Poésies nouvelles
et inédites
Le Banc de pierre 1865
À ERNEST HÉBERT
Au fond du parc, dans une ombre indécise,
Il est un banc, solitaire et moussu,
Où lon croit voir la Rêverie assise,
Triste et songeant à quelque amour déçu.
Le Souvenir dans les arbres murmure,
Se racontant les bonheurs expiés ;
Et, comme un pleur, de la grêle ramure
Une feuille tombe à vos pieds.
Ils venaient là, beau couple qui senlace,
Aux yeux jaloux tous deux se dérobant,
Et réveillaient, pour sasseoir à sa place,
Le clair de lune endormi sur le banc.
Ce quils disaient, la maîtresse loublie ;
Mais lamoureux, cur blessé, sen souvient,
Et dans le bois, avec mélancolie,
Au rendez-vous, tout seul, revient.
Pour lil qui sait voir les larmes
des choses,
Ce banc désert regrette le passé,
Les longs baisers et le bouquet de roses
Comme un signal à son angle placé.
Sur lui la branche à labandon retombe,
La mousse est jaune, et la fleur sans parfum ;
Sa pierre grise a laspect de la tombe
Qui recouvre lAmour défunt !
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