Le
mot baroque vient du portugais barroco, ce qui signifie «perle
irrégulière». Le terme, d'abord utilisé
en histoire de l'art, désignait le travail d'architectes,
de peintres et de décorateurs qui, dans la mouvance de
la Contre-Réforme, ont voulu créer un art théâtral,
spectaculaire, fait de courbes et de formes instables. Cette esthétique
nouvelle, née en réaction à l'équilibre
que la Renaissance avait héritée de l'Antiquité,
inspira aussi des compositeurs qui, comme Monteverdi, désiraient
que la musique soit plus libre, plus souple, de manière
à ce qu'elle puisse mieux qu'avant imiter les sursauts
de l'âme.
En poésie,
notamment chez d'Aubigné, Tristan
L'Hermite ou Vincent
Voiture, le goût qu'avaient les architectes pour
les façades courbes, donnant une impression d'instabilité,
ce goût qu'avaient aussi les peintres pour le trompe-l'oeil,
prend une allure plus grave où c'est la vie elle-même
qui apparaît mouvante: l'amour est éphémère,
le bonheur n'est rien d'autre qu'une illusion et l'existence devient
une suite de métamorphoses où la réalité
n'a désormais pas plus de poids qu'un souffle. Il n'est
pas inutile, à ce propos, de rappeler que les incertitudes
et les angoisses religieuses ont, tout au long du XVIe siècle
et pour une bonne part du XVIIe, ébranlé la civilisation
européenne; dès lors, il n'y a pas lieu de se surprendre
que la poésie ait gardé la trace de la précarité
des choses.
Le baroque en poésie,
toutefois, s'est aussi développé au sein de milieux
mondains, ce que notamment les oeuvres de Desportes
et d'Urfé,
le créateur de l'Astrée, nous font voir. Dans ces
cas, l'inspiration est moins angoissée, plus artificielle
aussi sans doute que chez d'Aubigné par exemple, mais l'art
gagne alors de la virtuosité et une part ludique qui gagne
à être appréciée.
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