Le marquis De Sade
1740 - 1814
Attrapez-moi Toujours de même
Ne
te contiens donc point, nargue tes lois, tes conventions sociales et tes
[Marquis
de Sade]
ATTRAPEZ-MOI TOUJOURS DE MÊME
Il y a peu d'êtres dans le monde aussi libertins que le cardinal de ...
dont, attendu l'existence saine et vigoureuse encore, vous me permettrez de taire
le nom. L'éminence a un arrangement fait à Rome avec une de ces
femmes dont le métier officieux est de fournir les débauchés
d'objets nécessaires à l'aliment de leurs passions ; chaque matin
elle lui amène une petite fille de treize à quatorze ans au plus,
mais dont monseigneur ne jouit que de cette manière incongrue dont les
Italiens font communément leurs délices, moyennant quoi la vestale,
sortant des mains de Sa Grandeur aussi vierge à peu près qu'elle
y est entrée, peut être revendue comme neuve une seconde fois à
quelque libertin plus décent. La matrone parfaitement au fait des maximes
du cardinal, ne trouvant pas un jour sous sa main l'objet journalier qu'elle était
engagée de fournir, imagina de faire habiller en fille un très joli
petit enfant de chur de l'église du chef des apôtres ; on lui
avait arrangé des cheveux, un bonnet, des jupons, et tout l'attirail illusoire
qui devait en imposer au saint homme de Dieu. On n'avait pourtant pas pu lui prêter
ce qui réellement eût dû lui assurer une ressemblance totale
avec le sexe qu'il contrefaisait ; mais cette circonstance embarrassait fort peu
l'appareilleuse... Il n'y mit la main de ses jours, disait-elle à celle
de ses compagnes qui l'aidait à la supercherie, il ne visitera très
assurément que ce qui assimile cet enfant à toutes les filles de
l'univers ; ainsi nous n'avons rien à craindre... |