Un esprit qui marche de lueur en lueur
et qui s'arrête éperdu - au bord de l'infini

Victor Hugo

1802 - 1885

Les Contemplations

Livre 1

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants


Passer, gonflant ses voiles,

Un rapide navire enveloppé de vents,
De vagues et d'étoiles;
Et j'entendis, penché sur l'abîme des cieux
Que l'autre abîme touche,
Me parler à l'oreille une voix dont mes yeux
Ne voyaient pas la bouche:

-Poëte, tu fais bien! Poëte au triste front,
Tu rêves près des ondes,
Et tu tires des mers bien des choses qui sont
Sous les vagues profondes!

La mer, c'est le Seigneur, que, misère ou bonheur,
Tout destin montre et nomme;
Le vent, c'est le Seigneur; l'astre, c'est le Seigneur;
Le navire, c'est l'homme.-

Juin 1839.