Pour
Mallarmé,
la poésie est une religion et le poète, son prêtre.
Loin au-dessus des contingences de la vie ordinaire, tout comme Baudelaire
qui cherchait l'Idéal dans l'élévation le portant
au-delà des miasmes morbides,
Mallarmé
a voulu créer une langue sacrée, inaccessible au commun
des mortels, et qui ne dirait que l'Essentiel.
Les mots ont été
salis par les usages quotidiens qui en ont été faits,
et Mallarmé comptait leur redonner la pureté de leur origine.
En défaisant la syntaxe de la phrase française (À
la nue), en jouant sur des sonorités rares, étranges (Ses
purs ongles...) ou savamment balancées (les i dans Le vierge,
le vivace et le bel aujourd'hui...), en uvrant sur les blancs
typographiques (Un coup de dés...), le poète, par l'hermétisme,
a créé un art à portée mystique, religieuse.
Dès lors, l'expérience poétique acquiert
une exigence de plus en plus haute, de plus en plus ardue aussi. Pour
le poète d'abord, qui doit se montrer digne de sa vocation :
ainsi, chez Mallarmé, l'angoisse de la feuille blanche, c'est
d'abord la crainte de la salir par une inspiration trop banale, incapable
d'atteindre l'Azur. Poésie d'exigence pour le lecteur aussi,
toujours sur le point de comprendre l'Idée, presque capable de
remonter à la source où la pensée a jailli, mais
qui, en définitive, perd pied encore et encore.

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