Auguste Rodin

1840 ~ 1917

Monument les Bourgeois

de Calais

Le Monument aux
Bourgeois de Calais Le Monument
aux Bourgeois de Calais
1889
bronze
217 x 255 x 177 cm
S.450
Photo : A. Rzepka

En 1347, à la suite d'un siège particulièrement long, la ville de Calais fut contrainte de se rendre au roi d'Angleterre Edouard III. Six notables, Eustache de Saint-Pierre, Jean d'Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres, prêts à faire le sacrifice de leur vie, acceptèrent de porter au roi les clefs de la ville. Au cour du XIXème siècle, plusieurs projets de monuments virent le jour : ils avaient pour but de célébrer l'héroïsme de ces calaisiens, tout en renforçant l'identité historique de la ville.
Omer Dewavrin, maire de Calais, relança l'idée en 1884, et la ville signa un contrat avec Rodin en janvier 1885 pour l'exécution du monument. S'inspirant des Chroniques de Froissart, l'artiste s'orienta vers un groupe, "lente procession, (...) marche vers la mort". La première maquette, présentée au comité en novembre 1884, et qui emporta "tous les suffrages", se distinguait donc de celle des autres concurrents, construites en forme de pyramide et mettant à l'honneur un personnage unique : "C'est le sujet lui-même qui (...) impose une conception héroïque et l'ensemble des six figures se sacrifiant à une expression et une émotion communicatives. Le piédestal est triomphal et a les rudiments d'un arc de triomphe pour porter non un quadrige, mais le patriotisme humain, l'abnégation, la vertu" (Rodin). Pour représenter les personnages, il avait repris les éléments symboliques du rituel de demande en grâce en usage au Moyen Age (en chemise, la tête et les pieds nus, la corde au cou), tout en cherchant à donner aux visages des traits caractéristiques de la région de Calais afin de conférer à ce drame une dimension bien réelle et actuelle. Cet aspect fut bientôt renforcé par le parti du sculpteur de doter son monument d'un socle très bas : tandis que la première maquette regroupait les personnages de manière héroïque sur un socle élevé, la seconde (juillet 1885) les présente presqu'au ras du sol.

Karl-Henri (Charles) Bodmer
Pierre de Wissant nu dans l'atelier
vers 1886
épreuve gélatinoargentique
25,3 x 21,5 cm
Ph. 322

Modelées dans un premier temps au tiers de leur exécution définitive, "il y a des négligences de détails qui n'ont pas lieu d'étonner, car en général toutes les draperies seront recommencées en grand" (Rodin), les figures furent d'abord traitées isolément et nues (voir d'une part en salle 12 les maquettes et les contretypes des photographies des grands modèles dans l'atelier, d'autre part huit grands modèles dans le parc). Rodin ne les drapait que dans un second temps, afin d'en respecter l'anatomie et de faire ressortir "sous ces voiles, des charpentes, des systèmes nerveux, tous les organes de la vie, des êtres de chair et de sang" (Gustave Geffroy, exp. Monet - Rodin, 1889). Il les réunit ensuite, assurant ainsi une très grande cohésion au groupe dont les personnages sont assemblés à leur base par un jeu de clefs.

Jacques-Ernest Bulloz
Le Monument aux Bourgeois de Calais sur un échafaudage
épreuve gélatinoargentique
26,7 x 37 cm
Ph. 7003

Le groupe fut achevé en 1889, et le plâtre exposé à cette date à la galerie Georges Petit à Paris dans le cadre de l'exposition Monet - Rodin. Mais il fallut attendre août 1895 pour qu'il soit inauguré à Calais sur un socle élevé, traditionnel, au grand regret de Rodin qui aurait préféré "l'avoir très bas pour laisser au public pénétrer le coeur du sujet, comme dans les mises au tombeau d'églises, ou le groupe est presque par terre. (...) Le groupe (devient ainsi) plus familier et (fait) entrer le public mieux dans l'aspect de la misère et du sacrifice, du drame" (Rodin à Dewavrin, 8 décembre 1893).
C'est ainsi, presque à même le sol, que le monument fondu en bronze en 1926 pour les collections du musée, est présenté dans le parc.