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Emile Zola

Autour de Germinal

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Autour de Germinal
6 - La Présence du 2nd Empire dans Germinal

Un peu d'histoire...

En 1848, lors de l'abolition de la monarchie de Juillet, la deuxième République est proclamée; Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon I est élu Premier Président de la République pour quatre ans. Le 2 décembre 1851, Louis Napoléon fait un Coup d'état et fait accepter l'Empire par plébiscite. Louis Napoléon est couronné sous le nom de Napoléon III. Le Petit, comme le surnome Victor Hugo qui a idolâtré son oncle, règnera 18 ans dont 8 ans d'Empire autoritaire avec presse censurée...

Contexte historique de Germinal

L'action dans Germinal commence vers 1865: en plein Empire autoritaire.
En 1865 est fondée l' Internationale (I) en France mais elle est dissoute en 1867, suite à un procès intenté par l' Empire. C'est dès cette époque que se créent les mouvements socialistes et qu'éclatent des grèves. Cependant le second Empire ne réprimera violemment une grève qu'en 1868. C'est sous la 3ème République, époque à laquelle Zola écrit, que les soldats tirent. Il ne faut tout de même pas cacher que si les mineurs et ouvriers n'ont pas bronché avant 1872, c'est parce qu'ils avaient peur d'une répression sévère de la part de l'empereur puis du gouvernement des Versaillais, répressions qu'ils vont tout de même rencontrer sous la III République. Si elle répond ainsi aux grèves, c'est parce que les Républicains ont peur que son statut encore faible ne s'effondre.

Le culte de l'Empire

Comme pour Napoléon Ier, Napoléon III fait entretenir en France le culte de sa famille, chose présente dans Germinal d' Emile Zola. A notre grand étonnement d'ailleurs, on voit la population accepter ce joug, elle qui pourtant supporte la poigne de l'Empire.
C'est ainsi que l'on voit les Maheu entretenir ce culte, sans pourtant se rendre compte de la portée de leur acte. Ainsi, on trouve comme décoration, collés aux murs couleur vert pomme, "les portraits de L'Empereur et de L'Impératrice", dénoncés par Zola comme des enluminures violentes données par la compagnie, (I.2). C'est d'ailleurs la seule chose qui est donnée par la compagnie aux mineurs avec le charbon (puisque l'on paye un loyer pour les maisons). On voit donc ces gens, les Maheu, qui ne savent même pas qui sont ces gens, d'une ignorance politique complète (et on verra leur immaturité politique plus loin lors de leur défilé en horde vers les mines) afficher ces portraits au milieu des Saints, et de soldats. Cependant c'est la compagnie qui a offert ces portraits, celle-ci est tenue de ne pas laisser s'égarer ses moutons comme disait Louis XVIII: c'est la poigne de l'Empire, qui croit que son autorité sur le peuple tient de son culte, mais ceci en fera un peuple déçu, comme l'est le peuple d'un Dieu...

A noter la particularité de cette femme et de cet homme que sont l'Empereur et de l'Impératrice, pourtant peu présents dans l'oeuvre et seulement en image : ce sont les seuls êtres humains "humanisés", c'est à dire à caractère humain, de chaleur humaine, en opposition à tous ces gens des corons depuis les haveurs jusqu'aux bourgeois que l'on trouve plus ou moins animalisés ou du moins déshumanisés. L'Empereur et l'Impératrice ont la bouche de couleur rouge vermillon, en opposition avec les bouches comme des trous noirs des mineurs. Ils sont dans leur tenue plein de port et d'élégance, ce que ne sont pas les bourgeois corrompus dans leur moeurs. Cependant cela semble être un vernis lorsque Zola parle d'enliminures violentes, bariolées d'or.
Bref, on constante que les mineurs (Maheu) se plaignent de leur situation, mais en aucun cas de leur gouvernement qui pourtant les manipule. Alors que l'on assiste à une crise économique nationale, les mineurs restent bornés à croire leur situation locale et ne se plaindront jamais de l' Empire. Ils cultivent ce culte sans savoir ce qu'ils font, viennent admirer ces personnages qui eux aussi sont mythiques, encore plus éloignés que les "vrais" propriétaires de la mine, des gens que l'on vénère de part leur apparaît et parce qu'on leur a dit de les aimer: c'est la naïveté des mineurs qui les perd.

L'Empire : une nouvelle aristocratie

L'aristocratie est par excellence fondamentalement installée sur trois ordres: une classe dominante spirituelle, une classe dominante matérielle et une classe dominée travailleuse. Ces trois classes sont présentes sous le Second Empire, présentes dans Germinal de Zola.
C'est une bourgeoisie corrompue qui, sur des principes aristocratiques dirigent la mine avec l'aide d'un clergé lui aussi corrompu représentant l'ordre ecclésiastique.
La bourgeoisie est la nouvelle noblesse du régime: elle est maitresse des lieux dans Germinal (cf. Monsieur Grégoire) et reconnait son monarque, favorise son culte (la compagnie offre des portraits de l'Empire et de l'Impératrice), bref, elle réagit comme la noblesse devant le roi.
C'est une bourgeoisie riche, qui possède des terres et ce depuis des lustres, par famille, par héritage: rentiers. Une bourgeoisie inconsciente et capricieuse, sans aucune idée du mal et du bien, du vrai et du faux, sans réflexion (cf. attitude de Cécile et l'histoire de la brioche II.1). Une bourgeoisie aisée et riche à qui il ne manque que la particule ! (cf. description de l'intérieur des Grégoire). C'est aussi une bourgeoisie traître, appuyée par l'Empire, mais précédemment par la monarchie de Juillet : (II.1), il est question du traité du 25 août 1760 qui réunissait trois concessions en une seule. Et l'on voit ce genre de traités, royalement administrés, nuls lors de la Révolution Française en 1789, ces biens constitués en mandats territoriaux (biens de la bourgeoisie différents des domaines nationaux du clergé). C'est la bourgeoisie qui continue la révolution et l'on réorganise ces traités derrière le dos du peuple. Si bien que sous le second Empire, un Empereur, autrefois Président de la République se voit accepter des traités royaux. Bref, le peuple y perd tout. Apparition du capitalisme soutenu par l'Empire : l'Empire bourgeois fondé sur l'aristocratie vivra grâce au capitalisme.
Une bourgeoisie corruptrice (et menteuse) qui s'enfonce dans son vice pour avoir encore plus : cf. Madame Hennebeau (II.3) qui fait visiter le coron à un militaire et à une dame du monde, choisissant les toits les mieux tenus et enjolivant la condition des mineurs avec même des mensonges :"Nous leur donnons du charbon plus qu'ils n'en brûlent. Un médecin les visite deux fois par semaine" (Madame Hennebeau). Une bourgeoise naïve, mais aussi hautaine et dédaigneuse :"Et un jardin. Mais on y vivrait, c'est charmant!" "Une Thébaïde" disent les visiteurs à propos des maisons (II.3).
Dédaigneuse encore et provocatrice quand les bourgeois envoient la bonne "en calèche" acheter à manger: superflu provocateur et irritant, ou insouciance complète des bourgeois? Bourgeoisie ridicule encore avec la réaction des Grégoires face à la Maheude (histoire des enfants, pas l'habitude de donner de l'argent...). Bref, une bourgeoisie qui copie mal la noblesse à cause de certaines maladresses: elle doit cotoyer le peuple, elle ne peut donc réagir comme les nobles. Mais si c'est une bourgeoisie que l'on pourrait nommer "nouvelle noblesse", encouragée par l'Empire, elle ne s'insère pas encore par sa bassesse à la noblesse d'Empire.
Noter aussi la bourgeoisie capricieuse lorsque Monsieur Hennebeau réclame la légion d'honneur: noblesse recherchée. Recherchée aussi avec cette envie de faste démesurée (lors du repas chez les Hennebeau) et d'aventures amoureuses interdites (Madame Hennebeau). Hélas ridicule, attitude à rapprocher du Bourgeois Gentilhomme en farce.
- La religion de l'Empire n'a plus de place dans la société définitivement balayée et corrompue. Dans le roman apparaissent deux prêtres ou curés: c'est le second qui donne plus d'intensité à l'image du clergé corrompu. Le premier curé est "plus religieux", mais peut-être trop; c'est ici le côté anticlérical de Zola qui ressort: sous prétexte que la Maheude n'a pas de religion, il ne lui donne pas l'aumône. C'est encore avec la présence de tels hommes, une présence religieuse encore importante sous le second Empire: les curés sont présents même dans les corons afin, à nouveau, de ne pas laisser s'égarer les"moutons" d'une démarche spirituelle: le second Empire cherche l'appui du clergé, comme le font les monarchies, cependant le système écclésiastique n'est plus aussi convaincant depuis que les prêtres sont des fonctionnaires (concordat de Bonaparte en 1801) et ceux-ci s'égarent souvent : ainsi le second prêtre, un engagé politique à idées révolutionnaires, prône l'anéantissement de la bourgeoisie au profit du peuple. Ainsi est la situation du clergé, un clergé engagé. Mais aussi corrompu puisque monsieur Hennebeau, remarquant le second gênant pour ses affaires, le fait renvoyer sur sa demande par l'évêque. Bref, une bourgeoisie qui marche de pair, avec un clergé de fonctionnaires comme marchaient la noblesse et l' église de Rome.

La poigne de l'empire

Tout d'abord, l'Empire est un régime, à l'époque de Germinal , qui censure, et la censure abolit obligatoirement la liberté.
L'exemple parfait est la censure de"La Marseillaise" (V.5). Ce chant est interdit car dénoncé comme chant à caractère révolutionnaire : ce chant n'est-il pourtant pas celui d'hommes libres dans le contexte de la Révolution Française ? La poigne du second Empire, c'est aussi des lois aussi idiotes que nombreuses qui interdisent que les propos qu'elle traitait soient contredits : C'est aussi le cas pour la loi d'airain que cite Souvarine, loi de l'économiste Ricardo, selon laquelle le salaire est fatalement réduit au strict nécessaire permettant à l'ouvrier de subsister et de se reproduire. C'est à dire qu'à partir de là, on ne peut rien réclamer.
Enfin, la poigne de l'Empire c'est la force. Sans l'armée, avec comme force, la seule force spirituelle de l'Eglise corrompue et de la bourgeoisie en mal de noblesse, l'Empire ne serait rien . C'est pourquoi on le voit faire preuve d'autorité en dépèchant des hommes en armes dès que les choses tournent mal ou risquent de menacer le régime. Ce régime, Napoléon III a peur qu'il défaille, c'est pourquoi à la moindre alerte il fait tirer ses hommes.
Et l'on ne peut comparer cette sombre exécution des mineurs dans la fosse qu'à celle du duc d'Enghein (1804) dans les fossés de Vincennes par Napoléon I pour effrayer les royalistes (ici les mineurs).