jean
Franval
Mise en forme HTML : T. Selva
Les 120 jours
de Sodome
ou
L''ecole
du Libertinage
Ving et unième journée
(XXV) Vingt et unième journée On s'occupa dès le matin de cette cérémonie, suivant l'usage accoutumé, mais, je ne sais si c'était fait exprès ou non, mais la jeune épouse se trouva coupable dès le matin: Durcet assura qu'il avait trouvé de la merde dans son pot de chambre. Elle s'en défendit, elle dit que, pour la faire punir, c'était la vieille qui était venue faire cela, et qu'on leur faisait souvent de ces tromperies-là quand on avait envie de les punir: elle eut beau dire, elle ne fut pas écoutée, et comme son petit mari était déjà sur la liste, on s'amusa beaucoup du plaisir de les corriger tous deux. Cependant les jeunes époux furent conduits en pompe, après la messe, au grand salon de compagnie où la cérémonie devait se compléter avant l'heure du repas. Ils étaient tous deux du même âge, et l'on livra la jeune fille nue à son mari, en permettant à celui-ci d'en faire tout ce qu'il voudrait. Rien ne parle comme l'exemple; il était impossible d'en recevoir de plus mauvais et de plus contagieux. Le jeune homme saute donc comme un trait sur sa petite femme, et comme il bandait fort dur, quoiqu'il ne déchargeât point encore, il l'aurait inévitablement enfilée; mais quelque légère qu'eût été la brèche, messieurs mettaient toute leur gloire à ce que rien n'altérât ces tendres fleurs qu'ils voulaient cueillir seuls. Moyen en quoi l'évêque, arrêtant l'enthousiasme du jeune homme, profita lui-même de l'érection et se fit mettre dans le cul l'engin très joli et déjà très formé dont Zélamir allait enfiler sa jeune moitié. Quelle différence pour ce jeune homme! et quelle distance entre le cul fort large du vieil évêque et le jeune con étroit d'une petite vierge de treize ans! Mais on avait affaire à des gens avec lesquels il n'y avait pas à raisonner. Curval s'empara de Colombe et la foutit en cuisses par-devant, en lui léchant les yeux, la bouche, les narines et la totalité du visage. Sans doute, on lui rendit pendant ce temps-là quelques services, car il déchargea, et Curval n'était pas homme à perdre son foutre pour des niaiseries semblables. On dîna; les deux époux furent admis au café comme ils l'avaient été au repas, et ce café fut servi ce jour-là par l'élite des sujets, je veux dire par Augustine, Zelmire, Adonis et Zéphire. Curval, qui voulait rebander, voulut de la merde absolument, et Augustine lui lâcha le plus bel étron qu'on pût faire. Le duc se fit sucer par Zelmire, Durcet par Colombe et l'évêque par Adonis. Ce dernier chia dans la bouche de Durcet, quand il eut expédié l'évêque. Mais point de foutre; il devenait rare: on ne s'était point ménagé dans les commencements, et comme l'on sentait l'extrême besoin que l'on en aurait vers la fin, on se ménageait. On passa au salon d'histoire, où la belle Duclos, invitée à montrer son derrière avant que commencer, après l'avoir libertinement exposé aux yeux de l'assemblée, reprit ainsi le fil de son discours: "Encore
un trait de mon caractère, messieurs, dit cette belle fille,
après lequel, vous l'ayant assez fait connaître, vous
voudrez bien juger ce que je vous cacherai sur ce que je vous aurai
dit, et me dispenser de vous entretenir davantage de moi. La mère
de Lucile venait de tomber dans une misère effroyable, et c'était
par le plus grand hasard du monde que cette charmante fille, qui n'avait
point eu de ses nouvelles depuis qu'elle s'était sauvée
de chez elle, apprit sa malheureuse détresse. Une de nos marcheuses,
aux aguets d'une jeune fille qu'une de mes pratiques me demandait
dans le même goût de celle que m'avait demandée
le marquis de Mesanges, c'est-à-dire acheter pour n'en jamais
entendre parler, une de nos marcheuses, dis-je, vint me rapporter,
comme j'étais au lit avec Lucile, qu'elle avait trouvé
une petite fille de quinze ans, très sûrement pucelle,
extrêmement jolie, et ressemblant, disait-elle, comme deux gouttes
d'eau à mademoiselle Lucile, mais qu'elle était dans
un tel état de misère, qu'il faudrait la garder quelques
jours pour l'empâter avant de la vendre. Et alors elle fit description
de la vieille femme avec qui elle l'avait trouvée, et de l'état
d'indigence effroyable dans laquelle était cette mère.
A ces traits, au détail de l'âge et de la figure, à
tout ce qui concernait l'enfant, Lucile eut un pressentiment secret
que ce pouvait bien être là sa mère et sa soeur:
elle savait qu'elle avait laissé celle-ci en bas âge
avec sa mère, lors de sa fugue, et elle me demanda permission
d'aller vérifier ses doutes. Mon infernal esprit me suggéra
ici une petite horreur dont l'effet embrasa si promptement mon physique
que, faisant aussitôt sortir notre marcheuse, et ne pouvant
calmer l'embrasement de mes sens, je commençai par prier Lucile
de me branler. Ensuite, m'arrêtant au milieu de l'opération:
"Que veux-tu aller faire chez cette vieille femme, lu dis-je,
et quel est ton dessein? -Eh! mais, dit Lucile, qui n'avait pas encore
mon coeur, il s'en fallait... la soulager, si je puis, et principalement
si c'est ma mère. -Imbécile, lui dis-je en la repoussant,
va, va sacrifier seule à tes indignes préjugés
populaires, et perds, en n'osant les braver, la plus belle occasion
d'irriter tes sens par une horreur qui te fera décharger dix
ans!" Lucile étonnée me regarda, et je vis bien
alors qu'il fallait lui expliquer une philosophie qu'elle était
loin d'entendre. Je le fis, je lui fis comprendre combien sont vils
les liens qui nous enchaînent aux auteurs de nos jours; je lui
démontrai qu'une mère, pour nous avoir porté
dans son sein, au lieu de mériter de nous quelque reconnaissance,
ne méritait que de la haine, puisque, pour son seul plaisir,
et au risque de nous exposer à tous les malheurs qui pouvaient
nous atteindre dans le monde, elle nous avait cependant mis au jour
dans la seule intention de satisfaire sa brutale lubricité.
J'ajoutai à cela tout ce qu'on pouvait dire pour étayer
ce système que le bon sens dicte, et que le coeur conseille
quand il n'est pas absorbé par les préjugés de
l'enfance. "Et que t'importe, ajoutai-je, que cette créature-là
soit heureuse ou infortunée? Eprouves-tu quelque chose de sa
situation? Ecarte ces vils liens dont je viens de te démontrer
l'absurdité, et isolant alors entièrement cette créature,
la séparant tout à fait de toi, tu verras que non seulement
son infortune doit t'être indifférente, mais qu'il peut
même devenir très voluptueux de la redoubler. Car enfin
tu lui dois de la haine, cela est démontré, et tu te
venges; tu fais ce que les sots appellent une mauvaise action, et
tu sais l'empire que le crime eut toujours sur les sens. Voici donc
deux motifs de plaisir dans les outrages que je veux que tu lui fasses:
et les délices de la vengeance, et ceux qu'on goûte toujours
à faire le mal." Soit que je misse avec Lucile plus d'éloquence
que je n'en emploie ici pour vous rendre le fait, soit que son esprit,
déjà très libertin et très corrompu, avertît
sur-le-champ son coeur de la volupté de mes principes, mais
elle les goûta, et je vis ses belles joues se colorer de cette
flamme libertine qui ne manque jamais de paraître chaque fois
qu'on brise un frein. "Eh bien! me dit-elle, que faut-il faire?
-Nous en amuser, lui dis-je, et en tirer de l'argent. Quant au plaisir,
il est sûr, si tu adoptes mes principes; quant à l'argent,
il l'est de même, puisque je peux faire servir, et ta vieille
mère, et ta soeur, à deux différentes parties
qui nous deviendront très lucratives." Lucile accepte,
je la branle pour l'exciter encore mieux au crime, et nous ne nous
occupons plus que des arrangements. Occupons-nous d'abord de vous
détailler le premier plan, puisqu'il fait nombre dans la classe
des goûts que j'ai à vous conter, quoique je le dérange
un peu de sa place pour suivre l'ordre des événements,
et quand vous serez instruits de cette première branche de
mes projets, je vous éclairerai sur la seconde. "Un moment, dit Durcet; je n'entends pas ces choses-là de sens froid; elles ont un empire sur moi qui se peindrait difficilement. Je retiens mon foutre depuis le milieu du récit, trouvez bon que je le perde." Et se jetant dans son cabinet avec Michette, Zélamir, Cupidon, Fanny, Thérèse et Adélaïde, on l'entendit hurler au bout de quelques minutes, et Adélaïde rentra en pleurant et disant qu'elle était bien malheureuse que l'on allât encore échauffer la tête de son mari à des récits comme ceux-là, et que c'était à celle qui les contait à être victime elle-même. Pendant ce temps-là, le duc et l'évêque n'avaient pas perdu leur temps, mais la manière dont ils avaient opéré étant encore du nombre de celles que les circonstances nous obligent de voiler, nous prions nos lecteurs de trouver bon que nous tirions le rideau et que nous passions tout de suite aux quatre récits qu'il restait à faire à Duclos pour terminer sa vingt et unième soirée. "Huit
jours après le départ de Lucile, j'expédiai un
paillard doué d'une assez plaisante manie. Prévenue
de plusieurs jours à l'avance, j'avais laissé dans ma
chaise percée accumuler un grand nombre d'étrons, et
j'avais prié quelqu'une de mes demoiselles d'y en ajouter encore.
Notre homme arrive, déguisé en Savoyard; c'était
le matin, il balaye ma chambre, s'empare du pot de la chaise percée,
monte aux lieux pour le vider (article qui, par parenthèse,
l'occupa fort longtemps); il revient, me fait voir avec quel soin
il l'a nettoyé et me demande son payement. Mas prévenue
du cérémonial, je tombe sur lui le manche à balai
à la main. "Ton payement, scélérat? lui
dis-je, tiens, le voilà ton payement!" Et je lui en assène
au moins une douzaine de coups. Il veut fuir, je le suis, et le libertin
dont c'était là l'instant décharge tout le long
de l'escalier en criant à tue-tête qu'on l'estropie,
qu'on le tue, et qu'il est chez une coquine, et non pas chez une honnête
femme, comme il le croyait. "Durcet,
dit le duc, j'aimerais assez à voir ton beau cul grassouillet
tout couvert comme cela d'épingles d'or: je suis persuadé
qu'il serait on ne saurait plus intéressant. -Monsieur le duc,
dit le financier, vous savez qu'il y a quarante ans que je me fais
gloire et honneur de vous imiter; ayez la bonté de me donner
l'exemple et je vous réponds de le suivre. - Je renie Dieu,
dit Curval, qu'on n'avait pas encore entendu, comme l'histoire de
Lucile m'a fait bander! Je me tenais coi, mais je n'en pensais pas
moins: tenez, dit-il, en faisant voir son vit collé contre
son ventre, voyez si je vous mens. J'ai une furieuse impatience de
savoir le dénouement de l'histoire de ces trois bougresses-là;
je me flatte qu'un même tombeau doit les réunir. -Doucement,
doucement, dit le duc, n'empiétons pas sur les événements.
Parce que vous bandez, monsieur le président, vous voudriez
qu'on vous parlât tout de suite de roue et de potence; vous
ressemblez beaucoup aux gens de votre robe, dont on prétend
que le vit dresse toujours, chaque fois qu'ils condamnent à
mort. -Laissons là l'état et la robe, dit Curval; le
fait est que je suis enchanté des procédés de
Duclos, que je la trouve une fille charmante, et que son histoire
du comte m'a mis dans un état affreux, dans un état
où je crois que j'irais bien volontiers sur le grand chemin
arrêter et voler un coche. -Il faut mettre ordre à cela,
président, dit l'évêque, autrement nous ne serions
pas ici en sûreté, et le moins que tu puisses faire serait
de nous condamner tous à être pendus. -Non, pas vous,
mais je ne vous cache pas que je condamnerais de bon coeur ces demoiselles,
et principalement Mme la duchesse, que voilà là couchée
comme un veau sur mon canapé, et qui, parce qu'elle a un peu
de foutre modifié dans la matrice, s'imagine qu'on ne peut
plus la toucher. -Oh! dit Constance, ce n'est assurément pas
avec vous que je compterais sur mon état pour m'attirer un
tel respect; on sait trop à quel point vous détestez
les femmes grosses. -Oh! prodigieusement, dit Curval, c'est la vérité."
Et il allait, dans son transport, commettre, je crois, quelque sacrilège
sur ce beau ventre, lorsque Duclos s'en empara. "Venez, venez,
dit-elle, monsieur le président, puisque c'est moi qui ait
fait le mal, je veux le réparer. Et ils passèrent ensemble
dans le boudoir du fond, suivis d'Augustine, d'Hébé,
de Cupidon et de Thérèse. On ne fut pas longtemps sans
entendre brailler le président, et malgré tous les soins
de Duclos, la petite Hébé revint tout en pleurs; il
y avait même quelque chose de plus que des larmes, mais nous
n'osons pas encore dire ce que c'était; les circonstances ne
nous le permettent pas. Un peu de patience, ami lecteur, et bientôt
nous ne te cacherons plus rien. Curval, rentré et grumelant
encore entre ses dents, disant que toutes ces lois-là faisaient
qu'on ne pouvait pas décharger à son aise, etc., on
fut se mettre à table. Après le souper, on s'enferma
pour les corrections; elles étaient, ce soir-là, peu
nombreuses: il n'y avait en faute que Sophie, Colombe, Adélaïde
et Zélamir. Durcet, dont la tête, dès le commencement
de la soirée, s'était fortement échauffée
contre Adélaïde, ne la ménagea pas; Sophie, de
qui l'on avait surpris des larmes pendant le récit de l'histoire
du comte, fut punie pour son ancien délit et pour celui-là;
et le petit ménage du jour, Zélamir et Colombe, fut,
dit-on, traité par le duc et Curval avec un sévérité
qui tenait un peu de la barbarie. |