Biographie
en résumé
Peintre et architecte italien.
Les fresques qu'il a peintes à Florence (église Santa
Croce), à Assise (basilique Saint-François) et à
Padoue (chapelle de l'Aréna) figurent parmi les sommets de l'art
chrétien. Dans sa biographie, l'historien Vasari le consacre
comme le premier peintre moderne, celui qui restaure la "belle
et bonne manière de peindre" perdue depuis l'antiquité
et ouvre la voie à l'art de la Renaissance. Nul autre peintre,
à l'exception peut-être de Raphaël, n'aura une influence
aussi manifeste et durable sur l'art européen. Masaccio, Fra
Angelico, Michel-Ange, parmi tant d'autres, s'inspireront de ses figures
massives et sculpturales et de l'exceptionnelle puissance narrative
de ses compositions. Son génie s'étend également
à l'architecture (campanile du Duomo de Florence).
Vie et oeuvre
A. Pératé (extraits, la Grande Encyclopédie 1885-1902)
Sur
les fresques de l'Aréna à Padoue
«L'influence de Dante
se trahit dans la vaste composition du Jugement dernier et mieux encore
dans les figures allégoriques en camaïeu, qui simulent à
la base des fresques évangéliques deux rangées
de bas-reliefs. Ces quatorze figures de Vertus et de Vices qui se font
face, les Vertus à droite et les Vices à gauche, comptent
parmi les créations les plus parfaites du génie de Giotto.
On pourrait leur chercher quelques modèles, soit parmi les miniatures
antiques (illustrations de la Psychomachie de Prudence), soit parmi
les sculptures du moyen âge (statues et bas-reliefs de Nicolas
et de Jean de Pise); mais il y a un abîme entre l'uvre du
maître et celles de ses devanciers. La simplicité, la dignité
merveilleuses de ces figures aux draperies flottantes révèlent
en leur auteur non seulement un esprit subtil, habitué aux spéculations
morales et philosophiques, mais un il de peintre et de sculpteur,
instruit par la contemplation des chefs-d'uvre de l'art antique.»
(suite)
Sur
les fresques de Santa Croce
«Malgré les
dégâts de toute sorte dont ces fresques ont eu à
souffrir, on y retrouve au plus haut point les qualités maîtresses
de Giotto, la simplicité majestueuse des groupes, l'expression
profonde et concentrée du sentiment. La Résurrection de
Drusiane et l'Ascension de saint Jean montrent, près d'un siècle
et demi par avance, la belle et austère noblesse des figures
de Masaccio. Les compositions de la vie de saint François sont,
on peut le dire, des uvres classiques, que Ghirlandajo et Benedetto
da Majano ont imitées sans pouvoir les surpasser. Giotto, en
revenant ainsi sur les uvres de sa jeunesse, a su ajouter à
la fraîcheur et à la sincérité de ses compositions
d'Assise une sérénité, une émotion religieuse
qu'on ne peut décrire; il les a enveloppées de lumière
et de grandeur. Ce sont les dernières grandes fresques qui nous
restent de sa main.» (suite)
Giotto
architecte
«Comme architecte
et comme sculpteur, Giotto a laissé à Florence un monument
d'une élégance et d'une harmonie incomparables, le campanile
de la cathédrale. Ce fut le 12 avr. 1334 que la commune de Florence
le nomma architecte en chef (capomaestro) de Santa Maria del Fiore,
appelée alors Santa Reparata. Cette cathédrale, commencée
par Arnolfo del Cambio, n'avait pas encore de façade, de coupole
ni de campanile. Il est probable que Giotto éleva les premières
assises de la façade, et c'est à lui sans doute qu'il
faut attribuer le dessin si délicat des fenêtres dans les
nefs latérales. Mais son uvre incontestable est le campanile,
tour carrée à trois étages de fenêtres, qui
s'élève, sur la droite de la façade, à 84
m. de hauteur. Décoré jusqu'au sommet d'incrustations
de marbres de couleur, rehaussé de bas-reliefs et de statues,
ce campanile est une merveille de grâce et de légèreté.
Les fenêtres, qui vont s'agrandissant d'étage en étage,
ajoutent à sa sveltesse aérienne; avec le travail infini
de leurs colonnettes, avec leur dentelle de marbres variés, elles
sont peut-être, comme l'observe justement Burckhardt, la plus
belle uvre de détail de tout le gothique italien. Le campanile,
dans la pensée de Giotto, devait se terminer par une flèche
élancée, à laquelle renoncèrent les successeurs
du maître, Andrea Pisano et Francesco Talenti. Des deux guirlandes
de bas-reliefs qui s'enroulent à sa base, la première
est due, pour la composition, en partie même pour l'exécution,
à Giotto. Il a voulu y résumer philosophiquement toute
la vie et toutes les inventions humaines.» (suite)
L'héritage
de Giotto
«Giotto mourut à
Florence et fut enseveli avec pompe dans la cathédrale dont il
avait été l'architecte. De sa femme, Ciuta di Lapo di
Pela, il avait eu huit enfants, dont l'aîné, Francesco,
fut inscrit en 1311 dans la compagnie des peintres de Florence. D'après
le témoignage des anciens auteurs, le grand artiste fut d'humeur
joyeuse, vrai fils de Florence, volontiers enclin aux paroles un peu
libres, aux réparties bouffonnes. Sa laideur était célèbre,
et il la raillait tout le premier. Cet esprit si clair et sensé
n'allait pas naturellement aux rêves mystiques. Il nous reste
même de lui un poème sur la pauvreté, de très
petite inspiration d'ailleurs, qui plaisante l'épouse de saint
François, si purement célébrée par Dante.
Aussi bien est-ce à l'amitié de Dante et à la profonde
influence exercée par le génie du poète sur celui
du peintre que l'on peut attribuer une part des plus hautes conceptions
du rénovateur de l'art florentin. L'âme de Dante vit dans
les allégories d'Assise. Génie créateur dans toute
la force du terme, Giotto a inauguré l'ère de la Renaissance
par l'observation sincère de la nature, par la recherche constante
de la vie. Comme les maîtres de cette antiquité qu'il n'a
pu qu'entrevoir, et dont il devina parfois les oeuvres harmonieuses,
il est d'autant plus grand qu'il est plus simple. Il trouve le geste
vrai, qui exprime la passion profonde; il enveloppe ses figures de draperies
d'une ampleur sculpturale. Mais il faut bien dire que ces figures si
expressives, aux profils parfois admirables, sont souvent trop massives
et trop trapues; Giotto sacrifie volontiers l'élégance
pour arriver à la force. Critiques insignifiantes, si l'on songe
à l'uvre énorme laissée par le maître,
et à son influence extraordinaire. Il serait inexact de dire,
comme on l'a fait parfois, qu'il a tiré la peinture italienne
du néant; on apprécie mieux aujourd'hui le travail des
précurseurs du XIIIe siècle; mais de cet art encore froid
et incertain Giotto a fait un être vivant et passionné;
il a créé une tradition nouvelle, qui, pendant près
de deux siècles, a pénétré toute l'Italie.
La postérité de Giotto est immense; toutes les écoles
de peinture qui se sont développées dans les centres de
la civilisation italienne relèvent de lui, de Florence à
Venise, en passant par Bologne, Modène, Ferrare, Vérone,
et de Florence à Naples, en passant par l'Ombrie et par Rome.
Énumérer les élèves de Giotto serait en
quelque sorte dresser un catalogue de la peinture italienne jusqu'au
milieu du XVe siècle; Masaccio et Fra Angelico se souviennent
fidèlement de ses fresques; Ghirlandaio et Raphaël ne dédaignent
pas de s'en inspirer. Nul artiste, peut-être, à l'exception
de Raphaël, n'a exercé une royauté plus durable,
et aujourd'hui encore c'est à l'uvre du vieux maître
de Florence qu'il nous faut recourir pour comprendre toute la hauteur
de philosophie mystique et toute lardeur de vie du moyen âge
italien.»
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