Stéphane Mallarmé

1842 - 1898

Les grandes heures de Valvins

Mallarmé et le symbolise

Cette foule hagarde ! Elle annonce : Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs
Stéphane Mallarmé
Extrait de Toast funèbre


 

Stéphane Mallarmé et le Symbolisme


Né à Sens dans une famille de fonctionnaires de l'enregistrement, Mallarmé est dès sa jeunesse marqué par une insondable tristesse. Après son bac, bien que Surnuméraire de l'Enregistrement, il se liera avec Emmanuel des Essarts, un jeune poète fréquentant les milieux littéraires de la Capitale, qui lui fera connaître la "Revue Fantaisiste" que venait de fonder Catulle Mendès. En parallèle de sa carrière poétique, Stéphane Mallarmé (1842-1898) fut professeur d'anglais. Reçu au certificat d'aptitude à l'enseignement de l'anglais en 1863-64, il débuta sa carrière de Professeur à Tournon puis il passa par Besançon et Avignon et en 1871, il est nommé au Lycée Fontanes. André Fontaines dans "Mes souvenirs du Symbolisme" précise: "Mallarmé fut nommé professeur d'anglais au Lycée Fontanes le 25 octobre 1871, promu officier de l'Académie le 14 juillet 1883 et muté au Lycée Jeanson de Sailly en octobre 1884. Il enseignait dans les petites classes et n'était guère apprécié de ses supérieurs. Son proviseur le notait en ces termes: "En dépit des observations de l'inspection générale, ne fait aucun effort pour s'améliorer en anglais. Je doute même qu'il sache le français", est-ce pour cette raison qu'il termina sa carrière au Collège Rollin? Un de ses élèves du Lycée Fontanes (Condorcet), Jean Ajalbert dans "Mémoires en vrac" le décrit ainsi:
"Mallarmé, naguère notre professeur d'anglais.... On ne le chahutait pas, mais tout juste. C'était une "Classe blanche", avec ce petit homme, le plus effacé des maîtres, dont nous aurions oublié le nom, si, par la suite.... il écrivait au tableau quelques vers à traduire et apprendre, puis s'installait à sa chaire, derrière un barrage de livres et de papiers, où il travaillait pour lui..."

Le Lycée Fontanes était "le seul lycée pour la Plaine Monceau, le Bois, Passy... A coté de l'escouade de poètes symbolistes qui a rendu cette génération célèbre, des anciens élèves du Lycée Fontanes, à qui Camille Bloch et Gabriel Astruc servirent de répétiteur, laissèrent leur nom à la postérité: "le poète Ephraïm Mikhaël, le peintre Paul Sérurier, le futur duc Elie Decaze, Paul de Remusat, Stuart Merryll, André Fontainas, Pierre Quillard, Thadée et Alfred Natanson, Marcel Proust, Jacques Bizet, fils de Georges et Geneviève Halévy, etc.... Dès 1872 les amis à Paris de Mallarmé sont Villiers l'Isle-Adam, le Comte de Lisle, Banville, Mendès, Verlaine, Anatole France, Rimbaud, Moréas, Manet, Whistler, Augusta Holmès, etc... Il s'installa en 1874 avec sa famille rue de Rome où dans son appartement au 4ème étage il recevait chaque mardi, à partir de 1880, un groupe croissant d'amis et de disciples. Mallarmé collabora pour neuf numéros de la "Derrière Mode" mais de style Parnassien, fut surtout le plus reconnu des poètes symbolistes avant de passer progressivement vers "l'Hermétisme". Ses oeuvres sont alors: "Les fenêtres", "L'Azur", "Brise Marine", "Hérodiade", "Le Pitre châtié", "Toast funèbre", "le Tombeau d'Edgar Poé", "l'Hyperbole" et "le Tombeau" inachevé qu'il avait voulu composer après la mort de son fils Anatole. Il écrivit en 1876 "L'après-midi d'un faune". La Bibliothèque Nationale conserve encore une des plaquettes éditées à cet effet par Edouard Manet et Stéphane Mallarmé sous le générique: "l'après-midi d'un faune" égalogue par S. Mallarmé avec frontispice, fleurons et ciel de lampe. Manet et Mallarmé confectionnèrent ce que le poète décrivit plus tard comme "une des premières plaquettes coûteuse et sac à bonbons mais de rêve et un peu orientaux".



"Le Tombeau d'Edgar Poé"

"Tel qu'en lui même enfin l'éternité le change,

Le poète suscite avec un glaive nu

Son siècle épouvanté de n'avoir pas connu

Que la mort triomphait dans cette voix étrange...."


Stéphane Mallarmé restera pourtant à l'écart de toute école et poussa bien au-delà du symbole proprement dit sur la voie de l'hermétisme mais sa haute conception de l'idéal, son dévouement total au sacerdoce poétique et ses dons exceptionnels font de lui le plus grand et le plus pur des symbolistes. Or qu'est-ce que le Symbolisme? C'est l'ensemble des jeunes gens de 1885 aux premières années du XXème siècle qui ont résolu de se défendre contre l'emprise d'une école, qui ont lutté contre l'école dont Emile Zola fut le chef incontesté. Ils reprochaient également aux Parnassiens de n 'attacher leur attention qu'à des formules trop strictes. La jeune école symboliste, dont Jean Moréas écrivit "Le Manifeste du Symbolisme", va considérer Mallarmé comme son maître, et les Mardis de la Rue de Rome réuniront autour de lui un grand nombre de disciples charmés par ses propos sur la poésie et la musique: René Ghil, Gustave Kahn, Jules Laforgue, Vielé-Griffin, Henri de Régnier, Maurice Barrés, Paul Claudel, André Gide, Paul Valéry et l'éditeur Raymond Schwab. Le Comte Robert de Montesquiou écrivit de nombreux poèmes symbolistes, il fut l'ami généreux de Mallarmé, Verlaine, Fauré et mit à la mode un certain esthétisme.

Gustave Kahn a précisé: "C'était Mallarmé qui avait surtout parlé du Symbole, y voyant un équivalent au mot "Synthèse" et concevant que le symbole était une synthèse vivante et ornée, sans commentaires critiques". A propos du "Symbolisme" Stéphane Mallarmé se justifiait ainsi: "J'ai jeté les fondements d'une oeuvre magnifique. Tout homme a un secret à lui. Beaucoup meurent sans l'avoir trouvé, ou ne le trouveront pas, parce que, morts, il n'existera plus, ni eux. Je suis mort et ressuscité avec la clef de pierreries de ma dernière cassette spirituelle. Il me faut vingt ans, pour lesquels je vais me cloîtrer en moi, renonçant à tout autre publicité que la lecture de mes amis". Léo d'Orfer a surenchérit: "La poésie est l'expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence: elle doute ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle".

Stéphane Mallarmé découvrit les oeuvres de Wagner grâce à Edouard Dujardin, mais la musique irait-elle plus loin que la poésie. Il en conçut une "sublime jalousie" et se persuadera que la poésie devait "reprendre à la musique son bien". Mallarmé se tournera également vers la peinture symbolique: un banquet présidé par Mallarmé fut donné en l'honneur de Gaughin le 23 Mars 1891 au Café Voltaire. Avant son départ pour Tahiti Paul Gaughin put lire dans le "Mercure de France" un long article d'Albert Aurier intitulé: "Le Symbolisme en Peinture. Paul Gaughin".