26 - Veillée
Je lis les faits joyeux
du bon Pantagruel,
Je sais presque par cur lhistoire véritable
Des quatre fils Aymon et de Robert-le-Diable.
GRANDVAL., Le Vice puni.
Lorsque le lambris craque, ébranlé sourdement,
Que de la cheminée il jaillit par moment
Des sons surnaturels, quavec un bruit étrange
Pétillent les tisons entourés dune frange
Dun feu blafard et pâle, et que des vieux portraits
De bizarres lueurs font grimacer les traits,
Seul, assis, loin du bruit, du récit des merveilles
Dautrefois aimez-vous bercer vos longues veilles ?
Cest mon plaisir à moi : si, dans un vieux château,
Jai trouvé par hasard quelque lourd in-quarto,
Sur les rayons poudreux dune armoire gothique
Dès longtemps oublié, mais dont la marge antique,
Couverte dornements, de fantastiques fleurs,
Brille, comme un vitrail, des plus vives couleurs,
Je ne puis le quitter. Lais, virelais, ballades,
Légendes de béats guérissant les malades,
Les possédés du diable et les pauvres lépreux,
Par un signe de croix ; chroniques danciens preux,
Mes yeux dévorent tout ; cest en vain que lhorloge
Tinte par douze fois, que le hibou déloge
En glapissant, blessé des rayons du flambeau
Qui méclaire ; je lis : sur la table à tombeau,
Le long du chandelier, cependant la bougie
En larges nappes coule, et la vitre rougie
Laisse voir dans le ciel, au bord de lorient,
Le soleil qui se lève avec un front riant.
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