15 - Far-niente
Quant à son temps
bien le sut disposer :
Deux parts en fit, dont il souloit passer
Lune à dormir et lautre à ne rien faire.
JEAN DE LA FONTAINE.
Quand je nai rien à faire, et quà peine un
nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
Jaime à mécouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur sémousse.
Là, pour tuer le temps, jobserve la fourmi
Qui, pensant au retour de lhiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain dorge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pende au brin dherbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En lair, comme sur londe un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de leau quun caillou fait gémir,
Ou jécoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans lazur gazouiller lalouette.
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