A
GUSTAVE FLAUBERT
MINISTÈRE
DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
ET DES BEAUX-ARTS
SECRÉTARIAT
1er BUREAU
Paris [février 1880.]
Mon bien cher Maître,
Charpentier, que je viens de voir, m'a dit que mon volume était
reçu, archireçu, et que je pouvais compter paraître
avant le printemps. Merci.
Nous n'avons pas au ministère de bibliothèque pédagogique.
La nôtre ne se compose que de documents administratifs, recueils
de lois, de décrets, d'arrêtés, ouvrages politiques
et « vomissements économiques ». Mais je vais savoir
quelle grande bibliothèque de Paris a la spécialité
des ouvrages relatifs à l'enseignement, et je m'y rendrai.
Je vous envoie un modèle de demande pour M. Turquet ; c'est pompeux
avec intention, je connais l'homme que la sonorité des mots :
« Gloire Nationale », « Patrie », « Maître
de la sculpture moderne » font toujours vibrer.
Je me charge de remettre cette demande, et j'ai la conviction que le
marbre vous sera donné.
Je vous dirai, d'ici à 5 ou 6 jours si vous pouvez compter sur
moi aux jours gras. Je crois que « oui » cependant.
Je vous enverrai demain ou après-demain les épreuves de
ma nouvelle Boule de Suif, en vous priant de les lire. Je ne puis faire
que des changements de mots, car nous nous sommes tous engagés
à ne pas changer le nombre de lignes, ce qui bouleverserait tout
le volume. Mais l'épithète est une chose grave qui peut
toujours être modifiée.
Je vous enverrai aussi un volume qu'Hennique m'a chargé de vous
remettre et un discours du coiffeur Lespès, uvre que j'ai
découverte dans un cabinet public.
Je vous embrasse tendrement, mon bien cher Maître. Tout à
vous.
GUY DE MAUPASSANT1
Le Château
des Curs fait très bien.
1 Cf. réponse
de Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome VIII, N° 1940)
: « ... je considère Boule de suif comme un chef-d'uvre...
»
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