Stéphane
Mallarmé et le Symbolisme
Né à Sens dans une famille de fonctionnaires de l'enregistrement,
Mallarmé est dès sa jeunesse marqué par une insondable
tristesse. Après son bac, bien que Surnuméraire de l'Enregistrement,
il se liera avec Emmanuel des Essarts, un jeune poète fréquentant
les milieux littéraires de la Capitale, qui lui fera connaître
la "Revue Fantaisiste" que venait de fonder Catulle Mendès.
En parallèle de sa carrière poétique, Stéphane
Mallarmé (1842-1898) fut professeur d'anglais. Reçu au
certificat d'aptitude à l'enseignement de l'anglais en 1863-64,
il débuta sa carrière de Professeur à Tournon puis
il passa par Besançon et Avignon et en 1871, il est nommé
au Lycée Fontanes. André Fontaines dans "Mes souvenirs
du Symbolisme" précise: "Mallarmé fut nommé
professeur d'anglais au Lycée Fontanes le 25 octobre 1871, promu
officier de l'Académie le 14 juillet 1883 et muté au Lycée
Jeanson de Sailly en octobre 1884. Il enseignait dans les petites classes
et n'était guère apprécié de ses supérieurs.
Son proviseur le notait en ces termes: "En dépit des observations
de l'inspection générale, ne fait aucun effort pour s'améliorer
en anglais. Je doute même qu'il sache le français",
est-ce pour cette raison qu'il termina sa carrière au Collège
Rollin? Un de ses élèves du Lycée Fontanes (Condorcet),
Jean Ajalbert dans "Mémoires en vrac" le décrit
ainsi:
"Mallarmé, naguère notre professeur d'anglais....
On ne le chahutait pas, mais tout juste. C'était une "Classe
blanche", avec ce petit homme, le plus effacé des maîtres,
dont nous aurions oublié le nom, si, par la suite.... il écrivait
au tableau quelques vers à traduire et apprendre, puis s'installait
à sa chaire, derrière un barrage de livres et de papiers,
où il travaillait pour lui..."
Le Lycée Fontanes était "le seul lycée pour
la Plaine Monceau, le Bois, Passy... A coté de l'escouade de
poètes symbolistes qui a rendu cette génération
célèbre, des anciens élèves du Lycée
Fontanes, à qui Camille Bloch et Gabriel Astruc servirent de
répétiteur, laissèrent leur nom à la postérité:
"le poète Ephraïm Mikhaël, le peintre Paul Sérurier,
le futur duc Elie Decaze, Paul de Remusat, Stuart Merryll, André
Fontainas, Pierre Quillard, Thadée et Alfred Natanson, Marcel
Proust, Jacques Bizet, fils de Georges et Geneviève Halévy,
etc.... Dès 1872 les amis à Paris de Mallarmé sont
Villiers l'Isle-Adam, le Comte de Lisle, Banville, Mendès, Verlaine,
Anatole France, Rimbaud, Moréas, Manet, Whistler, Augusta Holmès,
etc... Il s'installa en 1874 avec sa famille rue de Rome où dans
son appartement au 4ème étage il recevait chaque mardi,
à partir de 1880, un groupe croissant d'amis et de disciples.
Mallarmé collabora pour neuf numéros de la "Derrière
Mode" mais de style Parnassien, fut surtout le plus reconnu des
poètes symbolistes avant de passer progressivement vers "l'Hermétisme".
Ses oeuvres sont alors: "Les fenêtres", "L'Azur",
"Brise Marine", "Hérodiade", "Le Pitre
châtié", "Toast funèbre", "le
Tombeau d'Edgar Poé", "l'Hyperbole" et "le
Tombeau" inachevé qu'il avait voulu composer après
la mort de son fils Anatole. Il écrivit en 1876 "L'après-midi
d'un faune". La Bibliothèque Nationale conserve encore une
des plaquettes éditées à cet effet par Edouard
Manet et Stéphane Mallarmé sous le générique:
"l'après-midi d'un faune" égalogue par S. Mallarmé
avec frontispice, fleurons et ciel de lampe. Manet et Mallarmé
confectionnèrent ce que le poète décrivit plus
tard comme "une des premières plaquettes coûteuse
et sac à bonbons mais de rêve et un peu orientaux".
"Le Tombeau d'Edgar Poé"
"Tel
qu'en lui même enfin l'éternité le change,
Le
poète suscite avec un glaive nu
Son
siècle épouvanté de n'avoir pas connu
Que
la mort triomphait dans cette voix étrange...."
Stéphane Mallarmé restera pourtant à l'écart
de toute école et poussa bien au-delà du symbole proprement
dit sur la voie de l'hermétisme mais sa haute conception de l'idéal,
son dévouement total au sacerdoce poétique et ses dons
exceptionnels font de lui le plus grand et le plus pur des symbolistes.
Or qu'est-ce que le Symbolisme? C'est l'ensemble des jeunes gens de
1885 aux premières années du XXème siècle
qui ont résolu de se défendre contre l'emprise d'une école,
qui ont lutté contre l'école dont Emile Zola fut le chef
incontesté. Ils reprochaient également aux Parnassiens
de n 'attacher leur attention qu'à des formules trop strictes.
La jeune école symboliste, dont Jean Moréas écrivit
"Le Manifeste du Symbolisme", va considérer Mallarmé
comme son maître, et les Mardis de la Rue de Rome réuniront
autour de lui un grand nombre de disciples charmés par ses propos
sur la poésie et la musique: René Ghil, Gustave Kahn,
Jules Laforgue, Vielé-Griffin, Henri de Régnier, Maurice
Barrés, Paul Claudel, André Gide, Paul Valéry et
l'éditeur Raymond Schwab. Le Comte Robert de Montesquiou écrivit
de nombreux poèmes symbolistes, il fut l'ami généreux
de Mallarmé, Verlaine, Fauré et mit à la mode un
certain esthétisme.
Gustave Kahn a précisé: "C'était Mallarmé
qui avait surtout parlé du Symbole, y voyant un équivalent
au mot "Synthèse" et concevant que le symbole était
une synthèse vivante et ornée, sans commentaires critiques".
A propos du "Symbolisme" Stéphane Mallarmé se
justifiait ainsi: "J'ai jeté les fondements d'une oeuvre
magnifique. Tout homme a un secret à lui. Beaucoup meurent sans
l'avoir trouvé, ou ne le trouveront pas, parce que, morts, il
n'existera plus, ni eux. Je suis mort et ressuscité avec la clef
de pierreries de ma dernière cassette spirituelle. Il me faut
vingt ans, pour lesquels je vais me cloîtrer en moi, renonçant
à tout autre publicité que la lecture de mes amis".
Léo d'Orfer a surenchérit: "La poésie est
l'expression, par le langage humain ramené à son rythme
essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence: elle
doute ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la
seule tâche spirituelle".
Stéphane Mallarmé découvrit les oeuvres de Wagner
grâce à Edouard Dujardin, mais la musique irait-elle plus
loin que la poésie. Il en conçut une "sublime jalousie"
et se persuadera que la poésie devait "reprendre à
la musique son bien". Mallarmé se tournera également
vers la peinture symbolique: un banquet présidé par Mallarmé
fut donné en l'honneur de Gaughin le 23 Mars 1891 au Café
Voltaire. Avant son départ pour Tahiti Paul Gaughin put lire
dans le "Mercure de France" un long article d'Albert Aurier
intitulé: "Le Symbolisme en Peinture. Paul Gaughin".
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