portrait de Paolo Ucello

Giotto di Bondone

1267 / 1337

galerie 16

Ce peintre et architecte toscan de la fin du Moyen Âge, auteur de fresques de la vie de saint François à Assise, sera l'un des précurseurs de la Renaissance

Sa vie son Oeuvre

Revenez un temps en arrière: l'art antique et byzantin

En Europe l'art de la peinture avait été détruit par d' impitoyables barbares. Aucun homme de l'Occident ne pouvait plus voir une scène authentique de la vie quotidienne peinte sur un mur parce qu'aucun artiste ne savait comment les dessiner et comment maîtriser l'art de la fresque.Au contact de la chaux, les couleurs subissaient des altérations difficiles à connaître à l'avance. Cimabue en avait subi les effets en réalisant le transept de l'église Saint François à assisi. Le blanc d'argent utilisé pour peindre les vêtements des saints avait viré au brun foncé au contact de la chaux. après les désastres des invasions, il ne reste plus rien que de lointains souvenirs. Les traditions sont oubliées.

Le monde byzantin perpétue la tradition mais misérablement: c'est le fameux style"grec" de la peinture byzantine écrit Lorenzo Ghiberti dans ses commentarii.

Pour combler ce vide, apparaissent des images fabriquées en grande série par des moines grecs venus chercher refuge en Italie contre les persécutions des iconoclastes; elles s'inspiraient du type importé de Byzance - dépourvu d'une saveur du terroir la réalité de la vie était gommée : Les Madones assises, richement vêtues peintes à-plat, frontales, aux yeux énormes, tenant sur leurs genoux le Christ glorieux , frontal également, aux yeux grands ouverts et bénissant y étaient représentées.La vierge à l'enfant ci-dessous exposée à gauche en est l'illustration. Les artistes, en effet, concentraient toute leur attention sur le personnage négligeant l'entourage, le milieu. Dans cette voie, les idées religieuses de l'époque les soutenaient : la vie n'est qu'un passage, pendant lequel il faut mériter le salut éternel qui seul importait. Cet art qui ne disposait que de deux éléments : la ligne et la couleur, était plus ornemental que réaliste, ignorant les plans étages en profondeur, et plus préoccupé d'harmonie et de balancement de lignes, que d'exactitude et de vérité.

Vierge à l'enfant- ecole florentine-vers 1250- musée Bandine
madone dite Rucellai-attribué à Duccio -1285? Florence
Madona di Agnossanti de Giotto

La tradition seculaire attribuait la madone Rucellaï ci-dessus exposée au centre à Cimabue sur la foi d'une affirmation de Vasari dans son recueil biographique "'vite de Vasari" Les critiques, au moment où les études d'histoire de l'Art prirent de l'ampleur au XIX e siècle, contestèrent avec de plus en plus d'insistance cette attribution traditionnelle. Cette Vierge commandée à Duccio par les chantres de Santa Maria Novella en 1285 avait été vue par Vasari dans une chapelle voisine de celle qui appartenait aux laudesi avant son transfert dans la chapelle Rucellaï. D'où sa méprise. Les partisans de Cimabue durent cèder peu à peu devant les partisans de Duccio. Il reste toutefois encore quelques partisans de Cimabue.

Vers I300 de profonds changements se produisit. Le peintre, désormais maître de la forme humaine, pût commencer à regarder autour de son modèle. Précisément à ce moment, on assista à une transformation de l'univers plus ou moins « un » du Moyen Age, sous l'influence, d'une part, des grands courants franciscains chargés d'admiration et d'amour pour la nature, d'autre part sous l'action de l'humanisme primitif. Le monde extérieur était apprécié pour lui-même, et l'homme sentit qu'il ne pouvait se détacher de ce milieu dont il faisait partie intégrante.

Alors vint Giotto ,un astre brillant, annonciateur de la lumière florentine

Giotto , dès lors va s'efforcer de faire rentrer la nature dans des oeuvres dont elle était exclue depuis des siècles. Il remplaça les fonds d'or qu'ornaient les tableaux de ses prédecesseurs par des collines, des prairies et des chaumières italiennes familières au 14e siècle. Dans ses représentations humaines il peignit en 3 Dimensions les Christs ,les Vierges, les saints et les pécheurs, comme des gens ordinaires investis comme tout un chacun par des émotions naturelles. Sa Madona di Agnossanti ci-dessus exposée à droite est assise de trois quarts, Jésus est représenté comme un nourisson , couché sur le côté contre le bras dont sa mère attendrie l'entoure.

Tout d'un coup, Giotto trouve la solution complète, qui bouleverse toutes les formules et les habitudes de l'époque précédente. Il y a là une modification radicale réalisée en quelques années par ses admirables découvertes, qui apportent une double et capitale nouveauté : la représentation exacte et complète de la Nature, le rendu de la lumière, qui fait ressortir ou baigne d'ombre, au gré de l'artiste, telle ou telle partie de la scène. Ainsi sont créés deux moyens d'expression, merveilleux, et cependant oubliés, dédaignés depuis la fin du monde antique. A ces deux modes nouveaux Giotto portera , dans ses fresques de la basilique d'Assisi, de la Chapelle de Santa Croce de Florence et de celle d' Arena de Padoue, tous ses efforts et son talent sur la composition et sur la mise en évidence des scènes de la vie de Saint François


Les Fresques de la Basilique d'Assisi

La confrontation entre Cimabue et Giotto:Cimabue exécute les fresques de l'Apocalypse- Giotto celles de la vie de St François.

"Credete Cimabue nella pittura, tener lo campo, ed ora ha Giotto il grido, si che la fame di colui è oscura" écrit Dante dans le Purgatoire XI de la Divine comédie. Il ne s'agit pas de prétendre que les chefs-d'oeuvre de Cimabue cèdent en beauté à ceux de Giotto; On lira dans ces vers la reconnaissance et la glorification de la modernité de Giotto notion acquise par le rapport généalogique entre les deux peintres; Cimabue étant son prédecesseur mais aussi son maître. Une vieille tradition fait de Giotto un élève de Cimabue; Lorenzo Ghiberti raconte une anedocte devenue célèbre:

Dans une villa allato à la ville de Florence, lequel chiarnava Vespignano, nacquit un enfant de mirabile talent, lequel ritraeva de naturelle un mouton. Dans sur en passant Cimabue peintre pour la route à Bologne vit l'enfant s'asseyant en terre et dessinait dans sur une plaque un mouton. Prises de tres grande admiration de l'enfant, en étant de petit âge se faire très bien. Domandé´, veggendo avoir Farte de nature, le fanciuÃŽlo corne il avea nom. Il répondit et dit : - Pour nom je son appele Giotto : mon père a nom Bondoni et est dans cette casa qui est suivante - il dit. Cimabue andé ´ avec Giotto au père : il avait tres belle présence : il demanda au père le fanciuHo : le père à était tres pauvre. Concedettegli l'enfant et Cimabue mené seco Giotto et fait disciple de Cimabue.

s'il en est ainsi, le disciple s'est vite dégagé de l'emprise du maître, si vite même, qu'aucune de ses oeuvres connues ne porte la moindre trace d'une pareille influence.

" On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d'une manière si frappante une mouche sur le nez d'une figure commencée par Cimabue que ce maître, en se remettant à son travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s'apercevoir de sa méprise. " vasari

Assisa berceau de la Communauté Franciscaine: deux tendances s'affrontent au lendemain de la mort de Saint François - Cimabue se charge de l'exécution des fresques traitant le thème de l'Apocalypse base de la réflexion de la tendance spirituelle des franciscains "purs "

C'est à Assisa qu'il faut se tourner pour confronter les deux oeuvres. Une scission a éclaté au sein de la communauté franciscaine au lendemain de la mort de Saint François. Deux tendances s'affrontent: Celle des "spirituels" qui veulent maintenir dans toute sa pureté la doctrine primitive sur la Pauvreté " le poverello"; de l'autre les "conventuels", "les modérés", qui sont prêts à des adaptions de ces règles de pauvreté absolue afin de mettre en phase leurs doctrines avec les impératifs souhaités par l'Eglise officielle qui violemment contestait la question de la pauvreté absolue. La tendance spirituelle fait une grande part à la mystique et base sa réflexion sur une interprétation particulière de l'Apocalypse , notamment sur le passage de l'ange qui apparait à Saint Jean portant les stigmates, sceau du Dieu vivant. Elle prétendait que ce passage était un présage annoncé par l'apocalypse ; Il s'ouvrait avec l'apparition de l'Ordre franciscain. L'heure était donc venue d'établir sur la terre le règne du Saint esprit sous la conduite de Saint François et de sa règle de pauvreté absolue. Elle aura une incidence sur l'accomplissement des fresques qui décorent la basilique d'Assisi: La représentation d'un cycle apocalyptique dans la basilique de Saint François. Il ne fait aucun doute des sympathies de Cimabue pour la tendance des "spirituels" C'est lui qui engagera l'exécution des fresques portant sur l'Apocalypse

Interieur de la Basilique d'Assise

Les fresques du cycle de l'Apocalypse par Cimabue

Après un séjour à Rome et avant son retour à Florence Cimabue travaille à Assisi à la décoration du choeur et des transepts de l'église supérieure. Nous sommes en 1282. IL y fait, pour autant que les attributions soit certaines: une passion du Christ et une apocalypse de Saint Jean. Le très mauvais état des fresques de l'Apocalypse ci-dessous illustrées gêne l'appréciation esthétique de l'oeuvre. Toutefois, ce que l'on apperçoit de la crucifixion ci-dessous présentée et de quelques fragments isolés mieux conservés permet de se faire une idée de l'exceptionnelle puissance d'expression de Cimabue.

Fresque de l'apocalypse-Le christ de Cimabue
Fresque de l(Apocalypse de Cimabue
Le crucifix de la fresque de l'apocalypse de Cimabue
Judas de Cimabue
Saint Mathieu de Cimabue
saint Luc de Cimabue

Les fresques du cycle de Saint François par Giotto

Boniface VIII nommé Pape après une intervention musclée contre les patriciens et la masse populaire cherche une doctrine plus apaisante qu'une représentation apocalyptique associée à l'idée franciscaine qui paraitrait aux riches dirigeants de Florence comme flairant l'hérésie.Une attitude plus nuancée sera adoptée;

Giotto , choisi par un émissaire du Pape arrive à Assisi en 1287. Avec l'accord des commanditaires Il entreprend d'étaler sous les yeux des fidèles les épisodes de la vie de Saint François. Les scènes retenues sont tirées du texte publié par Saint Bonaventure. Giotto y perce le désir d'honorer le Saint en accumulant les preuves de l'estime où le tenaient le peuple en y étalant les témoignages de son pouvoir surnaturel. Curieusement, Giotto ne met pas l'accent sur les traits qui sont le propre du Franciscanisme. Seule le tableaux 2 de cette fresque (Saint François donne son manteau au pauvre) et la 5 (Saint François renonce aux biens de ce monde) dépeignent La charité et la pauvreté . 7 tableaux de cette fresque sont consacrés aux miracles spectaculaires ; En revanche 14 tableaux sont teintés d'une influence officielle. Ils sont réalisés à titre honorifique de la hiérarchie de l'église ou qui font l'objet d'une mystique approuvée par les officiels.

St François honoré par un habitant

St François donne sa tunique à un pauvre

 

Le songe de St François"le christ montre un palais rempli d'armes

 

Le crucifix de St Damien lui ordonne de réparer les ruines de l'église
françois renonce aux biens du monde
Le songe d'innocent III qui voit françois soutenant l'église de Latran prête à s'écrouler
approbation de la règle des frères mineurs par le Pape Honorius III
François sur un char de feu
Frère Léon et l'ange qui lui montre 5 trônes
François chasse les démons de la ville d'Arezzo
Il s'apprête à subir l'épreuve du feu
Extase de St François
La noël à Greccio
La source miraculeuse
Le prêche devant les oiseaux
François apparait à Grégoire IX pour lui prouver la réalité des stigmates

Giotto est-il vraiment l'auteur du cycle de Saint François qui décore la nef de l'Eglise supérieure d'Assisi?

La paternité lui en a été âprement, disputée par la critique allemande , notamment par Fritz Rintelen dans son article Giotto und Giotto Apokryphen en 1912. Une comparaison, pourtant, apporte une confirmation, en faveur de cette attribution : c'est celle de la scène du Saint François renonçant aux biens de ce monde avec la scène traitant le même sujet dans ia chapelle Bardl, à Santa Croce de Florence, qui, elle, n'est discutée par personne.

Basilique d'Assisi
Chapelle Bardi à Santa Croce de Florence
fresque 5-Renonciation aux biens de ce monde
fresque2-Renonciation aux biens de ce monde

Qu'on les regarde : c'est la rnërne composition avec une division en deux parties symétriques qui symbolise la rupture et un fond d'architecture servant de lien plastique entre les deux et c'est surtout la même image frappante de l'évêque recevant dans ses bras le saint nu et le couvrant d"un manteau,iconographie que l'on ne rencontre nulle part avant Assisi et qui est, par conséquent, l'invention de l'auteur des fresques.

Basilique d'Assisi
santa Croce Florence
entre 1296-1304
entre 1317-1320

Pourquoi, à Santa Croce, vingt ans plus tard, en pleine gloire et en pleine assurance, en pleine possession de ses Moyens,,, Giotto se serait-il amusé à reprendre, à copier presque, l' iconographie, la conception, la composition d'un autre artiste? Cela n'est concevable que s'il est lui-même l'auteur de la fresque et si la représentation ainsi conçue lui tient à cœur. On pourra objecter encore, avec raison, que la qualité des fresques d'Assisa est inférieure à celle de l'œuvre ultérieure de Giotto, mais il ne faut point oublier qu'à Assisa Giotto est encore jeune, que c'est peut-être son premier essai de grande composition.

Giotto le Prince des Peintres Inventeur de l'art renaissant

Nous ne possédons pas de véritable biographie contemporaine de Giotto, mais de très nombreux témoignages de l'époque en exaltent la gloire et en dépeignent la personnalité.

Dans la nouvelle VI.5 du Décaméron Boccace porte un jugement flatteur sur Giotto, présenté comme celui qui a réssuscité la peinture. Dans l'Amorosa Visione, Boccace évoque Giotto en faisant l'éloge de son art parfait.

Pétrarque dans son Itinerium Syriacum ( chapitre 38 consacré à Naples) passe de l'évocation de la tombe de Virgile à l'éloge des fresques de Giotto qu'il définit Prince des Peintres et avec fierté " mon contemporain".

Dans son tableau " Les cinq inventeurs de l'art renaissant"exposé au musée du Louvre, Paolo Uccello se représente entouré de plusieurs célébrités de son temps: Giotto le maître de la Peinture, Donatello le maître de la sculpture, Gionnozzo Manetti, le savant mathématicien, et Brunelleschi l'architecte. Boccace avait déjà dressé un parallèle entre Giotto qui fait renaître la peinture et Dante et Pétrarque qui ressuscitent les Muses.

Filippo Villlani, grand humaniste florentin, consacre une section de son ouvrage " De origine civitatis Florentie et de eiudem famosi civibus " au rôle prépondérant joué par Giotto dans la résurection de la peinture après un sommeil séculaire. Dans sa section " De plerisque pictoribus florentinis famosis et presertim de Giotto artis predicte iam deperdite restaurare" Villani dépeint Giotto comme un homme cultivé et trouve légitime comme une aspiration naturelle : sa recherche de la gloire; Giotto est " fame potius quam lucri cupidus".

Cino Rinuccini, Dans son ouvrage consacré à Florence seule une cité libre peut connaître l'excellence culturelle, inclut le peintre Giotto dans son éloge de la culture florentine et de ses grands hommes: " Ora nell'ultimo non è dimenticare lo ingegnoso Giotto, il quale de'nostri maggiori si le naturali efigie rapresenta che continuo pungente alle virtù ci sospigne, e che non solo Cimabue moderno, ma gli antichi Copa, Pulicreto e Prasitere avanza"..

Les déconstructions artificielles de l'art du XXème siècle dont nos contemporains se nourrissent ont bouleversé notre appréciation des valeurs durables de la Peinture Italienne de l'époque byzantine à la Renaissance. Dans l'introduction établie pour annoncer l'oeuvre d'Albertus Dûrer ( voir Albertus Dürer ) il est fait mention de la place prééminente occupée par l'Art italien au cours de la Renaissance qu'elle détermina tout le développement de l'art en Europe. Cimabue et Giotto ont préparé la voie qui conduisit à cette production sans équivalence pendant plusieurs siècles. On assista après Giotto à une saine compétition entre Florence, Padoue, Sienne et Venise. cette saine émulation devait produire les chefs d'oeuvre réalisés par les peintres du Quattrocento de Florence,par Pierro de la Francesca et Raphaël de Padoue et de Sienne, et par Titien, Tintoret, Véronèse de Venise.

Devant une fresque de Giotto et de Cimabue, , c'est la naissance de ce florilège de grands Peintres qui s'annonce .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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