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Alfred de Musset
( 1810 - 1857 )
Biographie
Louis-Charles-Alfred de Musset. Poète français, né à Paris le 11 décembre 1810, au no 33 de la rue des Noyers, mort à Paris le 2 mai 1857. Vie et uvre
Musset détait bien débarrassé de la forme romantique, mais il avait, comme toute sa génération, ressenti trop profondément linfluence des théories du cénacle pour nen pas garder la marque indélébile. Et cest ainsi quil restera romantique jusquà son dernier jour, par son impuissance à sortir de lui-même et à sintéresser à ce qui nest pas lui ; et cest ainsi quil va étrangement souffrir pour sêtre attaché à réaliser sur la matière vivante et vibrante les fausses et dangereuses abstractions de lamour romantique. En 1833, il recontra George Sand. Cette femme bizarre, aux grands yeux noirs si beaux, lattira violemment. Ils saimèrent, avec des emportements furieux ; ils connurent toutes les joies et toutes les misères dune passion impossible. Pour quun amour soit heureux et durable, il faut quil y ait entre ceux qui saiment quelque inégalité. Et lon conçoit très bien ce que put être lamour de cette femme de génie et de cet homme de génie, et qui étaient, tous deux, littérateurs, habitués à analyser leurs sentiments et leurs sensations, avec larrière-pensée instinctive de les traduire en prose ou en vers, de plus, emportés par lidée de se tenir toujours en dehors de la nature, comme les héros de leur imagination. Ce fut une atroce torture. Les deux amants partirent pour lItalie. Musset fut atteint dune fièvre cérébrale grave. Le dévouement de George Sand, les soins dun jeune médecin, Pagello, le sauvèrent. Mais George Sand séprit de Pagello. Musset revint à Paris, où bientôt George Sand amenait son médecin. Tous trois étaient fiers dêtre liés « de nuds sublimes et imcompréhensibles aux autres » ! Des crises affreuses bouleversèrent leur vie jusquà la rupture définitive (7 mars 1835). Musset sortit profondément transformé de cette rude épreuve. Au début de sa liaison, il avait écrit, encore dans sa première manière, Rolla (1833), où la fausse rhétorique alterne avec des amertumes à la Byron et qui ne laisse pas de produire, par instants, de grands effets. De 1835 à 1837, il donne Les Nuits, la Lettre à Lamartine, les plus belles pages lyriques qui existent dans notre langue. Lui-même a bien marqué la transition :
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. Le 12 février 1852 il avait été élu membre de lAcadémie française, en remplacement de Dupaty. Il avait accepté, du gouvernement de Juillet, la sinécure de bibliothécaire du ministère de lInstruction publique, dont Rollin le priva en 1848 et qui lui rendue par Fortoul. Nous avons passé en revue les principales uvres poétiques de Musset. Restent les uvres en prose. Ce sont: la Confession dun enfant du siècle, des Contes et Nouvelles, des mélanges et son théâtre. La Confession dun enfant du siècle (1836) est, comme on sait, lhistoire souvent poignante comme on sait, lhistoire souvent poignante des amours du poète et de George Sand. Elle renferme de jolies descriptions, des pages superbes : elle est gâtée par de lourdes et interminables déclamations. Telle quelle, elle est un précieux recueil de « renseignements sur la pathologie de lamour ». Les Contes et les Nouvelles sont de charmants récits damour, sans prétention, élégamment écrits, dont Le Merle blanc (1842) peut donner une idée achevée. Musset avait débuté en 1830 (14 décembre) à lOdéon par une bluette, La Nuit vénitienne, qui, représentée au fort de la bataille des classiques et des romantiques, fut outrageusement sifflée. Cet insuccès dégoûta le poète de la scène. Mais il composa pourtant des comédies quil inséra dans la Revue des Deux Mondes (de 1833 à 1850) et quil réunit pour la plupart en volume en 1840. Ce théâtre était tout à fait inconnu ou du moins oublié, lorsquen 1847 Mme Allan-Despréaux, qui avait joué à Saint-Pétersbourg, avec le plus grand succès, Un Caprice, le fit admettre à la Comédie-Française. Ce fut une révélation. « Depuis Marivaux, écrivait Théophile Gautier, il ne sest rien produit à la Comédie-Française de si fin, de si délicat, de si doucement enjoué que ce chef-duvre mignon enfoui dans les pages dune revue et que les Russes de Saint-Pétersbourg, cette neigeuse Athènes, ont été obligés de découvrir pour nous le faire accepter. » Les autres pièces passèrent tour à tour : Il faut quune porte soit ouverte ou fermée, Il ne faut jurer de rien, Le Chandelier, André del Sarto en 1848, Les Caprices de Marianne en 1851, On ne badine pas avec lamour en 1861, Fantasio en 1866, Barberine en 1882, Lorenzaccio en 1896, etc. Le théâtre de Musset, dont M. Brunetière a dit « quil est tout entier un hymne à lamour, et à lamour conçu comme la seule raison quil y ait dêtre au monde et de vivre », fit plus pour la gloire de lauteur que toutes ses poésies. Il nétait connu que de quelques cercles assez fermés, il fut célèbre du jour au lendemain. On lut enfin ses vers qui enthousiasmèrent la jeunesse et firent les délices de toute une génération. Chose singulière, Sainte-Beuve fut à peu près seul à sen fâcher et écrivit assez rudement: « Cest dun monde fabuleux ou vu à travers une goguette et dans une pointe de vin. Alfred de Musset est le caprice dun époque blasée et libertine. » Rien ny fit, et la renommée de Musset fut consacrée dans toute lEurope, notamment en Angleterre, en Allemagne et en Italie. Aujourdhui [i.e. à la fin du 19e siècle], au moment où les grands romantiques, Chateaubriand, Lamartine, Alfred de Vigny, revivent avec un nouvel éclat et retrouvent ladmiration qui avait salué leurs débuts, A. de Musset est demeuré dans lombre. Sans doute il y eut dans son succès bien des éléments suspects et malsains et lon peut se demander, avec Sainte-Beuve, si les jeunes gens et les femmes nont pas surtout admiré chez lui ce quil y a de moins admirable : son affectation de dandysme, la crudité de certains tableaux, la morbidité de certains sentiments. Mais il y a dautres raisons à ce succès : cette illustre victime a toujours été sincère dans ses plus grands écarts. « On ne la pas admiré, dit Taine, on la aimé ; cétait plus quun poète, cétait un homme. Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes ; il sabandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité. Et il avait le plus précieux des dons qui puissent séduire une civilisation vieillie, la jeunesse. » Et comme, après tout, il ny a pas dans notre langue de plus passionnés, de plus poignants, de plus beaux poèmes damour que Les Nuits et la Lettre à Lamartine, on ne saurait concevoir aucun doute sur lavenir qui leur est réservé. Musset, le « poète de lamour », ne passera pas. Les uvres de Musset ont eu de très nombreuses éditions. Les meilleures éditions collectives [à la fin du 19e siècle] sont celles des uvres complètes (Paris, 1865 et suiv., 10 volumes gr. in-8 et Paris, 1886 et suiv., in-4). M. S. Rocheblave a publié les Lettres dAlfred de Musset et de George Sand (Paris, 1897, in-12). On a de Musset un beau médaillon, uvre de David dAngers, et un portrait au pastel de Charles Landelle, qui est fort médiocre |