Un esprit qui marche de lueur en lueur
et qui s'arrête éperdu - au bord de l'infini

Victor Hugo

1802 - 1885

Les Contemplations

Livre 2 - L'Âme en fleur

XVII- Sous les arbres

XVII- Sous les arbres

Ils marchaient à côté l'un de l'autre; des danses
Troublaient le bois joyeux; ils marchaient, s'arrêtaient,
Parlaient, s'interrompaient, et, pendant les silences,
Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.

Ils songeaient; ces deux coeurs, que le mystère écoute,
Sur la création au sourire innocent
Penchés, et s'y versant dans l'ombre goutte à goutte,
Disaient à chaque fleur quelque chose en passant.

Elle sait tous les noms des fleurs qu'en sa corbeille
Mai nous rapporte avec la joie et les beaux jours;
Elle les lui nommait comme eût fait une abeille,
Puis elle reprenait: «Parlons de nos amours.

«Je suis en haut, je suis en bas,» lui disait-elle,
Et je veille sur vous, d'en bas comme d'en haut.»
Il demandait comment chaque plante s'appelle,
Se faisant expliquer le printemps mot à mot.

O champs! il savourait ces fleurs et cette femme.
O bois! ô prés! nature où tout s'absorbe en un,
Le parfum de la fleur est votre petite âme,
Et l'âme de la femme est votre grand parfum!

La nuit tombait; au tronc d'un chêne, noir pilastre,
Il s'adossait pensif; elle disait: «Voyez
Ma prière toujours dans vos cieux comme un astre,
Et mon amour toujours comme un chien à tes pieds.»

Juin 18...