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Guy De Maupassant
«
Et, dans la suite des temps, ceux qui ne le connaîtront que par
ses uvres l'aimeront pour l'éternel chant d'amour qu'il a chanté
à la vie »
Émile Zola
<Le
talent provient de l'originalité, qui est une manière
spéciale de penser, de voir, de comprendre et de juger.>
[Guy de Maupassant]
Poésie
La mer
LA MER Marseille
palpite sous le gai soleil d'un jour d'été. Elle semble
rire, avec ses grands cafés pavoisés, ses chevaux coiffés
d'un chapeau de paille comme pour une mascarade, ses gens affairés
et bruyants. Elle semble grise avec son accent qui chante par les
rues, son accent que tout le monde fait sonner comme par défi.
Ailleurs un Marseillais amuse, et parait une sorte d'étranger,
écorchant le français; à Marseille, tous les
Marseillais réunis donne à l'accent une exagération
qui prend les allures d'une farce. Tout le monde parler comme ça,
c'est trop, troun de l'air! Marseille au soleil transpire, comme une
belle fille qui manquerait de soins, car elle sent l'ail, la gueuse,
et mille choses encore. Elle sent les innombrables nourritures que
grignotent les nègres, les Turcs, les Grecs, les Italiens,
les Maltais, les Espagnols, les Anglais, les Corses, et les Marseillais
aussi, pécaïre, couchés, assis, roulés,
vautrés sur les quais. Dans le bassin de la Joliette, les lourds
paquebots, le nez tourné vers l'entrée du port, chauffent,
couverts d'hommes qui les emplissent de paquets et de marchandises.
L'un d'eux, l'Abd-el-Kader, se met tout à coup à pousser
des mugissements, car le sifflet n'existe plus; il est remplacé
par une sorte de cri de bête, une voix formidable qui sort du
ventre fumant du monstre. |