Sur
urbe
Les petits ifs du cimetière
Frémissent au vent hiémal,
Dans la glaciale lumière.
Avec
des bruits sourds qui font mal,
Les croix de bois des tombes neuves
Vibrent sur un ton anormal.
Silencieux
comme les fleuves,
Mais gros de pleurs comme eux de flots,
Les fils, les mères et les veuves,
Par
les détours du triste enclos,
S'écoulent, lente théorie,
Au rythme heurté des sanglots.
Le
sol sous les pieds glisse et crie,
Là-haut de grands nuages tors
S'échevèlent avec furie.
Pénétrant
comme le remords,
Tombe un froid lourd qui vous écoeure
Et qui doit filtrer chez les morts,
Chez
les pauvres morts, à toute heure
Seuls, et sans cesse grelottants,
Qu'on les oublie ou qu'on les pleure!
Ah!
vienne vite le Printemps,
Et son clair soleil qui caresse,
Et ses doux oiseaux caquetants!
Refleurisse
l'enchanteresse
Gloire des jardins et des champs
Que l'âpre hiver tient en détresse!
Et
que des levers aux couchants,
L'or dilaté d'un ciel sans bornes
Berce de parfums et de chants,
Chers
endormis, vos sommeils mornes!

Sérénade
Comme
la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Ouvre
ton âme et ton oreille au son
De la mandoline:
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
Je
chanterai tes yeux d'or et d'onyx
Purs de toutes ombres,
Puis le Léthé de ton sein, puis le Styx
De tes cheveux sombres.
Comme
la voix d'un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Puis
je louerai beaucoup, comme il convient,
Cette chair bénie
Dont le parfum opulent me revient
Les nuits d'insomnie.
Et
pour finir, je dirai le baiser
De ta lèvre rouge,
Et ta douceur à me martyriser,
--Mon Ange! --ma Gouge!
Ouvre
ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline:
Pour toi j'ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
