A
SON PÈRE
La Guillette
(Étretat).
[Été 1884.]
Mon
bien cher père,
Les nouvelles de ma mère sont médiocres. Il paraît
qu'elle a perdu tous ses cheveux et que ses pieds sont encore tout à
fait enflés.
Il est certain que cette crise terrible, dont elle aura grand mal à
se relever, ne vient que de ses préoccupations pour Hervé
et de ses soucis d'argent. Et d'un autre côté, dans l'état
où elle est, on ne peut la laisser seule. Il faut donc qu'Hervé
reste là-bas.
Tu dois avoir entre les mains le permis pour Nice que le Figaro t'a
envoyé pour moi et que tu avais déposé chez ton
concierge. Ne le perds pas car tu sais que cela représente 250
francs de voyage, et j'ai envie, à l'occasion du mariage de Catherine
d'aller jusqu'à Cannes voir, en vérité, comment
elle va.
Elle ne s'est pas du tout arrêtée à Nice. Elle est
maintenant Villa Mon-Plaisir boulevard d'Alsace. Cannes.
Ne crains rien pour le calorifère. Nous avons laissé avec
intention la cloison de bois ; la cuisine étant inhabitable pour
le froid et l'humidité. Quant aux conduites de chaleur qui traversent
les caves, il y a si peu de danger que ces mêmes tuyaux enferment
ordinairement ceux de l'eau et du gaz sans les échauffer. Il
y a quatre enveloppes.
Yvette paraîtra, je pense, avant le jour de l'an, mais je ne m'en
occupe guère, cette petite nouvelle n'ayant pas de valeur, et
étant faite uniquement pour le public niais du Figaro.
Je travaille à mon roman mais j'ai bien du mal à avancer
avec les préoccupations que j'ai pour ma mère, et des
dérangements incessants comme le mariage de Catherine.
Adieu, mon bien cher père, je t'embrasse de tout cur.
Ton
fils,
GUY DE MAUPASSANT
Pourquoi
as-tu besoin d'un reçu spécial pour le bureau puisque
c'est de l'argent à moi, qui n'a pas passé par la maison
Évrard, la somme étant remplacée aujourd'hui même
[Collection particulière.]
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