Emile Zola
Une page damour 1878
Une page damour est un roman dÉmile Zola publié en 1878, le huitième volume de la série Les Rougon-Macquart. Lhistoire ****************************
Note La première est que beaucoup de personnes mont demandé cet arbre. Il doit, en effet, aider les lecteurs à se retrouver parmi les membres assez nombreux de la famille dont je me suis fait lhistorien. La seconde raison est plus compliquée. Je regrette de navoir pas publié larbre dans le premier volume de la série, pour montrer tout de suite lensemble de mon plan. Si je tardais encore, on finirait par maccuser de lavoir fabriqué après coup. Il est grand temps détablir quil a été dressé tel quil est en 1868, avant que jeusse écrit une seule ligne ; et cela ressort clairement de la lecture du premier épisode, La Fortune des Rougon, où je ne pouvais poser les origines de la famille sans arrêter avant tout la filiation et les âges. La difficulté était dautant plus grande que je mettais face à face quatre générations, et que mes personnages sagitaient dans une période de dix-huit années seulement. La publication de ce document sera ma réponse à ceux qui mont accusé de courir après lactualité et le scandale. Depuis 1868, je remplis le cadre que je me suis imposé, larbre généalogique en marque pour moi les grandes lignes, sans me permettre daller ni à droite ni à gauche. Je dois le suivre strictement, il est en même temps ma force et mon régulateur. Les conclusions sont toutes prêtes. Voilà ce que jai voulu et voilà ce que jaccomplis. Il me reste à déclarer que les circonstances seules mont fait publier larbre avec Une page damour, cette uvre intime et de demi-teinte. Il devait seulement être joint au dernier volume. Huit ont paru, douze sont encore sur le chantier ; cest pourquoi la patience ma manqué. Plus tard, je le reporterai en tête de ce dernier volume, où il fera corps avec laction. Dans ma pensée, il est le résultat des observations de Pascal Rougon, un médecin, membre de la famille, qui conduira le roman final, conclusion scientifique de tout louvrage. Le docteur Pascal léclairera alors de ses analyses de savant, le complétera par des renseignements précis que jai dû enlever, pour ne pas déflorer les épisodes futurs. Le rôle naturel et social de chaque membre sera définitivement réglé, et les commentaires enlèveront aux mots techniques ce quils ont de barbare. Dailleurs, les lecteurs peuvent déjà faire une bonne partie de ce travail. Sans indiquer ici tous les livres de physiologie que jai consultés, je citerai seulement louvrage du docteur Lucas : LHérédité naturelle, où les curieux pourront aller chercher des explications sur le système physiologique qui ma servi à établir larbre généalogique des Rougon-Macquart. Aujourdhui, jai simplement le désir de prouver que les romans, publiés par moi depuis bientôt neuf ans, dépendent dun vaste ensemble, dont le plan a été arrêté dun coup et à lavance, et que lon doit par conséquent, tout en jugeant chaque roman à part, tenir compte de la place harmonique quil occupe dans cet ensemble. On se prononcera des lors sur mon uvre plus justement et plus largement. Émile Zola. Paris, 2 avril 1878 |
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"Une page d'amour,
écrite entre l'Assommoir et Nana, a dû être, dans ma
pensée, une opposition, une halte de tendresse et de douceur. J'avais,
depuis longtemps, le désir d'étudier, dans une nature de
femme honnête, un coup de passion, un amour qui naît et qui
passe, imprévu, sans laisser de trace. Le titre veut dire cela
: une page dans une uvre, une journée dans une vie. Le drame
m'a été donné par l'invention de l'enfant, qui meurt
de l'amour de la mère. Quant au milieu, à cette hauteur
de Passy où j'ai placé la maison, il a été
certainement choisi par les cinq descriptions qui terminent les cinq parties.
Encore une vieille idée de ma jeunesse, Paris témoin d'un
drame, Paris, pareil au chur antique, assistant aux joies et aux
douleurs d'une action, à toutes les heures, par tous les temps."
LETTRE AUX EDITEURS Chers Messieurs, Vous faites à Une page d'amour l'honneur de la publier dans votre belle "Bibliothèque artistique moderne", et vous me demandez une préface pour cette nouvelle édition. Je voudrais vous témoigner ma gratitude en vous satisfaisant ; mais le pis est que je n'ai absolument rien à dire sur ce roman, qui ne compte plus pour moi : toute uvre donnée au public est une uvre aux autres. Cependant puisque l'occasion s'en présente, je veux risquer une défense. Est-ce bien une défense, d'ailleurs ? ce sera plutôt une explication. Ce qu'on a surtout reproché à Une page d'amour, ce sont les cinq descriptions de Paris qui reviennent et terminent les cinq parties, symétriquement. On n'a vu là qu'un caprice d'artiste d'une répétition fatigante, qu'une difficulté vaincue pour montrer la dextérité de la main. J'ai pu me tromper, et je me suis trompé certainement, puisque personne n'a compris ; mais la vérité est que j'ai eu toutes sortes de belles intentions, lorsque je me suis entêté à ces cinq tableaux du même décor, vu à des heures et dans des saisons différentes. Voici l'histoire. Aux jours misérables de ma jeunesse, j'ai habité des greniers de faubourg, d'où l'on découvrait Paris entier. Ce grand Paris, immobile et indifférent, qui était toujours là, dans le cadre de ma fenêtre, me semblait comme le confident tragique de mes joies et de mes tristesses ; j'ai eu faim et j'ai pleuré devant lui ; et devant lui, j'ai aimé, j'ai eu mes plus grands bonheurs. Eh bien ! dès ma vingtième année, j'avais rêvé d'écrire un roman dont Paris, avec l'océan de ses toitures serait un personnage, quelque chose comme le chur antique. Il me fallait un drame intime, trois ou quatre créatures dans une petite chambre, puis l'immense ville à l'horizon, toujours présente, regardant avec ses yeux de pierre rire et pleurer ces créatures. C'est cette vieille idée que j'ai tentée de réaliser dans Une page d'amour. Je ne défens donc pas mes cinq descriptions : je tiens uniquement à faire remarquer que, dans ce qu'on nomme notre fureur de description, nous ne cédons presque jamais au seul besoin de décrire ; cela se complique toujours en nous d'intentions symphoniques et humaines. La création entière nous appartient, nous tâchons de la faire entrer dans nos uvres, nous rêvons l'arche immense (...).
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