47 - Pluie
Glasglatcha : son de la
pluie dans
la pluie ; en anglais, spalsh.
Dictionnaire arabe.
Ce nuage est bien noir : sur le ciel
il se roule,
Comme sur les galets de la côte une houle.
Louragan léperonne, il savance à grands
pas.
À le voir ainsi fait, on dirait, nest-ce pas ?
Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
Qui court et fait voler les sables de la dune.
Je crois quil va pleuvoir : la bise ouvre ses flancs,
Et par la déchirure il sort des éclairs blancs.
Rentrons. Au bord des toits la frêle girouette
Dune minute à lautre en grinçant pirouette
;
Le martinet, sentant lorage, près du sol,
Afin de léviter, rabat son léger vol ;
Des arbres du jardin les cimes tremblent toutes.
La pluie ! Oh ! voyez donc comme les larges gouttes
Glissent de feuille en feuille et passent à travers
La tonnelle fleurie et les frais arceaux verts !
Des marches du perron en longues cascatelles,
Voyez comme leau tombe, et de blanches dentelles
Borde les frontons gris ! Dans les chemins sablés,
Les ruisseaux en torrents subitement gonflés
Avec leurs flots boueux mêlés de coquillages
Entraînent sans pitié les fleurs et les feuillages.
Tout est perdu : jasmins aux pétales nacrés,
Belles-de-nuit fuyant lastre aux rayons dorés,
Volubilis chargés de cloches et de vrilles,
Roses de tous pays et de toutes familles,
Douces filles de Juin, frais et riant trésor !
La mouche que lorage arrête en son essor,
Le faucheux aux longs pieds et la fourmi se noient
Dans cet autre océan dont les vagues tournoient.
Que faire de soi-même et du temps, quand il pleut
Comme pour un nouveau déluge, et quon ne peut
Aller voir ses amis, et quil faut quon demeure ?
Les uns prennent un livre en main afin que lheure
Hâte son pas boiteux et dans léternité
Plonge sans peser trop sur leur oisiveté ;
Les autres gravement font de la politique,
Sur louvrage du jour exercent leur critique ;
Ceux-ci causent entre eux de chiens et de chevaux,
De femmes à la mode et dopéras nouveaux ;
Ceux-là du coin de loeil se mirent dans la glace,
Débitent des fadeurs, des bons mots à la glace,
Ou, du binocle armés, regardent un tableau :
Moi, jécoute le son de leau tombant dans leau.
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