A
CAROLINE COMMANVILLE
Sartrouville,
38 quai de Seine.
Seine-et-Oise [1880.]
Chère
Madame et amie,
J'ai été très longtemps sans vous écrire
parce que je voulais vous envoyer avec ma lettre ces photographies
de Flaubert. Je ne le puis faire encore, malheureusement. Les premières
épreuves ont été très mauvaises et j'ai
été obligé de les faire tirer alors sur papier
spécial pour prier un peintre de les retoucher. M de Liphart
a eu la complaisance de se mettre à ma disposition mais le
résultat est encore très insuffisant et j'attends une
troisième épreuve, très agrandie, qu'on réduira
quand elle aura été retouchée, Je vous enverrai
cette épreuve dans quelques jours afin que vous le retouchiez
vous-même à la sépia, ou, si vous n'avez point
suffisamment l'habitude de ce travail que vous demandiez à
quelque peintre de vos amis, ayant connu Flaubert, de vouloir bien
se charger de cette courte besogne.
Tourgeneff est revenu depuis quelques jours, mais je ne l'ai pas encore
vu. Je compte aller à Bougival la semaine prochaine. Comme
je suis moi-même à la campagne dans une direction opposée
il me faut passer par Paris pour reprendre ensuite la ligne de St-Germain
; cela n'est pas commode et me prend toute ma journée : voilà
comment je n'ai point encore eu d'entrevue avec lui.
Je suis heureux, chère Madame et amie, que les uvres
du pauvre, grand ami vous soient restées ; comme cela du moins
toute préoccupation disparaît sur la manière dont
paraîtra son dernier livre que certaines feuilles à réclame
auraient absolument déshonoré.
Je vais publier dans quelques jours, au Gaulois, trois ou quatre études
sur Flaubert1. Je vous les enverrai.
A bientôt, Madame et chère amie, croyez à mon
affection profonde et respectueuse, et présentez, je vous prie,
mes meilleurs compliments à votre mari.
GUY
DE MAUPASSANT
Je
rouvre ma lettre pour vous envoyer celle de mon confrère Christophe
à laquelle je ne puis répondre qu'imparfaitement ; pourriez-vous,
pour moi-même, me donner les détails qu'il demande.
1
Maupassant a publié dans Le Gaulois du 23 août 1880 une
chronique consacrée à Flaubert, intitulée : Souvenirs
d'un An ; puis, dans le même journal, le 6 septembre 1880, Gustave
Flaubert d'après ses lettres.