13 - La Demoiselle
1830
À MON AMI ALPHONSE
B***
.........Insectes agiles
Cuirassés dor.
AMABLE TASTU.
Là, de bleuâtres
demoiselles,
Fêtant du nénuphar les hôtes bienheureux,
Éventails animés, se balancent sur eux
Avec leurs frémissantes ailes.
SAINTINE.
Sur la bruyère arrosée
De rosée ;
Sur le buisson déglantier ;
Sur les ombreuses futaies ;
Sur les haies
Croissant au bord du sentier ;
Sur la modeste et petite
Marguerite,
Qui penche son front rêvant ;
Sur le seigle, verte houle
Qui déroule
Le caprice ailé du vent ;
Sur les prés, sur la colline
Qui sincline
Vers le champ bariolé
De pittoresques guirlandes ;
Sur les landes ;
Sur le grand orme isolé,
La demoiselle se berce ;
Et sil perce
Dans la brume, au bord du ciel,
Un rayon dor qui scintille,
Elle brille
Comme un regard dAriel.
Traversant, près des charmilles,
Les familles
Des bourdonnants moucherons,
Elle se mêle à leur ronde
Vagabonde,
Et comme eux décrit des ronds.
Bientôt elle vole et joue
Sur la roue
Du jet deau qui, sélançant
Dans les airs, retombe, roule
Et sécoule
En un ruisseau bruissant.
Plus rapide que la brise,
Elle frise,
Dans son vol capricieux,
Leau transparente où se mire
Et sadmire
Le saule au front soucieux ;
Où, sentrouvrant blancs
et jaunes,
Près des aunes,
Les deux nénuphars en fleurs,
Au gré du flot qui gazouille
Et les mouille,
Étalent leurs deux couleurs ;
Où se baigne le nuage ;
Où voyage
Le ciel dété souriant ;
Où le soleil plonge, tremble,
Et ressemble
Au beau soleil dOrient.
Et quand la grise hirondelle
Auprès delle
Passe, et ride à plis dazur,
Dans sa chasse circulaire,
Londe claire,
Elle senfuit dun vol sûr.
Bois qui chantent, fraîches plaines
Dodeurs pleines,
Lacs de moire, coteaux bleus,
Ciel où le nuage passe,
Large espace,
Monts aux rochers anguleux,
Voilà limmense domaine
Où promène
Ses caprices, fleur des airs,
La demoiselle nacrée,
Diaprée
De reflets roses et verts.
Dans son étroite famille,
Quelle fille
Na pas vingt fois souhaité,
Rêveuse, dêtre comme elle
Demoiselle,
Demoiselle en liberté ?
|