A
ÉMILE ZOLA
Ce
mercredi [juillet 1881 ?].
Cher
Maître et ami,
On vient de m'apporter un n° de L'Événement qui
contient une Chronique de Chapron dont je suis fort embêté.
Il m'est absolument indifférent que ce Mr traite mon livre
d'« ordure » et de « répugnant bouquin »
mais je crois voir dans les phrases de la fin, dans le « dont
je n'ai jamais aperçu le profil, je me hâte de le dire
» des intentions d'une perfidie particulière, qui sembleraient
indiquer que je me serais plaint à quelqu'un, sinon à
lui, de ce que votre article n'a point passé, et cela dans
des termes qui mettraient en doute votre insistance auprès
de M. Magnard.
Or, après le refus du dit M. Magnard d'insérer les annonces
payantes de La Maison Tellier j'étais si bien persuadé
que votre article ne passerait point que je l'ai dit à plusieurs
personnes, avant même que vous eussiez fait cet article. Depuis
lors on m'a parlé souvent de cet article refusé, j'ai
exprimé mon ennui assurément, mais avec mon entière
reconnaissance pour vous et ma certitude que malgré vos instances
réitérées l'article ne passerait point, grâce
à Magnard.
Cette chronique de ce matin m'exaspère. C'est stupide et ridicule.
On va me prêter des prétentions, des idées et
des aspirations qui seraient grotesques. Et pourquoi n'a-t-il point
parlé d'Alexis qui est assurément aussi embêté
que moi ? J'ai l'air seul en cause - C'est bête, bête
! Mais qu'y faire ? Tout serait ridicule.
Je sais bien que vous vous fichez pas mal de tout cela mais moi cela
m'ennuie et j'ai voulu vous le dire.
Je vous serre bien affectueusement les mains et je vous prie de présenter
à Madame Zola mes compliments empressés et respectueux.
GUY
DE MAUPASSANT