Guy De Maupassant

« Et, dans la suite des temps, ceux qui ne le connaîtront que par
ses œuvres l'aimeront pour l'éternel chant d'amour qu'il a chanté à la vie »
Émile Zola

Correspondance (1886)

A Octave Mirbeau

A OCTAVE MIRBEAU

10, rue de Montchanin.
[1886.]

Mon cher Mirbeau,
Qu'est-ce qui te prend de m'engueuler ? Peu m'importe au fond d'être engueulé mais ce qui m'embête c'est d'être suspecté de faire de la réclame pour une chose qui m'ennuie par elle-même plus que tu ne peux croire.
J'ai reçu cinq traites signées de mon nom, faites par l'homme que je cherche à faire arrêter par tous les moyens possibles. Et je voudrais bien savoir comment tu t'y prendrais à ma place ?
Or je sais son nom, son âge, son signalement. J'ai plus de cent témoins qui l'ont vu opérer en le prenant pour moi1. - Sans compter que dans beaucoup de villes du midi on est persuadé que le filou, c'est moi.
Le parquet connaît cet homme, sa famille, toute sa vie. - Que faut-il de plus ? Il me semble que, étant données les relations que nous avons eues ensemble jusqu'ici tu aurais pu, au moins, t'assurer de la vérité de la chose avant de formuler ce qui n'était chez toi qu'un soupçon.
J'ai le dossier de l'homme à ta disposition avec les preuves !
Je regrette que tu attaches si peu de prix à une camaraderie ancienne, que tu trouves amusant de la rompre pour le plaisir seul de manifester des doutes sur la véracité d'un ami qui ne t'avait jamais donné, je crois, l'occasion de suspecter son affection ou sa sincérité.
Je te serre la main.

GUY DE MAUPASSANT


Voir la lettre N° 431.