Le Symbolisme


Défini au sens strict, le symbolisme représente un cercle littéraire assez restreint dont faisaient partie des poètes comme Stuart Merrill, Albert Samain et, à une certaine époque, Jean Moréas. Ce dernier publie d'ailleurs le manifeste du mouvement en 1886, dans le Figaro. Dans cet article, Moréas parle d'un art qui serait ennemi de la déclamation, de l'enseignement et de la fausse sensibilité et il proclame que la poésie devrait désormais suggérer plutôt que décrire. Il ajoute que l'usage de mots rares, de métaphores raffinées et de vers impairs permettrait de renouveler la langue poétique.


Si le cercle symboliste dont nous venons de parler a eu une vie éphémère, il reste que les préoccupations qui se faisaient jour dans le manifeste de Moréas étaient celles de très nombreux artistes de la fin du dix-neuvième siècle, partout à travers l'Europe. De fait, il fallait, pour plusieurs, échapper au règne de la pensée rationaliste imposée par la science et relayée par le naturalisme tout en créant de nouvelles formes artistiques. Il ne s'agissait plus de décrire la société telle que chacun peut la voir, mais au contraire d'inventer du neuf, de donner à voir ce que nul auparavant n'avait aperçu : l'expérience de la voyance tentée par Rimbaud suit cette voie, tout comme l'idée baudelairienne de correspondances ou la pensée de Mallarmé selon laquelle le monde tout entier est fait pour aboutir à un livre.


C'est donc en comprenant le mot «symbolisme» dans son sens le plus vaste que nous avons bâti ce site. Il s'agit dès lors, pour nous, d'un courant culturel qui a touché l'ensemble des pays européens à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle. Ce mouvement radicalement neuf, foncièrement étranger à tout réalisme et à tout rationalisme, nous allons le décrire à partir de l'oeuvre de plusieurs poètes de langue française, mais aussi à partir des six thèmes suivants : l'impalpable, les angoisses du Moi, les images de la femme, la décadence, le sentiment religieux et la volonté de créer un art total.