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Alain
Fournier
1886 - 1914
Le Grand Meaulnes
-(1)
TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER. La baignade.
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Le Grand Meaulnes. TROISIÈME PARTIE CHAPITRE
III. Une apparition. descendu de bicyclette,
les deux mains sur mon guidon, je regardais le pays où j'allais
porter une si grave Alors la crainte et
je ne sais quel obscur regret de venir troubler tant de paix commencèrent
à m'enlever C'était une
de mes gran'tantes. Tous ses enfants étaient morts et j'avais
bien connu Ernest, le dernier de Avec tant de regrets
et de deuil, elle était la bizarrerie et la bonne humeur mêmes.
Lorsque j'eus "Eh là! Mon Dieu!" Elle renversa son
café dans le feu - à cette heure-là comment pouvait-elle
faire du café? - et elle apparut... Mais tandis que je
l'embrassais, elle me prit maladroitement, hâtivement, une main
que j'avais derrière le "Va donc! Ah! je sais bien ce que c'est!" Elle avait toujours été pauvre, toujours empruntant, toujours dépensant. "J'ai toujours été bête et toujours malheureuse", disait-elle sans amertume mais de sa voix de fausset. Persuadée que
les sous me préoccupaient comme elle, la brave femme n'attendait
pas que j'eusse soufflé Le dîner fut
aussi étrange - à la fois triste et bizarre - que l'avait
été la réception. Toujours une bougie à "Celui-là,
disait-elle, les Prussiens lui ont cassé les anses, en soixante-dix,
parce qu'ils ne pouvaient pas Je me rappelai seulement
alors, en revoyant ce grand vase à la tragique histoire, que
nous avions dîné et < page
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