Le
Penseur Le Penseur
1881
bronze
71,5 x 40 x 58 cm
S.788
Photo : A. Rzepka
Le
Penseur
De
toute l'oeuvre de Rodin, la figure la plus célèbre est
sans doute le grand Penseur.
Modelé dès 1880-1882 pour la Porte de l'Enfer, le Penseur
fut exposé dans sa taille originale (H.71,5 cm) à Copenhague
en 1888. Il fut agrandi en 1902 et exposé sous cette forme
au Salon de 1904 où il suscita de vives réactions dans
la presse. C'est alors que Gabriel Mourey qui dirigeait la revue Les
Arts de la vie lança une souscription afin d'en réaliser
un bronze qui fut "offert au peuple de Paris", pour effacer
l'affront qu'avait constitué le refus du Balzac en 1898.
Première oeuvre
de Rodin à être érigée à Paris dans
un espace public, le Penseur
fut en effet inauguré devant le Panthéon le 21 avril
1906 dans un climat de crise politique et sociale intense qui en fit
un symbole socialiste. Aussi prit-on prétexte de la gêne
qu'il occasionnait dans le déroulement des cérémonies
pour le faire transporter dès 1922, avec son socle, dans les
jardins de l'hôtel Biron devenu musée Rodin. Un autre
exemplaire a été placé sur la tombe de Rodin
à Meudon. Victor Pannelier
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Le
Penseur
juillet 1882
papier albuminé
24 x 11,5 cm
Ph. 288
Les
Ombres Jean-François Limet
Les
trois ombres sur un échaffaudage
20 avril -30 juin 1902
aristotype
15 x 10,8 cm
Ph. 2038
Dans
sa taille d'origine (H. 98 cm.) l'Ombre apparaît comme une variante
d'Adam, simplifiée au niveau de la composition. La tête
plus courbée encore prolonge presque à l'horizontale
la ligne des épaules, et la musculature est différente,
tandis que le bras gauche se détache en avant du corps au lieu
de barrer le torse. On ignore, en revanche, quand et comment Rodin
eut l'idée d'en grouper trois exemplaires identiques : c'était
peut-être une forme d'application, ou une conséquence,
de sa méthode de travail par les profils, un seul coup d'oeil
permettant d'appréhender la figure à la fois de face,
de trois-quarts à droite et de trois-quarts à gauche.
C'était en tout cas une idée très nouvelle que
lui-même appliqua par la suite à bien d'autres de ses
oeuvres, mais qui, à cette date, démontre à elle
seule l'audace de son travail. La
verticale insistante des bras conduit le regard non plus vers l'inscription
qui donnait son sens à la composition, Lasciate ogni speranza,
voï ch'entrate, puisque les mains qui la tenaient ont été
coupées, mais vers le penseur, le poète, Dante ou peut-être
Rodin lui-même méditant sur son oeuvre.
Les Ombres, probablement
sous forme d'exemplaires séparés, furent exposées
pour la première fois à la galerie Georges Petit en
1889. En 1900 elles figuraient à l'exposition Rodin sous le
titre les Vaincus. L'année suivante Rodin confia à Henri
Lebossé la charge d'agrandir la figure, comme il l'avait déjà
fait, ou allait le faire, pour beaucoup des éléments
de la Porte : "Par la présente, écrit Lebossé
le 17 octobre 1901, je viens vous rassurer sur la marche de votre
statue, autrement dire sur sa terminaison, et je crois que cette fois
vous serez entièrement satisfait car étant montée
elle a une allure magistrale et j'ose vous le dire ça sera
peut-être le morceau de sculpture le plus important de votre
oeuvre... Je suis sûr que vous serez émerveillé
du résultat de cette statue". L'agrandissement était
terminé à la fin de l'année, et au Salon de la
Société nationale des Beaux-Arts de 1902 Rodin présenta
trois exemplaires qui témoignaient d'un nouveau pas en avant
: les trois plâtres, présentés en hauteur et en
plein air, étaient simplement rapprochés mais non constitués
en un véritable groupe par une terrasse unique. Curieusement
il revint ensuite en arrière, d'une certaine façon :
alors que la figure avait gardé son aspect fragmentaire, il
demanda en 1904 à Josef Maratka, un jeune sculpteur tchèque
qui travaillait alors près de lui, de refaire la main qui manquait
car il craignait que le public ne comprenne pas, et il groupa les
grandes Ombres comme les petites sur une terrasse unique.
Adam et
Eve
Stephen
Haweis & Henry Coles
Adam
1903 - 1904
tirage au charbon
22,2 x 14,5 cm
Ph. 2150 Stephen Haweis & Henry Coles
Eve
1903 - 1904
tirage au charbon
22,9 x 17 cm
Ph. 2695
En
octobre 1881, Rodin obtint de la direction des Beaux-Arts la commande
de deux grandes statues destinées à compléter
la Porte, Adam et Eve. L'importance qu'il prévoyait de leur
donner est indiquée par leur prix : 5 000 francs chaque, alors
que la dépense prévue pour la Porte elle-même
ne devait pas dépasser 8 000 francs. Mais la Porte n'ayant
pas connu d'aboutissement du vivant de Rodin, ce n'est que tardivement,
au musée Rodin, que fut réalisée cette disposition
dont Rodin avait cependant toujours gardé le projet.
Au cours de son premier
voyage en Italie au printemps 1876, il avait été saisi
d'enthousiasme, à Rome et à Florence, par Michel-Ange
; et Adam et Eve reflètent directement cette admiration : Adam
tend son index pour recevoir, comme au plafond de la Chapelle Sixtine,
la vie que va lui donner Dieu le père. Cependant le genou plié,
la position oblique du bras en travers du torse et l'inclinaison de
la tête sur l'épaule renvoient plutôt à
la Pieta du Duomo de Florence dont Rodin s'était déjà
souvenu pour le guerrier blessé de la Défense (1879).
Rapidement modelé,
Adam est le premier élément lié à la Porte
qui fut doté d'indépendance : le plâtre figura
en effet au Salon de 1881 sous le titre la Création de l'homme.
Comme lui, Eve fut exécutée dès 1881. Mais, attentif
à l'extrême à son modèle, la brune Anna
Abruzzezzi, Rodin, ce "chasseur de vérité et guetteur
de vie", s'étonnait de devoir reprendre chaque jour le
bassin de la figure. "Je voyais changer mon modèle sans
en connaître la cause, confia-t-il beaucoup plus tard à
Dujardin-Beaumetz ; je modifiais mes profils, suivant naïvement
les transformations successives de formes qui s'amplifiaient. Un jour
j'appris qu'elle était enceinte ; je compris tout. Les profils
du ventre n'avaient changé que d'une manière à
peine sensible ; mais on peut voir combien j'ai copié la nature
avec sincérité en regardant les muscles des lombes et
des côtés. (...) Je n'avais certainement pas pensé
que, pour traduire Eve, il fallût prendre comme modèle
une femme enceinte ; un hasard, heureux pour moi, me l'a donnée,
et il a singulièrement aidé au caractère de la
figure. Mais bientôt, devenant plus sensible, mon modèle
trouva qu'il faisait trop froid dans l'atelier ; elle espaça
les séances, puis ne revint plus. C'est pour cela que mon Eve
n'est pas finie" (H. Dujardin-Beaumetz, Entretiens avec Rodin,
1913). En effet Rodin laissa alors de côté la version
grandeur nature, dont l'épiderme, irrégulier, montre
bien qu'elle n'est pas terminée, pour exécuter une Petite
Eve ou Eve jeune, au corps plus lisse et plus sensuel, dont il existe
plusieurs versions et de très nombreux exemplaires.
La grande Eve ne fut en
revanche présentée au public qu'au Salon de la Société
nationale de 1899 à Paris (bronze), tandis qu'un plâtre
figurait dans l'exposition Rodin qui circula en Belgique et aux Pays-Bas
pendant le printemps et l'été 1899. De nombreux bronzes
furent dès lors réalisés dont l'un, en 1911,
destiné au musée du Luxembourg à Paris (déposé
en 1918 au musée Rodin ; exposé salle 7). Certains,
dits Eve au rocher (comme celui qui est présenté près
du bassin), présentent un rocher à l'arrière
: ces bronzes là correspondent au marbre pour lequel un soutien
supplémentaire se révéla nécessaire. Deux
exemplaires en marbre sont connus : le premier fut taillé par
Antoine Bourdelle entre 1901 et 1907 (Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek),
tandis que le second fut réalisé dans les dernières
années de la vie de Rodin, pour son futur musée (exposé
dans la Galerie des marbres).
"Comme de loin ployée dans ses bras, dont les mains tournées
vers le dehors voudraient repousser tout, même son propre corps
qui se transforme" (Rainer Maria Rilke, Auguste Rodin, 1928),
Eve reste aujourd'hui encore l'une des oeuvres les plus appréciées
de Rodin, peut-être en raison de la complexité des sentiments
qu'elle suggère :"honteuse de la faute, courbée
sous la terreur, obscurément angoissée moins par le
remords du péché que par l'idée d'avoir créé
des êtres pour la douleur future, (... la grande) Eve est un
bronze d'aspect formidable et Rodin y est tout entier" (Camille
Mauclair, Auguste Rodin., 1918).
Le
Baiser
Le
Baiser
1888 - 1889
marbre
181,5 x 112,3 x 117 cm
S.1002
Photo : E. & P. Hesmerg
Visitant
l'Enfer, Virgile et Dante virent dans le deuxième cercle, parmi
ceux qui ont commis le péché de chair, Paolo et Francesca,
personnages qui vécurent effectivement au Moyen Age en Italie
: vers 1275, Francesca, fille de Guido da Polenta, avait été
mariée à Gianciotto Malatesta, seigneur de Rimini, qui
la confia à son frère, le jeune et beau Paolo. Paolo
et Francesca s'éprirent l'un de l'autre en lisant des romans
d'amour courtois. Alors qu'ils échangeaient un premier baiser,
ils furent surpris par Gianciotto qui les poignarda. "Amour nous
a conduits à une mort unique", fait dire Dante à
leurs ombres. Cet amour interdit, et la damnation éternelle
qui en est la conséquence, apparaît comme l'un des thèmes
de prédilection du XIXème siècle, d'Ingres et
Delacroix, à Ary Scheffer, Cabanel et Henri Martin.
Au centre du vantail gauche
de la Porte de l'Enfer, Rodin avait donc figuré les amants
célèbres au moment où ils prennent conscience
de leurs sentiments. Encore en place au début de l'année
1886, le groupe fut sans doute retiré de la Porte peu après,
car il évoquait un état de pur bonheur qui s'harmonisait
mal avec l'ensemble de la composition. Il fut exposé à
Paris, puis à Bruxelles, en 1887, et c'est alors qu'il prit
le titre de Baiser, la critique ayant témoigné sa surprise
de n'y trouver aucun élément de costume ou de décor
qui évoquât de façon directe Paolo et Francesca
: Rodin avait renoncé à la facilité des sujets
pittoresques, littéraires ou mythologiques qui, en distrayant
le spectateur, affaiblissent l'émotion que doit ressentir celui-ci
devant la représentation.
Comme tous les groupes
issus de la Porte, le Baiser allait dès lors connaître
une existence indépendante. Le 31 janvier 1888, la direction
des Beaux-Arts en commanda en effet l'exécution en marbre,
au double, le groupe devant être prêt pour l'Exposition
universelle qui ouvrit le 6 mai 1889. Mais Jean Turcan, le praticien
qui était chargé de sa réalisation, cessa d'y
travailler au début de l'année 1889 ; Rodin le laissa
de côté... et le marbre ne parut qu'au Salon de la Société
nationale de 1898, en même temps que le grand modèle
du Balzac : conscient du scandale qu'allait susciter celui-ci, Rodin
avait en effet senti la nécessité de montrer aussi une
oeuvre plus traditionnelle. Comme il l'avait prévu, tous les
éloges allèrent au Baiser tandis qu'il n'y avait pas
de critique dont on n'accablât son Balzac. Lui-même cependant
se rendait bien compte du progrès accompli de l'un à
l'autre : "Sans doute l'enlacement du Baiser est très
joli, reconnaissait-il. Mais dans ce groupe je n'ai rien trouvé.
C'est un thème traité souvent suivant la tradition scolaire
: un sujet complet en lui-même et artificiellement isolé
du monde qui l'entoure : c'est un grand bibelot sculpté suivant
la formule habituelle et qui retient étroitement l'attention
sur les deux personnages au lieu d'ouvrir de larges horizons à
la rêverie" (Paul Gsell, "Propos de Rodin sur l'art
et les artistes", La Revue, 1er novembre 1907).
Présenté
de nouveau à l'Exposition universelle de 1900, le Baiser entra
ensuite au musée du Luxembourg avant d'être déposé
au musée Rodin, lors de la création de celui-ci, en
1918. Mais, dès 1900, deux répliques en marbre avaient
été commandées à Rodin, l'une par Carl
Jacobsen pour la Glyptothèque qu'il constituait à Copenhague,
l'autre par un amateur d'art, Edward Perry Warren pour sa propre collection
(aujourd'hui à la Tate Gallery à Londres) : les trois
marbres ont été exposés ensemble au musée
d'Orsay à Paris en 1995, et l'on a pu constater alors que les
principales différences résidaient dans la taille des
blocs et le degré de finition, le Baiser du musée Rodin
ayant un caractère inachevé qui s'explique par l'interruption
brutale de sa réalisation au début de l'année
1889.
Rodin lui-même eut beau souligner le côté traditionnel
du Baiser, celui-ci n'en demeure pas moins l'une de ses oeuvres les
plus célèbres et il eut, au XXème siècle,
une postérité qui culmine avec Constantin Brancusi :
tout en se défendant d'avoir subi l'influence de Rodin (dans
l'atelier duquel il avait passé quelques mois à son
arrivée à Paris), Brancusi reprit en effet ce thème
à maintes reprises, de 1907 à 1945 avec la Borne frontière
du centre Pompidou
.
Ugolin
et ses Enfants
Ugolin
Ugolin et ses enfants
1901 - 1904
bronze
133,5 x 140 x 194 cm
S.1427
Photo: J. de Calan
Au
Baiser répond Ugolin dont la version originale apparaît
au centre du vantail gauche de la Porte de l'Enfer tandis que le grand
modèle (bronze) orne le centre du bassin. Fait prisonnier au
cours des guerres qui opposaient, au XIIIème siècle,
les cités italiennes, et convaincu de trahison, Ugolino della
Gherardesca fut emprisonné en février 1289 dans la Tour
de la Faim à Pise, avec ses deux fils et deux de ses petits-fils.
Les clefs de la tour furent jetées dans le fleuve et ils moururent
de faim, Ugolin le dernier, après avoir assisté à
la mort de ses enfants et mangé leur chair ce qui lui valut
d'être condamné à l'Enfer car c'était bien
évidemment interdit par l'Eglise.
Dans l'illustration de
ce thème, Rodin avait eu un prédécesseur illustre
en la personne de Jean-Baptiste Carpeaux qui l'avait choisi comme
sujet de son dernier envoi de Rome. S'inspirant du Laocoon du musée
du Vatican il avait représenté Ugolin assis, se mordant
les mains, les pieds crispés l'un sur l'autre, tandis que ses
enfants, mourants, se traînent auprès de lui (1860, bronze,
Paris, musée d'Orsay). Rodin, dont la collection personnelle
comprenait une fonte de l'esquisse du groupe de Carpeaux, et qui dans
la troisième maquette de la Porte de l'Enfer prévoyait
un Ugolin assis, se rapproche ensuite du texte de Dante : "Ainsi
les vis-je tous (...) tomber un à un (...) si bien que n'y
voyant déjà plus, je me jetai moi-même, hurlant
et rampant, sur ces corps inanimés, les appelant deux jours
après leur mort, et les rappelant encore, jusquà
ce que la faim éteignît en moi ce qu'avait laissé
la douleur".
Le groupe, exposé
comme le Baiser à Bruxelles en 1877, fut loin de rencontrer
un succès équivalent à celui-ci. Cependant il
s'agissait d'une oeuvre chère au coeur de l'artiste qui, à
plusieurs reprises, en intégra des éléments à
d'autres groupes : agrandie, la tête de l'un des enfants pour
laquelle il éprouvait visiblement une prédilection particulière
(et qu'il utilisa d'ailleurs pour Paolo dans le groupe de la Porte),
devint la Tête de la Douleur et fut traduite en bronze et en
marbre. Quant au groupe lui-même, Rodin le fit agrandir par
Henri Lebossé entre 1901 et 1904. Le grand plâtre, déposé
par le musée Rodin au musée d'Orsay en 1986, présente
d'importantes différences avec le petit modèle : l'agrandissement
se faisait en effet par fragments, le montage final ayant lieu dans
l'atelier de Rodin et sous ses yeux, ce qui permettait à l'artiste
d'opérer des modifications profondes. Le grand bronze est en
revanche fidèle à la version de la Porte.
La
Méditation
Stephen
Haweis & Henry Coles
La
Méditation
1903 - 1904
tirage au charbon
22,1 x 16,4 cm
Ph. 1684
C'est
l'aboutissement d'une petite damnée qui, à l'extrême
droite du tympan de la Porte de l'Enfer, se penche en étirant
le cou, en un "admirable mouvement d'arbre pleureur". Elle
devint une figure à part entière à la fin des
années 1880 et Rodin s'en inspira alors pour illustrer le poème
de Baudelaire, "La Beauté", sur l'exemplaire des
Fleurs du Mal qui appartenait à Paul Gallimard. Quelques années
plus tard il revint à la figure qui n'avait pas encore de titre,
et l'utilisa de diverses manières, dans le Christ et la Madeleine,
Constellation, et surtout dans le Monument à Victor Hugo auquel
il travaillait à ce moment là : en 1894 il décida
d'en faire l'allégorie des Voix intérieures. Mais, pour
l'intégrer au monument, il fallait supprimer les bras qui ne
convenaient pas, couper un genou, abattre la partie extérieure
de la jambe droite : Rodin obtint ainsi une figure fragmentaire qui
fut agrandie, exposée dès 1896 à Paris et fondue
sous cette forme de son vivant : c'est ainsi sans doute qu'elle apparaissait
comme parfaite aux yeux de Rodin, qu'elle répondait le mieux
à ses aspirations. "Les bras manquent. Rodin les éprouva
dans ce cas comme une solution trop facile de sa tâche, comme
quelque chose qui ne s'accordait pas avec le corps qui voulait s'envelopper
en soi-même, sans secours étranger. (... Les) statues
sans bras de Rodin, il ne leur manque rien de nécessaire. On
est devant elles comme devant un tout, achevé et qui n'admet
aucun complément" (R. M. Rilke, Auguste Rodin, 1928).
Tout entière concentrée
à l'écoute d'elle-même, aussi gracieuse que puissante
de formes, la Méditation ou la Voix intérieure est dans
sa version sans bras l'une des oeuvres fondamentales pour la compréhension
de Rodin : "L'étude de la nature y est complète
et j'ai mis tout mon effort à y rendre l'art aussi entier que
possible. Je considère que ce plâtre est une de mes oeuvres
le mieux finies, le plus poussées (sic)". Le 2 janvier
1897, Rodin annonçait ainsi au prince Eugène de Suède
l'envoi d'une épreuve de la Voix intérieure dont il
proposait de faire don au musée national suédois après
la fermeture de l'exposition qui devait avoir lieu à Stockholm
pendant l'été 1897. Mais le musée refusa le plâtre
qui, à la demande du roi Oscar II, entra alors dans les collections
royales pour en être exclu après la mort du roi en 1907.
Le
Monument à Victor Hugo
Adolphe
Braun
Le Monument à Victor Hugo dans le jardin du Palais-Royal
tirage au charbon
21,5 x 27,5 cm
Ph. 1194
Pour
le Monument à Victor Hugo cependant, dont la première
fonte fut réalisée à la demande de la Ville de
Paris d'après le plâtre conservé à Meudon,
et placée en 1964 à l'extrémité de l'avenue
Victor Hugo, Rodin crut nécessaire de donner des bras à
la figure. De son vivant le monument n'avait abouti que sous une forme
simplifiée : Victor Hugo seul fut traduit en marbre (Salon
de 1901). Les deux Muses (la Muse tragique et la Méditation)
avaient également été commencées, mais
Rodin n'en était pas véritablement satisfait ou, plus
probablement, les jugeait-il superflues, car il annonça en
1906 qu'il les supprimait toutes deux : "(Hugo) est si complet
par lui-même, l'encouragea Judith Cladel, son attitude, son
geste disent si bien tout, que les Muses, me semble-t-il, ne lui ajoutent
rien. Je crois même qu'elles le limitent (...) A lui seul il
est la poésie, et la poésie ne s'explique pas"
(Rodin. Sa vie glorieuse. Sa vie inconnue, 1936). C'est donc un Hugo
seul, en marbre, qui fut placé en 1909 sur un socle étonnant,
fait de blocs irréguliers, dans les jardins du Palais-Royal.
Il en fut retiré en 1933 pour être intégré
aux collections du musée Rodin.