Le
Monument aux
Bourgeois de Calais Le Monument
aux Bourgeois de Calais
1889
bronze
217 x 255 x 177 cm
S.450
Photo : A. Rzepka
En
1347, à la suite d'un siège particulièrement
long, la ville de Calais fut contrainte de se rendre au roi d'Angleterre
Edouard III. Six notables, Eustache de Saint-Pierre, Jean d'Aire,
Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres, prêts
à faire le sacrifice de leur vie, acceptèrent de porter
au roi les clefs de la ville. Au cour du XIXème siècle,
plusieurs projets de monuments virent le jour : ils avaient pour but
de célébrer l'héroïsme de ces calaisiens,
tout en renforçant l'identité historique de la ville.
Omer Dewavrin, maire
de Calais, relança l'idée en 1884, et la ville signa
un contrat avec Rodin en janvier 1885 pour l'exécution du monument.
S'inspirant des Chroniques de Froissart, l'artiste s'orienta vers
un groupe, "lente procession, (...) marche vers la mort".
La première maquette, présentée au comité
en novembre 1884, et qui emporta "tous les suffrages", se
distinguait donc de celle des autres concurrents, construites en forme
de pyramide et mettant à l'honneur un personnage unique : "C'est
le sujet lui-même qui (...) impose une conception héroïque
et l'ensemble des six figures se sacrifiant à une expression
et une émotion communicatives. Le piédestal est triomphal
et a les rudiments d'un arc de triomphe pour porter non un quadrige,
mais le patriotisme humain, l'abnégation, la vertu" (Rodin).
Pour représenter les personnages, il avait repris les éléments
symboliques du rituel de demande en grâce en usage au Moyen
Age (en chemise, la tête et les pieds nus, la corde au cou),
tout en cherchant à donner aux visages des traits caractéristiques
de la région de Calais afin de conférer à ce
drame une dimension bien réelle et actuelle. Cet aspect fut
bientôt renforcé par le parti du sculpteur de doter son
monument d'un socle très bas : tandis que la première
maquette regroupait les personnages de manière héroïque
sur un socle élevé, la seconde (juillet 1885) les présente
presqu'au ras du sol.
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Karl-Henri
(Charles) Bodmer
Pierre de Wissant nu dans l'atelier
vers 1886
épreuve gélatinoargentique
25,3 x 21,5 cm
Ph. 322
Modelées
dans un premier temps au tiers de leur exécution définitive,
"il y a des négligences de détails qui n'ont pas
lieu d'étonner, car en général toutes les draperies
seront recommencées en grand" (Rodin), les figures furent
d'abord traitées isolément et nues (voir d'une part
en salle 12 les maquettes et les contretypes des photographies des
grands modèles dans l'atelier, d'autre part huit grands modèles
dans le parc). Rodin ne les drapait que dans un second temps, afin
d'en respecter l'anatomie et de faire ressortir "sous ces voiles,
des charpentes, des systèmes nerveux, tous les organes de la
vie, des êtres de chair et de sang" (Gustave Geffroy, exp.
Monet - Rodin, 1889). Il les réunit ensuite, assurant ainsi
une très grande cohésion au groupe dont les personnages
sont assemblés à leur base par un jeu de clefs.
Jacques-Ernest
Bulloz
Le Monument aux Bourgeois de Calais sur un échafaudage
épreuve gélatinoargentique
26,7 x 37 cm
Ph. 7003
Le
groupe fut achevé en 1889, et le plâtre exposé
à cette date à la galerie Georges Petit à Paris
dans le cadre de l'exposition Monet - Rodin. Mais il fallut attendre
août 1895 pour qu'il soit inauguré à Calais sur
un socle élevé, traditionnel, au grand regret de Rodin
qui aurait préféré "l'avoir très
bas pour laisser au public pénétrer le coeur du sujet,
comme dans les mises au tombeau d'églises, ou le groupe est
presque par terre. (...) Le groupe (devient ainsi) plus familier et
(fait) entrer le public mieux dans l'aspect de la misère et
du sacrifice, du drame" (Rodin à Dewavrin, 8 décembre
1893).
C'est ainsi, presque à même le sol, que le monument fondu
en bronze en 1926 pour les collections du musée, est présenté
dans le parc.