Au
début des années 1885, Rodin écrit à Camille
ces mots enflammés:
«
Ma très bonne à deux genoux devant ton beau corps que
j'étreins"
Ils
évoquent l'érotisme de l'Eternelle Idole et traduisent
parfaitement la passion qui unit les deux sculpteurs.
La
petite drol' de fille
D'une
famille modeste, soeur du célèbre écrivain Paul
Claudel (1868-1955), Camille est née à Fère-en-Tardenois
le 8 Décembre 1864; Elle passa une partie de son enfance à
Villeneuve-sur-Fère (Aisne) dans la maison familiale où
naquit Paul. Elle décida très tôt de devenir sculpteur
; elle s'établit à Paris en 1881, sûre de son destin
et de sa beauté : « Un front superbe, surplombant des yeux
magnifiques, de ce rare bleu si rare à rencontrer ailleurs que
dans les romans », notait Paul en 1951.
Serge
Reggiani les a d'ailleurs chantés sur des paroles de Claude Lemesle:
"La
petite drol' de fille, avec des yeux trop grands , pour ne pas être
bleus, la petite drol' d'anguille avalait en courant, la forêt
quand il pleut,et la terre sur laquelle elle jetait son corps comme
on s'endort sur l'autre,Ce lit où la vie se vautre, Elle jurait
que ses mains y défieraient la mort...Paul, mon petit Paul, tu
vois ces branches que la pluie Dessine sur le ciel, il m'arrive quelquefois
d'imaginer la nuit des arbres artificiels Et je sais très bien
qu'un jour j'animerai la pierr' de mon ciseau-caresse, Oui le marbre
à sa faiblesse et je veux lui donner la force de l'amour."
la
force de l'amour
En 1883, elle rencontre
Rodin et entre dans son atelier l'année suivante. Très
vite l'élève douée devient la maîtresse de
Rodin, alors en pleine maturation de la Porte de l'Enfer et des Bourgeois
de Calais. Les deux artistes s'influencent mutuellement ; la Jeune Fille
à la gerbe de 1887, annonce la Galatée de Rodin, et les
Trois Faunesses sont à l'origine des figures féminines
de la Vague de Camille Claudel.
Le
point culminant de la liaison entre cette femme dynamique et talentueuse
et le sculpteur le plus célèbre du pays se situe en 1892,
dans ce chateau délabré du XIII ème siècle,
boulevard d'Italie, à Paris qu'on appelait, "la folie Payen",
où ils partageaient un atelier. L'oeuvre majeure de Camille,
cette année là, était la paire de danseurs nus
que Dayot voulait voir revêtir d'une draperie. Elle avait accepté
de les revêtir. Au salon de 1893, elle exposa cette oeuvre; Les
jambes de la danseuse étaient entourées d'un motif complexe
de draperies qui n'ôta pas la puissante suggestion érotique
de l'oeuvre. D'ailleurs, Jules Renard, lorsqu'il vit la paire de danseurs
nus dit tout simplement: " Et ce groupe de la Valse où le
couple semble vouloir se coucher et finir la danse par l'amour."
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Pensée
à Camille de Rodin pierre
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La
Valse
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La
Valse coll.Reine Marie -PARIS
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Pensée
à Camille de Rodin pierre
La Valse
La Valse coll.Reine Marie -PARIS
Camille donne toute la
mesure de son art, alors que les relations avec Rodin commençent
à se détériorer comme en témoigne la cruauté
des dessins chargés que Camille consacre au couple Rose-Rodin:
le Système cellulaire, le Réveil, le Collage... Camille
s'aperçoit qu'elle ne sera jamais madame Rodin et qu'elle n'arrivera
pas à évincer Rose Beuret ; les deux amants rompent définitivement
en 1898, et la blessure de cette rupture fut à la mesure de l'amour
incandescent que vécurent, même irrégulièrement,
les deux artistes pendant plus de dix ans.
Camille
ne s'en remit jamais, même si son art commençait alors
à s'affranchir de l'influence de son illustre maître avec
la Valse de 1892, reprise en 1895 et éditée à de
nombreux exemplaires par Eugène Blot après 1905, la Clotho
de 1893, les différentes versions de la Petite Châtelaine
.
La
jeune fille, le mentor et l'harpie
"l'Age
mûr "est un cruel constat de l'abandon de Rodin ; Il laisse
Camille qui l'implore à genoux pour rejoindre Rose.Désormais,
seule, Camille écrit à son frère Paul à
New York: " Je suis toujours attelé à mon groupe
de trois, ecrit-elle; Je vais mettre un arbre penché qui exprimera
la destinée".Personne ne connaissait l'existence de cette
oeuvre , et elle demandait, donc, à Paul de ne montrer les croquis
à personne. Ces dessins sont les premières idées
de Camille pour un groupe qui allait devenir " l'âge mur",
une oeuvre autobiographique montrant un homme déchiré
entre une vieille harpie et une jeune femme.
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La jeune fille,
le mentor et l'harpie de C.Claudel
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La
jeune fille, le mentor et l'harpie de C.Claudel
Voir
biographie de rodin et sa relation intime avec Camille Claudel et Rose
rodin
La
folie
"Un
mouleur, ajoute-t-elle, pour se venger à détruit à
mon atelier plusieurs choses finies." Cette phrase est l'un des
premiers signes de la paranoïa qui allait anéantir Camille
Claudel. C'était en 1893. On peut rapprocher ces premiers signes
de ses deux grandes pertes : celle de son frère Paul, parti pour
les Etats-Unis, et celle de son amant mentor, resté auprès
de Rose Beuret.
La
part la plus profondément originale de l'oeuvre de Camille se
situe au tournant de ce siècle naissant quand, avec entre autres
les Causeuses (1897) et la Vague (1900), elle aborde un nouveau style
issu du japonisme alors en vogue et profondément ancré
dans l'Art nouveau. Utilisant l'onyx, matériau rare, elle fonde
ses compositions sur d'élégants jeux de courbes ; Camille
est alors un sculpteur en phase avec l'art de son temps. Hélas,
les prémices de la maladie de la persécution commençent
à se manifester.
Rodin ne retira pas son
soutien à Camille, même lorsque leur relation personnelle
était au plus basse.Il écrivit ainsi à Gauchez:
" vous êtes sévère pour moi, mais ce qui me
console , c'est que vous rendez justice à mon élève,
qui est un grand sculpteur."Il obtint même qu'une oeuvre
de Camille Claudel soit offerte à Puvis de Chavannes à
l'occasion de son soixante-dixième anniversaire. La commission
choisit " Clotho", une figure du Destin en vieille femme .
A
partir de 1906, la folie s'accentue, Elle est alors internée
à Montfavet.Elle n'aura d'autre rêve que celui de revenir
dans la maison familiale: " Quel bonheur! si je pouvais me retrouver
à Villeneuve, Ce jolie Villeneuve qui n'a rien de pareil ,s'écrie-t-elle,
en 1927. Elle n'y reviendra jamais. Elle mourrut en 1943
Camille
(Serge Reggiani)
La petite drôl' de femme Au fond de l'atelier Du grand Monsieur
Rodin,
La
petite drôl' de dame En habit d'écolier Ignorait le dédain
Et
faisait sourire une âme Aux lèvres de granit Au milieu
du grand vide
Où
le temps sculpte des rides Aux étangs de champagne Et au front
d'Aphrodite.
Oh
! Monsieur Rodin, le feu , Le feu, je veux pouvoir l'enfermer dans la
pierre !
Oh
! Monsieur Rodin, mes yeux,
Pourquoi
me font-ils mal le soir sous mes paupières ?...
La
mort, je n'ai pas peur d'elle
Mais
j'ai peur que l'amour nous oublie en chemin. Nous, les amants immortels,
Toi,
Auguste Claudel, Moi, Camille Rodin ...
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