Camille Claudel

1864-1943

La Petite drole de fille

Au début des années 1885, Rodin écrit à Camille ces mots enflammés:

« Ma très bonne à deux genoux devant ton beau corps que j'étreins"

Ils évoquent l'érotisme de l'Eternelle Idole et traduisent parfaitement la passion qui unit les deux sculpteurs.

La petite drol' de fille

D'une famille modeste, soeur du célèbre écrivain Paul Claudel (1868-1955), Camille est née à Fère-en-Tardenois le 8 Décembre 1864; Elle passa une partie de son enfance à Villeneuve-sur-Fère (Aisne) dans la maison familiale où naquit Paul. Elle décida très tôt de devenir sculpteur ; elle s'établit à Paris en 1881, sûre de son destin et de sa beauté : « Un front superbe, surplombant des yeux magnifiques, de ce rare bleu si rare à rencontrer ailleurs que dans les romans », notait Paul en 1951.

Serge Reggiani les a d'ailleurs chantés sur des paroles de Claude Lemesle:

"La petite drol' de fille, avec des yeux trop grands , pour ne pas être bleus, la petite drol' d'anguille avalait en courant, la forêt quand il pleut,et la terre sur laquelle elle jetait son corps comme on s'endort sur l'autre,Ce lit où la vie se vautre, Elle jurait que ses mains y défieraient la mort...Paul, mon petit Paul, tu vois ces branches que la pluie Dessine sur le ciel, il m'arrive quelquefois d'imaginer la nuit des arbres artificiels Et je sais très bien qu'un jour j'animerai la pierr' de mon ciseau-caresse, Oui le marbre à sa faiblesse et je veux lui donner la force de l'amour."

la force de l'amour

En 1883, elle rencontre Rodin et entre dans son atelier l'année suivante. Très vite l'élève douée devient la maîtresse de Rodin, alors en pleine maturation de la Porte de l'Enfer et des Bourgeois de Calais. Les deux artistes s'influencent mutuellement ; la Jeune Fille à la gerbe de 1887, annonce la Galatée de Rodin, et les Trois Faunesses sont à l'origine des figures féminines de la Vague de Camille Claudel.

Le point culminant de la liaison entre cette femme dynamique et talentueuse et le sculpteur le plus célèbre du pays se situe en 1892, dans ce chateau délabré du XIII ème siècle, boulevard d'Italie, à Paris qu'on appelait, "la folie Payen", où ils partageaient un atelier. L'oeuvre majeure de Camille, cette année là, était la paire de danseurs nus que Dayot voulait voir revêtir d'une draperie. Elle avait accepté de les revêtir. Au salon de 1893, elle exposa cette oeuvre; Les jambes de la danseuse étaient entourées d'un motif complexe de draperies qui n'ôta pas la puissante suggestion érotique de l'oeuvre. D'ailleurs, Jules Renard, lorsqu'il vit la paire de danseurs nus dit tout simplement: " Et ce groupe de la Valse où le couple semble vouloir se coucher et finir la danse par l'amour."


Pensée à Camille de Rodin pierre
La Valse
La Valse coll.Reine Marie -PARIS

Pensée à Camille de Rodin pierre
La Valse
La Valse coll.Reine Marie -PARIS


Camille donne toute la mesure de son art, alors que les relations avec Rodin commençent à se détériorer comme en témoigne la cruauté des dessins chargés que Camille consacre au couple Rose-Rodin: le Système cellulaire, le Réveil, le Collage... Camille s'aperçoit qu'elle ne sera jamais madame Rodin et qu'elle n'arrivera pas à évincer Rose Beuret ; les deux amants rompent définitivement en 1898, et la blessure de cette rupture fut à la mesure de l'amour incandescent que vécurent, même irrégulièrement, les deux artistes pendant plus de dix ans.

Camille ne s'en remit jamais, même si son art commençait alors à s'affranchir de l'influence de son illustre maître avec la Valse de 1892, reprise en 1895 et éditée à de nombreux exemplaires par Eugène Blot après 1905, la Clotho de 1893, les différentes versions de la Petite Châtelaine .

La jeune fille, le mentor et l'harpie

"l'Age mûr "est un cruel constat de l'abandon de Rodin ; Il laisse Camille qui l'implore à genoux pour rejoindre Rose.Désormais, seule, Camille écrit à son frère Paul à New York: " Je suis toujours attelé à mon groupe de trois, ecrit-elle; Je vais mettre un arbre penché qui exprimera la destinée".Personne ne connaissait l'existence de cette oeuvre , et elle demandait, donc, à Paul de ne montrer les croquis à personne. Ces dessins sont les premières idées de Camille pour un groupe qui allait devenir " l'âge mur", une oeuvre autobiographique montrant un homme déchiré entre une vieille harpie et une jeune femme.

La jeune fille, le mentor et l'harpie de C.Claudel

La jeune fille, le mentor et l'harpie de C.Claudel


V
oir biographie de rodin et sa relation intime avec Camille Claudel et Rose rodin

La folie

"Un mouleur, ajoute-t-elle, pour se venger à détruit à mon atelier plusieurs choses finies." Cette phrase est l'un des premiers signes de la paranoïa qui allait anéantir Camille Claudel. C'était en 1893. On peut rapprocher ces premiers signes de ses deux grandes pertes : celle de son frère Paul, parti pour les Etats-Unis, et celle de son amant mentor, resté auprès de Rose Beuret.

La part la plus profondément originale de l'oeuvre de Camille se situe au tournant de ce siècle naissant quand, avec entre autres les Causeuses (1897) et la Vague (1900), elle aborde un nouveau style issu du japonisme alors en vogue et profondément ancré dans l'Art nouveau. Utilisant l'onyx, matériau rare, elle fonde ses compositions sur d'élégants jeux de courbes ; Camille est alors un sculpteur en phase avec l'art de son temps. Hélas, les prémices de la maladie de la persécution commençent à se manifester.

Rodin ne retira pas son soutien à Camille, même lorsque leur relation personnelle était au plus basse.Il écrivit ainsi à Gauchez: " vous êtes sévère pour moi, mais ce qui me console , c'est que vous rendez justice à mon élève, qui est un grand sculpteur."Il obtint même qu'une oeuvre de Camille Claudel soit offerte à Puvis de Chavannes à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire. La commission choisit " Clotho", une figure du Destin en vieille femme .

A partir de 1906, la folie s'accentue, Elle est alors internée à Montfavet.Elle n'aura d'autre rêve que celui de revenir dans la maison familiale: " Quel bonheur! si je pouvais me retrouver à Villeneuve, Ce jolie Villeneuve qui n'a rien de pareil ,s'écrie-t-elle, en 1927. Elle n'y reviendra jamais. Elle mourrut en 1943


Camille (Serge Reggiani)

La petite drôl' de femme Au fond de l'atelier Du grand Monsieur Rodin,

La petite drôl' de dame En habit d'écolier Ignorait le dédain

Et faisait sourire une âme Aux lèvres de granit Au milieu du grand vide

Où le temps sculpte des rides Aux étangs de champagne Et au front d'Aphrodite.

Oh ! Monsieur Rodin, le feu , Le feu, je veux pouvoir l'enfermer dans la pierre !

Oh ! Monsieur Rodin, mes yeux,

Pourquoi me font-ils mal le soir sous mes paupières ?...

La mort, je n'ai pas peur d'elle

Mais j'ai peur que l'amour nous oublie en chemin. Nous, les amants immortels,

Toi, Auguste Claudel, Moi, Camille Rodin ...