On
le sait, l'imagination des auteurs de la Renaissance et du siècle
classique s'est particulièrement attachée à l'antiquité
grecque et romaine. C'est en s'appuyant sur le prestige du latin que
du Bellay a défendu la langue française et c'est chez
Euripide, Eschyle ou Sophocle que les tragédiens du Grand Siècle
puisaient leurs sujets.
Au début du 19e siècle,
les références changent. Désormais, les références
à l'antiquité apparaissent désincarnées,
trop codifiées pour rejoindre les nouvelles générations.
Au contraire, il s'agit de montrer des passions aussi ardentes que possible,
d'autant plus que la réalité sociale, surtout après
l'aventure napoléonienne, ne permet plus de les vivre.
Aussi, les romantiques aiment-ils
plonger leurs personnages dans les époques passées où
les passions étaient les plus vives. À ce titre la Renaissance
italienne, telle qu'on la trouve décrite dans le Lorenzaccio
de Musset ou les Cenci de Stendhal, illustre bien la logique romantique:
des débauches, des meurtres désespérés,
des incestes crapuleux, tout cela dans un décor qui esthétise
la violence.
Cependant, c'est sans doute
le Moyen Âge qui a le mieux inspiré les romantiques. Un
Moyen Âge de fantaisie la plupart du temps, où les joutes
et les tournois, les princesses et leurs chevaliers, forment un monde
évidemment peu respectueux de la réalité historique.
Parfois, cependant, comme chez Aloysius Bertrand, l'intérêt
pour le Moyen Âge s'appuie sur une connaissance véritable
des chroniques du temps. N'oublions d'ailleurs pas, à ce propos,
que l'un des historiens les plus prestigieux du 19e siècle, Michelet,
est considéré comme un romantique.
Par ailleurs, il n'est pas
artificiel de tracer une analogie entre ce goût pour l'histoire,
fréquent chez les romantiques, et la nostalgie que plusieurs
d'entre eux - nommons Lamartine, Nerval et, même s'il se situe
au-delà du mouvement, Baudelaire - ont éprouvé
pour leur enfance. Cela rappelle qu'il est dans la nature du romantisme
de magnifier ce qui ne peut revenir, de chérir ce qui est désormais
inaccessible, quitte même - comme dans Fantasie de Nerval - à
faire remonter le paradis perdu à une autre vie, plus ancienne
que celle-ci.

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