40 - Imitation de
Byron
Il est doux de raser en gondole la vague
Des lagunes, le soir, au bord de lhorizon
Quand la lune élargit son disque pâle et vague,
Et que du marinier lécho dit la chanson?;
II est doux dobserver létoile
qui rayonne,
Paillette dor cousue au dais du firmament,
Létoile quune blanche auréole environne,
Et qui dans le ciel clair savance lentement?;
II est doux sur la brume un instant colorée
De voir, parmi la pluie, aux lueurs du soleil,
Liris arrondissant son arche diaprée,
Présage heureux dun jour plus pur et plus vermeil?;
II est doux, par les prés où
labeille butine,
Derrer seul et pensif, et, sous les saules verts
Nonchalamment couché près dune onde argentine,
De lire tour à tour des romans et des vers?;
II est doux, quand on suit une route inégale
Dans lété, vers midi, chargé dun lourd
fardeau,
Et quon entend chanter près de soi la cigale,
De trouver un peu dombre avec un filet deau?;
Il est doux, en hiver, lorsque la froide pluie
Bat la vitre, davoir, auprès dun feu flambant,
Un immense fauteuil gothique, où lon appuie
Sa tête paresseuse en arrière tombant?;
II est doux de revoir avec ses tours minées
Par le temps, ses clochers et ses blanches maisons,
Ses toits rouges et bleus, ses hautes cheminées,
La ville où lon passa ses premières saisons?;
II est doux pour le cur de lexilé
malade,
Par le regret cuisant et la douleur usé,
Dentendre le refrain de la vieille ballade
Dont sa mère au berceau la jadis amusé?:
Mais il est bien plus doux, éperdu,
plein divresse,
Sous un berceau de fleurs, dentourer de ses bras
Pour la première fois sa première maîtresse,
Jeune fille aux yeux bruns qui tremble et ne veut pas.
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