A
ÉMILE ZOLA
[Juin
ou juillet 1880.]
Cher
Maître et ami,
Meyer1, depuis quinze jours, me persécute pour que je promène
mon bonhomme Patissot dans des intérieurs d'artistes et que
je commence par vous. Je ne voulais pas, lui affirmant que cela pourrait
vous ennuyer. Il m'objecte qu'on a déjà fait tant d'articles
sur vous qu'un de plus ou de moins ne vous gênera guère.
Comme cela me paraît vrai j'ai cédé. Je vous dis
la chose pour que vous sachiez comment j'ai été amené
à faire cet article où je me suis bien gardé
de rien mettre d'intime et que j'ai eu soin de faire comme s'il était
d'un étranger afin qu'il ne prêtât à aucune
critique. C'est un simple coup d'il chez vous sans aucune appréciation
d'aucune sorte. Je commence d'ailleurs par la maison de Meissonnier,
à Poissy, que je fais absolument dans la même note. Cela
me permettra ensuite d'aller chez d'autres que j'apprécierai
plus librement, mais dans un sens différent2.
Je vous serre les mains, en vous priant de présenter toua mes
hommages et mes compliments à Madame Zola.
GUY
DE MAUPASSANT
1 Arthur Meyer, directeur du Gaulois.
2 Le 21 mai 1880, Maupassant avait commencé, dans le Gaulois,
une série de chroniques, qui ont été réunies,
après sa mort, dans le volume intitulé Les Dimanches
d'un Bourgeois de Paris (1901). L'article concernant Meissonnier et
Zola est intitulé Deux Hommes célèbres.