La Comédie
de la Mort
La Bonne Journée
Ce jour, je lai passé ployé sur mon pupitre,
Sans jeter une fois lil à travers la vitre.
Par Apollo ! cent vers ! je devrais être las ;
On le serait à moins ; mais je ne le suis pas.
Je ne sais quelle joie intime et souveraine
Me fait le regard vif et la face sereine ;
Comme après la rosée une petite fleur,
Mon front se lève en haut avec moins de pâleur ;
Un sourire dorgueil sur mes lèvres rayonne,
Et mon souffle pressé plus fortement résonne.
Jai rempli mon devoir comme un brave ouvrier.
Rien ne ma pu distraire ; en vain mon lévrier,
Entre mes deux genoux posant sa longue tête,
Semblait me dire : « En chasse ! » en vain dun air
de fête
Le ciel tout bleu dardait, par le coin du carreau,
Un filet de soleil jusque sur mon bureau ;
Près de ma pipe, en vain, ma joyeuse bouteille
Métalait son gros ventre et souriait vermeille ;
En vain ma bien-aimée, avec son beau sein nu,
Se penchait en riant de son rire ingénu,
Sur mon fauteuil gothique, et dans ma chevelure
Répandait les parfums de son haleine pure.
Sourd comme saint Antoine à la tentation,
Jai poursuivi mon uvre avec religion,
Luvre de mon amour qui, mort, me fera vivre ;
Et ma journée ajoute un feuillet à mon livre.
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