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Son Exil en Suisse

L'exil en Suisse (1873-1877)

Après quelques semaines passées dans le Jura (Le Locle, La Chaux-de-Fonds), à Neuchâtel, à Genève et dans le Valais, Courbet se rend compte que c'est sur la Riviera lémanique, grâce aux nombreux étrangers qui y séjournent, qu'il aura le plus de chance de nouer des contacts et de trouver d'éventuels débouchés pour sa peinture. Il loge brièvement à Veytaux (Château de Chillon), Clarens et Montreux, puis jette son dévolu sur la petite bourgade de La Tour-de-Peilz (au bord du lac Léman) et s'installe dans une maison au bord du lac du nom de Bon-Port. Ce sera le port d'attache des dernières années de sa vie. De là, il circule beaucoup et les rapports que des espions (infiltrés jusque parmi la colonie des proscrits de la Commune de Paris) envoient à la police française nous renseignent sur ses nombreux contacts et ses innombrables déplacements (Genève, Fribourg, la Gruyère, Interlaken, Lucerne, Martigny, Loèche-les-Bains, La Chaux-de-Fonds, etc.).

Courbet n'est ni malade, ni alcoolique, ni improductif durant les premières années de son exil. Il écrit à sa sœur en 1876:

« Ma chère Juliette, je me porte parfaitement bien, jamais de ma vie je ne me suis porté ainsi, malgré que les journaux réactionnaires disent que je suis assisté de cinq médecins, que je suis hydropique, que je reviens à la religion, que je fais mon testament, etc... Tout cela sont les derniers vestiges du napoléonisme, c'est le Figaro et les journaux cléricaux. »

Il peint, sculpte, expose et vend ses œuvres; il organise sa défense face aux attaques du gouvernement de l'"Ordre moral" et veut obtenir justice auprès des députés français; il participe à de nombreuses manifestations (fêtes de gymnastique, de tir et de chant); il est accueilli dans de nombreux cercles démocratiques confédérés et dans les réunions de proscrits. Comme par le passé, il organise sa propre publicité et entretient des rapports sociaux tant dans les cafés qu'avec les représentants de l'etablissement du pays qui l'accueille.

Il reçoit des encouragements de l'étranger: en 1873, invité par l'association des artistes autrichiens, il expose 34 tableaux à Vienne en marge de l'Exposition universelle; le peintre James Whistler le contacte pour exposer des œuvres à Londres; aux États-Unis, il a sa clientèle et il expose régulièrement à Boston depuis 1866. Plusieurs peintres du pays lui rendent fréquemment visite à La Tour et peignent à ses côtés (Auguste Baud-Bovy, François Furet, François Bocion) ou présentent leurs tableaux dans les mêmes expositions (Ferdinand Hodler). Des marchands comme l'ingénieur exilé Paul Pia à Genève proposent régulièrement à la vente des œuvres du peintre franc-comtois. La demande de tableaux était tellement importante depuis 1872 que Courbet ne pouvait suivre et s'était assuré la collaboration d'"aides" qui préparaient ses paysages. Courbet ne faisait aucun mystère de ce mode de production. On sait, en outre, que Courbet n'hésitait pas à signer de temps à autre un tableau peint par l'un ou l'autre de ses collaborateurs[réf. nécessaire].

Il travaille simultanément pour Madame Arnaud de l'Ariège dans son château des Crètes à Clarens et donne des tableaux pour des tombolas de sinistrés et d'exilés; il réfléchit à un projet de drapeau pour le syndicat des typographes à Genève et exécute le portrait d'un avocat lausannois, le député radical Louis Ruchonnet (futur conseiller fédéral); il converse avec Henri Rochefort et Madame Charles Hugo à La Tour-de-Peilz et, quelques jours après, il joue le rôle de porte-drapeau d'une société locale lors d'une fête de gymnastique à Zurich. Son œuvre n'échappe pas non plus à ce continuel va-et-vient entre une trivialité proche du kitsch et un réalisme poétique. Cette production inégale n'est pas limitée à la période d'exil, mais elle s'accentue depuis la menace qui pèse sur le peintre de devoir payer les frais exorbitants de reconstruction de la Colonne, l'entraînant à produire de plus en plus. Cela a incité de nombreux faussaires à profiter de la situation et, déjà du vivant de l'artiste, le marché de l'art a été envahi d'œuvres attribuées à Courbet dont il est difficile d'apprécier l'originalité[réf. nécessaire].

Les circonstances (guerre et exil), les procès, l'étroitesse de l'espace culturel du pays qui accueille le peintre, l'éloignement de Paris sont autant de facteurs qui ne l'incitent guère à réaliser des oeuvres de l'importance de celles des années 1850. Dans ce contexte défavorable, Courbet a la force de peindre des portraits de grande qualité (Régis Courbet père de l'artiste, Petit-Palais, Paris), des paysages largement peints (Léman au coucher du soleil du Musée Jenisch à Vevey et du Musée des Beaux-Arts à Saint-Gall), quelques Château de Chillon (comme celui du Musée Gustave Courbet à Ornans). Il s'attaque en 1877, en prévision de l'Exposition universelle de l'année suivante, à un Grand panorama des Alpes (The Cleveland Museum of Art) resté partiellement inachevé. Il aborde également la sculpture, les deux réalisations de ces années d'exil sont, la Dame à la mouette et Helvétia.

Par solidarité avec ses compatriotes exilés de la Commune de Paris, Courbet refusa toujours de retourner en France avant une amnistie générale. Sa volonté fut respectée et son corps fut inhumé à La Tour-de-Peilz dans les premiers jours de 1878. Dans Le Réveil du 6 janvier, Jules Vallès rend hommage au peintre et à «l'homme de paix»:

Il a eu la vie plus belle que ceux qui sentent, dès la jeunesse et jusqu'à la mort, l'odeur des ministères, le moisi des commandes. Il a traversé les grands courants, il a plongé dans l'océan des foules, il a entendu battre comme des coups de canon le cœur d'un peuple, et il a fini en pleine nature, au milieu des arbres, en respirant les parfums qui avaient enivrés sa jeunesse, sous un ciel que n'a pas terni la vapeur des grands massacres, mais, qui, ce soir peut-être, embrasé par le soleil couchant, s'étendra sur la maison du mort, comme un grand drapeau rouge. »

Tombes de Gustave Courbet
A la Tour de Peiltz en Suisse

la date de naissance ne correspond pas a celle
de son etat civil c’est en fait une erreur du graveur

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