Arthur Rimbaud Du Poete a l'Aventurier

Jeunesse


Arthur Rimbaud est né à Charleville, le 20 octobre 1854. Son père, Frédéric Rimbaud, capitaine d'infanterie, en garnison à Mézières, a participé à la campagne d'Algérie, pour laquelle il est récompensé de la Légion d'honneur. À un concert donné place de la Musique à Charleville[1], il aurait remarqué Vitalie Cuif, une jeune paysanne de Roche, petite bourgade près d'Attigny et installée à Charleville. Marié très vite avec elle, il repartira avec sa garnison, ne revenant que quelques rares fois, le temps de lui faire un enfant pendant quelques années consécutives. Après la naissance de cinq enfants (Frédéric, Arthur, Victorine ,décédée à l'âge d'un mois, Vitalie et Isabelle), il abandonne sa famille.

Au départ du père, Vitalie emménage avec ses 5 enfants dans un taudis, rue Bourbon, une des plus misérables rues de Charleville à l'époque. Arthur a alors 7 ans.

Il évoque cette période dans ses poèmes :

En juillet 1869, il participe aux épreuves du Concours académique de composition latine sur le thème « Jugurtha », qu'il remporte facilement. Le principal du collège M. Desdouets aurait dit de lui : « Rien de banal ne germe dans cette tête, ce sera le génie du Mal ou le génie du Bien. ». En obtenant tous les prix dès l’âge de 15 ans, il s'affranchit des humiliations de la petite enfance.

Vers la poésie

De cette époque, subsistent les premiers vers : Les Étrennes des orphelins et cet ensemble que la critique appelle le « recueil Demeny » (fin 1870). L'orientation poétique est alors clairement celle du Parnasse. La revue collective, Le Parnasse contemporain, initie Arthur Rimbaud, à la poésie de son temps. Dans une lettre du 24 mai 1870, envoyée au chef de file du Parnasse Théodore de Banville, Arthur, alors âgé de 15 ans, qui cherche à se faire publier dans Le Parnasse contemporain, affirme dans sa lettre de présentation vouloir devenir « Parnassien » ou rien. Il y joint trois poèmes : Ophélie, Par les soirs bleus d'été… et Credo in unam. Banville lui répond, mais les poèmes en question ne sont pas, ni alors, ni plus tard, imprimés dans Le Parnasse. Le poème À la musique, écrit à l'automne 1870, évoque ce mal-être de vivre à Charleville :

« Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses
– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
– Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde - vous savez c’est de la contrebande ;-
Le long des gazons verts ricanent les voyous (…) »
— Extrait du recueil Demeny

« L’enfant-poète » veut rejoindre Paris. Le 29 août 1870, quelques jours avant la bataille de Sedan, Arthur s'enfuit de Charleville en direction de Paris, où il veut devenir journaliste. Cette première fugue s'achève à la prison de Mazas, et s'ensuit un retour à Charleville, où sa mère lui flanque une volée mémorable au milieu du quai de la Madeleine, à côté de l'actuel musée Rimbaud. Mais ce n'est que le début d'une longue série de fugues, car Arthur est atteint d'un besoin maladif de marcher, encore et encore, pour aborder un autre monde par-delà les océans et les montagnes, toujours plus loin. On dira de lui : un « voyageur toqué».

« L’enfant-poète » veut rejoindre Paris. Le 29 août 1870, quelques jours avant la bataille de Sedan, Arthur s'enfuit de Charleville en direction de Paris, où il veut devenir journaliste. Cette première fugue s'achève à la prison de Mazas, et s'ensuit un retour à Charleville, où sa mère lui flanque une volée mémorable au milieu du quai de la Madeleine, à côté de l'actuel musée Rimbaud. Mais ce n'est que le début d'une longue série de fugues, car Arthur est atteint d'un besoin maladif de marcher, encore et encore, pour aborder un autre monde par-delà les océans et les montagnes, toujours plus loin. On dira de lui : un « voyageur toqué >>.

Les séjours parisiens de 1871-1872


Gare de Voncq, près de Roche, de laquelle Rimbaud est parti lors de ses voyages
Arthur Rimbaud — brillant élève — refuse de retourner au lycée. Il boit de l'absinthe et fait une nouvelle fugue qui le mène à Paris à l'issue du siège en février 1871. Durant son séjour à Paris, il ressent très profondément la tragédie de la Commune (mars à mai 1871).

S'il songe bien à rejoindre Paris, et s'il réussit effectivement son projet, on ne peut déterminer la part qu'il prend véritablement dans les émeutes lors des événements de la Commune. En mai 1871, dans sa lettre dite « du Voyant », il exprime sa différence : élaboration d'un vrai programme poétique ou parodie des préfaces-manifestes qui ont émaillé le XIXe siècle.

Dans un poème violent, L'orgie parisienne (ou : Paris se repeuple), il dénonce la lâcheté des vainqueurs. Sa poésie se radicalise encore, devient de plus en plus sarcastique : Les Pauvres à l’Église, par exemple.

L'écriture se transforme progressivement. Rimbaud en vient à critiquer fortement la poésie des romantiques et des Parnassiens, et dans la célèbre Lettre à Paul Demeny dite Lettre du Voyant, il affirme son rejet de la « poésie subjective ». C'est également dans cette lettre qu'il expose sa propre quête de la poésie : il veut se faire « voyant », par un « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Selon Verlaine, Rimbaud a composé son plus beau poème en vers suite à la semaine sanglante. Le poème Les Veilleurs comptait 52 vers et était probablement en alexandrins. Son sujet était la douleur sacrée causée par la chute de la Commune. C'est tout ce que nous en savons.

Il correspond en août et septembre 1871 avec Paul Verlaine auquel il envoie quelques poèmes. En août 1871, dans son poème parodique, Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs, il exprime une critique ouverte de la poétique de Banville. Finalement Verlaine l'appelle à Paris : « Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ! » Rimbaud arrive dans la capitale, en septembre 1871, avec probablement dans ses poches Le Bateau ivre, poème qu'il déclame devant un cercle de poètes parisiens, amis de Verlaine. Il est successivement logé par Verlaine, rue Nicolet, non sans heurts avec la femme de ce dernier, puis chez Charles Cros, André Gill et même quelques jours chez Théodore de Banville[5].


Paul Verlaine (en bas à gauche) et Arthur Rimbaud (à sa gauche). « Le coin de table » peint par Henri Fantin-Latour en 1872 - Musée d'Orsay.Rimbaud a été très bien accueilli par ses pairs plus âgés, notamment lors du dîner des Vilains Bonshommes du 30 septembre 1871, où il a rencontré une part essentielle des grands poètes de son temps. Rimbaud a-t-il composé Le Bateau ivre en présence de Verlaine ou plutôt à Charleville? Une caricature d'André Gill dans l' Album zutique prend pour sujet Le Bateau ivre. Cette caricature daterait de la période d'activité du premier groupe zutique (octobre - novembre 1871): Rimbaud avait tout juste 17 ans le 20 octobre de cette année-là! En tout cas, certains indices laissent à penser que des poèmes tels que Voyelles, Oraison du soir, Les Chercheuses de poux, "L'Etoile a pleuré rose...", Tête de faune ou Les Mains de Jeanne-Marie datent eux aussi de cette période parisienne. Les contributions rimbaldiennes à l'Album zutique datent d'octobre - novembre 1871 également. Le manuscrit connu du poème Les Mains de Jeanne-Marie est daté de février 1872 par Verlaine. Certains documents laissent à penser que nous avons perdu quelques poèmes en vers de Rimbaud pour l'année 1872, à commencer par la liste de nombres de vers par poème qui figure au dos d'un manuscrit de Fêtes de la faim. Nous aurions perdu également le texte de La Chasse spirituelle, texte que Verlaine prétend avoir oublié chez sa femme au moment de l'escapade en Belgique. Toutefois, Jacques Bienvenu a clairement montré que Verlaine a voulu faire croire que le texte de La Chasse spirituelle se confondait avec le texte infamant des lettres échangées par Rimbaud et Verlaine en mars-avril 1872. Ces lettres furent retrouvées par la femme de Mathilde qui s'en servit ultérieurement pour gagner son procès en demande de séparation en 1874. Une copie de ces lettres a dû être établie par un greffe, mais, si tel est bien le cas, ces précieuses archives nationales ont été détruites à une date indéterminée au cours du vingtième siècle! Mathilde a-t-elle détruit des poèmes de Rimbaud? Ces poèmes réapparaîtront-ils un jour? En 2004, une version inédite du poème Mémoire, sous le titre Famille maudite, a redonné espoir. Mais il n'est pas absolument certain que ce manuscrit provienne des héritiers de Verlaine et de son ex épouse. Quant au texte de La Chasse spirituelle, s'il a existé, on peut se demander à quel point était-il proche des Déserts de l'amour? Ne pourrait-il pas s'agir du même texte?

En mars 1872, les provocations de Rimbaud excèdent le milieu parisien depuis quelque temps. L'incident Carjat au dîner des Vilains Bonshommes de mars 1872 fut la goutte qui fait déborder le vase. Rimbaud complétement saoul y a blessé le célèbre photographe d'un coup de canne-épée. Pour sauver son couple et rassurer ses amis, Verlaine se condamne à éloigner Rimbaud de Paris. Rimbaud se fait oublier quelque temps en retournant à Charleville, puis revient dans la capitale dans le courant du premier semestre 1872 pour de nouveau quitter Paris le 7 juillet, cette fois en compagnie de Verlaine. Commence alors avec son aîné une liaison amoureuse et une vie agitée à Londres, puis à Bruxelles.

Cette liaison tumultueuse se termine par ce que l'histoire littéraire désigne sous le nom de « drame de Bruxelles » : en juillet 1873, les deux amants sont à Londres. Verlaine quitte brusquement Rimbaud, en affirmant vouloir rejoindre sa femme, décidé à se tirer une balle dans la tête si elle n'accepte pas. Il réside dans un hôtel bruxellois. Rimbaud le rejoint, persuadé que Verlaine n'aura pas le courage de mettre fin à ses jours. Alors que Rimbaud veut le quitter, Verlaine, ivre, lui tire dessus à deux reprises, le blessant légèrement au poignet. Verlaine est incarcéré à Mons. Rimbaud rejoint la ferme familiale de Roche où il écrit Une saison en enfer.

Une saison en Enfer est peut-être, comme l'a prétendu Verlaine, une « prodigieuse autobiographie spirituelle » de Rimbaud. L'écriture chaotique est sans cesse traversée par une multiplicité de voix intérieures. Le locuteur y crie sa souffrance, son expérience intime : il a compris qu'il ne pouvait « voler le feu » pour lui seul. Une « ardente patience » est indispensable pour que la défaite ne soit pas définitive. Mais vouloir oublier « l'Enfer », c'est trahir l'humanité. Pourtant, dans la solitude atroce de la Ville, la fatigue étreint le jeune poète.

Régulièrement aphasique ou traversé par des cris de haine pour l'Église, pour la société du XIXe siècle qui enferme l'individu, Rimbaud fait part au lecteur de ses échecs : échec amoureux, et l'on peut penser à sa relation avec Verlaine, mais aussi au fait que pour lui, « l'amour est à réinventer ». Échec aussi de sa démarche de Voyant : c'est un être qui, seul, a voulu se damner pour retrouver le vrai sens de la poésie.

Les poèmes écrits par la suite ne sont pas tous identifiés. Il reste des zones d'ombre sur ce que Verlaine a appelé de superbes fragments[6], et qui seront édités sous le titre Illuminations. Son parcours s'achève par l'irruption de « la réalité rugueuse à étreindre ». Aussi va-t-il se taire, à 21 ans, parce qu'il a accompli tout ce qui était en son pouvoir, dans le « désert et la nuit » qui l'entourent. Il sait désormais qu'à elle seule, la poésie ne peut changer la vie si elle n'est pas servie par une révolution totale où l'amour, la liberté et la poésie se conjuguent au présent.

Verlaine et Rimbaud à Londres
(sept-déc 1872)


Le Rêve de Bismarck
En avril 2008, un texte inédit de Rimbaud, signé du pseudonyme de Jean Baudry, est découvert.[7]. Il s'agit d'un pamphlet paru dans le journal Le Progrès des Ardennes en novembre 1870. Intitulé Le Rêve de Bismarck, le texte s'en prend au chancelier prussien. Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud et auteur de plusieurs ouvrages sur le poète[8], atteste son authenticité dans le Figaro du 22 mai 2008[9]. Désormais, le Rêve de Bismark figure dans la nouvelle édition Pléiade des Oeuvres complètes de Rimbaud[10]. Cette édition, sortie en février 2009, a été réalisée sous la direction d'André Guyaux[11], spécialiste de la littérature du XIXème siècle qui avait déjà notamment travaillé sur les Illuminations.

Vie en Afrique

Il retourne un temps à Londres en compagnie du poète Germain Nouveau, qui participe à la mise au propre du manuscrit des Illuminations. Il remet son manuscrit à Verlaine en 1875 à Stuttgart. Puis, le jeune poète abandonne le monde de la littérature, pour vivre l'aventure comme remède à l'ennui, voguant, à partir de 21 ans, à travers toute l'Europe (Allemagne, Suède, Danemark, Autriche-Hongrie, Italie, Suisse, Chypre). Durant ce périple, lors d'un passage en Belgique en 1876, après avoir rencontré un racoleur, il accepte de s'engager dans les troupes coloniales des Indes néerlandaises (Indonésie actuelle), mais une fois sa solde perçue (équivalent d'un an de salaire ouvrier pour l'époque), il déserte trois jours après son arrivée dans l'île de Java et entreprend incognito un retour en Europe. Il poursuit son errance à partir de 1880 vers des pays aux noms qui font rêver (Égypte, Yémen, Tadjoura dans l'actuelle République de Djibouti, Éthiopie, Érythrée), mais qui, pour lui, ne sont pas que des lieux de commerce, mais aussi le théâtre d'une longue dérive personnelle dans laquelle il va finir par se perdre.

Le film documentaire Athar décrit cette période de sa vie.

Arrivant à Aden, il se revendique, comme travailleur manuel, simple ouvrier. Le 7 août 1880, il s'installe comme contremaître des trieuses de café de la compagnie Bardey. À l'époque, le port de Moka (Yémen) connaît un commerce florissant grâce au café.

En décembre 1880, il arrive à Harar en Abyssinie, la cité aux 99 minarets.

La légende veut qu'il soit l'un des premiers Occidentaux à pénétrer dans cette ville sainte de l'islam. Il devient gérant d'un comptoir commercial et pratique le commerce de l'ivoire, du café, des peaux et de l'or, qu'il échange contre des tissus de Lyon, des casseroles, de la bimbeloterie. Il se livre aussi au commerce des armes, la région étant agitée de nombreux conflits à l'époque. En revanche, la légende faisant de Rimbaud un négrier est infondée : il est seulement vrai qu'il demande, en 1889, un couple d'esclaves à un ami « pour son service personnel » et qu'il ne reçut jamais.

Il fait la rencontre du Père Bernardin qui y est missionnaire et précepteur catholique du fils orthodoxe du Négus. Ce capucin atypique, qui n'hésite pas à recourir aux soins dispensés par des guérisseurs locaux, confie plus tard à la Bibliothèque provinciale de Toulouse de précieux documents rimbaldiens.

Il est également reconnu que Rimbaud a amassé une petite fortune au cours de ses expéditions africaines, qu'il a déposée en partie dans une agence bancaire du Caire lors d'un séjour en Égypte en août 1887. À cette occasion, il publie dans le journal Bosphore égyptien un long papier relatant son voyage dans le Choa et critiquant les affaires françaises dans la corne de l'Afrique, dans les éditions datées des 25 et 27 août 1887. La semaine suivante, il se serait promené aux abords du Nil, jusqu'à Louxor, où il aurait laissé un « graffiti » sur une colonne présente sur le lieu de naissance du pharaon Aménophis III, graffiti retrouvé, plusieurs décennies plus tard, par Jean Cocteau (entre autres).

Cependant, à Harar comme ailleurs, Rimbaud s'ennuie toujours, et, dans une de ses lettres à sa famille, il dit :

« Je m'ennuie beaucoup, toujours ; je n'ai même jamais connu personne qui s'ennuyât autant que moi. »

En 1891, il se fait rapatrier, une tumeur au genou droit s'est déclarée. Il doit être amputé dès son arrivée à l'hôpital de la Conception de Marseille. Le 24 juillet 1891, il débarque à la gare de Voncq, à 3 kilomètres de Roche, avec sa béquille et sa nouvelle jambe de bois. Mais le cancer s'étend, son bras droit est aussi atteint par une métastase, des névralgies s'installent, il repart un mois plus tard, en train, pour aller « faire une bonne mort » à Marseille. Selon sa sœur, il aurait retrouvé la foi catholique durant cette maladie. Il meurt le 10 novembre 1891, à l'âge de 37 ans, dans d'atroces souffrances, veillé par sa sœur cadette Isabelle. Sur son lit d'agonie, il supplie qu'on le fasse « remonter à bord » pour « partir pour Suez ». Néanmoins, son corps est ramené à Charleville, où il est enterré dans la tombe de sa famille maternelle où reposent son grand-père Jean Nicolas Cuif, mort en 1858, et sa sœur Vitalie morte à 17 ans en 1875. Sa mère, Mme Rimbaud, née Vitalie Cuif, les rejoint en 1907.

Ainsi que d'autres de ses compagnons de vie dans la corne de l'Afrique et à Aden sont éloquents quant à ses talents de commerçant, d'explorateur et de polyglotte. Ces témoignages informent en outre sur la vie privée de Rimbaud à Harar, fournissant des détails sur ses diverses aventures avec des femmes africaines, particulièrement avec une femme abyssinienne de grande beauté, de laquelle une photographie a été conservée.

En résumé, Rimbaud a eu en Afrique et en Asie une « nouvelle vie » longue et complexe, que l'attitude dédaigneuse — et peut-être simplement jalouse — de Verlaine (qui, à cette époque, évoque Arthur comme étant son « grand péché radieux », dans son poème Laeti et Errabundi) n'a pas la capacité d'annihiler.


tombe d'Arthur Rimbaud au cimetière de Charleville

Apport poétique

Musée Rimbaud à CharlevilleAu plan formel, Rimbaud a pratiqué une versification de plus en plus ambitieuse en fait d'enjambements à l'entrevers et à la césure, avant de littéralement "déglinguer" la mécanique ancienne du vers, autour de 1872, dans les trois quatrains de Tête de faune puis dans un ensemble de compositions souvent réunies sous le titre apocryphe de Derniers vers. Il a encore inventé le vers libre, mais sans en préciser les règles, avec deux poèmes des Illuminations: Marine et Mouvement. Certains symbolistes, comme Gustave Kahn, s'attribueront l'invention du vers libre, mais Gustave Kahn a contribué justement à la première publication des Illuminations et plus précisément aucune VERSION authentique de poème en vers libre non rimbaldien n'a pu être exhibée comme étant antérieure à cette publication en 1886. Rimbaud a par ailleurs donné ses lettres de noblesse à un type de poème en prose supérieur au Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand et surtout distinct d'expériences plus prosaïques du type du Spleen de Paris de Baudelaire. Les ressources poétiques de la langue sont encore exploitées sous un jour différent dans le célèbre livre pseudoautobiographique Une saison en enfer. La finesse poétique de la prose rimbaldienne n'a jamais été retrouvée par aucun poète au monde, ce qui permet à Rimbaud de trôner insolemment parmi les poètes les plus fascinants qui aient jamais existé. Avec un fort penchant à l'hermétisme, penchant partagé par d'autres de ses quasi contemporains (Nerval, Mallarmé, sinon Verlaine parfois), Rimbaud a le génie des visions saisissantes qui semblent défier tout ordre de description du réel. Deux compositions emblématiques à cet égard: Le Bateau ivre et Voyelles. Les propos radicaux des deux lettres dites "du voyant" et l'étrangeté des univers poétiques suggérés dans le sonnet Voyelles, les proses des Illuminations et l'ensemble dit des Derniers vers ont contribué à forger un mythe absurde des pouvoirs démiurgiques de la parole poétique. Les Illuminations commencent seulement depuis vingt ans à être mieux cernées au plan du sens. Les énigmes sont en revanche plus corsées en ce qui concerne les poèmes en vers de 1872 et le sonnet Voyelles. Appréhendée intuitivement par l'intégralité des poètes successeurs, la poésie de Rimbaud n'en a pas moins ouvert la voie à la poésie contemporaine du XXe siècle et nombreux sont les auteurs qui s'en réclament tels Jarry, Artaud, Vitrac, René Char et tous les surréalistes, sans oublier les poètes du Grand Jeu comme René Daumal, ou encore Henri Michaux, ainsi que des artistes-interprètes, tel que Bob Dylan.


Mouvement(s)
Rimbaud était-il parnassien ou symboliste? Pourquoi dit-on de Rimbaud qu'il appartient au symbolisme? C'est la question naïve qu'on pose souvent. En fait, les mouvements sont des étiquettes qui peuvent dans certains cas fort mal circonscrire la production d'un auteur et cela est particulièrement vrai de Rimbaud. L'étiquette qui conviendrait le moins mal à Rimbaud n'est ni celle de poète du Parnasse, ni celle de poète du symbolisme, mais celle de poète romantique, même si Rimbaud critique le romantisme. Rimbaud a souhaité collaboré au second volume du Parnasse contemporain et sa production de l'année 1870 est fort proche de l'esprit de cette revue. Rimbaud a été un temps un poète parnassien, mais cela ne définit pas pour autant sa poésie. En même temps, contrairement aux idées reçues, le mouvement parnassien demeure dans le prolongement du romantisme, malgré le rejet de l'épanchement lyrique du Moi poétique. La poésie de Rimbaud en 1871, marquée par les événements politiques et la montée à Paris, est nettement d'obédience romantique, avec une influence évidente de Charles Baudelaire et non moins de Victor Hugo. En revanche, la poésie ultérieure de Rimbaud témoigne de diverses explorations foncièrement originales qui n'appartiennent à aucun courant contemporain. Toutefois, les préoccupations majeures du romantisme continuent de jouer un rôle important dans sa création. Enfin, l'étiquette d'un Rimbaud symboliste est en tout cas résolument à écarter. Dans les années 1880, une jeune génération de poètes s'est cherché des maîtres dans les poètes encore obscurs de la génération précédente. Ils ont choisi de célébrer Verlaine, Rimbaud, Mallarmé. Mais, l'oeuvre des symbolistes n'est pas le reflet des oeuvres des trois illustres aînés. Verlaine et Mallarmé ont participé aux activités des symbolistes, mais n'en ont partagé l'étiquette que par un relatif opportunisme du temps. En ce qui concerne Rimbaud, Verlaine l'a dit très clairement: Le Bateau ivre est un chef-d'oeuvre symbolique, mais à coup sûr pas symboliste.


Musée Rimbaud à Charleville
source Wikipédia