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Gustave Flaubert / 1821 - 1880
La première éducation sentimentale
Extrait L'épisode du chien


La tentation de St Antoine

« Jamais je ne retrouverai des éperduments
de style comme je m'en suis donné là ».

Version de 1849

« Aujourd'hui je n'ai rien fait. - Pas une ligne d'écrite ou de lue. J'ai déballé ma Tentation de saint Antoine et je l'ai accrochée à ma muraille, voilà tout. J'aime beaucoup cette oeuvre. Il y avait longtemps que je la désirais. Le grotesque triste a pour moi un charme inouï. Il correspond aux besoins intimes de ma nature bouffonnement amère. Il ne me fait pas rire mais rêver longuement. »

A Louise Colet. 21 Août 1846.

« Saint Antoine est-il bon ou mauvais ? Voilà par exemple ce que je me demande souvent. Lequel de moi ou des autres s'est trompé ? »

A sa mère. 5 janvier 1850.

« Je suis pourtant revenu (non sans mal) du coup affreux que m'a porté Saint Antoine. Je ne me vante point d'en être pas encore un peu étourdi, mais je n'en suis plus malade comme je l'ai été pendant les quatre premiers mois de mon voyage. »

A Louis Bouilhet. 4 septembre 1850.

« Il me tarde de connaître ma mesure. Retrouverais-je pour une autre oeuvre tout ce que j'ai mis en pure perte dans Saint Antoine ??? »

A sa mère.14 novembre1850.

« Dimanche dernier, nous avons lu des fragments de Saint Antoine : Appolonius, quelques dieux, et la seconde moitié de la seconde partie, c'est-à-dire la Courtisane, Thamar, Nabuchodonosor, le Sphinx et la Chimère et tous les animaux. Ce serait bien difficile de publier des fragments, tu verras. Il y a de fort belles choses, mais, mais, mais, ça ne satisfait pas en soi. Et le mot drôle sera, je crois, la conclusion des plus indulgents, voire des plus intelligents. Il est vrai que j'aurais pour moi beaucoup de braves gens qui n'y comprendront goutte et qui admireront de peur que le voisin y entende davantage. L'objection de Bouilhet à la publication est que j'ai mis là tous mes défauts et quelques-unes de mes qualités. Selon lui, ça me calomnie comme homme. »

A Maxime Du Camp. 21 octobre1851.

« Je t'ai dit que l'Education avait été un essai. Saint Antoine en est un autre. Prenant un sujet où j'étais entièrement libre comme lyrisme, mouvements, désordonnements, je me trouvais alors bien dans ma nature et je n'avais qu'à aller. Jamais je ne retrouverai des éperduments de style comme je m'en suis donné là pendant dix-huit mois. Comme je taillais avec coeur les perles de mon collier ! Je n'y ai oublié qu'une chose, c'est le fil. »

A Louise Colet.16 janvier 1852.

« Ce bon Saint-Antoine t'intéresse donc ? Sais-tu que tu me gâtes avec tes éloges, pauvre chérie. C'est une oeuvre manquée. Tu parles de perles. Mais les perles ne font pas le collier ; c'est le fil. J'ai été moi-même dans Saint Antoine le saint Antoine et je l'ai oublié. C'est un personnage à faire (difficulté qui n'est pas mince). S'il y avait pour moi une façon quelconque de corriger ce livre, je serais bien content, car j'ai mis là beaucoup, beaucoup de temps et beaucoup d'amour. Mais ça n'a pas été assez mûri. De ce que j'avais beaucoup travaillé les éléments matériels du livre, la partie historique, je veux dire, je me suis imaginé que le scénario était fait et je m'y suis mis. Tout dépend du plan. Saint Antoine en manque ; la déduction des idées sévèrement suivie n'a point son parallélisme avec l'enchaînement des faits. Avec beaucoup d'échafaudages dramatiques, le dramatique manque. »

A Louise Colet. 31 janvier 1852.

« Tu es donc décidément enthousiaste de Saint Antoine , toi. Enfin ! j'en aurai toujours eu un. C'est quelque chose. Quoique je n'accepte pas tout ce que tu m'en dis, je pense que les amis n'ont pas voulu voir tout ce qu'il y avait là : ça a été légèrement jugé, je ne dis pas injustement, mais légèrement. - Quand à la correction que tu m'indiques, nous en causerons ; c'est énorme. Je rentre avec grand dégoût dans un cercle d'idées que j'ai abandonné, et c'est ce qu'il faut faire pour corriger dans le ton les autres parties circonvoisines. J'aurais bien du mal à refaire mon Saint. - Je devrais m'absorber bien longtemps pour pouvoir inventer quelque chose. Je ne dis point que je n'essayerai pas. Mais ce ne sera pas de sitôt. »

A Louise Colet. 8 février1852.

« Saint Antoine ne m'a pas demandé le quart de la tension d'esprit que la Bovary me cause. C'était un déversoir ; je n'ai eu que plaisir à l'écrire, et les dix-huit mois que j'ai passés à en écrire les 500 pages ont été les plus profondément voluptueuses de toute ma vie. »

A Louise Colet. 6 avril 1853.


Texte intégral de la version de 1849

Le drame de la pensée : une étude de Tim Unwin sur La Tentation

La version de 1874

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